Hommage du Président de la République à la mémoire de M. Léopold Sédar SENGHOR.

Hommage de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à la mémoire de M. Léopold Sédar SENGHOR.

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Eglise Saint-Germain-des-Prés, Paris, le mardi 29 janvier 2002

Le poète francophone, l'homme d'État sénégalais, le chantre inspiré de la négritude, l'agrégé de nos universités, le ministre de la République, l'Académicien dont nous saluons la mémoire aura illustré la vocation de la France à l'universalisme et aussi ses liens profonds du coeur avec le continent africain. Léopold Sédar SENGHOR était noir de peau, cerère de souche avec du sang peul et malinké dans la belle mémoire de ses veines. Enfantée par l'esprit et le lyrisme de son peuple, sa poétique a épousé la tradition littéraire occidentale pour produire des incantations d'une force, d'une texture, d'une tonalité inédites. Puisé aux deux sources de la fierté et de l'humiliation, son patriotisme sénégalais, quoique intransigeant, s'enrichissait d'un amour fervent pour la France.

Et cet amour nous honore et nous oblige.

Le dieu catholique auquel Léopold Sédar SENGHOR adressait des suppliques touchantes irradie l'âme des musulmans autant que celle des animistes. Aucun témoin majeur de l'histoire tourmentée du XXe siècle n'aura plus magistralement exprimé, dans sa vie et dans son oeuvre, les vertus du métissage.

À cet égard, Léopold Sédar SENGHOR aura été un visionnaire. Son Verbe, propagé par les alizés de Joal, annonce à tous les peuples le printemps d'un humanisme planétaire éclos dans le chatoiement des diversités culturelles.

Pour nous, Français, le message de Léopold Sédar SENGHOR c'est d'abord une invitation à ne jamais succomber aux tentations du repli. La France chère à son âme, par delà les aléas du colonialisme et les horreurs du racisme, la France où reposent d'innombrables combattants sénégalais morts pour défendre notre liberté ne peut pas et ne veut pas oublier ce qu'elle doit à l'Afrique.

En relisant ces vers admirables, en méditant la grandeur de ce destin, la nécessité d'une communauté francophone de plus en plus soudée, de plus en plus complice et de plus en plus active, s'impose comme une évidence. La France ne l'oubliera pas. Je sais que le Sénégal n'y est pas moins attaché.

C'est avec respect, émotion et fierté, que je m'incline devant la mémoire de Léopold Sédar SENGHOR, en présentant le témoignage de mon amitié à sa veuve et aux membres de sa famille. Permettez-moi aussi d'associer à cet hommage la mémoire de Georges POMPIDOU, son ami, son "plus-que-frère", selon ses propres termes, dans l'élégie qu'il lui dédia après sa mort :

" Toi qui à la porte du Paradis entrevois la béatitude, dis-moi ami, est-ce comme cela le ciel ? Y a t-il des ruisseaux de lait serein, de miel radieux au milieu des cèdres··· " ?

Léopold Sédar SENGHOR, plus que frère de la France, sache que ton autre patrie te voue une gratitude et une admiration qui l'ennoblit.