Allocution du Président de la République à l'occasion du dîner d'État offert en l'honneur du Président de la Hongrie et de Mme Ferenc MADL.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion du dîner d'État offert en l'honneur du Président de la République hongroise et de Mme Ferenc MADL.

Imprimer

Palais de l'Élysée, le mercredi 13 juin 2001

Monsieur le Président, Madame,

Mon épouse et moi-même sommes particulièrement heureux de vous accueillir à Paris et de vous souhaiter, au nom de tous les Français, la plus chaleureuse des bienvenues. Voici quatre ans, j'étais à Budapest à l'invitation des autorités hongroises. Je n'ai pas oublié le merveilleux accueil que m'avaient réservé vos compatriotes, et tout particulièrement l'enthousiasme des jeunes Hongrois. Je me rappelle l'élan qui emmenait votre pays, cette formidable espérance qui le soutenait dans la voie des réformes. La Hongrie nourrissait de grandes ambitions. Rejoindre l'Alliance atlantique. Entrer à son tour dans la belle aventure de l'Union européenne. Mais d'abord se moderniser. C'était il y a seulement quatre ans et quel chemin parcouru, Monsieur le Président, en si peu de temps !



Désormais membre de l'Alliance atlantique, la Hongrie, son économie, sa société, ses institutions se rangent en ordre de bataille pour ce qui est aujourd'hui la grande affaire de l'Europe : l'élargissement. Une fois encore, Monsieur le Président, les Hongrois forcent le respect. Ce sont eux qui, les premiers, ont ouvert la brèche dans le "Mur de la honte". Parmi les premiers, ils lancèrent le signal de l'émancipation aux autres peuples opprimés et interdits d'Europe. Ces moments, nous, Français, les avons vécus avec passion. Comme la France avait vibré jadis aux épopées de Rakoczi puis Kossuth à l'heure du réveil des nationalités en Europe. Comme en cet automne tragique de 1956 où Imre NAGY anima la résistance à l'implacable logique des blocs, dessillant les yeux du monde sur la réalité à l'Est. Et aujourd'hui, nous voyons avec admiration et bonheur la Hongrie se hisser parmi les tout premiers candidats à l'adhésion. Dès la chute du Mur, j'avais plaidé pour l'entrée des pays d'Europe centrale et orientale dans l'Union européenne. L'idéal européen -enraciner la paix, la sécurité, la démocratie, les libertés, la prospérité économique et sociale- s'adressait tout naturellement à eux. Leur rêve d'Europe les avait fait espérer et tenir. Il prend corps aujourd'hui. Les efforts déployés à Nice en décembre dernier pour aboutir à l'indispensable réforme des institutions européennes, l'ont été avec le souci essentiel de permettre votre adhésion. Le Traité de Nice doit être ratifié par tous dans les délais, car il ouvre la voie à l'élargissement. Ainsi les pays candidats les mieux préparés devraient pouvoir participer aux élections au Parlement européen en 2004. Certes, il reste encore des chapitres très importants à négocier, tels que la libre circulation des personnes ou des capitaux, l'environnement, la politique agricole commune, les transports, les fonds structurels ou le volet audiovisuel. Mais, je suis persuadé que les discussions avec la Hongrie aboutiront dans les meilleurs délais, conformément à la "feuille de route" que nous avons avalisée à Nice. Nous serons demain à Göteborg pour le répéter et vous pouvez compter, à cet égard, sur le soutien de la France.



Oui, très bientôt, nous partagerons un même destin dans l'Union. Et Hongrois et Français s'y préparent activement. Multipliant les rencontres à tous les niveaux de la vie politique, notamment les visites gouvernementales. Je me souviens que le Premier ministre hongrois, Monsieur Viktor ORBAN, était des nôtres le 12 juillet 1998 pour partager cet instant de bonheur, quand l'équipe de France remporta la Coupe du Monde de football. Notre rapprochement est naturellement économique. Le dynamisme de nos échanges commerciaux, en augmentation de 50 % l'an passé, concourt à votre forte croissance, l'une des plus soutenues de la zone. Ainsi votre pays est-il devenu, en Europe centrale, notre premier fournisseur et notre troisième client. Et l'une des toutes premières destinations de nos investissements dans la région. Dans son effort de modernisation, la Hongrie a pu et peut compter sur les investisseurs français. Nous sommes fiers, Monsieur le Président, de contribuer au dynamisme de votre pays et à son remarquable niveau d'emploi. Enfin, Hongrois et Français renouent avec une forte et très ancienne tradition d'échanges culturels et humains. Notre profonde amitié est celle de deux nations qui se sont aimées, il y a longtemps, avant que ne s'abatte le couperet de l'Histoire. Vous savez certainement, Monsieur le Président, vous qui êtes un homme de grande culture, qu'au Moyen Age, il existait à la Sorbonne une "nation hongroise", forte communauté d'étudiants et de clercs venus de votre pays. Et, au long des siècles, nous avons de notre côté envoyé artisans, maçons, verriers, architectes mais aussi nos trouvères et nos vignerons. Plus près de nous, Liszt, Munkacsy, puis au XXe siècle Rippl-Ronai, Vasarely, Szenes, Brassaï, Cziffra, Ligeti, tant d'autres encore, ont profondément marqué la relation entre la Hongrie et la France, relation qui, malgré les interdits et les obstacles, ne s'est jamais défaite. Vous-même, Monsieur le Président, incarnez la permanence et la force de ce lien. Universitaire de grand renom, spécialiste éminent du droit international, vous êtes souvent venu en France. A Strasbourg notamment, où vous avez suivi une partie de vos études. Puis, plus tard, pour approfondir la coopération universitaire et scientifique entre nos deux pays. C'est donc un proche de mon pays et de sa culture qui vient à Paris lancer la Saison "Magyart", le grand rendez-vous des âmes hongroise et française.



Hier, vous étiez à Aurillac, dont l'évêque Gerbert devenu Pape sous le nom de Sylvestre II offrit, il y a presque mille ans, sa couronne royale au Duc Etienne 1er, Saint-Etienne, le fondateur de la Hongrie. Après demain, vous serez à l'Abbaye royale de Fontevraud pour évoquer la brillante empreinte laissée dans l'histoire européenne par la dynastie des Anjou, cette grande lignée féodale qui régna sur la Provence, Naples et la Sicile puis, au XIVe siècle, sur la Pologne et la Hongrie. L'Histoire mais aussi la danse, la musique, la poésie, la peinture : à travers 400 manifestations dans tout l'hexagone, de l'exposition "Les mille ans du château de Budapest", présentée au musée Carnavalet, à la rétrospective Béla BARTOK, dirigée par Pierre BOULEZ et que vous avez honorée de votre présence hier soir, toutes les facettes de la Hongrie millénaire s'offriront à l'esthète comme au curieux. C'est dire que, cet été et jusqu'à la fin de l'année, le coeur de la France va battre au rythme des coeurs hongrois. Je m'en réjouis. Demain, Hongrois et Français construiront ensemble leur avenir dans l'Europe. Il était important de rappeler la force du lien qui les unit dans l'Histoire, qui les unit dans la grande famille que nous rassemblons en poursuivant l'union de toute l'Europe. C'est tout l'esprit de cette Saison hongroise en France dont votre prédécesseur, le Président GÖNCZ, et moi-même avions pris l'initiative lors de ma visite à Budapest. Je tiens ce soir à saluer tout particulièrement, pour les remercier, celles et ceux qui ont pris en charge l'organisation de cet événement considérable qui a mobilisé beaucoup de monde dans toute la France. Car la relation franco-hongroise repose de plus en plus sur les collectivités locales, la société civile, les entrepreneurs. Quelques-uns de leurs représentants sont parmi nous ce soir. Ils se sont donnés rendez-vous, en octobre prochain, à Budapest, pour les premières "Assises de la coopération franco-hongroise", en présence du Président du Sénat, Monsieur Christian PONCELET. Rendez-vous important où Hongrois et Français donneront une nouvelle dimension à leur longue et vivace amitié.



C'est à cette amitié, faite d'affinités et d'affection, à ce destin qui va bientôt nous unir dans l'Europe, et en vous renouvelant, Monsieur le Président, Madame, mes paroles de bienvenue que je vais maintenant lever mon verre. Je le lève, Monsieur le Président, en votre honneur et en l'honneur de Madame Ferenc MADL, à qui je présente mes très respectueux hommages. Je le lève en l'honneur des membres du Gouvernement hongrois et des hautes personnalités de votre pays qui nous entourent ce soir. Je le lève à la prospérité et au bonheur du peuple hongrois, ami de longue date et chaque jour un peu plus proche du peuple français.





.
dépêches AFPD3 rss bottomD4 | Dernière version de cette page : 2007-04-12 | Ecrire au webmestre | Informations légales et éditoriales | Accessibilité