Conférence des Ambassadeurs

Discours prononcé par M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion de la reception des Ambassadeurs.

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Palais de l'Elysée - Paris le 29 août 2002

Monsieur le Premier Ministre,
Monsieur le Président du Sénat,
Monsieur le Président de l'Assemblée Nationale,
Monsieur le Ministre des Affaires étrangères,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Et enfin et surtout, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,

Je suis heureux de vous recevoir, naturellement, à l'Élysée pour clore la conférence des Ambassadeurs qui s'est tenue autour de Dominique de VILLEPIN. Le ministre des Affaires étrangères est l'un des vôtres mais il a été aussi mon premier collaborateur. Voilà qui est de nature, je l'imagine, à nous rapprocher encore davantage.

Mon message aujourd'hui est un message d'ambition. Une ambition dont nous avons les moyens car notre pays est désormais plus rassemblé. Il est de ce fait plus fort, davantage capable de se tourner vers l'action pour anticiper, pour maîtriser et même conduire les changements qui affectent notre monde et nos sociétés.

Alors que tant de forces politiques, sociales, économiques agissent un peu comme des lames de fond, des interrogations se font jour : la France peut-elle prétendre rester maîtresse de son destin ? Peut-elle continuer à faire entendre sa voix pour apporter sa réponse aux grandes questions qui se posent aux hommes ? J'ai la conviction qu'elle le peut et qu'elle le doit. C'est affaire de volonté et c'est notre vocation, c'est votre vocation. En poursuivant dans cette voie, nous répondons à l'attente des Français comme à celle des peuples et des États qui demandent à notre pays et aussi à l'Europe de s'exprimer fortement sur les grands problèmes du moment et aussi sur l'avenir de notre planète.

C'est avec cette conviction et cette volonté que j'assigne à notre diplomatie quatre orientations principales pour les années à venir : réaliser des progrès décisifs dans la construction européenne ; renforcer la sécurité des Français ; travailler bien sûr en faveur de la paix et la démocratie et favoriser l'émergence d'un monde humainement plus solidaire et écologiquement plus responsable.
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À Strasbourg, le 6 mars dernier, j'ai proposé aux Français ma vision de l'Europe. C'est désormais notre feuille de route. Elle nous oblige car l'avenir de l'Union se joue dans la période qui s'ouvre. En faisant preuve d'imagination, en prenant des initiatives, nous devons mener à bien plusieurs chantiers.

D'abord celui de l'arrivée, programmée à l'horizon 2004, de dix nouveaux membres. L'élargissement, la France l'appelle de ses vœux car il y va de l'enracinement de la paix et aussi de la démocratie sur tout le continent européen.

Nous devons maintenant tenir les délais. L'Union sera au rendez-vous. Elle devra présenter aux candidats, au plus tard en novembre, ses propositions financières détaillées, en particulier celles concernant les aides directes agricoles.

Les règles du jeu sont claires. Elles sont conformes à un principe qui a présidé à toutes les adhésions : dans leur intérêt, comme dans celui de l'Union, les candidats reprennent l'intégralité de l'acquis communautaire. Je n'accepterai donc pas que l'élargissement serve de prétexte à une réforme anticipée de la PAC, réforme qui ne peut avoir lieu qu'en 2006, conformément au contrat solennellement conclu à Berlin. La France est prête à en discuter mais le débat ne peut se tenir qu'avec les nouveaux membres.

Nos ambassadeurs dans les pays candidats ont un rôle majeur à jouer pour expliquer nos positions et dissiper d'éventuels malentendus. Ils doivent relayer l'action des membres du Gouvernement dont la présence en Europe centrale et orientale va s'accroître. J'ai demandé en particulier au ministre des Affaires étrangères et à Madame Noëlle LENOIR de rendre visite à nos futurs partenaires d'ici la fin de l'année pour qu'ils sachent combien la France les attend et souhaite leur intégration réussie au sein de la famille européenne.

Nous devons, parallèlement, veiller à ce que les nouveaux voisins de cette Union élargie ne se sentent pas délaissés. Il ne faut pas que se crée une nouvelle ligne de fracture en Europe. Le processus d'élargissement doit donc s'accompagner d'un renforcement du partenariat avec la Russie et avec l'Ukraine. C'est ce que souhaite la France. Nous avons fait un pas supplémentaire en ce sens avec le Président POUTINE il y a un mois, à Sotchi.

En même temps qu'elle s'étend à l'est, l'Union doit redoubler d'attention à l'égard des pays de la rive sud de la Méditerranée. Je regrette que le processus de Barcelone, d'initiative française, ait été freiné dans sa dimension politique par la crise du Proche-Orient. Mais il existe des marges de progrès : avançons sur le volet économique, enrichissons le dialogue culturel, préparons pour 2004 une stratégie méditerranéenne du développement durable ambitieuse, dans l'esprit de Rio et de Johannesburg. La France se propose d'accueillir l'an prochain une réunion préparatoire informelle qui rassemblera les meilleurs connaisseurs de notre espace commun pour évaluer ensemble les défis et en tirer des perspectives pour l'avenir.

Parallèlement, la France souhaite resserrer ses liens privilégiés avec les trois pays du Maghreb. Et dès l'an prochain, je retournerai dans chacun de ces pays. En Algérie, j'effectuerai une visite d'État à l'invitation du Président BOUTEFLIKA.
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La Convention sur l'avenir de l'Union constitue notre deuxième grand chantier. J'en attends, pour les citoyens européens, un nouveau projet ambitieux, de portée constitutionnelle. J'en attends également des solutions novatrices, adaptées à une Europe qui va changer de visage avec l'élargissement.

La France est résolument engagée dans les travaux de la Convention. Elle veut être une force de propositions pour améliorer la gouvernance économique au sein de la zone euro ; pour renforcer l'espace européen de liberté, de justice et de sécurité ; et pour rendre la politique étrangère et de sécurité forte et efficace dans une Europe à vingt-cinq. Grand défi, mais nécessaire.

Certaines règles de fonctionnement de l'Union devront être revues. Je pense en particulier à la Présidence semestrielle du Conseil, qui n'est plus concevable dans une Europe élargie. J'ai donc proposé que les chefs d'État et de gouvernement désignent un Président du Conseil européen pour une durée suffisamment longue. L'Union gagnerait ainsi en stabilité et en visibilité sur la scène internationale.

Dépassons par ailleurs les vieux clivages entre partisans de la coopération intergouvernementale et adeptes de la communautarisation systématique. Vouloir étendre à la politique étrangère les procédures communautaires appliquées au marché intérieur ou à la politique de concurrence irait à l'évidence contre le bon sens et les réalités nationales.

L'important, c'est de renforcer la crédibilité et l'efficacité de l'action extérieure de l'Union. Définissons avec précision, dans une déclaration solennelle, les grands axes de la politique extérieure de l'Union pour les prochaines années. Prenons l'engagement de rechercher systématiquement l'intérêt européen dans les situations de crise. Cela nous rassemblerait davantage et créerait, comme ce fut le cas dans les Balkans, une unité de vues propice à la définition de politiques fortes.

Il faut également mieux identifier les responsabilités entre le Conseil et la Commission, veiller à une plus grande cohérence dans l'utilisation des moyens financiers de l'Union. L'idéal serait que l'Europe dispose, en quelque sorte, d'un ministre des Affaires étrangères qui exercerait, auprès du Président du Conseil européen, les fonctions qui sont aujourd'hui celles du Haut représentant pour la PESC et du Commissaire pour les relations extérieures.
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La troisième priorité de notre diplomatie européenne, dans les prochains mois, sera de travailler comme nous en sommes convenus avec nos partenaires allemands, à la refondation et à l'approfondissement de la relation franco-allemande.

L'accord franco-allemand n'est pas à lui seul suffisant pour faire avancer l'Europe mais, l'expérience constante le prouve, il est toujours la condition nécessaire. C'est bien sous l'impulsion de nos deux pays que l'Europe de demain se dessinera. J'ai donc souhaité qu'à l'occasion du 40e anniversaire du Traité de l'Élysée, en janvier 2003, la France et l'Allemagne concluent un nouveau "pacte fondateur". Avec le Chancelier, nous avons décidé à Schwerin d'en confier la préparation à Dominique de VILLEPIN et à son homologue allemand.

Il ne s'agira pas d'un nouveau Traité mais d'une déclaration politique forte, assortie de mesures de coopération concrètes dans tous les domaines, témoignant du rôle moteur de nos deux pays dans la construction de l'Europe. Nos institutions communes seront modernisées pour favoriser une meilleure connaissance réciproque de nos sociétés, pour rapprocher nos diplomaties, nos armées, nos administrations et pour inviter nos parlements à travailler davantage ensemble.
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Mesdames, Messieurs les Ambassadeurs,

L'attentat de Karachi, où onze de nos compatriotes ont péri, nous a cruellement rappelé que nous pouvions être pris pour cible à l'étranger comme nous l'avions été sur notre territoire. Ce drame nous invite à redoubler de vigilance et d'efforts pour renforcer la sécurité des Français. C'est, à l'évidence l'une de vos priorités.

Dès avant le 11 septembre, la France avait fait sien le combat contre le terrorisme. Elle s'y est engagée sur le terrain. Elle est toujours militairement présente aux côtés des États-Unis et de ses alliés, car la guerre contre Al Qaida n'est pas terminée et la paix reste fragile et incertaine en Afghanistan.

Elle s'y est également engagée par une action diplomatique d'envergure. Aux Nations Unies, comme au GAFI, nous avons été à la pointe du combat contre le terrorisme et d'abord contre son financement. En un an, les instruments ont été créés. Il faut maintenant les mettre en œuvre et traquer les responsables d'autres fléaux connexes. La France proposera d'étendre la mission de surveillance et de pression du GAFI à la lutte contre le financement de la drogue et le financement du crime organisé.

Dans le cadre de l'Union, nous avons milité pour l'adoption du mandat d'arrêt européen. C'est chose faite. Je souhaite aujourd'hui que la protection des populations européennes soit mieux prise en compte. Et d'abord par la planification au niveau européen de l'aide aux populations qui pourraient, malgré les précautions prises, être victimes d'actes barbares. Sur ce point également, la France fera des propositions.

Il faut aussi empêcher les terroristes d'accéder à de nouvelles armes. Dans le cadre du G8, à Kananaskis, nous avons engagé un programme de 20 milliards de dollars pour que les matières nucléaires, radiologiques, biologiques ou chimiques ne puissent pas tomber entre leurs mains. En 2003, sous présidence française, toute l'impulsion nécessaire sera donnée pour la mise en œuvre de ce programme.

Mais le terrorisme n'est pas la seule menace et le monde ne doit pas uniquement s'organiser autour de la réponse au défi qui nous a été lancé le 11 septembre, car alors nous ferions le jeu de ceux-là mêmes que nous combattons.

Le danger provenant des armes de destruction massive vient aussi de certains pays et il s'accroît. J'ai déjà eu l'occasion de le dire : il n'y a pas qu'un seul moyen d'y faire face. Le développement d'un système de défense, aussi sophistiqué soit-il, ne peut suffire à nous prémunir. Il est donc essentiel d'agir par la prévention et, en dernier ressort, de faire jouer la garantie que nous offre la dissuasion.

La prévention, c'est d'abord le développement des instruments juridiques contraignants qui empêchent la prolifération. L'attachement de la France à la mise en œuvre et au renforcement de ces instruments ne procède ni de la naïveté ni de l'aveuglement mais d'un souci d'efficacité. Ces traités rendent en effet la tâche des pays proliférateurs beaucoup plus complexe.

Ces instruments sont encore incomplets, soit dans leur portée, soit dans leurs mécanismes de vérification. Il faut donc persuader les pays récalcitrants ou sceptiques que cette voie est la bonne. L'Union européenne comme les Nations Unies peuvent et doivent y contribuer.

L'Union d'abord, dans son dialogue avec les États dont les intentions suscitent des doutes, pour que les avantages que ces pays demandent en matière de commerce, d'aide, de coopération soient subordonnés à des engagements de leur part dans le domaine de la non-prolifération. Dans son dialogue également avec les États-Unis pour les convaincre de ne pas minimiser l'approche multilatérale. Ainsi faut-il que les travaux engagés contre la prolifération balistique aboutissent à faire du code de conduite un instrument juridique de portée universelle.

Les Nations Unies ensuite. Le Conseil de Sécurité doit se saisir de ce problème, car ces nouveaux dangers constituent une menace réelle à la paix et à la sécurité internationales. Mais, pour être efficace, il doit le faire au niveau des chefs d'État et de gouvernement de manière solennelle. Et je propose donc que le Conseil se réunisse à ce niveau en 2003, en marge de l'Assemblée générale, avec un double mandat : faire le bilan de la politique de non-prolifération et lui donner une nouvelle impulsion décisive.

Nous devons de plus en plus penser notre sécurité à l'échelle du monde. Il ne s'agit plus seulement de répondre à une menace aux frontières, qui naturellement s'est estompée, mais surtout de prévenir, de juguler des crises qui peuvent directement ou indirectement nous affecter. Et il est naturel que nous agissions de plus en plus dans un cadre européen.

L'Europe de la Défense, lancée à Saint-Malo, a besoin d'un nouveau souffle. Trois objectifs immédiats devront être atteints : mettre en œuvre rapidement les accords entre l'OTAN et l'Union européenne ; réaliser une opération sur le terrain par la relève des forces des Nations Unies en Bosnie et de l'Alliance en Macédoine ; fixer de nouvelles missions à l'Europe au-delà de celles de Petersberg qui limitent les ambitions européennes.

Bien entendu, pour que notre volonté d'agir soit parfaitement crédible, elle doit disposer de capacités militaires suffisantes et notamment de moyens de projection. C'est ce qu'ont bien compris nos amis britanniques. S'agissant de la France, j'ai pris les décisions nécessaires, avec le gouvernement, pour donner à nos armées les moyens qu'exigent nos ambitions internationales et les engagements de défense que nous avons pris dans le cadre de l'Union européenne. Et j'appelle nos partenaires à faire, dans ce domaine, les choix courageux et nécessaires qui s'imposent. C'est à ce prix que l'Europe pourra faire entendre sa voix et exercer une influence sur la scène internationale.
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Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,

Les choses ont évidemment beaucoup changé. Le spectre des guerres inter-étatiques en Europe, telles que nous les avons connues sous l'impulsion du nationalisme puis des idéologies totalitaires, est derrière nous. Le modèle libéral et démocratique progresse aujourd'hui dans le monde, et il faut s'en réjouir.

Mais la situation comporte ses fragilités :

La contestation du modèle occidental par l'islamisme radical et son dévoiement terroriste. Les contradictions internes du capitalisme mondialisé et les errements, les excès dont il est à l'évidence porteur. L'écart massif de développement entre le Nord et le Sud et les frustrations qu'il engendre. Le nombre des conflits régionaux actuels ou potentiels désormais aggravés par la prolifération d'armes de destruction massive.

Par ailleurs, on voit poindre la tentation de légitimer l'usage unilatéral et préventif de la force. Cette évolution est inquiétante. Elle est contraire à la vision de la sécurité collective de la France, une vision qui repose sur la coopération des États, le respect du droit et l'autorité du Conseil de sécurité. Nous rappellerons ces règles chaque fois que nécessaire, notamment à propos de l'Iraq. Si Bagdad s'obstine à refuser le retour sans conditions des inspecteurs, alors il faudra que le Conseil de sécurité et lui seul soit en mesure de décider des mesures à prendre.
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Certaines crises régionales mettent en péril la stabilité du monde. Leur règlement est d'autant plus difficile que leurs racines puisent souvent dans la mémoire des peuples un héritage de rivalités passionnelles et d'incompréhension réciproque.

Au Proche-Orient, tout s'est conjugué depuis bientôt deux ans pour détruire toute confiance entre les parties et pour remplacer une logique de paix par une logique de guerre. D'un côté, le terrorisme aveugle et barbare a créé dans la société israélienne un sentiment d'angoisse et une approche exclusivement sécuritaire. De l'autre, l'occupation brutale, l'extension des colonies, l'étouffement et l'humiliation de la société palestinienne, n'ont engendré que désespoir et violence.

La France a des convictions : le terrorisme, d'où qu'il vienne, doit être combattu sans faiblesse. Pour restaurer la confiance et préparer le futur État, les institutions palestiniennes doivent être réformées en tenant compte des aspirations des Palestiniens eux-mêmes. Toute condition mise à la relance du processus de paix fait en réalité le jeu des extrémistes. Enfin, pour être durable, la paix doit se fonder sur les résolutions du Conseil de sécurité et englober les volets syrien et libanais.

Ces convictions ont trouvé leur traduction dans la déclaration du Conseil européen de Séville à l'élaboration de laquelle nous avons beaucoup participé. Celle-ci appelle notamment à la tenue rapide d'une conférence internationale pour fixer les termes de référence et le calendrier des négociations de paix.

Cet objectif d'une relance des négociations de paix est à l'évidence aujourd'hui prioritaire. Et je souhaite que les États-Unis, dont le rôle est fondamental pour faciliter la recherche d'un règlement, puissent y adhérer totalement. Lorsque le désespoir, la violence et la peur deviennent quotidiens, alors le danger est extrême. C'est le cas aujourd'hui et un sursaut est nécessaire.

Dans ce contexte régional instable, il faut aussi aider les pays qui ont choisi la voie des réformes. Le Liban, si proche de la France, doit trouver les moyens d'accompagner la politique courageuse engagée par son gouvernement. Notre pays l'y aidera en organisant une rencontre internationale à l'automne. Les amis du Liban et les Institutions financières internationales concernées y seront conviés. Je souhaite que cette rencontre, qui fait suite à celle déjà organisée l'an dernier à Paris, débouche sur des engagements réciproques et réponde aux besoins de développement de l'économie de ce pays.

En Asie, le climat de crise entre l'Inde et le Pakistan persiste dangereusement. Aux côtés d'autres puissances, la France s'est mobilisée dans l'urgence pour exprimer une double exigence : la lutte sans merci contre le terrorisme et l'indispensable réduction des tensions. Il faut aller au-delà, favoriser la reprise du dialogue pour régler les problèmes au fond. La région ne doit pas être prise en otage par tous ceux qui sont hostiles à la stabilité et à la paix. Et l'existence du fait nucléaire impose naturellement une responsabilité particulière à chacune des parties.

Dans le sous-continent, comme au Proche-Orient, nous devons être porteurs d'un message fort, rappeler, quelles que soient la complexité des crises et la profondeur des ressentiments, qu'il n'y a pas de fatalité. La réconciliation est un grand défi. C'est le défi de la paix et du développement. Et la France sera toujours aux côtés de ceux qui veulent relever ce défi.
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De même, notre pays amplifiera son action pour favoriser l'émergence d'un monde écologiquement plus responsable et qui repose sur une solidarité accrue. Solidarité entre tous les États, pour définir et faire prévaloir ensemble l'intérêt général de l'humanité. Solidarité des plus riches envers les plus pauvres, car la grande pauvreté est moralement inacceptable et, aussi, elle met en cause l'avenir-même de nos sociétés.
Au cours de l'année, nous devrons progresser dans cette voie. Et quatre rendez-vous jalonnent notre route : Johannesburg, Beyrouth, Évian et Cancun.

En ce moment même, nos délégués travaillent à faire vivre l'esprit de Rio. Notre génération est investie d'une mission historique : inventer des modes de vie qui répondent aux besoins du présent sans aliéner les droits des générations futures.

Car, chacun en a désormais conscience, nous sommes dans une véritable impasse écologique. Confrontés au changement climatique que provoquent les émissions de gaz à effet de serre ; confrontés à la progression des déserts et à la disparition accélérée des forêts ; confrontés à l'appauvrissement de la biodiversité ; confrontés à la pollution des océans et à la réduction des ressources halieutiques ; confrontés aussi à la menace de pénurie d'eau douce, qui affectera bientôt plus de 70% de l'humanité. Alors que les équilibres écologiques sont dangereusement bouleversés par l'activité humaine, il est de notre devoir de réagir vigoureusement, de surmonter nos divergences, de dépasser enfin nos intérêts à court terme pour la sauvegarde des générations futures.

La communauté des nations ne peut se permettre d'échouer. Lundi prochain, à Johannesburg, avec les ministres les plus directement compétents, j'affirmerai l'exigence de la France et je proposerai une alliance mondiale pour le développement durable, dans l'esprit des partenariats conclus à Monterrey et à Kananaskis avec le NEPAD.

Il revient aux pays développés, qui portent la responsabilité première des grands équilibres mondiaux, de modifier leurs modes de production et de consommation. Il leur revient de trouver des mécanismes de redistribution permettant aux plus défavorisés d'aborder l'avenir avec un nouvel espoir.

Il revient aux pays en développement d'assumer toutes leurs responsabilités, tant nationales qu'internationales. Ceux qui choisissent la paix, les droits de l'homme, la bonne gouvernance et les politiques de développement dynamiques et respectueuses de l'environnement doivent pouvoir bénéficier de l'appui déterminé de la communauté internationale. En témoignage de ce nouvel esprit, la France augmentera son aide au développement de 50 % dans les cinq ans. Et une part substantielle de cet effort supplémentaire sera consacrée à l'Afrique, avec une relance de l'aide bilatérale. Notre outil de coopération, animé par M. Pierre-André WILTZER, sous l'autorité du ministre des Affaires étrangères, sera adapté à ce nouveau partenariat.

Autre dimension du développement durable, la diversité culturelle. Chaque pays doit pouvoir affirmer son identité dans le respect des valeurs universelles. C'est ce que feront les francophones réunis à Beyrouth en octobre pour manifester une nouvelle fois leur solidarité. La Francophonie est aujourd'hui reconnue dans le monde. La confiance qui règne entre ses membres permet des débats francs et enrichissants pour tous. Réformée, elle suscite un intérêt croissant. Elle est devenue une force d'attraction. Le moment est venu de lui donner un nouvel élan pour que s'affirme la vocation politique qu'elle s'est donnée au sommet de Hanoi et qu'exprime la déclaration de Bamako. Pour que s'affirme davantage son ambition d'exercer une influence sur la scène internationale afin de garder au monde la richesse qui naît de la variété.

Troisième rendez-vous, Évian, où notre pays accueillera le sommet du G8. À Kananaskis, nous avons adopté un plan en faveur de l'Afrique. La France y a largement contribué. Plus que jamais, elle entend être présente auprès des Africains pour les aider à s'intégrer au monde moderne ; à prévenir les crises qui peuvent déchirer le continent ; à surmonter les immenses difficultés que rencontrent les pays qui sortent des conflits. La France se mobilisera dans toutes les enceintes internationales concernées. Elle rappellera que, si l'Afrique a besoin de nous, les pays du nord auront de plus en plus besoin d'une Afrique stable et prospère.

Au moment où l'Afrique se tourne vers le monde développé en proposant un partenariat pour une coopération renouvelée, fondée sur des engagements réciproques, nous ne devons pas la décevoir. La Conférence des chefs d'État d'Afrique et de France, que nous accueillerons au début de l'année prochaine, nous donne un cadre de concertation approprié pour exprimer notre volonté commune d'aller plus avant sur cette voie. Le sommet d'Évian devra veiller à la mise en œuvre du plan de Kananaskis, et aller au-delà.

Nous avons en particulier besoin d'une nouvelle approche du surendettement des pays en développement. Ayant allégé la dette des plus pauvres, nous devons aborder maintenant le cas des pays à revenu intermédiaire. Par ailleurs, je proposerai à nos partenaires de travailler en priorité sur les questions de l'éducation, de l'eau, de l'énergie, ou plus exactement des énergies renouvelables, et du développement agricole.

Les déséquilibres des marchés nous conduiront également à mettre à l'ordre du jour une discussion sur les droits et les devoirs des entreprises. Créatrices de richesse, moteurs de progrès, les entreprises assument aussi des responsabilités économiques, financières, sociales et écologiques, dans des conditions qu'il appartient aux États de définir et de faire respecter.

Nous devrons en outre tirer les conséquences de la crise financière qui secoue l'Amérique latine. Avec le FMI, la France est activement engagée dans la recherche d'une solution pour l'Argentine. Elle appuie l'accord intervenu avec le Brésil, dont la politique justifie le soutien de la communauté internationale. Au-delà, dans le prolongement des réformes engagées à la suite de la crise asiatique, de nouveaux progrès doivent être accomplis pour prévenir et régler les crises de paiement, pour mieux protéger l'économie mondiale et les pays émergents contre les effets de la contagion.

À Évian enfin, nous renforcerons la relation du G8 avec le reste du monde. J'engagerai dès cet automne des consultations en vue d'accueillir, à la suite du sommet, une rencontre d'un type nouveau, rassemblant aussi des pays émergents et des pays pauvres. Nous évoquerions ensemble les problèmes que nous avons en commun, et d'abord les formes de la gouvernance mondiale. Je pense en particulier à la constitution d'un Conseil de sécurité économique et social qui serait l'instrument de notre maîtrise politique de la mondialisation.

Dernier rendez-vous, Cancun, dans le cadre du cycle de Doha. La France sait ce que le libre échange lui apporte et apporte au monde. Elle s'engagera dans ces négociations avec ouverture et générosité, en pensant tout particulièrement aux pays en développement. Mais elle sera exigeante sur les mesures d'accompagnement de l'ouverture commerciale, pour que celle-ci n'affecte ni la sécurité, ni l'environnement, ni le respect des valeurs fondamentales.
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Mesdames, Messieurs les Ambassadeurs,

L'histoire, les responsabilités que notre pays assume, la vision que nous avons du monde dictent les orientations que je viens d'exposer. Elles doivent s'accompagner d'une politique active de présence diplomatique, économique et culturelle sur tous les continents, une politique cohérente avec notre engagement européen.

C'est l'objectif que j'ai poursuivi depuis sept ans. Il s'est traduit par la mise en place d'un partenariat politique avec la Russie, la Chine, les autres grands pays d'Asie mais aussi d'Amérique latine et d'Afrique. Ces partenariats doivent être densifiés par des contacts gouvernementaux plus fréquents et par des échanges commerciaux, scientifiques et culturels plus nourris. La France doit être davantage présente à l'étranger au niveau ministériel. C'est l'une des missions que j'ai assignées à M. Renaud MUSELIER.

Mais au-delà de cette présence plus active, c'est aussi à une action extérieure plus cohérente et mieux intégrée que je vous invite. C'est le sens des directives que le Premier ministre et moi-même avons données. Le ministre des Affaires étrangères vous l'a dit au début de cette conférence des Ambassadeurs. L'administration française à l'étranger doit être désormais plus unie, mieux coordonnée et davantage soucieuse d'agir dans la même direction. Sous votre autorité reconnue et légitime, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, les administrations de l'État à l'étranger doivent se fixer pour objectif de mener leurs actions en étroite harmonie, avec le souci de rassembler davantage leurs efforts dans une entreprise commune au service de notre pays. C'est là, n'en doutons pas, une réforme nécessaire pour l'efficacité de notre action extérieure. Il y va du rang de la France et de son rayonnement.

Nous savons que la France ne se fait jamais mieux entendre dans le monde que lorsque son message est généreux et ouvert ; lorsqu'elle vibre à l'unisson de son temps et sait en traduire les aspirations en termes universels, dans son message politique comme dans les arts, la littérature ou le cinéma.

On ne commande pas la création. Mais l'État doit favoriser sa diffusion au-delà des frontières à travers l'action culturelle extérieure. Celle-ci doit également faire connaître notre patrimoine, le valoriser et répondre ainsi aux attentes que vous pouvez mesurer.

Nous disposons d'un réseau éducatif et culturel excellent : nos centres culturels sont, avec les alliances françaises, des outils remarquables. Mais ce réseau, comme toute administration, il faut le moderniser, comme il faut davantage aider nos universités, nos grandes écoles, nos instituts à développer leur action internationale. Comme il faut aussi donner une nouvelle impulsion à notre politique audiovisuelle extérieure et accroître la présence française sur internet.

Sur tous ces sujets essentiels pour l'influence de notre pays dans le monde, j'ai demandé au ministre des Affaires étrangères, en accord avec le Premier ministre, de me faire des propositions et, si nécessaire, de faire évoluer les structures pour que l'administration centrale se consacre à ses missions principales de conception, d'animation des politiques et de contrôle de leur application ; pour qu'elle favorise davantage des partenariats vivants avec les créateurs, avec les institutions culturelles et les collectivités locales, mais aussi avec les entreprises et les mécènes.

Dans ce domaine, comme dans les autres volets de notre action internationale, le ministère des Affaires étrangères et les ambassades doivent faire preuve d'imagination et d'initiative. Et c'est cela que j'attends de vous.
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Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,

Je sais les contraintes que votre métier fait souvent peser sur vos familles. Votre disponibilité, votre professionnalisme, votre dévouement à la cause de la France me sont bien connus. C'est avec confiance que je vous adresse ce message d'estime et de reconnaissance. Et je sais pouvoir compter sur vous.

Je vous remercie.





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