Intervention du Président de la République lors de l'ouverture de la réunion sur le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique.

Intervention de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, lors de l'ouverture de la réunion sur le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique.

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Paris, le vendredi 8 février 2002

Messieurs les Présidents Messieurs les Premiers Ministres, Messieurs les Ministres, Mesdames et Messieurs,

Je voudrais tout d'abord vous souhaiter la plus cordiale des bienvenues et vous dire tout le plaisir que j'ai à vous accueillir ici, au Palais de l'Élysée. Et je vous remercie d'avoir répondu à mon invitation.

Nous voici donc réunis pour nous concerter sur le "Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique", le NEPAD.

Au préalable, permettez-moi de vous dire pourquoi j'ai souhaité cette réunion, en accord bien entendu avec chacun d'entre vous, et de vous présenter quelques réflexions sur les travaux qui devraient être conduits entre nous.




Alors que l'aide internationale décline de façon inacceptable et que l'écart avec le reste du monde se creuse, une approche nouvelle du développement de l'Afrique est en train d'émerger. Cette approche suscite beaucoup d'espoirs. De la notion politique de la renaissance africaine ou du renouveau africain, aux premières formulations du Programme pour le Millénaire, le MAP, à l'initiative des Présidents BOUTEFLIKA, MBEKI et OBASANJO, auxquels s'associa le Président MOUBARAK, jusqu'au Plan Oméga, initié par le Président Abdoulaye WADE, on est arrivé, par maturation, puis par fusion, à la Nouvelle initiative africaine adoptée par le Sommet de l'OUA à Lusaka en juin 2001, et devenue finalement le "Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique" à Abuja en octobre dernier.

Pour ma part, au nom de la France, j'ai salué cette démarche, à ses débuts, lors du Sommet Afrique-France de Yaoundé en janvier 2001 et j'ai souhaité qu'elle devienne une référence. Elle répondait à la confiance dans l'avenir de l'Afrique que je n'ai cessé de défendre et à des appels répétés pour appuyer, par des programmes financiers soutenus et concertés, ses efforts, les efforts de l'Afrique pour la paix, pour le progrès sur le continent.

Lors du sommet du G8 de Gênes, en juillet 2001, après la présentation très convaincante faite par le Président WADE au nom de ses pairs, les pays du G8 se sont engagés en faveur du nouveau partenariat proposé par l'Afrique. Ils ont décidé d'apporter des réponses concrètes, lors de leur réunion de juin prochain, à Kananaskis au Canada, sur la base des propositions de hauts représentants spécialement désignés à cet effet. Monsieur Michel CAMDESSUS, ici présent, et que je suis heureux de saluer en notre nom à tous, a accepté cette mission pour la France.

Depuis lors, les choses ont avancé, de part et d'autre. Un dispositif s'est mis en place, avec des structures de direction et de coordination et des comités ont été chargés d'examiner plus avant les différents champs couverts par le NEPAD. Les représentants du G8 ont participé aux réunions de travail organisées à cette fin.

À mi-parcours, entre le Sommet du G8 à Gênes et celui du Canada en juin prochain, le moment paraît donc venu de recueillir les premières orientations, les premières réactions qu'elles appellent, de faire un point d'étape pour conforter, enrichir ou, le cas échéant, infléchir des propositions qui seront soutenues à Kananaskis et qui donneront en quelque sorte le point de départ de ce nouveau partenariat. Tel est le but de cette concertation informelle avec vous, MM. les chefs d'État et de Gouvernement qui êtes parmi les plus impliqués à ce jour. De leur côté, d'autres membres du G8 ont déjà procédé à des consultations analogues, et afin que tous soient informés de nos travaux, j'ai demandé au Premier ministre du Canada, mon ami Jean CHRÉTIEN, Président en exercice du G8, de bien vouloir se faire représenter ici par son "sherpa", M. FOWLER, qui assistera donc à notre réunion. Le Premier ministre britannique a exprimé également ce souhait et son représentant personnel, Madame AMOS, est donc venue se joindre à nous.




Avant de passer la parole à M. CAMDESSUS pour qu'il nous présente les premières réflexions des hauts représentants, je voudrais vous faire part de quelques questions que nous pourrions approfondir ensemble, tout en laissant naturellement à chacun d'entre vous la faculté d'aborder d'autres points qui lui paraissent devoir être évoqués.

La première de ces questions a trait à la volonté d'appropriation par les pays africains eux-mêmes de ce qu'il est convenu de ranger sous les vocables de bonne gouvernance, de paix civile, de démocratisation. C'est l'un des aspects nouveaux du NEPAD, et aussi l'un des plus prometteurs : l'engagement des Africains eux-mêmes à enraciner leur propre responsabilité pour préserver ou renforcer des valeurs, des principes, des règles, dont l'Afrique a besoin, comme le NEPAD l'a constaté lui-même, règles qui sont d'ailleurs reconnues comme des facteurs de stabilité sans lesquelles il ne peut y avoir de développement durable. Il s'agit donc de mieux appréhender les réponses envisagées par vos gouvernements, dans l'esprit même du NEPAD, pour promouvoir les comportements de paix, de démocratie et de bonne gestion des affaires publiques, et le cas échéant, pour sanctionner les déviations, comme a déjà commencé à le faire l'OUA. La question est donc : comment donner aux partenaires de l'Afrique des signaux clairs et objectifs sur le respect ou les manquements à des principes qui fondent leur engagement et qui les justifient pour leurs opinions publiques ? Comment désarmer les critiques sur l'inefficacité de l'aide publique ou son mauvais emploi, critiques qui tentent de justifier son déclin et qui doivent être sérieusement combattues ?

La deuxième question pourrait porter sur des aspects institutionnels : comment va fonctionner le NEPAD ? Comment matérialiser le partenariat qui est recherché ? Comment le NEPAD va-t-il s'insérer dans l'organisation nouvelle de l'Unité africaine ? Comment prend-il en compte la diversité des situations ? Peut-il avoir un caractère opérationnel à l'échelle du continent ? Ne faut-il pas privilégier le cadre régional ?

Troisième point, quelle va être son articulation avec les autres dispositifs et organisations qui concourent au développement de l'Afrique ? Quelles sont les implications du NEPAD dans les relations avec les organisations financières internationales, ses rapports avec les initiatives telles que celles concernant la dette ou les traitements préférentiels accordés aux pays les moins favorisés ? Comment harmoniser le NEPAD avec les accords conclus avec l'Union européenne, la Convention de Cotonou qui intègre un mécanisme de consultations politiques, le processus de dialogue Afrique-Europe engagé lors du Sommet du Caire ? Sans traiter à fond de ces différents aspects, il faut au moins avoir une vision qui fasse ressortir la valeur ajoutée du NEPAD pour donner, comme nous le souhaitons tous, plus de cohérence et d'efficacité aux actions déjà entreprises. Plus de moyens aussi.

La quatrième réflexion pourrait porter sur les aspects opérationnels du NEPAD en vue de réaliser son objectif fondamental : permettre à l'Afrique de combler des retards pour mieux s'intégrer dans l'économie du monde, relever le niveau de vie de ses populations, enclencher le développement durable. Des priorités ont déjà été ciblées : les grandes infrastructures, l'agriculture, l'énergie, l'eau, mais aussi les grands enjeux de la modernité, les nouvelles technologies, le développement humain, la formation, l'éducation, la protection de l'environnement et, naturellement, au premier rang, la santé. Des commissions techniques ad hoc ont été chargées de procéder aux études et évaluations qui s'imposent, de formaliser des projets, en prenant en compte la dimension régionale. On comprend bien la démarche inspirant le NEPAD et qui vise à traiter globalement des lacunes ou des retards, et la volonté de progrès qu'il manifeste grâce à un effort massif ne laissant aucun secteur à l'écart. L'ampleur des besoins, la complexité des questions à traiter alors que les attentes des populations pour des retombées rapides et visibles sont si fortes, implique sans doute de déterminer des priorités. Le NEPAD a suscité une espérance, il ne faut pas la décevoir. Quelles priorités faut-il donc retenir ? Comment le G8 pourrait-il donner une impulsion ? Par exemple en recommandant des concentrations d'efforts et d'actions sur des sujets prioritaires ?

Un autre point d'importance enfin, qui a été justement mis en évidence dans le NEPAD, est la nécessaire implication du secteur privé, avec, en contrepartie, l'engagement africain de mettre en place une visibilité suffisante à la bonne marche des entreprises et un environnement indispensable qui favorise le développement des investissements privés. Quels axes d'efforts faut-il privilégier en ce domaine et comment le G8 pourrait-il les appuyer ?

Voilà quelques questions que nous pourrions évoquer ce matin et les réponses que nous leur apporterons seront, je l'espère, de puissants motifs d'aller de l'avant, en déblayant des pistes et en posant les repères du contrat mutuel pour le développement qu'il faut absolument établir pour le XXIe siècle.

Je vous remercie de votre attention et je passe maintenant la parole à M. CAMDESSUS afin qu'il nous présente les points relevés à ce jour par les experts. Notre débat suivra son exposé.





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