Allocution du Président de la République à l'occasion du dîner d'État offert en l'honneur du Président de la Syrie et de Mme Bachar EL ASSAD.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion du dîner État offert en l'honneur du Président de la République arabe syrienne et de Mme Bachar EL ASSAD.

Imprimer

Palais de l'Élysée, le lundi 25 juin 2001

Monsieur le Président, Madame,

Mon épouse et moi-même sommes heureux de vous accueillir à Paris. Soyez les très bienvenus en France où il nous est agréable d'être vos hôtes pour votre première visite d'État en Europe.


Il y aura bientôt trois ans, je recevais, au Palais de l'Élysée, votre père, le Président Hafez El Assad. Ici même, il avait réaffirmé fortement le choix stratégique de la paix fait par la Syrie. Ce choix, Monsieur le Président, vous l'avez, dès votre investiture, personnellement et solennellement endossé.

La paix est aujourd'hui, plus que jamais, au coeur de nos préoccupations. Depuis Madrid, elle a paru à plusieurs reprises à portée de main. Sa perspective s'est hélas éloignée ces derniers mois. Les affrontements ont pris le pas sur le dialogue. Ils ont ensanglanté la Palestine et Israël au point de menacer la stabilité même de toute la région.

Cette situation, la France se refuse à l'accepter comme une fatalité. Elle condamne le terrorisme aveugle et les violences d'où qu'elles viennent, avec leur cortège de victimes civiles. Elle réprouve le cycle délétère des affrontements et des représailles qui ne peut que nourrir le ressentiment des peuples, dresser davantage les hommes les uns contre les autres, et élever dans les coeurs un mur d'incompréhension et de haine. Seuls, le dialogue et la négociation peuvent conduire à la paix. Et seule, une paix juste et globale peut assurer, durablement, la sécurité et la prospérité de la région.

Les conditions de cette paix, combien de fois les avons-nous réaffirmées ! Le principe de la terre contre la paix, fondé sur les résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité, le principe aussi de l'intégrité et de la sécurité d'Israël. Ces positions, ce sont celles des Nations-Unies et donc de l'ensemble de la communauté internationale.

Si la gravité de la crise actuelle rend impérieuse la recherche d'une solution entre Israéliens et Palestiniens, la reprise du dialogue sur les volets syrien et libanais reste également primordiale. Nous y sommes déterminés. Au Proche-Orient, la paix ne se fera pas sans la Syrie ni le Liban, car la paix globale, à laquelle nous travaillons, repose non seulement sur le droit des Palestiniens à disposer d'une terre et d'un État, mais aussi sur le retour légitime du Golan à la Syrie. La paix devra enfin confirmer l'unité, l'intégrité et la souveraineté du Liban.

Vous connaissez, Monsieur le Président, la mobilisation et les efforts déployés par la France sur toutes ces questions. Nous ne baissons pas les bras et nous restons les artisans d'un dialogue continu et confiant avec l'ensemble des parties, sans exclusive, en concertation étroite avec nos partenaires de l'Union européenne, avec les États-Unis, avec le Secrétaire général des Nations Unies et avec tous ceux qui veulent ramener la raison et la concorde entre des peuples frères.

Des propositions ont été faites. Je pense naturellement aux recommandations de la commission présidée par le Sénateur Mitchell, aux travaux de laquelle l'Union européenne a participé activement. Nous soutenons les recommandations formulées. Elles sont équilibrées et justes. Elles constituent pour Israël et pour l'Autorité palestinienne un chemin vers la reprise de négociations politiques, elles ont déjà permis d'esquisser un cessez le feu que tous les pays de la région doivent s'efforcer de conforter par une attitude responsable de retenue.

Dans cette région du monde, berceau des trois religions du livre, la paix ne sera pas sans le respect mutuel de toutes les communautés et de toutes les confessions.


La Syrie, Monsieur le Président, nous en avons parlé, elle demande "plus d'Europe" et elle invite les Quinze à s'engager davantage dans la recherche d'une solution. C'est précisément le sens des efforts déployés ces dernières semaines, à la faveur de la trêve. L'Union européenne s'est considérablement impliquée dans le processus d'apaisement. Elle a exprimé sa disponibilité à accompagner par tous les moyens possibles la conclusion et la mise en oeuvre d'un accord de paix et elle poursuivra son action.

Plus d'Europe, c'est également la perspective d'un accord d'association de votre pays avec l'Union européenne, accord actuellement en cours de négociation.

C'est enfin une relation euro-méditerranéenne plus étroite et plus intense, fondée sur les valeurs de compréhension mutuelle, de tolérance et de respect des droits de l'Homme. Vous et nous devons poursuivre l'ambition de refaire de la mer Méditerranée le trait d'union entre les peuples qui la bordent et aussi un espace d'échange, de prospérité, de liberté.


Qui peut, mieux que la Syrie, saisir toute la richesse, toute la promesse du grand brassage des cultures ? En se déployant au VIIe siècle sur les rives de la Méditerranée, les Omeyyades, héritiers du Prophète, surent garder le meilleur des civilisations rencontrées : Byzance et la Perse, Rome et la Grèce, sans oublier le monde chrétien. Bien des vestiges témoignent encore, au pays de Cham, de ce subtil et brillant syncrétisme.

Terre de mémoire et de haute culture, la Syrie est aussi une terre d'avenir, forte d'un peuple jeune. Et c'est pour répondre aux aspirations de cette jeunesse, Monsieur le Président, que vous souhaitez engager votre pays dans un processus de modernisation et d'ouverture à la réalisation duquel la communauté internationale sera particulièrement attentive. La France a apprécié le message de réformes entendu à Damas, le jour de votre investiture. Sous votre impulsion, votre pays veut aussi s'adapter aux enjeux complexes de la mondialisation. Et cela, la France est prête à vous apporter son soutien et à étoffer sa coopération économique, scientifique, culturelle avec la Syrie.

Dans les domaines de la culture, d'abord, avec notre ambitieux programme de formation des assistants de vos universités, ou notre participation à la diversification des disciplines. Avec la mise en chantier de la nouvelle École française de Damas. Avec l'ouverture à Alep d'une antenne de l'Institut français d'études arabes. Avec ce nouvel élan que vous avez souhaité donner à l'enseignement du français dans votre pays. Avec la participation de la France à une grande école de gestion que vous appelez de vos voeux Avec à une étroite coopération pour la mise en oeuvre d'une école d'administration en Syrie.

Notre coopération se renforce également dans le domaine de la réforme de l'État, avec la participation de l'École nationale d'administration à la formation des hauts fonctionnaires syriens ; avec les relations nouées par la Banque centrale de Syrie et la Banque de France, qui, depuis deux siècles, symbolise le sérieux et la solidité de la gestion financière de la France, et qui s'honore, Madame, de recevoir demain votre visite.

Enfin, Monsieur le Président, vous allez rencontrer les représentants du patronat français. Bénéficiant des contacts noués en Syrie par nos collectivités locales -je pense en particulier au jumelage qui unit Lyon et Alep- et par nos Chambres de commerce, les entreprises françaises souhaitent être plus présentes chez vous. Elles veulent accompagner cetteère nouvelle de votre histoire et participer à vos projets de développement, notamment dans le domaine des transports, des hydrocarbures, de l'exploitation minière et de l'eau. Monsieur le Président, elles le méritent, je vous les recommande.

Vous le voyez, Monsieur le Président, nous avons bien des projets pour intensifier et élargir cette ''indestructible amitié'' entre la Syrie et la France qu'évoquait le général de Gaulle.


Il y a trois ans, le Président Hafez El Assad et moi-même nous avions placé sa visite sous le signe de l'amitié retrouvée. Si vous le voulez, plaçons la vôtre sous le signe de l'amitié renforcée.

Et c'est à l'amitié que je vais maintenant lever mon verre.

Je le lève en votre honneur, Monsieur le Président, et au succès de votre haute mission.

Je le lève en votre honneur, Madame, en vous renouvelant mes très respectueux hommages.

Je le lève en l'honneur des éminentes personnalités syriennes qui nous entourent ce soir.

Je le lève en l'honneur du peuple syrien ami, auquel je souhaite bonheur et prospérité.

Et je le lève, enfin, à la paix, cette paix qui est le bien le plus précieux des Nations et qui seule permet de bâtir solidement l'avenir.





.
dépêches AFPD3 rss bottomD4 | Dernière version de cette page : 2007-04-12 | Ecrire au webmestre | Informations légales et éditoriales | Accessibilité