Hommage lors de la cérémonie religieuse à la mémoire de Mme Geneviève de GAULLE-ANTHONIOZ.

Hommage prononcé par M. Jacques CHIRAC, Président de la République, lors de la cérémonie religieuse à la mémoire de Mme Geneviève de GAULLE-ANTHONIOZ.

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Cathédrale Notre-Dame, Paris, le samedi 9 mars 2002

Il est des lumières qui ne s'éteignent pas. Il est des êtres d'exception qui ne nous quittent pas. Demeurent leur voix, leur regard, leur exemple, leur message. Geneviève de GAULLE-ANTHONIOZ est partie et pourtant, elle est toujours près de nous, avec nous. Elle nous parle de tolérance, d'amour des autres. Elle nous parle de résistance et d'indignation. Elle nous parle de liberté et de dignité.

Beaucoup de femmes et d'hommes ont le sentiment de l'injustice, de l'inacceptable. D'autres, peu nombreux, vont au-delà, prenant des risques, donnant leur temps, leur vie, leur chaleur, pour que se déploie le meilleur de l'homme et non le pire. Très tôt, et comme naturellement, Geneviève de GAULLE-ANTHONIOZ a fait ce choix.

Elle y a été portée par des traditions familiales, le sens de l'honneur et du devoir, l'amour de la patrie, un nom "de Gaulle", qui est la France même et qui oblige. Elle y a été portée, aussi et surtout, par une certaine idée de la personne humaine, qui rend intolérables l'humiliation, l'abaissement, la servitude, la haine de l'autre, le mépris. Cette idée, qui était d'abord une foi et une espérance, elle a su l'incarner tout au long de sa vie.

La marque des êtres d'exception est de rester fidèle à leur idéal de jeunesse, sans compromis ni renoncement. Geneviève de GAULLE-ANTHONIOZ fut l'exemple de cette fidélité. Entre la jeune femme d'une vingtaine d'années, membre du réseau du Musée de l'Homme, qui signait "Gallia" dans les journaux de la Résistance et qui participa à la création du futur maquis des Glières. La déportée de Ravensbrück, partie le 30 janvier 1944 dans le convoi des 27 000. La co-fondatrice de l'Association des anciennes déportées et internées de la Résistance, qui s'efforçait de rendre à la vie et à la santé les rescapées des camps. L'épouse de Bernard ANTHONIOZ, éditeur et résistant lui-même, qui joua un rôle éminent dans le rayonnement culturel de notre pays. La militante passionnée d'ATD Quart-Monde qui, aux côtés du Père WRESINSKI, lutta sans relâche pour la dignité des plus pauvres, il y a une absolue continuité, une absolue identité. C'est le même courage. La même volonté de résister, de dire non. La même fraternité des actes. La même capacité à faire naître la lumière de l'obscurité, l'amour de la haine, la noblesse de l'humiliation. C'est la même opiniâtreté et la même exigence dans l'action.

Car Geneviève de GAULLE-ANTHONIOZ fut une femme d'action et une combattante.

Combat contre l'occupant nazi, bien sûr, comme tous les membres de la famille de Gaulle, qui, tous, s'engagèrent dans la Résistance ou dans les Forces Françaises Libres. Qui, tous, entendirent l'Appel du 18 juin.

Combat contre la barbarie, la négation de la personne humaine, dans les camps de la mort. Avec d'autres femmes admirables, avec Germaine TILLON et sa mère, Anise POSTEL-VINAY, Marie-Jo CHOMBARD DE LAUWE, Jacqueline d'ALAINCOURT et tant d'autres, Geneviève de GAULLE-ANTHONIOZ montra que là où subsistent la solidarité, l'entraide, la compassion, la flamme de l'humanisme ne peut s'éteindre tout à fait.

Combat, enfin, contre la misère, l'exclusion, qui privent tant de femmes et d'hommes de leurs droits les plus élémentaires, droit d'élever leurs enfants, droit de vivre dans la dignité. Sur les visages des habitants des bidonvilles, rencontrés en octobre 1958, quand elle alla voir pour la première fois le Père WRESINSKI à Noisy-le-Grand, Geneviève de GAULLE-ANTHONIOZ reconnut le désespoir, l'humiliation, le sentiment d'abandon et de détresse qui marquaient les visages émaciés de Ravensbrück. Ce fut le même appel. Un appel de l'âme.

Aujourd'hui, cette grande dame nous a quittés. Une nouvelle étoile brille dans notre ciel, mais nous n'entendrons plus sa voix, cette voix ferme et tranquille qui s'est élevée en 1997 au sein de l'Assemblée nationale pour défendre le principe et les objectifs de la loi contre l'exclusion.

Mais son message, lui, résonne fortement dans nos coeurs.

Message de fraternité. Il nous dit qu'une société ne peut se prétendre civilisée, développée, si elle laisse nombre de ses enfants au bord du chemin, enfermés dans cette prison sans barreaux qu'est l'assistance. Que chaque femme, chaque homme est notre semblable, et qu'il n'existe pas de détresse qui ne se puisse soulager.

Message de fidélité. Il nous dit que les seules convictions qui vaillent sont celles qui éclairent toute une vie, qui constituent le socle sur lequel un destin se construit.

Message de confiance. Dans les pires noirceurs, les pires épreuves, nul n'a le droit de désespérer de l'homme. Une parole échangée, une main tendue, une émotion partagée suffisent à vaincre un instant la barbarie, à faire reculer la solitude, la souffrance. C'est l'espérance, alors, qui s'avance.

Ce message, je souhaite que nous le méditions. Puisse Geneviève de GAULLE-ANTHONIOZ nous montrer la voie de l'exigence, de la générosité, de l'engagement et de la noblesse du coeur.





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