Discours de M. Jacques CHIRAC en Guadeloupe (campagne électorale pour l'élection présidentielle)

Discours de M. Jacques CHIRAC en Guadeloupe (campagne électorale pour l'élection présidentielle)

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Guadeloupe, le samedi 6 avril 2002

Madame la Présidente, ma chère Lucette, Cher Monsieur le Maire de Capesterre-Belle-Eau, Mesdames et Messieurs les élus, Mesdames et Messieurs,

Mes chers compatriotes guadeloupéens,

Je suis heureux d'être ici avec vous, dans cet archipel de la Guadeloupe, que je retrouve toujours avec émotion.

Votre compatriote Gisèle PINEAU a dit : " Il suffit de laisser seulement le pays Guadeloupe apparaître de lui-même, sans forcer. L'accoster en toute humilité, poser le pied en politesse, ouvrir les yeux en amitié et puis offrir son coeur en amour ". Et c'est bien ce que je ressens.

Il y a sur la terre de Guadeloupe une magie unique, qui tient peut-être à tout ce qu'elle rassemble sur ces 2 000 kilomètres carrés posés au milieu de l'océan. Variété des paysages, de la faune et de la flore, des pentes de la Soufrière aux forêts de la Basse-Terre en passant par la mangrove ou les plages de Saint-François. Variété des cultures, avec ces influences arawak, taïno, caraïbe, européenne, africaine, hindoue dont se nourrit depuis des siècles l'art de vivre créole. Variété des talents intellectuels, scientifiques, artistiques et sportifs qui ont enrichi et illustré l'histoire de notre pays.

C'est tout cela que je suis heureux et fier de retrouver en Guadeloupe. Je vous remercie de nous avoir rejoints ce soir pour évoquer l'avenir de notre pays. A toutes et à tous, j'adresse le salut le plus fraternel, le salut de l'amitié et de la fraternité républicaine. Votre engagement, votre affection, votre enthousiasme me touchent.

Je suis heureux de vous saluer, chère Lucette MICHAUX-CHEVRY, vous qui représentez avec tant de coeur, de fierté et de passion votre région. Je me souviens du ministre que vous avez été, de la force et de la résolution avec lesquelles vous avez toujours défendu les intérêts de la Guadeloupe et vos engagements républicains. Avec la même volonté, la même fougue, le même dynamisme, vous défendez aujourd'hui au Sénat votre Guadeloupe et notre France. Je suis heureux de vous retrouver, comme je suis heureux de revoir les visages des élus, des militants, des amis avec qui nous avons fait tant de chemin. Je salue amicalement Philippe CHAULET et je le remercie de la solidité de ses convictions qu'il exprime avec talent à l'Assemblée Nationale.

Tout n'a pas été facile sur votre route. Votre région doit affronter le poids d'un isolement géographique qui complique le développement de l'activité économique. Elle est exposée à des calamités naturelles qui ne sont pas toujours suffisamment prises en compte. Elle doit aussi parfois faire face à l'indifférence, au manque de compréhension des réalités locales, à l'éloignement de ceux qui ne connaissent ni ses besoins ni ses difficultés.

Vous le savez, je ne conçois pas la France sans l'outre-mer, sans la Guadeloupe, sans ses départements d'Amérique. Je ne conçois pas notre pays sans cette richesse humaine, cette variété d'horizons, ces frontières nouvelles que vous apportez à l'Europe. Je ne conçois pas la France sans le message universel que l'outre-mer insuffle à notre République.

C'est pourquoi j'ai initié et soutenu toutes les grandes réformes économiques et sociales qui ont bénéficié à l'outre-mer, qui lui ont apporté la croissance économique, la reconnaissance et la dignité : l'égalité sociale en 1995, avec l'alignement du salaire minimum sur le niveau de la métropole. Mais aussi la défiscalisation en 1986, le lancement des programmes européens POSEIDOM en 1987 et les exonérations de charges de la loi PERBEN en 1994.

Ensemble, nous devons continuer sur ce chemin. Nous devons faire de l'outre-mer une richesse pour lui-même, pour la France, pour l'Europe ; et nous devons faire de la France et de l'Europe une chance pour l'outre-mer.

Ensemble, nous devons donner à l'économie de l'outre-mer les mêmes chances de développement qu'à celle des autres régions.

Ensemble, nous devons dessiner, en métropole et outre-mer, une nouvelle architecture des pouvoirs, ouverte aux particularités locales mais toujours respectueuse de l'unité de la République.

Je vous convie à former avec moi un projet fort et ambitieux pour la Guadeloupe. Le projet d'un outre-mer tourné vers l'avenir et solidement ancré dans notre République.





L'avenir, pour l'outre-mer, c'est d'abord la croissance. C'est la mise en valeur de ses atouts. Ce sont l'emploi et l'activité nécessaires pour conforter la dignité de ses habitants.

Après l'égalité politique obtenue en 1946, après l'égalité sociale réalisée au début de mon septennat, nous devons nous fixer pour objectif d'atteindre l'égalité économique. C'est-à-dire que nous devons substituer une logique de croissance à une logique d'assistance. Nous devons faire en sorte que l'outre-mer ait des perspectives de développement et d'emploi identiques à celles de la métropole. Ce sera l'ultime étape de l'accès à la pleine citoyenneté de chacun par le travail et par la dignité.

Pour atteindre ce but, je souhaite que le Parlement examine dès cette année une loi de programme d'une durée de 15 ans, reposant sur des objectifs chiffrés. Les acteurs économiques, publics et privés, connaîtront ainsi le cadre dans lequel ils auront à prendre leurs décisions. Ils pourront investir, ils pourront faire confiance à l'outre-mer.

L'expérience le montre : le chômage et l'inactivité ne sont nullement des fatalités. Il est possible d'enregistrer des succès si l'on tient compte des particularités de l'outre-mer, si l'on sait valoriser ses atouts et en particulier sa formidable jeunesse, si l'on sait réduire ses handicaps en créant des instruments permettant de compenser son isolement géographique et d'abaisser les coûts du travail et du capital.

Il faut évidemment ne pas laisser le marasme s'installer et réagir efficacement, avec toutes les ressources qu'offre la solidarité nationale et communautaire, lorsqu'une calamité naturelle bouleverse l'économie. Je pense notamment à la dernière sécheresse de 2001 qui, malgré le temps écoulé, laisse encore des marques très vives sur l'agriculture guadeloupéenne et dont il faut rapidement, plus rapidement, atténuer les conséquences. Je comprends la détresse et l'exaspération des éleveurs, des exploitants agricoles, des planteurs de cannes et de bananes. Au-delà des effets d'annonce, il faut veiller à ce que les crédits d'indemnisation soient débloqués à temps, sans bureaucratie excessive.

Donner à l'outre-mer les instruments de la croissance, c'est d'abord assurer la continuité territoriale, c'est-à-dire mieux relier les collectivités d'outre-mer à l'extérieur. On les mettra ainsi sur un pied d'égalité avec les autres parties du territoire national.

Les transports doivent cesser d'être le maillon faible de l'outre-mer, parce qu'ils conditionnent le développement de toutes les autres activités. C'est d'autant plus vrai pour vos économies qu'elles reposent largement sur l'exportation de produits frais, pour lesquels les délais et les coûts d'acheminement sont un élément essentiel de compétitivité. Nous en avons eu un exemple tout récemment avec les difficultés qu'ont connues les exportateurs de melon. Mais c'est un problème qui se pose plus profondément pour toutes les productions, un problème qui handicape l'outre-mer et qui doit être pris à bras-le-corps. C'est aussi un problème pour le développement du tourisme qui est une activité essentielle de votre région, car créatrice de nombreux emplois.

Nous vivons dans une société d'échanges. Pour donner ses chances à une région, il faut d'abord la raccorder au réseau des autres territoires, il faut lui permettre de s'insérer dans les courants de communication.

Alors donnons sa chance à votre région par une véritable politique de continuité territoriale. Comme le font l'Espagne et le Portugal à l'égard de leurs régions ultrapériphériques, je m'engage à faire bénéficier les collectivités d'outre-mer d'un dispositif d'abaissement du coût des transports. Ce système, que nous mettrons en place en partenariat avec l'Europe, l'Etat et les collectivités locales, vaudra non seulement pour les billets d'avion, mais aussi pour les liaisons maritimes ou pour le fret à l'exportation.

Je m'engage également à créer pour les jeunes en cours d'études un " passeport mobilité " assurant la prise en charge de leurs billets d'avion en combinant bourses universitaires et conventions avec des organismes de formation.

En Guadeloupe, cette politique des transports ne doit pas seulement se donner pour objectif d'assurer, par une saine concurrence, une meilleure desserte avec la métropole. Cette politique, que j'avais engagée en 1986, en ouvrant la desserte aérienne de l'outre-mer à d'autres compagnies que la compagnie nationale, doit être bien sûr poursuivie. Mais il faut aussi renforcer les communications avec toutes les composantes de l'archipel. Je pense à Saint-Martin. Je pense à Saint-Barthélémy. Je pense à Marie Galante. Je pense à Terre de Haut. Je pense à Terre de Bas. Je pense à la Désirade. Et bien sûr, il faut également améliorer la liaison avec la Martinique et la Guyane afin de développer la circulation au sein des trois départements français d'Amérique.



Cette politique de continuité territoriale devra s'accompagner d'une action importante en faveur de l'emploi. S'il y a un domaine où il est temps d'assurer l'égalité avec la métropole, c'est bien l'emploi.

Le chômage reste en effet l'un des fléaux de l'outre-mer. Il touche aujourd'hui, en Guadeloupe, 25 % de la population active. Il laisse la jeunesse sans but, sans activité, sans repère. La part des chômeurs de longue durée dépasse de moitié celle de la métropole. Le taux de chômage des jeunes est deux, voire trois fois plus élevé. Et alors même que la France a connu quatre années de croissance économique exceptionnelle, ici, en Guadeloupe, le nombre d'allocataires du revenu minimum d'insertion a augmenté.

C'est la rançon d'une politique qui ne favorise pas suffisamment la création d'emplois dans le secteur productif. Une politique qui, au cours des dernières années, a préféré les facilités de l'assistanat, voire du paternalisme, au renforcement durable de l'activité. Il n'est pas admissible que le fonds pour l'emploi des DOM, le FEDOM, qui avait été mis en place par la loi Perben, et dont la vocation première était de créer des emplois durables dans les entreprises, ait été progressivement détourné de sa fonction pour financer des contrats précaires, sans véritable avenir. Entre 1998 et 2001, la part des contrats d'accès à l'emploi dans le FEDOM est passée de 43 % à 11 %. Or, ces contrats qui représentaient le coeur du dispositif de la loi Perben permettaient d'embaucher de façon durable des jeunes et des chômeurs de longue durée dans les entreprises.

Pourtant, en matière d'emploi comme dans les autres domaines, l'outre-mer peut réussir si on lui donne les moyens de lutter à égalité avec son environnement immédiat. Il est clair que ce n'est pas le cas. Il est clair que vos entreprises, qui garantissent à leurs employés une couverture sociale complète, ne peuvent pas combattre à armes égales avec celles des pays voisins qui supportent des coûts salariaux largement inférieurs.

Il faut donc diminuer les charges sur les bas salaires. La loi PERBEN a permis de le faire dès 1994. Les responsables socialistes, qui la critiquaient, ont bien dû s'y rallier. Il faut maintenant renforcer le dispositif en supprimant toute charge sur les bas salaires et en éliminant les effets de seuil de la loi d'orientation qui pénalisent fortement les entreprises embauchant un onzième salarié.

Des mesures fortes sont également nécessaires pour inciter les entreprises à recruter parmi les titulaires du RMI. Sans action volontaire dans ce domaine, l'alignement du RMI sur le niveau de la métropole risque de conduire à un recul économique et social en aggravant les phénomènes d'exclusion et de travail informel. Je propose donc la création d'un revenu minimum d'activité, favorisant l'embauche des bénéficiaires du RMI par les entreprises. C'est à ce prix que la précarité et l'exclusion reculeront et que chacun pourra retrouver sa dignité par le travail.



Instaurer une logique de croissance outre-mer, c'est aussi recréer un système efficace de soutien aux investissements. Je rappelle qu'entre 1997 et 2000, le nombre de projets ayant bénéficié de la défiscalisation, ainsi que le montant total de ces projets, ont été divisés par deux. Pour remplir tout son rôle, le nouveau dispositif de défiscalisation que je propose, devra inverser la logique actuelle qui consiste à énumérer limitativement les secteurs éligibles. Toutes les activités pourront en bénéficier, sauf exceptions liées, par exemple, aux réglementations communautaires. Le taux de l'aide pourra également être modulé, pour être adapté aux besoins de secteurs prioritaires, comme le logement. On laissera ainsi chaque territoire plus libre de choisir les axes de développement qu'il entend privilégier. Enfin la procédure d'agrément devra être plus transparente.

Voilà, mes chers Amis, un projet cohérent et ambitieux qui va, de fait, conférer aux entreprises qui travaillent outre-mer ou qui s'y implantent, un statut d' " entreprise franche ".Un projet qui mettra la Guadeloupe sur la voie du progrès.



Instaurer une logique de croissance outre-mer, c'est aussi faire reculer la précarité par une politique sociale rénovée.

La formation et l'emploi des jeunes sont une priorité. Trop de jeunes ne trouvent à s'employer qu'à des tâches temporaires et non déclarées. Un dispositif particulier d'exonération de charges sociales, attaché à leur personne et non à l'entreprise qui les emploie, devra être mis en place en faveur de ces travailleurs occasionnels. On évitera ainsi une demi-clandestinité qui les prive d'horizon, de protection sociale et qui les empêche de s'installer avec confiance dans la vie.

Renforcer la solidarité outre-mer, c'est aussi mieux prendre en compte le rôle des femmes. Je propose de créer un salaire maternel par regroupement et consolidation des différentes prestations actuelles. Il donnera aux mères de famille un véritable statut, en leur ouvrant également l'accès aux emplois à temps partiel et aux dispositifs de formation, afin de préparer leur retour vers l'emploi lorsqu'elles le souhaiteront.

Enfin, il est nécessaire de maintenir à un niveau élevé l'effort pour le logement social. Les familles devront bénéficier d'une aide pour accéder à la propriété, en s'appuyant en priorité sur le parc immobilier des sociétés d'économie mixte. Ce sera un élément supplémentaire confortant leur insertion et leur dignité.





Tout en réalisant l'égalité économique, nous devons mettre en place une nouvelle pratique de la démocratie outre-mer.

Cela passe d'abord par le rétablissement des règles républicaines. Il n'y a pas de démocratie possible si la sécurité de tous n'est pas assurée, si les valeurs de respect et d'obéissance à la loi ne sont pas restaurées.

Les régions d'outre-mer, qui étaient jusqu'ici heureusement épargnées, connaissent depuis ces cinq dernières années une forte montée de la violence et de l'insécurité. La délinquance de voie publique y a progressé de 20 %, encore plus vite qu'en métropole.

Il est temps de faire respecter le droit de tous nos concitoyens à la sécurité. Les propositions que je fais sont connues. Elles s'appliqueront évidemment outre-mer. De la prévention à la répression, toutes s'inspirent d'une double exigence d'humanité et de responsabilité. Toutes visent à renforcer les maillons de la longue chaîne de l'autorité. Les parents. L'école. Les éducateurs. Les élus. La police et la gendarmerie. La justice, dont il faut accroître les moyens et la capacité de réaction.

Pour arrêter la spirale de la provocation et de l'impunité, nous devons nous donner pour objectif d'apporter une réponse immédiate à tous les délits, à toutes les incivilités. Cela passe par la création de juges de proximité, chargés de prononcer les premières peines dans l'échelle des sanctions, afin que toute infraction soit réprimée sans délai et de manière proportionnée. Cela implique aussi la création de centres fermés pour les multirécidivistes et les chefs de bande. C'est la meilleure façon d'arrêter les délinquants avant qu'ils ne soient entraînés dans l'escalade de la violence.

S'agissant maintenant de la lutte contre la criminalité organisée, l'action des services de police et de gendarmerie doit s'appuyer sur des moyens renforcés, qui vont au-delà des structures existantes. C'est pourquoi je demanderai au prochain gouvernement de créer avant l'été des groupements régionaux d'intervention, composés de magistrats, de policiers, de gendarmes, de douaniers, de fonctionnaires des impôts et des autres corps d'inspection.

Ce pôle pluridisciplinaire devra être investi outre-mer d'une mission particulière de lutte contre l'immigration clandestine. Il faudra également réaffirmer la souveraineté de la France sur son territoire maritime, non seulement pour démanteler les filières d'immigration clandestine, mais aussi pour lutter contre le narco-trafic et le pillage des ressources halieutiques.



Sur ces valeurs républicaines réaffirmées, nous devons construire une nouvelle démocratie de proximité, en métropole comme outre-mer. L'évolution du monde et des esprits implique que moins de décisions soient prises à Paris, et que davantage de responsabilités soient déléguées localement. C'est d'autant plus nécessaire que vos collectivités sont éloignées des centres de décision nationaux et qu'elles sont marquées par des besoins spécifiques, liées à leur environnement géographique, aux particularités de leur économie ou encore à leur richesse et à leur diversité culturelles.

Nous devrons demain organiser dans toute la France une plus large délégation de compétences aux collectivités. Ce transfert de responsabilités pourra concerner des domaines qu'il conviendra de préciser, qu'il s'agisse de l'aménagement du territoire, des transports, de la culture ou de l'action économique et sociale.

Une modernisation de nos institutions pour renforcer cette démocratie locale est indispensable, 20 ans après les lois de décentralisation.

Mais je le répète, c'est le devoir du Président de la République d'indiquer les limites, de fixer le cadre général dans lequel ces évolutions s'inscriront.

La réforme devra d'abord respecter l'unité et l'indivisibilité de la République. Elle devra aussi être compatible avec les principes fondamentaux de notre ordre constitutionnel.

Autre règle essentielle, les populations devront être consultées, mais sur des projets conformes à la Constitution, qui sera préalablement rénovée pour l'ensemble des collectivités de la République. Je considère en effet qu'il n'est pas acceptable qu'un gouvernement républicain propose de consulter des populations sur des réformes dont il sait parfaitement qu'elles ne sont pas constitutionnelles. Je condamne donc la politique socialiste en la matière qui est une marque d'irrespect total à l'égard de nos institutions.

Enfin, l'évolution d'une collectivité ne peut remettre en cause son appartenance à l'Europe. Vous avez cette chance d'être l'une des nouvelles frontières de l'Europe, frontière d'avenir, riche de promesses et de complémentarités avec le vieux continent. Avec l'euro, vous êtes pleinement intégrés à l'une des deux plus grandes zones de stabilité monétaire du monde. Il faut évidemment renforcer votre insertion dans l'espace européen et non distendre ces liens.

L'article 299-2 du Traité d'Amsterdam, qui reconnaît la spécificité des départements d'outre-mer et leur droit à des mesures particulières, doit être pleinement appliqué et je propose que sa rédaction soit intégrée dans l'article 73 de notre Constitution. Je veillerai par ailleurs à ce que la Convention sur l'avenir de l'Europe garantisse, à la veille de l'élargissement, le maintien des fonds structurels dont bénéficie l'outre-mer.



Dans le cadre de cette nouvelle architecture des pouvoirs, l'Etat doit apprendre à respecter les collectivités locales et à leur faire confiance.

Que ce soit dans l'Atlantique, dans l'océan Indien ou dans le Pacifique, je souhaite que les élus d'outre-mer puissent s'exprimer au nom de la France et signer des accords de coopération régionale engageant notre pays. C'est une question de bon sens : la France ne peut pas trouver de meilleurs représentants pour défendre ses intérêts que des élus réellement au fait des réalités locales.

C'est pourquoi en mars 2000, il y a déjà deux ans, j'ai réuni en Guadeloupe un sommet des chefs d'Etat et de Gouvernement de la Caraïbe auquel les élus des trois départements d'Amérique ont été pleinement associés. De la même façon, je me suis fait représenter par les exécutifs de Guadeloupe, de Martinique et de Guyane au sommet des chefs d'Etat de l'Association des Etats de la Caraïbe qui s'est tenu au Venezuela en décembre 2001.

Je me suis en revanche très naturellement opposé au gouvernement socialiste lorsque celui-ci a prétendu que la France n'avait plus sa place dans cette organisation internationale et que la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane devaient y siéger comme des Etats indépendants. Je m'y suis opposé parce que cette façon de faire était contraire au Traité ratifié par le Parlement, qui prévoit que la France est membre de l'Association des Etats de la Caraïbe. Je m'y suis opposé parce qu'elle était contraire à l'unité de la République. Je m'y suis opposé parce qu'elle assignait aux élus d'outre-mer un rôle réducteur, en refusant qu'ils puissent parler au nom de la France. Je m'y suis opposé enfin parce que c'était ne pas reconnaître aux élus d'outre-mer leur sens aigu des responsabilités et leur capacité de représenter dignement notre pays. J'y ai vu là un manque de respect et de confiance à leur égard.

La polémique qui s'est développée sur cette participation de la France à l'AEC est indigne. Vous me permettrez de fournir quelques précisions à ceux qui parlent de volte-face ou de contradiction.

Je rappellerai tout d'abord que le Président de la République, selon l'article 5 de notre Constitution, est le garant du respect des traités. N'en déplaise au gouvernement socialiste, une loi, fut-ce la loi d'orientation, ne peut être supérieure à un traité et ne peut donc le remettre en cause.

Je rappellerai ensuite que je n'ai pas, comme les socialistes, de politique de coopération régionale à géométrie variable. Je veux en effet que les délégations françaises dans toutes les organisations internationales de coopération régionale soient conduites par les élus d'outre-mer. Je m'étonne donc qu'à la Commission de l'Océan Indien, le gouvernement socialiste persiste à faire représenter la France par le préfet de La Réunion, alors que dans la Caraïbe, il estime que la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane, devraient être traités comme des Etats indépendants.

Je rappellerai enfin qu'on ne peut à la fois donner des gages aux indépendantistes et faire preuve du jacobinisme le plus autoritaire, en adressant à nos élus d'outre-mer, sans la moindre concertation préalable avec eux, des instructions provocantes et indéfendables. Lucette MICHAUX-CHEVRY en a fait récemment la triste expérience au sommet de l'AEC qui s'est tenu au Venezuela.

En réalité, la seule et vraie réforme que nous devons mener sur la coopération régionale concerne la préparation de ces réunions. Ce doit être une exigence pour les services de l'Etat de se mettre réellement à la disposition des élus. Ceux-ci doivent être impérativement et systématiquement consultés de façon approfondie avant l'élaboration de toute position française à défendre dans ces enceintes régionales.

Il n'est pas nécessaire pour y parvenir de prendre de nouveaux dispositifs juridiques. C'est une simple question de volonté politique.





Mes chers amis,

Les années qui viennent doivent être pour la Guadeloupe des années de progrès au sein de la République.

Progrès social, avec la réalisation de l'égalité économique. Avec la mise en place des instruments qui donneront à l'outre-mer les mêmes perspectives de croissance et d'emploi que les autres régions françaises.

Progrès politique, avec la construction d'une nouvelle démocratie locale, faite de respect et de tolérance. Une démocratie fondée sur la restauration des règles de droit, sur le respect des particularités de l'outre-mer et sur le maintien de l'unité de la République.

Je m'engage devant vous, ce soir, à mettre en oeuvre ce programme ambitieux avec volonté, avec détermination et aussi avec la passion que j'ai toujours portée à l'outre-mer.

Cette passion qui vous a aussi toujours animés, qui a porté votre combat pour la liberté et que je tiens à saluer au moment où la Guadeloupe va commémorer le sacrifice du Lieutenant-Colonel Louis DELGRÈS. Cet homme libre qui a fait le choix de partager le destin de ses frères esclaves en se sacrifiant avec eux. Cet homme qui a choisi, il y a 200 ans, la mort plutôt que perdre sa dignité. Je sais que la Guadeloupe, en toute circonstance, et dans les moments les plus sombres vécus par notre patrie, la France, a toujours su défendre sa liberté, sa dignité, ces valeurs qui fondent aujourd'hui notre République.

Avec l'ensemble de nos compatriotes d'outre-mer, avec aussi tous les Guadeloupéens qui vivent en métropole et que je tiens, d'ici, à saluer affectueusement, vous êtes la plus belle expression de la " France en grand ", de la " France ensemble " que je vous propose de construire.

J'ai besoin de vous pour mettre fin à cinq années d'un gouvernement pour lequel l'outre-mer n'a jamais été une priorité. J'ai besoin de votre enthousiasme, de votre dynamisme, de votre mobilisation pour mettre la Guadeloupe et la France en mouvement, pour que s'impose, en Guadeloupe comme dans toutes nos régions, la France de l'action. Mais outre-mer, encore plus qu'en métropole, c'est aussi la France du respect que nous allons construire ensemble.

Vive la Guadeloupe ! Vive la République ! Vive la France !





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