Discours de M. Jacques CHIRAC à Poitiers (campagne électorale pour l'élection présidentielle)

Discours de M. Jacques CHIRAC à Poitiers (campagne électorale pour l'élection présidentielle)

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Poitiers, Vienne, le mardi 9 avril 2002

Cher Jean-Pierre RAFFARIN, Mes chers Amis,

Il est des villes qui évoquent immédiatement l'histoire de France, parce qu'elles sont aussi des noms de victoires, parce qu'elles jouent un rôle dans notre fierté nationale. Poitiers en fait partie.

Je salue Poitiers, ville d'histoire et de patrimoine.

Je salue Poitiers, ville d'harmonie et de progrès.

Je salue Poitiers, ville d'audace, de courage et de dynamisme.

Je salue Poitiers, ville de fidélité et d'enthousiasme.

Je suis heureux d'être avec vous aujourd'hui. Je suis heureux de retrouver des amis, au premier rang desquels Jean-Pierre Raffarin, Président de la Région Poitou-Charentes. Et j'adresse, en notre nom à tous, un salut amical à René Monory.

Nous vivons un temps fort de notre vie nationale. C'est le temps du dialogue et du débat, avant le temps de l'action. Celui où se forge une vision commune de l'avenir, une vision fondée sur une conviction et une ambition françaises.

Au cours des années récentes, l'insécurité s'est répandue, les Français ont été opposés les uns aux autres, les intérêts corporatistes ont été privilégiés. Le gouvernement socialiste n'a été animé d'aucune vision authentique de l'intérêt national.

La compétitivité française, c'est-à-dire les investissements, l'activité et l'emploi de demain, s'est fortement détériorée. Les délocalisations se sont multipliées. Plus imposée et plus déficitaire que les autres, la France est aujourd'hui classée parmi les dernières en Europe pour l'emploi et le pouvoir d'achat. Près d'un an après la reprise du chômage, aucun plan d'action n'a été lancé. Le fatalisme règne. Et avec lui, l'attentisme. Sur l'insécurité, les retraites, la santé, sur la réforme de l'Etat, et sur bien d'autres questions encore, le gouvernement a escamoté les difficultés. Il a cessé de gouverner pour ne plus penser qu'à durer.

Un sentiment de relâchement s'est diffusé. Je veux y mettre fin. Je veux ranimer la passion de la France. Je veux réinscrire les valeurs de la République au coeur de notre société. Je veux mettre plus d'humanité, de générosité, de respect dans les relations entre Français.

Vivre ensemble, travailler ensemble, avancer ensemble, rêver ensemble : la France est faite pour cela !

Partout en France, je vois à l'oeuvre une richesse humaine, un dynamisme, une volonté de réussir et de construire ! Les Français travaillent, innovent, créent, conquièrent des marchés. Les Français s'engagent, expérimentent de nouvelles solidarités, font avancer la France.

Ils ont besoin d'être davantage écoutés, entendus, aidés et soutenus. Ils ont besoin que l'Etat leur ouvre la route, qu'il dégage leur chemin.

Aujourd'hui, nous avons plus que jamais besoin de références sûres pour l'action.

L'autorité, contre le laisser-aller, pour rendre sa place à l'esprit de responsabilité à tous les niveaux, rétablir la sécurité et restaurer la capacité d'arbitrage de l'Etat.

La Nation, contre la tentation du communautarisme, pour permettre à tous nos compatriotes de concilier leurs diverses appartenances, qu'elles soient spirituelles, régionales ou même politiques, avec les exigences de tolérance et de respect mutuel qu'impose notre pacte républicain.

L'unité, contre les forces de dispersion et de division, pour que tous les Français aient les mêmes droits et obligations partout en France, sans aucune distinction possible.

Pour ma part, mes chers amis, je n'ai jamais fait de distinction entre les Français et n'en ferai jamais. Je suis et je veux être le garant de notre unité.

Il n'y a pas deux France, ni trois, ni quatre, ni cinq, des France qui se séparent, s'opposent, se combattent et qu'il faudrait faire coexister ou réconcilier. Il y a une seule France.

Le génie français, c'est d'accueillir ce qui distingue, de refuser ce qui sépare et de privilégier ce qui rassemble. Nous ne saurions accepter que certains conflits, et notamment les terribles événements du Proche-Orient, dressent sur notre sol des Français contre des Français. Ce serait contraire à tout ce qui fait la France, son idéal, ses traditions, son message.

Une grande Nation comme la nôtre, doit d'abord garantir l'égalité des chances : égalité face à la sécurité, égalité devant l'éducation, égalité pour l'accès aux soins.

Elle doit aussi garantir à tous nos compatriotes les mêmes droits partout en France et pour cela assurer l'égalité des territoires et préserver la ruralité.

Enfin, elle doit réformer son Etat, pour qu'il puisse mettre l'action publique au service d'une grande ambition française.

Voilà, mes chers Amis, ce que nous allons faire ensemble.




D'abord la sécurité.

L'insécurité qui ronge notre pays, est une cause de fracture nationale.

L'exaspération grandit contre tous ceux qui ne connaissent que la loi de la violence, qui pourrissent la vie des établissements scolaires et des cités, mais aussi des centre-villes, mais encore des campagnes, parce qu'aucune région n'est épargnée. Une exaspération propice à tous les amalgames. Les premières victimes, ce sont bien sûr les Français les plus modestes, habitant les quartiers les plus exposés à la violence. Mais ce sont aussi les jeunes dans leur ensemble, et en particulier beaucoup de jeunes issus de l'immigration. Ceux, très nombreux, dont on ne parle pas, qui travaillent, qui réussissent, qui ne renient en rien leurs racines, mais qui sont avant tout et irrévocablement Français. Des jeunes qui font trop souvent l'objet de ces inacceptables discriminations auxquelles un climat de peur est tellement favorable.

A toutes ces dérives, il faut mettre un terme, et vite !

Les socialistes ont refusé de prendre la mesure du problème. Ils ont multiplié les déclarations, les colloques, les postures. Mais qu'en est-il des décisions, des actes, qui auraient permis de mettre un terme à l'impunité, de mieux prévenir et de mieux juguler la violence, d'éloigner réellement les délinquants du théâtre de leurs agressions? Qu'en est-il de la volonté et de l'efficacité ? On n'en voit nulle trace.

Prisonniers de leur idéologie. Marqués par la culture de l'excuse. Refusant de voir les défaillances de l'autorité. Ignorant l'action des réseaux mafieux qui mettent en coupe réglée des quartiers entiers. Enfermés dans les contradictions de leur majorité plurielle··· Les socialistes n'ont pas agi contre l'insécurité.

Et ils voudraient maintenant que cette question majeure soit laissée en dehors du débat démocratique ? C'est un comble !

Comme si la politique, qui est le service de la cité, ne consistait pas, justement, à répondre aux préoccupations des femmes et des hommes, à essayer de résoudre leurs problèmes. Comme si le devoir d'un responsable public, d'un homme d'Etat, n'était pas d'abord de protéger les citoyens !

Je continuerai donc à vous dire ce que je propose pour maîtriser la violence, pour faire reculer l'insécurité. Tout simplement, parce que c'est mon devoir.

Vous le savez, je veux tout à la fois agir par la prévention, l'anticipation, mais aussi, sans faiblesse, par la sanction, une sanction certaine, rapide, juste et adaptée.

La prévention exige de réunir, dans une même mobilisation, tous ceux qui peuvent jouer un rôle, pour alerter, pour responsabiliser les familles, pour apporter un soutien, un suivi, une solution. Je pense aux enseignants et aux chefs d'établissements, parce que tout commence souvent par l'absentéisme, les conduites d'échecs, les violences verbales vis-à-vis de camarades, de surveillants ou de professeurs. Je pense aux agents sociaux et aux éducateurs, qui connaissent les familles, la vie des quartiers. Aux gardiens d'immeubles, premiers témoins de tout ce qui ne va pas. Aux associations, notamment sportives et culturelles. Je pense aux forces de l'ordre, qui doivent remplir une fonction de dissuasion, ainsi qu'aux juges pour enfants. Tous doivent agir de façon coordonnée, en liaison étroite avec les maires, parce qu'ils sont les mieux placés pour établir un contact avec les jeunes en danger, pour aider les parents, mais aussi pour les mettre face à leurs responsabilités.

Mais aussi sérieuse soit-elle, la prévention ne suffit pas. L'insécurité s'aggravera encore si l'on continue à relâcher les délinquants aussitôt qu'arrêtés. S'ils croisent, le lendemain, le commerçant qu'ils ont agressé la veille, l'élève qu'ils ont racketté. Personne ne peut mesurer les ravages de l'impunité, qui est la négation même de la notion de faute, et qui ne fait que renforcer le prestige des meneurs. Il est urgent d'y mettre un terme.

Je m'engage à ce que soient votées, dès cet été, deux lois de programme, sur cinq ans, pour les forces de l'ordre, police et gendarmerie, et pour la justice, afin qu'elles aient les moyens de l'efficacité. Je m'engage à ce que soient mis en place, avant l'été, dans toute la France, des Groupements Opérationnels d'Intervention réunissant policiers, gendarmes, douaniers, agents du fisc, magistrats, pour démanteler les réseaux mafieux qui tiennent certaines cités, et qui utilisent les plus jeunes pour des trafics de toute nature : drogue, prostitution, immigration clandestine, recels···

Je m'engage à ce que soient créée une justice de proximité, prompte, humaine, proche du terrain, pour mettre fin à l'engorgement actuel des tribunaux. Elle prononcera les premières peines dans l'échelle des sanctions, des peines immédiates et effectives.

Je m'engage à ce que, d'ici la fin de l'année, soient mis en place des centres fermés, et non pas des centres ouverts à tous les vents, comme les rares qui existent actuellement. Ils permettront d'éloigner les jeunes délinquants des quartiers où ils sévissent et de leur donner l'occasion et la possibilité de se reconstruire pour s'insérer dans la société.

Je m'engage enfin à tout mettre en oeuvre pour que les forces de l'ordre, qui font un travail difficile, et auxquelles je veux rendre hommage, soient mieux utilisées, et se sentent davantage considérées, davantage soutenues. Combattre efficacement l'insécurité nécessite bien sûr, pour la gendarmerie et la police, des moyens, mais aussi un moral, une volonté, un état d'esprit. C'est ce moral, cette volonté qu'il nous appartient de conforter.

C'est cela, une politique efficace de sécurité. Pendant cinq ans, les socialistes l'ont refusée. Ils ne la mettront jamais en oeuvre. Pour ma part, je m'engage à la conduire, pour tous nos concitoyens, pour les victimes, pour les jeunes en danger, pour le bien et l'unité de la Nation.


Le deuxième pilier de l'égalité des chances, c'est l'égalité devant l'éducation. Qu'y a-t-il de commun entre un collège de centre-ville, à l'environnement plus ou moins protégé, et un collège de ZEP où chaque cours est un combat pour rétablir le calme, apaiser les violences, se faire entendre, délivrer un savoir ? En théorie, c'est la même école républicaine, les mêmes enseignants, les mêmes programmes. En fait, ce sont deux mondes étrangers l'un à l'autre.

Le résultat, c'est que l'égalité des chances, pourtant au coeur de notre pacte républicain, n'a jamais été aussi mal assurée. Il est beaucoup plus difficile à un élève sérieux, conscient des enjeux, désireux de travailler, de réaliser ses projets aujourd'hui qu'il y a dix ou vingt ans. Telle est la réalité, inacceptable.

Comment combattre cette injustice ? Je propose que nous nous fixions six objectifs.

D'abord, sécuriser. Je n'insisterai pas, tant il est évident que rien n'est moins propice à la concentration, à l'effort, à l'étude, que les violences, verbales ou physiques, le refus des règles, la crainte de se faire agresser ou racketter. Faire de chaque élève un citoyen de la cité scolaire. Responsabiliser les parents. Sanctionner les fauteurs de trouble. Prévoir pour eux, en cas d'actes graves et d'exclusions répétées, des établissements éducatifs spécialisés: autant de nécessités.

Ensuite, anticiper et combattre l'échec scolaire qui décourage tant de jeunes et les prive d'espoir. Chacun sait qu'il faut agir très tôt, dès la maternelle. C'est là que commence à se jouer le futur apprentissage de la lecture et de l'écriture. C'est là que l'on peut commencer à prévenir l'illettrisme.

A l'entrée en sixième, un enfant sur cinq ne maîtrise pas la lecture et l'écriture. Il faut mettre en place, à l'école primaire, des équipes pédagogiques renforcées, un travail en petits groupes dès qu'apparaissent les difficultés. Il faut mobiliser les parents, instaurer pendant la dernière année d'école un dispositif d'aide intensive. L'entrée au collège ne doit pas être un saut dans le vide, mais une étape franchie dans de bonnes conditions.

Evaluer. L'évaluation ne doit pas se faire deux ou trois fois au cours de la scolarité, mais tout au long du parcours scolaire, pour que les problèmes ne restent pas sans remèdes, et qu'aucun enfant ne passe à travers les mailles du filet.

Soutenir. Un soutien efficace passe notamment par le renforcement des études dirigées et par un compte-soutien, dont disposerait chaque élève, lui donnant droit à un certain nombre d'heures, à décider avec ses professeurs. Des étudiants, des lycéens, pourront être mobilisés et rémunérés au service de cette action.

Personnaliser. Face à la diversité des jeunes et de leurs centres d'intérêts, face à la multiplicité des besoins, il n'est pas raisonnable de maintenir un système figé, avec d'un côté, un enseignement général, prétendument le même pour tous, et de l'autre, un enseignement technologique ou professionnel où, bien à tort, l'on arrive souvent par défaut. C'est un formidable gâchis. Il est urgent de définir, avec tous les acteurs concernés, enseignants, parents d'élèves, acteurs économiques, collectivités locales, des parcours qualifiants, qui pourront commencer dès la quatrième, avec des filières complètes, enseignement supérieur compris, et de multiples passerelles entre ces filières. Il faut mieux informer les jeunes et leurs parents, valoriser les différents choix, et faire la preuve que la réussite personnelle et professionnelle passe par de multiples chemins. C'est ainsi que nous ferons un collège pour tous.

Enfin, responsabiliser. Sans toucher à l'unité de notre Education Nationale, il est temps que les chefs d'établissement disposent de ressources propres, puissent gérer leurs personnels techniques et nouer des accords avec les collectivités territoriales pour développer des enseignements optionnels nécessaires au développement local. En bref, il est temps de faire confiance.

C'est ainsi, en agissant sur tous ces fronts, que nous ferons progresser l'égalité des chances.

Egalité face à la santé. Ce n'est toujours pas une réalité aujourd'hui. Bien sûr, des progrès ont été accomplis, et les plus démunis de nos concitoyens bénéficient de la Couverture Maladie Universelle. Pourtant, il y a toujours des oubliés de la santé. En particulier, tous les petits salariés, fonctionnaires ou travaillant dans le secteur privé, tous les retraités modestes, trop riches, si l'on peut dire, pour avoir droit à la CMU, mais trop pauvres pour s'offrir une mutuelle. Il y a là une carence qui pénalise, comme souvent, ceux qui travaillent ou qui ont travaillé toute leur vie. Je veux leur donner accès à une mutuelle ou à une assurance complémentaire en les aidant fiscalement.

A l'inégalité sociale, s'ajoutent les inégalités géographiques. La politique de santé est un tout. Nous devons mettre en cohérence l'offre de soins partout sur le territoire. Cela suppose d'éteindre la crise actuelle, qui s'étend du médecin de famille à l'hôpital public. Je propose, là encore, de faire le choix de la confiance, de la qualité et de la responsabilité. Ecartons les systèmes coercitifs, les sanctions globales, toujours injustes et qui ont fait la preuve de leur inefficacité. Ouvrons le dialogue en demandant aux professions de santé de s'engager sur les bonnes pratiques professionnelles, en échange d'une nécessaire revalorisation de leurs conditions d'exercice. Aidons l'hôpital à assumer toutes ses missions, et d'abord la qualité des soins, la continuité du service public et l'accès au service public, en lui donnant les moyens d'assumer les 35 heures, avec toute la souplesse nécessaire.

Je veux que partout en France, les Français soient soignés de la même façon. Ce n'est plus le cas quand l'hôpital est délaissé et quand tant de médecins ruraux ferment leur cabinet sans être remplacés.




Mes Chers Amis, qu'il s'agisse de l'insécurité, des difficultés du système éducatif ou du droit à la santé, partout passe le même fil rouge, celui de l'organisation du territoire. Les chances et les droits des Français ne sont plus les mêmes selon le lieu où ils habitent. Je ne peux l'accepter. Notre Nation ne peut s'y résigner. Depuis cinq ans, la politique de la ville a été mal conduite et la politique de la ruralité est restée en jachère. Dans les deux cas, ce qui est en cause est pourtant essentiel, c'est l'équilibre de nos territoires, c'est l'égalité entre les Français.

Ici, en Poitou-Charentes, je veux surtout vous parler de l'ambition que nous devons avoir pour la ruralité.

13 millions de nos compatriotes, soit un Français sur quatre -un sur deux en Poitou-Charentes-, vivent à la campagne. Si tout choix de vie a ses avantages et ses contraintes, il n'est pas normal d'être pénalisé parce qu'on habite en zone rurale. Il n'est pas normal qu'une partie de notre pays soit oubliée des politiques publiques, parce que les responsables socialistes ne comprennent pas que la ruralité est une chance pour notre Nation.

Une chance économique, bien sûr, par la vitalité de notre agriculture, et la puissance de notre secteur agro-alimentaire. Mais aussi une chance pour l'équilibre, l'harmonie de notre pays, la fidélité à ses racines, le respect de l'environnement. Au nom de ces valeurs, de nombreux jeunes font le choix de la vie rurale. Pour vivre autrement. Pour vivre mieux.

Je veux que le monde rural puisse vivre ses choix, s'exprime pleinement, participe de l'élan national.

Cela suppose une politique agricole dynamique, pour une agriculture économiquement forte et écologiquement responsable.

Simplifier, dans ce domaine comme dans tous les autres, les réglementations paralysantes qui font perdre un temps précieux.

Alléger les contraintes, par exemple celles relatives à la transmission des exploitations. Relancer l'installation des jeunes agriculteurs. Elle a chuté de 40 % depuis 1997. C'est extrêmement grave. Nous devons vraiment lui redonner une nouvelle vigueur.

Mieux gérer les crises, la crise bovine, la crise viticole, en essayant de définir, au-delà des solutions immédiates, des projets sur le long terme.

Replacer, enfin, la question du revenu des agriculteurs au coeur de notre politique agricole, en acceptant que notre indépendance alimentaire et la qualité sanitaire des aliments soient payées à leur juste coût.

Tels doivent être les principes de notre action.

Mais au-delà d'une politique agricole volontariste, c'est au monde rural dans son ensemble qu'il faut donner toutes ses chances.

Cela signifie, d'abord, l'accès à tous les services publics. J'évoquais les hôpitaux et l'école. S'il est normal que s'appliquent des critères, la question du maintien ou de la fermeture des écoles ou de petits collèges doit être abordée avec souplesse, avec imagination, en ne perdant jamais de vue l'intérêt des enfants, et en donnant des marges de manoeuvre aux acteurs locaux. Tout doit être exploré, depuis les internats à temps partiel, permettant aux élèves de bénéficier d'activités extra-scolaires et d'être soutenus dans leurs études sans être coupés de leurs familles, jusqu'aux réseaux éducatifs, dans lesquels ce sont les professeurs qui vont au devant des élèves, et non l'inverse.

Et puis, il y a tous les autres services publics, transports, postes ou perceptions. Là encore, peu importe les moyens mis en oeuvre. Lignes de bus spécifiques ou affrètements de taxis par les collectivités locales, pour les transports. Mise en place de maisons de service public, regroupant les différents guichets, et fonctionnant avec des agents mobiles. L'objectif, c'est que tous les Français, où qu'ils habitent, puissent être de la même façon des usagers de l'Etat.

Pouvoir se loger est une autre exigence. Les communes doivent être aidées à réhabiliter leur patrimoine, afin qu'elles puissent proposer des logements en location, car tous les Français qui veulent vivre à la campagne n'ont pas toujours les moyens d'acheter.

Mais le plus important, c'est évidemment l'emploi, l'emploi si possible à proximité du domicile. Outre une politique agricole forte, il s'agit de faciliter l'implantation des entreprises en milieu rural. Mettre en place des dispositifs ciblés, favorables à l'artisanat. Créer, dans chaque département, des " facultés de l'entreprise et des métiers " afin de dispenser des formations professionnelles et de valoriser l'artisanat et le commerce local. Assouplir les règles de l'emploi par des contrats mixtes de travail public-privé qui permettraient, par exemple, de travailler tout à la fois au bureau de poste, mais aussi au bar-tabac ou à la station-service. Simplifier les règles de création et de gestion des groupements d'employeurs : autant d'expérimentations possibles, de directions à prendre pour attirer l'activité économique dans les campagnes.

Tout doit être ouvert, et en particulier les mille possibilités qu'offrent les technologies de l'information qui permettent de donner accès au savoir et à la culture, d'être soigné ou même de travailler à distance. Là encore, il n'y a pas, actuellement, d'égalité devant ces technologies. C'est particulièrement vrai pour l'internet rapide, l'internet du futur qui reste encore trop souvent un privilège des zones urbaines. D'où le plan de rattrapage que je propose pour développer l'accès de toutes les communes au haut débit, favoriser l'équipement informatique des foyers et des écoles et encourager l'apprentissage d'internet. Demain, on pourra choisir la qualité de vie dans son terroir et travailler en temps réel avec le monde entier. Les technologies nouvelles offrent de nouvelles chances à tous nos territoires.

Mais au-delà de cette politique d'ensemble, le monde rural veut surtout être compris et respecté, dans son état d'esprit, ses coutumes, ses rythmes, sa respiration. Les guerres de religions entre paysans, chasseurs, défenseurs de l'environnement, ne sont plus de mise. Tous sont attachés à la nature, conscients aussi de la nécessité de la préserver. Notre ambition commune, c'est le développement harmonieux des campagnes, dans le respect de notre patrimoine naturel. Nous devons nous en donner les moyens, au nom de l'égalité de tous les Français, mais aussi au nom de la cohésion et des grands équilibres de notre Nation.

Voilà quelques-unes des responsabilités de l'Etat : la sécurité, l'égalité de tous les Français, l'équilibre des territoires. Naturellement, seul un Etat fort, moderne, efficace, sera à la hauteur de ces missions.


Les Français ont plus que jamais besoin de l'Etat. Pour assurer leur protection, dans tous les domaines. Pour garantir les solidarités. Pour donner l'impulsion nécessaire à notre économie.

L'Etat doit redevenir facteur de dynamisme. Il doit libérer les énergies de notre pays.

Pour cela il faut réformer l'Etat, et d'abord simplifier et alléger fortement les contraintes administratives, dont nous sommes toujours les champions. Il faut pouvoir créer rapidement son entreprise, à la ville comme à la campagne. Il faut que les commerçants, les artisans, les agriculteurs, les patrons de PME ne passent plus des jours et des semaines à remplir des formulaires au lieu de gérer leur activité. J'appelle à un grand rendez-vous, un véritable " Grenelle " des simplifications administratives, réunissant les entreprises, l'Etat et les institutions de protection sociale, pour qu'on cesse de demander toujours les mêmes renseignements, toujours les mêmes déclarations, aux acteurs économiques comme aux particuliers.

Mais réformer l'Etat, c'est aussi un travail de l'Etat sur lui-même, sans tabou ni a priori. Il faut une grande réforme de l'Etat, secteur par secteur, ministère par ministère, pour voir où se posent les problèmes, s'ils concernent la prise de décisions, le fonctionnement de l'appareil d'Etat, l'efficacité des services, la satisfaction de ses usagers, les conditions de travail de ses agents. C'est dire qu'il faut privilégier une approche pragmatique, en concertation avec tous les partenaires sociaux et tous ceux qui sont concernés, comme, par exemple, les associations de consommateurs ou d'usagers.

Au cours des années récentes, bien des ministres n'ont eu de cesse de légiférer et de réglementer à tout propos, armés de préjugés étatistes mais négligeant leur administration et oublieux des usagers de leur ministère, ceux à qui sont pourtant destinés lois et décrets. Jamais les difficultés d'application des textes n'ont été prises en compte : les conditions du passage aux 35 heures l'ont bien montré, de même que l'application chaotique de la loi sur la présomption d'innocence

Chaque velléité de réforme, abandonnée dès les premières résistances, s'est soldée par un échec : à l'Education Nationale, pour la répartition des effectifs de police et de gendarmerie, dans les hôpitaux, et aussi bien sûr aux Finances. Non contents d'avoir les impôts les plus lourds d'Europe, nous avons aussi les coûts de prélèvement les plus élevés.

Les ministres du prochain gouvernement devront être des chefs d'administration plutôt que des légistes en chef. Ils devront avoir l'obsession du service rendu aux usagers. Chacun d'eux sera personnellement responsable de la définition et de la mise en oeuvre sur cinq ans d'un plan de réforme et d'amélioration du service public. Ce plan devra avoir été approuvé par le Parlement dans l'année qui suivra la formation du gouvernement, après avoir été discuté avec les personnels et les représentants des usagers. Les crédits de fonctionnement de chaque ministère en dépendront et chaque ministre devra rendre compte personnellement de la mise en oeuvre de ce plan au moment de la discussion de son budget.

Chaque fonctionnaire doit trouver des avantages aux changements projetés, en termes de traitement, mais aussi en termes de déroulement de carrière, de rapport avec la hiérarchie, de possibilités d'initiatives et d'intérêt du travail.

C'est la bonne méthode pour recréer la motivation du service public et pour révéler le dynamisme que recèlent les agents de l'Etat, un dynamisme souvent bridé, démobilisé, étouffé.

Le départ à la retraite, dans les prochaines années, de près de 50 % des agents publics, appelle un profond renouvellement des hommes et des méthodes. Evitons les querelles théologiques sur le point de savoir s'il faut remplacer chaque fonctionnaire par un autre ! Il y a mille situations à envisager. Là, il faut non seulement remplacer mais embaucher davantage, parce que la justice, les forces de l'ordre, la santé ont besoin d'effectifs accrus. Ici, des missions ont disparu, par exemple, la collecte de la vignette. Il faut donc redéployer les agents qui en étaient chargés. Là, il faut regrouper certains services. Ici, en créer d'autres. En la matière, ce qui doit primer, ce sont les besoins des usagers, les attentes des agents publics, et surtout l'intérêt supérieur de notre pays.

C'est ainsi que nous aurons un Etat plus performant, plus motivé, plus responsable.

Je veux un Etat fort, décidé à assumer pleinement ses missions, mais modeste dans ses pratiques. Un Etat qui accepte le dialogue social.

Je veux un Etat qui accepte de déléguer, et donc respectueux de la démocratie locale. Cela suppose d'aller au bout de la logique de décentralisation.

Je veux, enfin, un Etat économe des deniers publics. Des services mieux gérés, des ressources humaines mieux utilisées, des personnels motivés et impliqués, des services regroupés, c'est ainsi que diminuera le poids de l'Etat sur la Nation, accompagnement indispensable de la baisse des impôts et des charges dont j'ai pris l'engagement auprès des Français.

Voilà, mes Chers Amis, l'Etat renouvelé que je souhaite pour le renouveau la France.




Oui, une nouvelle France est en marche.

Tous ensemble, dès demain, nous pouvons la construire. Faire le choix de l'Etat contre l'étatisme. De la liberté et de l'égalité contre la bureaucratie. Des parcours personnels contre l'uniformité. Le choix de l'action et du courage contre l'attentisme et la passivité.

En un mot, mes chers Amis, le choix de la France, et non celui du socialisme.

Une nouvelle exigence de mouvement s'impose contre le fatalisme et la résignation. L'avenir de la France est entièrement entre nos mains. Il nous appartient de l'écrire ensemble.

Parce qu'il n'y a pas d'ambition collective qui ne soit une multitude d'engagements individuels, je vous demande de vous rassembler pour faire bouger la France, et préparer son avenir, l'avenir de vos enfants.

Pour une France démocratique, participative, ouverte, accueillante aux idées et aux passions.

Pour une France assurée, rassurée, libérée, qui joue tout son rôle dans l'Europe.

Pour une France audacieuse, tournée vers l'avenir, qui innove, imagine des activités nouvelles, crée des emplois.

Pour une France qui rayonne et qui fait entendre sa voix dans le monde.

Je compte sur votre mobilisation. Sur votre enthousiasme. Sur votre volonté.

Vive la République ! Vive la France !





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