Discours du Président de la République à l'occasion de la réception des lauréats du Concours général 2001.

Discours de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion de la réception des lauréats du Concours général 2001.1

Palais de l'Élysée, le jeudi 27 septembre 2001

Monsieur le Ministre, Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, et notamment l'équipe de France la plus brillante sur le plan intellectuel, rassemblée ici, aujourd'hui, grâce à leurs parents, à leurs enseignants, à toutes celles et à tous ceux qui les ont aidés à remporter ce succès.

Je voudrais vous souhaiter la bienvenue, car c'est pour moi une grande joie de vous recevoir dans ce palais de l'Élysée, de recevoir l'élite s'il en est, les lauréats du Concours général, et les parents, les professeurs, les chefs d'établissement.

Je sais que vous venez de la France entière, parfois même d'au-delà de nos frontières, certains viennent d'Allemagne, du Portugal, d'Espagne, du Liban. Je sais que certains d'entre vous ont fait un long voyage pour venir jusqu'ici. Je voudrais saluer également la présence parmi nous de nos compatriotes de Guadeloupe, et leur dire combien je me réjouis que l'Outre-mer soit, pour la première fois, à l'honneur dans ces épreuves.

Chacun comprendra que j'ai une pensée particulière pour les deux lauréats du Lycée Françoise de Toulouse qui sont parmi nous, une pensée pour leurs professeurs, une pensée pour leur proviseur qui n'ont pas pu faire le voyage à la suite du drame épouvantable qui a meurtri Toulouse et gravement endommagé, outre leur établissement, de nombreux édifices scolaires.

À tous je souhaite la bienvenue dans cette maison qui est aussi la vôtre, comme celle de tous les Français. Elle est honorée de vous accueillir et fière de rendre hommage, à travers vous, à la jeunesse et au talent mais aussi, Monsieur le Ministre, à notre école en général dont nous sommes fiers.

Cette réception revêt pour moi un sens particulier. Petit-fils d'instituteur par mes quatre grands-parents, j'ai toujours été profondément attaché à la mission de l'école qui porte en elle toutes les valeurs de notre République. C'est pourquoi je suis très heureux de vous voir aujourd'hui, à l'occasion de la première édition du Concours général de ce nouveau siècle, et d'adresser, à chacune et à chacun d'entre vous, mes félicitations les plus chaleureuses, les plus sincères.

Inscrire son nom au prestigieux palmarès du Concours général, c'est d'abord s'être lancé à soi-même un formidable défi : l'envie de se dépasser, d'aller au plus loin de ses capacités, de donner le meilleur de soi. Un défi que vous avez brillamment relevé par l'excellence de votre travail et par votre goût de l'effort.

C'est aussi une manifestation de générosité puisqu'un prix au Concours général ce n'est pas un diplôme. On se présente à ces épreuves sans autre but que de concourir pour le plaisir et pour l'honneur. Bravo pour votre courage et bravo pour votre panache !

C'est ensuite un bel encouragement à progresser avec confiance dans la voie que vous avez choisie ou que vous allez bientôt choisir. Ils sont nombreux, depuis maintenant plus de deux siècles, les élèves qui, à vos âges, se sont distingués, tout comme vous, dans ces épreuves prestigieuses. Certains ont laissé un nom glorieux dans l'histoire de notre pays. Je pense en particulier au jeune homme de Montboudif, fils d'une famille modeste du Cantal, qu'était Georges POMPIDOU. Je sais que, pour lui, remporter un prix au Concours général -je crois que c'était le premier prix de version grecque- a été un moment très important de sa vie. D'autres ont mené une existence plus discrète. Mais tous ont gardé de cette étape de leur scolarité un souvenir très fort.

Car c'est une distinction qui comptera toujours dans votre vie et qui vous ouvrira d'autres portes. C'est un succès que vous partagez aussi naturellement avec vos professeurs et les établissements qui vous ont accueillis et formés. Et bien sûr avec vos parents, même si les blessures de la vie ne donnent malheureusement pas à tous la chance de cette présence affectueuse.

À vous, les parents, dont j'imagine l'émotion à l'annonce des résultats, je dirais que vous avez une part essentielle dans la réussite de vos enfants, tout simplement parce que vous êtes les premiers responsables de leur éducation. Nous savons tous que, sans vous, rien n'est possible. Que rien ne saurait remplacer votre affection, votre vigilance, votre soutien, votre exemple. Vous êtes les premiers adultes à transmettre les valeurs, les repères, la culture aussi. Vous êtes les premiers à donner le goût d'apprendre, le sens de l'effort et du travail bien fait. C'est pourquoi il est si important que vous soyez étroitement associés à la scolarité de vos enfants.

Aux professeurs, je voudrais dire toute ma gratitude. Gratitude pour la qualité de votre enseignement, pour l'intelligence et la passion que vous mettez au service de la belle mission qui est la vôtre. Vos élèves ici présents montrent que vous avez su leur transmettre le témoin de la connaissance. Que vous leur avez aussi permis de trouver leur voie et d'épanouir leurs talents. C'est sans doute la plus haute des récompenses, quand on exerce ce métier, de voir l'élève s'affranchir du maître et déployer son savoir-faire jusqu'à l'excellence. Comme c'est une profonde satisfaction pour vous tous, je le sais, d'accompagner chacun de vos élèves pour lui permettre de trouver sa propre voie.

Aux proviseurs, enfin, je veux dire mon soutien pour une mission qui est devenue en quelques années plus complexe, plus difficile et plus exigeante. Chacun connaît l'importance du rôle du chef d'établissement dans une société où l'école se trouve confrontée à tant de nécessaires évolutions. C'est vous qui portez, par votre énergie, par votre engagement, les projets capables de fédérer la communauté éducative. C'est vous qui insufflez ce fameux " effet établissement ", rencontre entre l'audace, l'imagination, le réalisme et les données de l'environnement qui est le vôtre. Nous savons bien que c'est dans les établissements et dans les classes que tout se joue. Nous savons bien que, si nous voulons une école plus efficace, c'est là qu'il faut encourager l'initiative et donner les moyens de l'exercer pleinement.


Que le Concours général ait traversé les siècles et l'histoire parfois mouvementée de notre école prouve que cette institution, malgré les reproches qui lui ont été faits, a bien des mérites. On aurait tort, je crois, d'y voir un exercice élitiste car cette compétition porte en elle des valeurs profondément humanistes et républicaines, qui sont les valeurs même de notre école.

Elle est au premier chef une belle illustration de l'impératif d'égalité inscrit au fronton de notre République. Égalité des chances entre les enfants et les adolescents tout d'abord, qui est et qui doit rester la pierre angulaire de notre système éducatif et permettre à chacun, d'où qu'il vienne, de trouver sa place dans la société. Égalité entre les disciplines ensuite : ainsi, depuis 1995, toutes les voies de l'enseignement -générale, technologique et professionnelle- sont au même titre à l'honneur dans ces épreuves.

Il faut le dire et le redire, il n'y a pas de hiérarchie entre les talents, l'excellence ne peut être que multiple. C'est une belle idée mais c'est surtout une belle réalité à laquelle le Concours général donne un relief particulier. Avec plus de cinquante disciplines, des établissements primés dans la capitale, dans toutes nos régions, des centres de formation d'apprentis et des lycées français à l'étranger, il montre avec éclat que, dans leur diversité, toutes les voies de notre enseignement sont égales en dignité, que toutes sont porteuses d'avenir, que toutes offrent une chance à saisir. Il illustre ainsi toute l'importance que revêt pour la Nation la richesse de parcours de formation différents et complémentaires.

Égalité des chances, diversité des talents, mais aussi volonté, travail et exigence, des valeurs qui ne sont peut-être plus toujours très à la mode, mais qui seules pourtant, aujourd'hui comme hier, ouvrent les chemins de la réussite et de l'accomplissement.

Je me souviens avoir entendu l'un d'entre vous affirmer, en juillet dernier, qu'avec de la volonté on peut tout, quel que soit l'environnement dans lequel on étudie. Il y a là quelque chose de très vrai et c'est pourquoi l'école ne doit pas être un espace comme les autres. Il lui revient d'apprendre à travailler, de donner le goût de l'effort, d'éduquer la volonté, de récompenser le mérite. Si elle se doit d'être exigeante c'est tout simplement parce que la vie est exigeante, qu'il faut bien y faire face. Si elle y renonçait, elle ne remplirait plus sa mission au service des jeunes, de leur avenir et donc de la société. Et ce sont les enfants issus des familles les plus modestes qui se trouveraient, naturellement, le plus gravement pénalisés parce qu'ils n'auraient pas, eux, la possibilité d'être aidés à l'extérieur de l'école. L'égalité des chances ne serait alors qu'un vain mot.

Au-delà de la transmission des savoirs, il n'est pas inutile de redire que l'école a le devoir éminent d'éveiller les esprits, d'insuffler à tous, dès le plus jeune âge, si possible, le sens aigu du civisme, de donner à chacun les outils pour comprendre le monde et assumer ses responsabilités.

La tragédie américaine, qui nous a tous profondément bouleversés, montre que la conscience humaine est toujours à construire. Mon intime conviction est que nous n'y arriverons que par l'éducation. L'accès au savoir, l'éducation à la liberté et à l'exercice du jugement sont les remparts les plus sûrs contre les intégrismes et les fanatismes de tous bords. Plus que jamais l'école doit être ce lieu privilégié où les différences se rencontrent, apprennent à se connaître, ce lieu où s'acquièrent, dans la sérénité, une culture et des références communes qui permettent de vivre ensemble dans le respect des origines, de l'histoire et de la religion de chacun. Elle doit être, par essence, un lieu de résistance, au sens le plus noble du terme, à l'intolérance, un lieu où se forgent la confiance et l'espérance pour que de telles tragédies ne se reproduisent pas.

Au-delà du drame humain qu'il constitue, l'attentat du 11 septembre a brutalement rappelé que l'intérêt général, le bien commun, l'esprit de tolérance, la solidarité ont plus que jamais un sens tout simplement parce que nous avons l'humanité en partage. Notre bien commun à nous, c'est la France, la démocratie, les valeurs qui les nourrissent et qui nous obligent. Chacun, où qu'il soit, est comptable de ce bien commun et de sa transmission. Car nous ne sommes pas des individus isolés, enfermés dans la bulle de nos égoïsmes. Nous partageons une même histoire, un même présent, et surtout un même destin.


Voilà, chers et brillants jeunes gens, les quelques réflexions que je voulais ajouter à mes félicitations qui sont celles du coeur autant que de l'esprit. Avec le prix que vous avez remporté au Concours général vous avez montré que vous avez du talent, de l'ardeur. Vous avez montré votre volonté et votre capacité à franchir les obstacles, et à donner le meilleur de vous-mêmes.

Je vous souhaite d'avoir toujours cette volonté, de savoir la mettre au service des causes qui le méritent et aussi d'assumer, dans l'intérêt général, le rôle et les responsabilités que vos aptitudes exceptionnelles, sans aucun doute, vous permettent et, je dirais, vous imposent.

Vous êtes aujourd'hui à l'âge des passions et de l'audace, des idéaux et aussi des engagements. L'Europe, le monde même vont vous offrir toutes les chances de donner forme à vos espoirs, de vous réaliser. Je vous souhaite à chacune et à chacun d'entre vous, comme d'ailleurs à tous les jeunes Français, de trouver votre bonheur et d'écrire à votre tour, avec confiance, votre page d'Histoire.

Je vous remercie.





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