Allocution du Président de la République à l'occasion de la visite officielle en France de M. George W. BUSH, Président des États-Unis d'Amérique.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion de la visite officielle en France de M. George W. BUSH, Président des États-Unis d'Amérique.1

Sainte Mère l'Église, Manche, le lundi 27 mai 2002

Monsieur le Maire, Monsieur le Président des États-Unis d'Amérique,

Dear George and dear Laura,

C'est pour moi un honneur et une très grande joie de vous accueillir en Normandie, terre de souvenir et d'émotion. En juin 1944, le destin de la France et de l'Europe, mais aussi la cause de la liberté dans le monde se sont joués ici.

Vous voici à Sainte-Mère-Église, première commune libérée de France continentale, théâtre de violents combats et du sacrifice héroïque de centaines de parachutistes américains. Chacun connaît la geste légendaire des 82e et 101e divisions aéroportées américaines en cette nuit du 6 juin 1944, ici, nuit qui sonna le début de la Libération.

Puis vous vous rendrez au cimetière de Colleville, lieu de recueillement et de mémoire, où des milliers et des milliers de jeunes Américains reposent, sous des croix blanches ou des étoiles de David. Il surplombe, ce cimetière, l'océan et ces plages où débarquèrent les Alliés sous un déluge de feu.

Jamais nous n'oublierons. Jamais nous n'oublierons ces morts au champ d'honneur, ces milliers d'hommes, souvent de très jeunes gens, qui ont donné leur vie pour la Libération, contre la barbarie. Et je salue leur mémoire.

Je salue les anciens combattants et les vétérans, nombreux présents ici, qui se sont rassemblés, Américains, Français, de nouveau réunis, comme ils l'étaient sur le champ de bataille. Je veux leur dire, en présence du Président des États-Unis d'Amérique, la dette de la France, la reconnaissance du monde libre.

Leur dire que le sacrifice des morts, leur dire que leur combat victorieux, nous obligent !

Enfants de Normandie présents ici qui participez à cette cérémonie, souvenez-vous toujours des journées héroïques du Débarquement. Souvenez-vous que vos droits, vos libertés, la démocratie sont des valeurs sacrées et toujours menacées. Soyez prêts à les défendre car ce qui vous semble aujourd'hui naturel, comme l'air que l'on respire, a été conquis par le combat acharné de vos pères, déterminés à se battre pour leur idéal et pour un monde meilleur.

Monsieur le Président, la France sait ce qu'elle doit à l'Amérique. Dans cette région chargée d'histoire, je veux vous dire notre gratitude. Gratitude pour tous les soldats qui ont versé leur sang sur une terre qui n'était pas la leur. Gratitude pour tous ceux qui vinrent défendre, au péril de leur vie, des valeurs également chères à nos deux nations : la paix, la liberté, la démocratie, la dignité de l'homme, la tolérance, le respect de l'autre.

Voici plus de deux siècles, l'amitié entre nos deux pays était scellée dans l'acte fondateur de votre grande nation. La France des Lumières s'enthousiasma pour votre guerre d'indépendance et combattit à vos côtés. Car une lumière nouvelle, celle de la liberté, de l'égalité et de l'espérance d'un monde plus juste s'allumait à l'époque à Boston et à Philadelphie.

Puis vint la Révolution française, soeur de votre Révolution. L'une et l'autre sont traversées par les mêmes figures familières et glorieuses. Celle de La Fayette, héros des deux mondes. Celle de Franklin, champion de la liberté. Celle de Jefferson, ministre des Etats-Unis en France au moment de la Révolution et père de la Déclaration d'indépendance américaine.

Grâce à cette fraternité séculaire, nous nous sommes toujours retrouvés, par-delà nos différences, quand nos valeurs étaient en cause, quand une certaine idée de l'homme et de ses droits était menacée.

L'histoire en porte témoignage. Chaque fois que l'essentiel est en jeu, vous pouvez compter sur nous comme nous savons pouvoir compter sur vous. Ce fut le cas lors des deux guerres mondiales qui ont dévasté le siècle passé. Ce fut le cas lors des grandes crises qui ont suivi, de la fracture de Berlin à notre engagement commun dans les Balkans.

Et aujourd'hui encore, nos deux pays luttent ensemble contre la barbarie terroriste qui, au matin du 11 septembre, a si cruellement endeuillé l'Amérique. Une barbarie qui vient de frapper à nouveau au Pakistan, tuant et blessant des Français. Une barbarie que rien ne peut excuser, qui nous révolte et que nous sommes déterminés à éradiquer.

Ce combat est celui de la tolérance et de l'humanisme. Nous le poursuivons ensemble. Et ensemble, nous le gagnerons. Car les démocraties sont toujours plus fortes que la force brutale.

Elles sont plus fortes parce qu'elles portent un idéal et des valeurs qui donnent espoir aux hommes du monde entier. Parce qu'elles s'appuient sur la justice et sur le droit. Américains et Français ont en partage cette aspiration à l'universalité, c'est-à-dire la foi enracinée dans l'égale dignité de tous les hommes, d'où qu'ils viennent, et dans l'aptitude de chacun à trouver la voie de son épanouissement.

En rendant hommage aux combattants de la liberté de 1944 comme en luttant aujourd'hui contre le terrorisme, nous récusons le fanatisme, l'exclusion de l'autre, le racisme, la xénophobie. Nous sommes fidèles à l'engagement de nos pères, unis contre les totalitarismes. Nous affirmons notre foi dans un monde ouvert et tolérant. Nous sommes confiants dans l'avenir de l'humanité, dans les promesses d'un monde plus uni, plus libre. Un monde qui doit être plus solidaire, riche de la diversité de ses cultures et de ses peuples.

Forts de leurs cheminements séculaires vers la paix, la démocratie, la prospérité, les États-Unis et la France, les États-Unis et l'Europe, doivent s'engager ensemble, en partenaires, dans l'éradication de ces fléaux qui forment le terreau des guerres et des haines. Car ne nous y trompons pas, nos ennemis d'aujourd'hui sont aussi la misère et l'oppression, les conflits enkystés. C'est aussi le scandale du sida ou les atteintes graves portées au patrimoine écologique de notre planète.

Voilà pourquoi nos armes aujourd'hui ont aussi pour nom le progrès économique et la solidarité internationale, l'éducation et la santé pour tous, l'invention de nouveaux modes de production et de consommation. C'est l'affirmation partout du droit international et le choix du dialogue.

Monsieur le Président, les Français savent la force symbolique de ce 27 mai, Jour du Souvenir, Memorial Day, jour où l'Amérique rend hommage à ses soldats et la France s'associe à cette célébration par ma voix. Je suis heureux de vous dire à nouveau l'amitié profonde du peuple français, son émotion, sa grande émotion à vous voir ici, en l'honneur de tous ces soldats tombés contre le nazisme, de tous ces soldats victorieux du nazisme.

Ensemble, il nous revient d'écrire le nouveau chapitre de l'histoire de la liberté. Nous le ferons en leur mémoire.

Vive les États-Unis d'Amérique, Vive la France.





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