Discours du Président de la République en réponse aux voeux des armées.

Discours de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, en réponse aux voeux des armées.

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Palais de l'Elysée, le vendredi 4 janvier 2002

Monsieur le Premier ministre, Monsieur le ministre de la Défense, Monsieur le ministre, Mon Général, Mesdames, Messieurs.

Je vous remercie, mon Général, des voeux que vous venez d'exprimer et auxquels j'ai été, vous l'imaginez, très sensible.

Et je vous demande, à mon tour, de transmettre aux militaires des armées et de la Gendarmerie ainsi qu'au personnel civil de la défense, les voeux très chaleureux que je forme pour eux-mêmes et pour leur famille.

Ces voeux s'adressent d'abord aux proches de ceux qui ont donné leur vie au service de la France et à tous les militaires blessés en service commandé au cours de l'année écoulée. Je tiens à les assurer de mon soutien et de mon affection. La communauté nationale a envers eux un impérieux devoir moral et matériel auquel l'institution de défense veille et doit veiller.




J'avais souhaité, il y a un an dans ces lieux, que l'année 2001 soit celle de la consolidation ou de l'approfondissement dans trois domaines essentiels pour nos armées, la construction de l'Europe de la défense, que vous avez évoquée, la professionnalisation et la programmation militaire.

Dans ces trois domaines, comme vous l'avez rappelé, des progrès ont été réalisés, sans qu'on puisse considérer que tous les objectifs, naturellement, aient été atteints. Les événements de ces derniers mois leur donnent un nouvel éclairage et en accentuent l'urgence.

Les attentats du 11 septembre et l'action militaire qui s'en est suivie ont en effet modifié la perception, par les États comme par les peuples, de leur environnement de sécurité. Ils ont durablement affecté les équilibres et les rapports de force internationaux.

Confrontés à ces nouveaux défis et soucieux que la France y apporte une réponse à la hauteur de son destin, nos compatriotes ont pris une conscience plus aiguë des impératifs de sécurité et de défense et des moyens qu'ils exigent.

L'Europe de la défense leur est apparue, plus que jamais, comme une nécessité incontournable mais aussi comme un but encore lointain et, disons les choses, difficile à atteindre. Déclarée opérationnelle à Laeken, la capacité européenne de gestion militaire des crises doit encore faire ses preuves sur le terrain. Les progrès réalisés sont pourtant indiscutables, indéniables. Les structures sont en place, les moyens sont recensés, les lacunes identifiées et les membres de l'Union se sont engagés à améliorer leurs contributions.

Mais les procédures restent à valider, notamment avec l'OTAN. Parallèlement, l'Union doit acquérir les capacités d'agir, le cas échéant, avec ses propres moyens. Nos efforts doivent se poursuivre, en étroite concertation avec nos principaux partenaires. L'Union européenne doit être prête, dans les mois à venir, à prendre la responsabilité de la gestion globale d'une crise sur notre continent.

Le deuxième objectif que je vous fixais concernait l'achèvement de la professionnalisation. Il s'agissait de consolider les acquis des années précédentes, en préparant la fin de la conscription.

C'est chose faite, avec quelques mois d'anticipation. Faite, et bien faite. Le service national qui avait été, pendant un siècle, le fondement de notre organisation de défense, est aujourd'hui suspendu. Cette réforme, indispensable pour adapter nos armées à leur nouveau contexte d'emploi, constitue un tournant majeur dans l'histoire militaire de notre pays. Il reste à faire vivre cette armée professionnelle en sachant attirer et conserver les jeunes Français désireux de servir leur pays sous les armes. Nous n'y parviendrons qu'au prix d'un effort constant dans tous les domaines, effort qui devra se traduire notamment par la création d'un fonds de consolidation de la professionnalisation d'usage souple et naturellement suffisamment provisionné.

C'est l'un des enjeux de la future loi de programmation militaire dont je vous disais l'an dernier qu'elle exprimerait l'ambition que nous avons pour la France.

Un projet de loi a été adopté en juillet dernier en Conseil des ministres. Il doit être encore soumis au Parlement. Ce projet maintient l'objectif du modèle d'armée 2015 et prend en compte une partie des enseignements des opérations aériennes du Kosovo. Il préserve également le format et le niveau d'entraînement de nos forces.

Calculé certes au plus juste, ce projet de loi apporte néanmoins des garanties indispensables pour les armées qui ont besoin d'un cadre de référence, alors que s'achève l'exécution de la loi 1997-2002.

En revanche, le budget d'équipement des armées pour 2002 est, de nouveau, largement en deçà des engagements pris à la revue des programmes de 1998. Le niveau de ces crédits est également très loin de celui qui est prévu pour 2003 dans le projet de loi de programmation.

Et, en tant que chef des armées, j'estime qu'un effort doit être fait dès cette année pour ne pas retarder la modernisation indispensable des équipements militaires.

Les événements tragiques de ces derniers mois nous ont rappelé l'impérieuse nécessité de ne pas baisser la garde. Il en va de notre sécurité, il en va aussi du statut de la France en Europe et dans le monde.


J'ajoute, comme je l'ai dit maintes fois depuis deux ans, que l'on ne fera pas l'économie d'une vraie revalorisation de la condition militaire.

La crise très grave que vient de connaître la Gendarmerie, et qui a conduit certains à se mettre en rupture avec les règles du statut militaire, a mis en évidence aux yeux de tous l'évolution des esprits dans un milieu longtemps considéré comme immuable. Cette crise a traduit à sa manière un sentiment de frustration commun à l'ensemble du monde militaire, sentiment fondé sur la crainte que les armées ne reçoivent pas des pouvoirs publics la même attention et la même considération que les autres corps de l'État.

Je me suis déjà exprimé sur cette crise et j'ai rappelé ce que la République et l'ensemble des Français devaient à leurs militaires, mais aussi ce qu'ils en attendaient.

Il nous faut maintenant tirer les leçons de cet épisode à tous égards douloureux.

L'armée professionnelle, qui s'est bâtie progressivement au cours de ces quatre dernières années, est à la fois moins dépendante de la société civile, et à certains égards plus proche, que ne l'était l'armée de conscription. Plus homogène, unie par des valeurs communes, elle est aussi davantage féminisée et ouverte à tous les courants de la société. Les aspirations et les exigences des militaires sont, plus qu'autrefois, très semblables à celles de l'ensemble de nos concitoyens.

Cette évolution inévitable appelle, compte tenu des spécificités et des contraintes du métier des armes, une réflexion approfondie sur la fonction militaire. Elle devra porter en priorité sur les statuts des armées et de la Gendarmerie, qui doivent être adaptés à l'évolution des esprits et de la société et à leur nouveau contexte d'emploi.

Ces réflexions doivent être conduites sans réticence, mais sans perdre de vue les principes fondamentaux qui régissent la fonction militaire, l'observation des lois, la discipline et une disponibilité sans limites. Ce sont ces principes qui donnent au métier militaire sa noblesse et son efficacité. Ce sont eux qui vous valent le respect et l'estime de la nation.

Les sujétions et les contraintes qui en découlent doivent, en revanche, être reconnues à leur juste valeur et compensées comme il se doit, selon des règles équitables et qui s'appliquent à tous.

Dans l'immédiat, je souhaite que les débats bien engagés à l'initiative du ministre de la Défense, au sein des instances de concertation de chaque armée, permettent de trouver des solutions aux problèmes les plus urgents. Mais il serait dommageable que le financement de ces mesures s'exerce au détriment du budget d'équipement des forces. N'oublions pas qu'une armée professionnelle tire sa fierté et son efficacité du service d'armements modernes, performants et en état.




Mon Général, Mesdames, Messieurs, les armées sont aujourd'hui encore largement engagées, vous l'avez évoqué, mon Général, sur les théâtres extérieurs et sur le territoire national.

En cette période de festivités et de rassemblements familiaux, je tiens à rendre hommage à tous les militaires des trois armées et de la Gendarmerie, qui servent notre patrie avec courage et dévouement, loin de leurs foyers.

Les Français connaissent les sacrifices consentis et ils savent qu'ils peuvent compter sur vous.

Pour ma part, en vous renouvelant mes voeux les plus chaleureux, je vous exprime mon estime et ma confiance.

Je vous remercie.





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