Discours de M. Jacques CHIRAC à Saint-Cyr-sur-Loire (campagne électorale pour l'élection présidentielle)

Discours de M. Jacques CHIRAC à Saint-Cyr-sur-Loire (campagne électorale pour l'élection présidentielle)

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Saint-Cyr-sur-Loire, Indre-et-Loire, le mercredi 27 février 2002

Mes chers amis,

Au cours des dernières années, la France a bénéficié d'une croissance mondiale exceptionnelle. Dans ce contexte, nos entreprises, nos commerçants, nos artisans ont su créer de nombreux emplois, ce qui a permis à beaucoup de Français de retrouver du travail.

Après de longs efforts, nous avons créé l'euro. C'est une avancée décisive pour notre économie comme pour l'avenir de l'Europe. Avec l'euro, nous avons donné de nouvelles chances à la France.

Aujourd’hui, la situation économique a changé.

La croissance s’est arrêtée. Au quatrième trimestre 2001, la production a même reculé. Le chômage a repris. La consommation, qui soutenait l’activité, est devenue hésitante. L’investissement de nos entreprises est en baisse.

La France tourne au ralenti. Porté pendant quatre années par la conjoncture mondiale, le Gouvernement n'a pas suffisamment préparé l'avenir et il s'est laissé surprendre.

Des charges excessives retiennent notre course. Les carcans réglementaires ralentissent notre activité. Le pouvoir d'achat des salariés est freiné. Les réformes dont la France a besoin n'ont pas été faites alors que nous en avions les moyens. La pauvreté n'a pas reculé malgré quatre années de croissance.

Face à cette situation, les Français ne baissent pas les bras. Ils savent qu'ils ont des atouts mais ils savent aussi qu'il faut se donner les moyens du dynamisme. Ils ne mettent pas tous leurs espoirs dans une reprise venue d'ailleurs. Ils ont conscience qu'ils doivent d'abord compter sur leurs propres forces. Ils sont prêts à se mobiliser pour retrouver le chemin du progrès. Je veux les entraîner et les aider dans cette voie.

Comment ?

Je m'engage à libérer les forces économiques aujourd'hui contraintes par une fiscalité et une réglementation excessives.

Je m'engage à agir plus par le dialogue social renouvelé que par la loi et le règlement.

Je m'engage à garantir à chacun la protection et la solidarité qu'il est en droit d'attendre d'un Etat moderne.

C'est ce contrat que je propose aux Français pour le quinquennat. Chaque année le Parlement devra apprécier si ce contrat est respecté et si le Gouvernement a toujours sa confiance.




Avant d'aborder l'exigence de liberté commençons par les garanties qu'attendent les Français.

La première c’est la sécurité. J’ai dit à nos compatriotes ma volonté d’accorder la priorité à cette préoccupation. Un pays ne peut donner la pleine mesure de son dynamisme quand sa cohésion est atteinte.

La deuxième garantie indispensable aux Français est celle de leur protection sociale, leur santé, leurs retraites.

J'ai déjà eu l'occasion de dire ce qu'il faut faire pour mieux assurer l'accès de tous à la santé. Aujourd'hui je vous parlerai des retraites.

Les Français sont inquiets pour leurs retraites. Alors que ces dernières années tous nos voisins ont conduit des réformes, la France s’est abstenue. Plus on retarde les décisions nécessaires, plus les efforts qu'il faudra fournir seront lourds et plus nos régimes de répartition seront menacés. C'est la raison pour laquelle je n'ai cessé de mettre en garde le Gouvernement et d'alerter les Français.

La réforme des retraites est un devoir d'Etat. En 1993, le gouvernement d'Edouard BALLADUR avait franchi une étape importante. Le nouveau gouvernement devra agir dès sa prise de fonction. Son mandat sera :

- de sauver la retraite par répartition par un effort collectif auquel l'Etat devra contribuer en apportant une partie des recettes issues des ventes d'actifs publics ;

- de garantir une retraite d'un bon niveau par rapport au salaire d'activité ;

- et, bien sûr, d’organiser la liberté : liberté pour ceux qui veulent et qui peuvent travailler plus longtemps de le faire et d'augmenter ainsi leur retraite ; liberté d'épargner en franchise d'impôt pour améliorer sa retraite, en organisant l'épargne individuelle et en créant des fonds de pension à la française.

- d'assurer enfin l'équité entre tous les Français.

Pour que la réforme porte ses fruits, nous devons aussi apporter une réponse à un problème majeur de notre société : le faible taux d’activité des personnes entre 50 et 60 ans, qui est l'un des plus bas d’Europe. Trop de salariés expérimentés sont obligés de quitter prématurément le monde du travail. C’est un gâchis humain. C’est un frein pour notre dynamisme économique. C’est une perte de cotisations pour nos régimes de retraite.

Pour conduire la réforme, je souhaite faire appel à la responsabilité des partenaires sociaux. Dès avril 1996, ils ont su reformer avec courage les régimes complémentaires de retraite. Ils devront naturellement être étroitement associés à la réforme.


Mais aujourd’hui, c’est principalement de la garantie de nos emplois que je veux vous parler.

Il y a un peu plus de quarante ans, sous l’impulsion du Général de Gaulle, syndicats et patronat créaient l’assurance chômage.

Demain, ce sont les éléments constitutifs d'une véritable " assurance emploi " que l’Etat et les partenaires sociaux vont devoir créer.

Les temps ont changé. Le modèle de l’emploi à vie dans la même entreprise devient l’exception. Chacun connaîtra dans sa vie professionnelle des employeurs successifs, des métiers successifs, et parfois des statuts successifs. C’est déjà le cas pour beaucoup de Françaises et de Français.

L’important, pour l’avenir, ce sera d'inspirer à tous une nouvelle confiance en soi, en ayant la certitude que changer ne sera pas un problème. Ce sera possible dès lors qu'on n’aura jamais cessé d’apprendre, de s’adapter, de progresser, et que l’économie aura justement besoin de ce que l’on sera capable de lui apporter. Mais cela suppose l’égalité des chances, et une politique qui aura fait les bons choix pour lutter contre le chômage, pour aider les jeunes et pour former les adultes.


Aujourd’hui, une vérité s’impose : c’est la baisse des charges qui est l’outil le plus efficace, le plus puissant pour réduire le chômage.

Le coût global du travail en France est un frein important. Cela n’est pas dû à un niveau de salaires trop élevé, chacun le sait bien, mais à l’excès des charges. Trop souvent, les artisans et les responsables de P.M.E. refusent des clients ou des marchés faute de pouvoir supporter le coût réel de nouvelles embauches, alors que de nombreux Français attendent un emploi.

Quand on baisse les charges réellement, et pas seulement pour compenser des contraintes supplémentaires imposées aux entreprises, on voit le résultat : les emplois créés sont de vrais emplois.

Comme vient de le montrer l’INSEE, les baisses de charges engagées à partir de 1993 ont créé plus de 400 000 emplois.

La France doit faire résolument le choix des baisses de charge en faveur des salariés à revenus modestes. Ce doit être l’une des grandes priorités de la politique de l’emploi pour les 5 ans qui viennent. Nous devons y affecter une part essentielle de l'effort que nous consacrerons à la baisse des prélèvements obligatoires.


Pour lutter contre le chômage, nous devons aussi revoir nos politiques d'insertion.

Je ne me résous pas à une situation dans laquelle l'aide aux plus démunis se ramène souvent à la seule assistance. Pour eux, le véritable but n’est pas de survivre aux marges de la société mais de s’en sortir.

Fixons-nous deux objectifs :

- signer un contrat d’insertion avec tous les allocataires du RMI ;

- accompagner toute reprise d’activité d’une augmentation significative de pouvoir d’achat.

On ne peut accepter une situation dans laquelle un allocataire du RMI verrait ses revenus diminuer en reprenant un emploi. Il doit être toujours plus favorable de travailler.

Il n’y a pas de société juste et dynamique quand le travail et l’effort ne sont pas récompensés.


La deuxième priorité pour l'emploi, c'est d'aider les jeunes à réussir.

Peut-on accepter, au siècle de l’Internet, que la France conserve un taux d’illettrisme de près de 10 % ? Peut-on accepter que près du quart des enfants entrant en sixième ne maîtrise pas la lecture, l’écriture et le calcul ? Peut-on accepter que chaque année 60 000 jeunes quittent l’école à 16 ans sans aucune qualification reconnue ? Peut-on accepter que l’échec universitaire frappe chaque année près de 20 % des étudiants inscrits en DEUG ?

Pour rétablir l’égalité des chances, la première exigence c’est d’assurer à 100 % de nos enfants une qualification conforme à leurs aptitudes et à leurs choix. La belle ambition du collège unique doit devenir celle du collège pour tous. J'aurai l'occasion de dire aux Français comment notre enseignement devra évoluer pour permettre à chaque jeune de trouver sa place, d’entrer dans le monde du travail, de savoir s’adapter et, à partir de là, d’acquérir, tout au long de la vie, de nouvelles compétences et de nouveaux savoirs.

On ne peut en effet accepter une situation dans laquelle tant de jeunes sont au chômage ou vivent dans la pauvreté, alors que tant de secteurs de notre économie disposent d'emplois vacants.

L'horizon des jeunes, ce n'est pas l'assistance, c'est d'entrer par le travail dans une vie adulte autonome. Leur attente, c'est bien autre chose que la création d'un "RMI jeune". Les jeunes Français espèrent mieux que de devenir des obligés de l'Etat. Ils savent ce qu'ils veulent. Ils sont capables de réussir par eux-mêmes, à condition d'être placés dans des conditions favorables. Ce qu'il faut, c'est aider ceux qui en ont besoin à passer un cap.

Je leur propose trois choses : le contrat d’insertion dans la vie sociale, le droit à la formation en alternance et le contrat sans charge.

D’abord le " contrat d’insertion dans la vie sociale ". Il aidera les jeunes de moins de 25 ans qui en ont besoin à choisir leur chemin en leur donnant les moyens de réaliser un projet d'insertion, un projet associatif ou un projet humanitaire. Pendant la durée nécessaire, ils recevront une ressource suffisante pour mener à bien ce projet.

Ensuite, le " droit à la formation en alternance ", pour que chaque jeune Français puisse accéder à un premier emploi en entreprise.

Les formations alternées débouchent dans une majorité de cas sur une embauche. Elles sont donc un puissant levier d'entrée dans la vie active. Le nouveau Gouvernement, dès son entrée en fonction, devra passer un accord avec les entreprises pour qu'aucun jeune remplissant les conditions ne se voie refuser de contrat d'alternance. Je sais que les entreprises y sont prêtes. Je leur demande de le faire. L'Etat prendra sa part de leur effort.

Enfin, le " contrat sans charges ". Il permettra de mettre le pied à l’étrier aux jeunes de moins de 22 ans qui n’ont pas pu poursuivre leurs études au-delà du niveau " bac +2 ". Les vrais emplois jeunes sont en effet des emplois en entreprise pour les jeunes.


L'égalité des chances concerne aussi les adultes. Elle sera assurée par la réforme de la formation continue.

La formation tout au long de la vie est devenue l’une des " nouvelles frontières " de notre société.

Dans ce domaine, il y a quatre ans, j’ai appelé les forces vives de notre pays à une réforme fondatrice, en demandant à l’Etat et aux partenaires sociaux de s’y engager. Elle sera au coeur de l'assurance-emploi.

Si le Gouvernement ne l’a pas inscrite dans ses priorités des dernières années les partenaires sociaux ont en revanche conduit des négociations très approfondies.

Une réforme s'impose. Aujourd'hui, les chances d’obtenir une formation varient pratiquement de 1 à 10 entre l’ouvrier peu qualifié d’une petite entreprise et le cadre d’une grande. Ce sont donc paradoxalement les salariés qui en auraient le plus besoin qui bénéficient le moins de la formation continue.

Je veux que reculent les inégalités qui entravent l’accès aux savoirs professionnels.

Notre dispositif doit être repensé. Dès 2002, les négociations entre partenaires sociaux devront prendre appui sur l’expression d’une forte volonté de l’Etat, condition d’un partage équitable et efficace de l’effort entre employeurs, salariés et pouvoirs publics.

La principale sécurité aujourd’hui, pour les salariés, ce n’est pas la multiplication de réglementations qui conduisent en réalité aux effets inverses de ceux recherchés. Ce qu’il faut, c’est d’abord garantir à tous la capacité à occuper un bon emploi.

Je propose qu'un "compte personnel de formation professionnelle" soit ouvert à chaque Français pour qu'il devienne l’acteur responsable de l’amélioration de sa qualification et de l’évolution de sa carrière.

Ce compte sera alimenté par le salarié et par l’entreprise sur la base d'un accord de branche ou d'entreprise. Il appartiendra au salarié qui pourra en conserver le bénéfice en cas de changement d’activité.

Le compte personnel de formation doit également être l’instrument de la seconde chance. Je souhaite que l’Etat vienne abonder les comptes de ceux qui seront sortis prématurément du système scolaire afin qu’ils puissent mieux progresser dans leur vie professionnelle.

Il permettra aussi aux femmes qui ont arrêté momentanément de travailler pour se consacrer à leur famille, de se former durant cette période pour revenir dans de meilleures conditions vers l’emploi.

Ce droit personnel à la formation doit s’accompagner d’un droit à des bilans de compétences à des moments essentiels de l’évolution d’une carrière. Je pense notamment aux périodes de changements d’entreprise, de retour d’un congé de maternité, de mobilité géographique. Chacun devra pouvoir bénéficier d'un bilan de compétence régulier.

Il faut enfin poursuivre dans la voie de la validation des acquis professionnels. La compétence que l’on acquiert en travaillant doit être valorisée à l’égal de celle qu’on obtient par des études. Nos mentalités doivent évoluer pour comprendre qu'un acquis validé vaut souvent autant, sinon plus, qu'un diplôme.

L’enjeu de cette réforme d'ensemble est important. La chance de la France, pour le XXIème siècle, ce sera la qualification sans cesse enrichie des Françaises et des Français. L’égalité des chances n’est pas seulement une exigence de justice pour chacun, c’est aussi l’intérêt de notre économie.


Forts de ces nouvelles garanties, les Français pourront donner le meilleur d'eux-mêmes pour s'accomplir et réaliser leurs projets.

Le dynamisme français s’en trouvera relancé.


Mais pour changer la donne, il nous faut aussi plus de dialogue social et plus de liberté.

Plus de dialogue social.

Notre société manque de souplesse. Tout est rigidifié par l'empilement de réglementations qui marquent l’emprise de l’Etat sur l'activité.

Pour élargir le champ du possible, pour donner plus de place à la liberté, pour que les Français puissent innover davantage, pour que la règle puisse tenir compte de la variété des situations, il faut libérer le dialogue social.

Nous avons des partenaires sociaux décidés à être pleinement acteurs de la modernisation. Ces dernières années, ils ont montré qu’ils pouvaient conduire des négociations utiles, parvenir à des accords importants, ouvrir des voies nouvelles pour l’avenir. Faisons leur confiance !

C'est un grand atout pour notre pays. Plutôt que de renvoyer dos à dos l'Etat et le dialogue social, posons ensemble les bases d’une nouvelle architecture des responsabilités dans le domaine des relations du travail et de l’emploi.

L’Etat doit être le garant des règles sociales fondamentales. Mais c'est aux partenaires sociaux de trouver un équilibre de progrès entre les aspirations des salariés et les besoins de leurs entreprises.

Je veux poser le principe du dialogue social d’abord.

Lorsqu’un besoin se fait jour dans le domaine des relations et de l’organisation du travail, les partenaires sociaux devraient être saisis afin de faire converger les énergies vers des solutions positives pour tous. Bien sûr, la loi doit rester au-dessus des autres normes. Le Parlement doit avoir le dernier mot, soit pour agir faute d’accord, soit pour conférer force de loi aux résultats de la négociation, soit le cas échéant pour faire un autre choix, mais alors en toute connaissance de cause.

L’Union Européenne a retenu ces principes et les a mis au coeur de ses procédures de décision en matière sociale. Ne craignons pas, nous aussi, de nous engager dans ce mouvement et de l’inscrire dans notre pratique et dans notre droit.

Je proposerai aux partenaires sociaux d'appliquer cette nouvelle méthode à l'assouplissement des 35 heures.

La manière, autoritaire et uniforme, dont a été conduite la réduction du temps de travail était inadaptée et coûteuse. Elle n'a pas pris en compte les différences de situations entre les secteurs et entre les entreprises. Elle a conduit à une stagnation des salaires malgré la croissance. Elle méconnaît les réalités des PME. Elle a eu pour conséquence un alourdissement de la dépense publique qui s’est traduit par des prélèvements injustifiés sur les régimes sociaux. Et elle est source d’inégalités entre les salariés, et même d'absurdités, comme en témoigne l’existence désormais de quatre SMIC différents.

A terme, toutes ces contraintes ne peuvent que pénaliser l'activité et l'emploi sur le territoire national.

L’horaire légal du travail ne sera pas modifié, mais nous devons impérativement lever les contraintes inutiles.

L’assouplissement des 35 heures doit se faire par voie d'accord, sur la base de deux principes :

- d'une part la liberté des salariés : ceux qui peuvent et veulent travailler plus doivent pouvoir le faire et gagner plus ;

- d'autre part la prise en compte de la diversité des réalités économiques et des entreprises.

Grâce à ces évolutions les 35 heures ne seront plus une entrave pour aucun salarié ni pour les entreprises.


La France a également besoin de plus de liberté : plus de liberté pour l’entreprise ; moins d’impôts pour les Français.

Et d'abord, plus de liberté pour que les entreprises investissent, innovent et embauchent.

Nos entreprises, ce sont nos emplois. Elles ne sont pas seulement un lieu de production de richesses. Elles sont aussi un lieu essentiel de vie sociale et d’accomplissement personnel. C’est largement d’elles que dépendent notre prospérité mais aussi, à bien des égards, notre cohésion sociale.

Laissons de côté les archaïques et les idéologues qui opposent toujours l’économique et le social, l’entreprise et les salariés, la création de richesses et le pouvoir d’achat.

Il n’y a pas de réussite possible pour notre pays sans le succès de ses entreprises.

Nous devons être fiers de nos entreprises, comme je le suis quand je les défends à l'étranger. Petites, moyennes, grandes, artisanales, commerciales, industrielles ou agricoles, elles font preuve d’une très grande vitalité.

La priorité c’est de leur permettre de se battre à armes égales dans la compétition mondiale alors qu’aujourd’hui elles sont pénalisées par trop de contraintes face à leurs concurrents.

Notre pays a perdu de son attractivité économique. Notre croissance, nos emplois, nos revenus en souffrent. Il est temps de prendre la mesure d'une situation dans laquelle nos entreprises sont amenées, de plus en plus souvent, à investir ailleurs qu'en France. Il faut renverser la vapeur. Rendre notre pays plus accueillant aux entreprises et à l’emploi.

Cela passe par un indispensable allégement fiscal. Mon objectif est simple : sur cinq ans, ramener la fiscalité des entreprises dans la moyenne européenne et faciliter la transmission des entreprises, notamment familiales.

Il faut aussi s’attaquer avec une méthode radicalement nouvelle à la question des simplifications administratives. On ne cesse d’en parler, mais plus on en parle, plus les contraintes s’accumulent.

Le prochain Gouvernement devra lancer sans délai un véritable " Grenelle des simplifications administratives ". Mettons côte à côte les représentants des entreprises, des usagers, de l’Etat et de la Sécurité sociale, pour qu’ils trouvent ensemble des solutions, en utilisant tout le potentiel des nouvelles technologies.

L'administration devra regrouper les différents interlocuteurs des entreprises en créant, dans chaque département, un correspondant unique pour faciliter leurs démarches.

Dans chaque département également, un médiateur des entreprises devra être créé pour aider à régler les litiges qui peuvent les opposer aux administrations.

Les acteurs de la vie économique ont besoin de sécurité juridique. La rétroactivité de certaines lois, surtout fiscales, l’instabilité chronique des règlements, la remise en cause de certains droits sur lesquels l’Etat s’était engagé, laminent la confiance dans la règle de droit. Il faut inscrire le principe de sécurité juridique dans la Constitution.

Enfin, il faut renforcer notre dynamisme et notre capacité d'innovation.

Nous vivons une profonde transformation de notre économie. L’économie globale où les capitaux et les informations ne connaissent plus de frontière est devenue une réalité. Aujourd’hui, c’est le savoir, la qualité du travail, la compétitivité générale du pays qui priment.

L’avenir de notre économie, c’est l’innovation, l’imagination, l’envie de créer, la volonté d’entreprendre, l’esprit d’entreprise.

Pour renforcer notre dynamisme, il faut mobiliser les énergies en faveur de l’entreprise créatrice d’emplois et de richesses, et libérer le maximum d’initiatives, d’intelligence, de créativité.

Pour cela, je souhaite un effort massif en faveur de la création d’entreprise, et la mise en oeuvre d’un plan de mobilisation nationale en faveur de l’innovation.

Nous ne devons pas oublier qu’en France un créateur d’entreprise sur deux vient du chômage ou du RMI. Favoriser la création d’entreprise, c’est aussi intégrer sur le marché du travail des personnes qui en sont exclues.

L’objectif est de doubler dans les cinq prochaines années le nombre des entreprises créées, soit 1 million d’entreprises de plus.

L’effort s’organisera autour de mesures simples et fortes. Alléger les charges des entreprises nouvelles avec un principe : " pas de taxes, pas de charges avant le premier franc de chiffre d’affaires ". Limiter les risques de l’entrepreneur en distinguant le patrimoine affecté à l’entreprise du patrimoine privé. Faciliter le passage du statut de salarié à celui d’entrepreneur en accordant à ce dernier de nouveaux droits sociaux, notamment en ce qui concerne l’allocation chômage. Amplifier les mesures d’aide au financement par l’épargne de proximité en développant les avantages fiscaux institués en 1994.

Il doit être plus rapide et surtout moins coûteux de se lancer. Aux Etats-Unis, une demi-heure suffit pour créer son entreprise. En France, il faut plusieurs semaines. Nous devons faire tomber les barrières pour qu'une entreprise puisse se créer aussi facilement qu'une association.

Avec l’ensemble de ces mesures nous supprimerons les verrous qui entravent l’initiative et la liberté d’entreprendre. Les procédures et les aides actuelles devront être rationalisées. Mettons un peu d'ordre : nous avons plus de 100 dispositifs d’aide à la création d’entreprise ! C’est l’efficacité que nous devons rechercher et non la multiplication des guichets publics.

Le nouveau Gouvernement devra aussi lancer un plan de mobilisation nationale pour l’innovation. L’innovation est la clé de la nouvelle croissance. Or, nous avons pris du retard. Pour rester dans la course internationale, les montants consacrés à la recherche-développement par la nation devront passer à 3 % du produit intérieur brut en 10 ans, c'est-à-dire pratiquement doubler.

Nous devons aider en priorité les entreprises qui s’engagent dans des secteurs innovants et les nouvelles technologies car elles en ont davantage besoin. Quand elles réussissent, par exemple dans les bio-technologies, elles sont source de beaucoup d’emplois et de richesses pour la collectivité. Je propose qu'un statut de la jeune entreprise innovante soit créé en faveur de celles qui consacrent plus de la moitié de leurs dépenses à la recherche.

L’effort sera également mis sur la recherche publique : il faut réapprendre à utiliser l’argent public pour investir dans l’avenir. Les relations entre les chercheurs publics et les entreprises seront facilitées.

Je veux que la France soit le premier pays en Europe pour l’innovation. Je veux qu’on puisse venir s’installer en France pour créer de l’activité et des emplois. Je souhaite renforcer l’attractivité de la France.

N'oublions pas que si l’euro nous protège vis-à-vis de l’extérieur, il aiguise la concurrence entre les Européens. Je veux que la croissance de demain s’effectue d’abord sur le sol français. La réponse à ce défi, ce n’est pas le repli sur soi, c’est l’ambition.

Il y a quarante ans, un effort majeur a été entrepris pour adapter l’économie française au marché commun. A l’époque, cet effort apparaissait démesuré. Il a été suivi avec vigueur et constance. Grâce à lui, la France a pu profiter du formidable dynamisme de la construction européenne.

Aujourd’hui, la situation est de même nature. Nous devons donner à nos entreprises, à nos entrepreneurs, les moyens du succès et de la réussite dans l’économie mondialisée.

Le quinquennat qui va s’ouvrir doit être placé sous le signe du dynamisme retrouvé et d’une économie française plus solide, plus entreprenante, plus forte.


Les Français attendent aussi moins d’impôts.

L’impôt est nécessaire. Il finance la solidarité nationale et le fonctionnement de nos services publics. Mais notre fiscalité est devenue trop lourde, parfois confiscatoire. Elle ne laisse pas aux Français les possibilités d'initiative dont ils ont besoin.

La priorité pour l'économie et pour les Français, c’est maintenant la baisse des prélèvements.

Pour cela, il faudra créer les marges de manoeuvre nécessaires. Compte tenu de la situation de nos finances publiques, malgré quatre années de croissance exceptionnelle, personne ne peut s'attendre à ce que tout soit fait en une seule fois. La condition de la réussite, c’est la maîtrise de la dépense publique qui va de pair avec l'indispensable réforme de l'Etat. L’effort à entreprendre est important. Il ne peut se faire au détriment de la qualité du service public, ni de la priorité donnée au renforcement de la sécurité de nos concitoyens. Mais je souhaite un Etat plus efficace. Des choix clairs devront être effectués.

La priorité doit être donnée à l’allégement de l’impôt sur le revenu. Cela concernera plus de 15 millions de foyers.

L’impôt doit rester progressif car il est normal que celui qui gagne plus apporte davantage à la collectivité. Mais il sera allégé car c'est la manière de libérer les énergies, de motiver les hommes et d'intéresser chacun à la bonne marche de l'économie, en créant l'élan nécessaire à notre croissance et à nos emplois. La réforme s’étalera sur la durée de la législature. Dès 2002, un premier signal fort sera donné : l’impôt sera abaissé de 5 % pour tous. L’objectif de la législature est d’en abaisser le poids d'un tiers en cinq ans.

Parallèlement, je souhaite engager sans délai une réforme d’ampleur de la taxe d’habitation. C’est un sujet complexe, je le sais. Mais les Français sont attachés à la justice fiscale. Or, la taxe d’habitation a vieilli et, dans bien des cas, elle est devenue inéquitable. Sa réforme et son allégement sont nécessaires. Elles se feront naturellement en concertation avec les représentants des collectivités locales.




Mes chers amis,

Les choix que je propose aux Français forment un tout.

La baisse des prélèvements obligatoires est indispensable pour avoir plus d'activité et d'emplois. C'est le principal moyen de ramener le chômage au meilleur niveau européen, c'est-à-dire à un niveau proche du plein emploi. Actuellement, nous restons désespérément en dessous de la moyenne, douzièmes en Europe. Grâce à la croissance économique, le chômage a certes reculé pendant plusieurs années. Mais nous avons proportionnellement fait un peu moins bien que les autres et notre situation est aujourd’hui beaucoup moins bonne que la leur. Voilà la réalité.

Nous avons des choix à faire sur les prélèvements à diminuer. Il faut retenir par priorité les prélèvements dont la réduction sera la plus favorable à la lutte contre le chômage. J'en ai cité trois : les charges sociales, parce qu'elles pèsent directement sur l'emploi des salariés à revenus modestes, l'impôt sur le revenu, qui freine le travail et la consommation, l'impôt sur les sociétés, qui décourage d'investir en France.

Simultanément, les autres priorités de l'action publique doivent être financées : d'abord la lutte contre la violence et le renforcement de la justice. Ensuite, la sauvegarde des retraites et le bon fonctionnement de services publics comme l'hôpital ou l'éducation nationale.

Enfin, bien sûr, le rétablissement des crédits d'équipement de nos armées. Sans cela, notre communauté nationale ne jouerait pas son rôle pour assurer la sécurité des Français et l'égalité des chances.

Tout ceci, nous devons le faire en veillant à nos finances publiques. Nous devons contenir l'évolution des déficits publics. Chacun sait bien que les déficits excessifs d'aujourd'hui seraient les impôts et les coupes sombres de demain.

Tout serait plus facile aujourd’hui si nous avions profité de la croissance pour améliorer nos finances publiques. Plus facile aussi si nous avions tiré parti de cette période d’aisance financière pour faire les réformes nécessaires, pour dégager notre chemin, pour préparer l'avenir. Cela n'a pas été le cas, hélas ! Mais il n'est plus temps de regarder derrière nous. Il faut maintenant agir, agir avec constance et détermination.

Comment faire pour réaliser notre ambition ?

La vertu d'un plan à cinq ans, c'est qu'il permet d'ajuster à la conjoncture les baisses de prélèvements décidées chaque année et le montant des déficits publics. Il est normal d'aller plus vite à certaines périodes et moins à d'autres. Chaque année, c'est au Parlement qu'il reviendra de décider et c'est encore lui qui se prononcera, année après année, sur l'exécution du contrat passé avec le pays.

Mais la clé du succès, c'est d'avoir un Etat économe, gérant intelligemment ses intérêts patrimoniaux et conduisant une politique de croissance qui porte ses fruits.

Il faut d'abord demander à l'Etat un surcroît d'efficacité pour maîtriser ses coûts de fonctionnement, et pour cela mettre en oeuvre une réforme ambitieuse de son organisation et de ses moyens d'action.

Il faut ensuite affecter aux dépenses d'investissement et de sauvegarde des retraites et d'investissement le produit des ventes d'actifs publics auxquels nous procéderons au cours des prochaines années.

Enfin, nous devons prendre en compte l'impact de la politique de libération des énergies sur le niveau de la croissance et donc sur le montant des ressources de l'Etat.

A l’évidence, cette démarche dynamique, assortie de rendez-vous réguliers avec le Parlement sera un profond changement par rapport aux habitudes actuelles. Nous cesserons d'avoir une politique économique et sociale qui accumule les dépenses sans les planifier et qui ne prévoit jamais d'économie nulle part. Nous aurons désormais un cadre général, des priorités hiérarchisées, des financements précisément définis. Et nous pourrons répondre à la surenchère des intérêts particuliers en nous référant à l'intérêt général des Français, dans le respect de la volonté qu'ils auront exprimée par leur vote.

Il existe bien un modèle économique et social français. Il est fondé sur la conviction que le progrès économique et la justice sociale vont de pair. Ce modèle, il faut le défendre. Il faut le renforcer.

Pour cela, deux voies sont offertes aux Français.

La première consiste à leur faire croire qu’on peut faire mieux que les autres et supporter la concurrence internationale sans rien changer, en réglementant toujours davantage, avec l’illusion trompeuse qu’en faisant moins d’efforts, on peut être davantage récompensé et mieux réussir.

L’autre voie, c’est celle qui consiste à vouloir que chacun trouve sa place, que chacun s'accomplisse, que chacun réussisse et en même temps contribue à faire réussir la France, en faisant confiance au dialogue social, à la créativité, à l’esprit d’initiative et au sens des responsabilités de tous.

C’est la voie que nous devons emprunter. Et c’est le contrat de réussite que je propose aux Français, avec sa double exigence de nouvelles garanties et de nouvelles libertés.

Vive la République,

Vive la France.





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