Intervention du Président de la République lors de la session à huis clos des chefs d'État et de gouvernement au Mexique.

Intervention de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, lors de la session à huis clos des chefs d'État et de gouvernement.

Imprimer

Monterrey, Mexique, le vendredi 22 mars 2002

Mesdames et Messieurs les chefs d'État et de Gouvernement,

Avec la mondialisation, nos destins sont liés. Nous ne pouvons plus vivre dans l'ordre ancien où chacun faisait ce qu'il voulait. Nous devons construire une nouvelle architecture internationale, avec pour maître-mots le partenariat et la solidarité.

Le partenariat, parce que l'interdépendance entre nos pays impose à chacun une responsabilité collective. La situation des pays du nord affecte les pays du sud. Qu'il s'agisse du dynamisme de l'économie mondiale ou de l'équilibre écologique, cette responsabilité doit être reconnue.

À l'inverse, la situation des pays du sud affecte les pays du nord. La persistance de la grande pauvreté entretient une instabilité préjudiciable à la paix mondiale et peut aggraver les désordres du monde. À l'inverse, l'économie mondiale bénéficie de la croissance rapide des pays émergents.

Affirmer que nous sommes partenaires n'est pas sans conséquences.

Cela suppose tout d'abord que nous acceptions l'idée d'égalité. Entre partenaires, il peut y avoir des différences de richesse ou de potentiel, mais il n'y pas de différence de nature. Les partenaires prennent des décisions ensemble. Nous devons travailler à la démocratisation de la vie internationale. Le moment me paraît venu de créer, dans le domaine économique et social, une sorte de Conseil de sécurité. Cet organe serait chargé de donner une cohérence et une impulsion politique à l'ensemble des organisations internationales économiques et sociales.

Être partenaires suppose ensuite que nos sociétés se pénètrent de l'idée du respect qu'elles se doivent. La mondialisation ne saurait se traduire par l'affirmation d'un modèle unique. Bien souvent, nos sociétés se sentent remises en cause et craignent que leur identité se dissolve. Il faut se prémunir contre ce risque en donnant plus de place au dialogue des cultures et en affirmant la diversité culturelle comme un principe fondamental de la vie internationale.

Le partenariat implique enfin l'idée de contrat. Nous devons nous entendre sur les valeurs de la nouvelle société internationale et les objectifs que nous voulons atteindre ensemble.

Lors du Sommet du millénaire, nous avons pris des engagements ambitieux pour le développement. Réduire de moitié la pauvreté d'ici 2015. Assurer à tous, filles et garçons, l'accès à l'éducation. Nous avons reconnu qu'il s'agit d'objectifs globaux qui doivent être traités globalement, et non pas de problèmes strictement nationaux que chacun peut régler à lui seul.

Dans les prochains mois, ce partenariat peut se concrétiser dans trois domaines.

Tout d'abord l'Afrique. Ce continent, qui a particulièrement souffert dans l'histoire, mérite tout notre soutien au moment où il choisit de prendre en main son destin. Fin juin à Kananaskis, le G8 doit adopter un plan d'action pour appuyer concrètement la nouvelle initiative pour l'Afrique. Nous devons aborder cette étape avec autant de générosité que d'exigence.

Nous apprécions que les pays africains s'engagent sur la bonne gouvernance, la paix, l'incitation à l'initiative privée, la sécurité des biens et des personnes. Nous apprécions qu'ils préparent un système de discipline collective qui favorisera le respect des bonnes pratiques.

En contrepartie, l'appui des pays industrialisés à l'Afrique doit être généreux et apporter à ce continent l'aide et les capitaux qui lui permettront de décoller.

La deuxième percée, nous pouvons la réaliser à Johannesburg, au mois d'août prochain. La perspective à laquelle nous sommes confrontés, si nous poursuivons sur notre lancée, c'est de passer dans l'histoire comme la génération qui aura saccagé la planète, peut-être de façon irrémédiable.

Nous devons donc conclure un partenariat pour le développement durable, c'est-à-dire un engagement politique et financier qui renouvelle celui de Rio. Nous établirons les objectifs que nous voulons atteindre pour protéger notre environnement et nous identifierons les ressources nécessaires à cette fin. Et nous avons besoin d'une Organisation mondiale de l'environnement.

J'en viens à la troisième percée possible. Elle concerne les ressources et les biens publics mondiaux.

Grâce au Président FOX, nous avons avancé. Je salue l'annonce faite par le Président BUSH, qui a décidé de proposer au Congrès une augmentation de cinq milliards de dollars de l'aide américaine. À Barcelone, les Européens ont décidé d'atteindre 0,39 % en moyenne en 2006.

Vous connaissez mon engagement personnel. Je considère que la France doit donner l'exemple et faire davantage. Elle pourrait se fixer comme objectif intermédiaire 0,5 % dans cinq ans.

Par ailleurs, je propose que nous organisions, dans le prolongement des tables rondes de Monterrey, une réflexion internationale, avec des experts des États, des scientifiques, des ONG, pour défricher de façon opérationnelle et sans a priori l'idée d'une taxation internationale pour financer les biens publics mondiaux.

Car il est clair que nous devons aujourd'hui défendre un intérêt général du monde. La stabilité financière, la qualité de l'environnement, le combat contre les grandes pandémies, la sécurité quotidienne ou la lutte contre la drogue ne sont plus seulement des objectifs nationaux ou régionaux. Ce sont des biens publics mondiaux qu'il nous appartient de gérer collectivement, avec des moyens partagés.

Mes chers collègues,

J'attends beaucoup de notre réunion. Je félicite le Président FOX, qui a eu raison de nous inviter ainsi à huis clos. Peut-être le Président MBEKI jugera-t-il utile de s'inspirer de cette initiative lors du Sommet de Johannesburg au mois d'août prochain. Car telle est bien notre responsabilité : donner ensemble les impulsions qui permettent d'aller au-delà et de progresser plus vite au service de nos idéaux partagés.

Je vous remercie.





.
dépêches AFPD3 rss bottomD4 | Dernière version de cette page : 2004-07-27 | Ecrire au webmestre | Informations légales et éditoriales | Accessibilité