Discours du Président de la République à l'occasion de l'inauguration du TGV Méditerranée.

Discours de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à Avignon, à l'occasion de l'inauguration du TGV Méditerranée.

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Avignon, Vaucluse, le jeudi 7 juin 2001

Monsieur le Ministre, Madame la Ministre, Madame la Premier Ministre, Madame la Maire d'Avignon, Mesdames et Messieurs les élus, Messieurs les Présidents de la SNCF et du Réseau ferré de France, sans oublier un salut amical aux jeunes cheminots qui sont rassemblés pour cette journée exceptionnelle et à qui je tiens à dire toute l'estime que nous portons tous, à une corporation qui fait honneur à notre pays, Mesdames et Messieurs,

Je voudrais d'abord, m'adressant aux personnels de la SNCF et de Réseau ferré de France, les féliciter pour cette magnifique réalisation.

Le TGV est aujourd'hui le train de tous les Français. Vingt ans après la mise en circulation de la première rame, il est devenu, pour tous nos concitoyens, un moyen d'évasion en même temps qu'un outil de travail.

Plus encore que la prouesse technologique qu'il représente, c'est l'engouement du public pour un moyen de transport rapide, confortable et peu, très peu polluant qui fait du TGV une grande réussite nationale.

La ligne que nous ouvrons aujourd'hui est l'aboutissement d'un projet dont l'origine remonte à plus de vingt ans. C'est en effet en 1976 que, permettez-moi de le dire, Premier ministre à l'époque, j'ai signé le décret approuvant la construction du premier tronçon de ligne à grande vitesse, entre Paris et Lyon et c'est pour moi un objet de fierté. Malgré les réticences que suscitait alors ce projet, cette ligne a connu le plus grand succès et elle est aujourd'hui prolongée jusqu'à Marseille.

C'est une étape symbolique dans le développement de la grande vitesse ferroviaire. Il est désormais possible de traverser la France entière, du nord au sud, en trois fois moins de temps que ce qui était nécessaire il y a seulement un peu plus de vingt ans. Le mur des 3h30 a déjà été franchi, le temps d'une performance historique qui nous a rendu fiers de notre pays, et il le sera sans doute prochainement dans des conditions commerciales, puisque la magie du train à grande vitesse est de mettre au service de tous les Français ce qui relevait autrefois du record ou de l'utopie.

Au-delà même de ce qu'elle représente pour les clients de la SNCF, la mise en service d'une ligne de plus de 1000 km, de Calais à Marseille, contribue à démontrer les atouts considérables du TGV et à le rendre plus attractif encore pour d'autres pays, désireux de se doter d'équipements ultramodernes de transport de personnes ou de marchandises.

Je salue et je remercie toutes celles et tous ceux qui ont participé à ce projet, ouvriers, techniciens, agents de maîtrise, ingénieurs, cadres, architectes, les personnels de la SNCF et de Réseau ferré de France, et celles et ceux de toutes les entreprises qui sont intervenues au cours de ces dix dernières années sur les 250 km du chantier, ainsi que les personnels qui veillent à la modernisation constante des trains, dont la société ALSTOM a la charge.

Leur travail est une vitrine de l'excellence française. Il conforte l'avance que possède notre pays, en Europe et dans le monde, dans le domaine des trains à grande vitesse. Il est promesse de plus de commandes pour nos entreprises, de plus d'exportations, de plus d'économie, de plus d'emplois pour notre pays .

Il représente aussi un prodigieux déploiement de savoir en matière de génie civil et de travaux publics. Le viaduc sous lequel nous nous trouvons en est la meilleure illustration. Comme lui, les 500 ouvrages d'art qui ponctuent la nouvelle ligne ont nécessité, non sans risque parfois, hélas, la mobilisation de milliers de personnes. Il y a eu des accidents. Il y a eu des victimes. Et je voudrais à mon tour associer leur mémoire à cette réalisation, avoir pour ces victimes, une pensée forte. Sans leur engagement, cette réalisation n'aurait pas vu le jour. J'ai aussi une pensée émue, au nom de toutes et de tous ici, pour leurs familles.

Il aura fallu aussi la mise en oeuvre de techniques exigeantes, de matériaux exceptionnellement résistants pour assurer aux voyageurs le maximum de sécurité, y compris dans les conditions les plus extrêmes. C'est tout le mérite du maître d'ouvrage et des architectes auxquels il a fait appel, que d'avoir su maîtriser avec autant d'élégance cet ensemble de contraintes techniques. Je souhaite également saluer celles et ceux qui ont participé à la construction des superbes gares de la nouvelle ligne.

Aboutissement d'une longue démarche, le TGV Méditerranée est aussi un atout pour l'avenir : un atout pour l'aménagement du territoire, pour l'environnement et pour le service public.




Comme les autres lignes à grande vitesse, le TGV Méditerranée fait émerger une nouvelle organisation de l'espace. Une organisation placée sous le signe de l'équilibre, de l'Europe et de la compétitivité.

La Méditerranée est désormais à 4 h de train de l'Europe du nord. La facilité de déplacement qui en résulte est l'une des grandes conquêtes de notre époque. Les Français y sont justement attachés, parce qu'elle signifie plus de liberté pour chacun d'entre nous, plus de dynamisme pour notre économie, plus d'échanges, et, je l'espère, plus de tolérance entre les différents peuples.

C'est aussi une autre carte de France qui se dessine, contribuant à une politique volontaire d'aménagement du territoire qui profite autant aux communications locales qu'aux liaisons à grande distance.

La ligne que nous ouvrons dessert les trois plus grandes villes de notre pays. Il était naturel de privilégier cet axe, qui touche directement le tiers des Français et qui, si l'on prend en compte ses extensions vers l'Europe du nord, dessert l'une des plus vastes concentrations de population du monde.

Cet équipement est toutefois loin de profiter seulement aux habitants de Paris, de Lyon ou de Marseille. À travers la modernisation qui est apportée à l'une des plus anciennes voies de communication de notre pays, ce sont près de 140 destinations qui seront plus rapidement accessibles.

Ce changement d'envergure nécessitera sans doute quelques ajustements. Il est essentiel qu'ils s'opèrent dans les délais aussi plus brefs que possible et que tous les habitants du sud-est puissent tirer profit de ce nouvel équipement. Je pense notamment aux habitants du Var et des Alpes-maritimes. Les problèmes qui sont apparus sur certains points de la ligne, et notamment à Briançon, devront recevoir une réponse rapide. Le TGV manquerait à sa vocation s'il ne fonctionnait pas dans la coordination la plus complète avec les liaisons locales et régionales.

Car le TGV s'est développé en même temps que la décentralisation. Les collectivités locales ont d'emblée compris l'outil de développement qu'il représente et la complémentarité qu'il entretient avec les Trains express régionaux. C'est d'ailleurs l'un des succès des réformes entreprises en 1996, qui confèrent la responsabilité du transport ferroviaire local aux régions.

En modifiant en profondeur notre espace national, le TGV l'inscrit aussi dans le cadre européen. La nouvelle gare d'Avignon, superbe, renforcera le rôle traditionnel et éminent de cette ville, à la croisée de la vallée du Rhône et de l'arc méditerranéen.

Les lignes à grande vitesse qui ont été réalisées, celles qui verront le jour dans quelques années, préparent déjà la construction de réseaux transnationaux. Je pense notamment à la liaison Paris-Londres ainsi qu'au réseau Thalys, qui dessert Bruxelles et Amsterdam. Je pense au raccordement Lyon-Turin, décidé cette année et que la France entend mettre en service en 2015. Je pense au TGV-est et à l'ouverture qu'il permet sur le réseau allemand. Je pense aussi, à l'extension vers Barcelone de la ligne que nous ouvrons aujourd'hui et, également, aux réflexions nécessaires en cours actuellement pour ouvrir le TGV Rhin-Rhône vers l'Allemagne et la Suisse.

Cette vision transnationale des communications est indispensable pour donner toutes leurs chances à nos régions. Elle contribue à accroître leurs débouchés et à les installer dans un espace aux dimensions européennes, à l'échelle du marché de 300 millions d'habitants qui se construit actuellement sur notre continent.

Outil d'aménagement du territoire, le train à grande vitesse est aussi un instrument de compétitivité. Les infrastructures ne font pas que relier les territoires, elles conditionnent leur développement et leur destin. La richesse d'un pays réside dans le niveau et la qualité des services qu'il offre et, en particulier, dans la performance de ses réseaux de communications.

C'est ce qui rend indispensable la poursuite d'un programme ambitieux d'infrastructures pour mieux relier aux voies ferrées nos routes, nos ports et nos aéroports. L'exemple de cette ligne, dont la réalisation a exigé des années, le montre suffisamment : c'est aujourd'hui que se décident les grands équipements de demain, ceux qui feront la force de notre pays dans les dix ans à venir.

La croissance de l'économie mondiale nous donne des moyens financiers importants : nous devons veiller à ce qu'ils soient orientés vers l'investissement et pas seulement vers le fonctionnement. Il ne serait pas satisfaisant que notre effort d'équipement reste durablement en retrait par rapport à celui des autres grandes puissances industrielles. La part qu'un pays fait à l'avenir, la confiance qu'il a dans son destin, se mesurent à la hauteur et à la régularité de ses investissements. L'État a, dans ce domaine, de grandes responsabilités. Elles s'accroîtront encore dans les années à venir puisque le financement des infrastructures, désormais déconnecté de leur exploitation, s'imputera plus directement sur les budgets publics. La puissance publique a le devoir d'assumer pleinement ce rôle de stratège et de dégager les marges de manoeuvre nécessaires. Elle a la responsabilité de préparer les défis de demain. Dans la mondialisation économique, le rôle de l'État n'est pas de réglementer toujours plus mais de donner toutes ses chances à notre pays dans la compétition mondiale.




Parier sur le train à grande vitesse, ce n'est pas seulement faciliter l'émergence d'un nouvel espace, c'est aussi faire résolument le choix d'un moyen de transport peu polluant.

La ligne qui s'ouvre aujourd'hui ne sera pas seulement plus rapide, plus confortable et plus sûre que l'automobile, elle sera aussi moins polluante et plus économique pour la collectivité.

Rapportée au nombre de voyageurs transportés et à la distance parcourue, la consommation d'énergie du TGV est le tiers de celle d'une voiture particulière et le sixième de celle de l'avion. Ce rapport devrait être encore amélioré dans les prochaines années, grâce à la généralisation des rames à deux niveaux.

Indispensable pour faire face à l'accroissement des flux de transit, l'établissement d'une liaison à grande vitesse dans la vallée du Rhône se devait aussi de prendre pleinement en compte la beauté des sites traversés. Ce défi a, dans l'ensemble, été relevé dès la conception de la ligne, notamment grâce à la majesté et l'élégance des ouvrages d'art, à la réalisation d'un schéma directeur paysager et à la plantation tout au long du tracé de plus d'un million d'arbres, adaptés à la physionomie des quatre départements traversés.

L'entrée en vigueur de la loi sur l'eau et de la loi sur le bruit sont également venues renforcer une vigilance indispensable. Les contraintes étaient là aussi nombreuses, qu'il s'agisse de la préservation des ressources aquatiques, de la prévention des crues ou du contrôle des nuisances sonores, qui a conduit à la mise au point de rames trois fois moins bruyantes que celles de la première génération.

Je tiens à saluer la création d'un observatoire de l'environnement, qui aura la charge de contrôler le bon fonctionnement de la ligne et de proposer localement les ajustements qui seraient nécessaires. Il y a là une démarche qui doit inspirer tous les chantiers de cette envergure. Une démarche qui refuse l'immobilisme et prend en compte l'évolution des besoins de la société, mais avec le souci constant de faire du respect de l'environnement un élément à part entière du développement, au même titre que les considérations techniques ou commerciales.

En opérant un transfert du trafic passagers vers la nouvelle ligne, la construction du TGV Méditerranée aura aussi des répercussions importantes sur le transport de marchandises. Il est essentiel que nous sachions utiliser la capacité libérée pour développer le transport combiné et notamment le ferroutage, encore insuffisamment utilisé malgré un réseau routier beaucoup trop lourdement chargé. N'attendons pas la saturation pour entamer les corrections nécessaires. Ce n'est pas seulement l'environnement qui y gagnera, c'est aussi la sécurité routière, c'est le respect des vies humaines qui sera mieux assuré.




Au-delà de ce qu'il apporte dans le domaine écologique, le TGV est aussi un instrument essentiel de la modernisation du service public et notamment, bien sûr, du service public ferroviaire. Il a largement contribué à maintenir une fréquentation élevée des chemins de fer, que certains croyaient condamnés au début des années 1970. Il donne aujourd'hui au rail les moyens d'entrer dans le XXIe siècle.

Nous avons le devoir de rendre le service public toujours plus performant et ouvert à tous. La qualité du service doit être constamment améliorée pour les clients. Cette exigence est au coeur du contrat qui unit les Français et leurs services publics.

Je voudrais remercier l'ensemble du personnel de la SNCF, qui maintiennent l'esprit et le sens du service des cheminots. Je salue aussi leur président, M. Louis GALLOIS qui, depuis plusieurs années, dessine avec constance et fermeté un projet d'avenir, un projet nécessaire pour notre chemin de fer. Ces efforts doivent être poursuivis dans un esprit de concertation au sein de l'entreprise, dans un esprit de recherche de l'excellence au service des Français. La SNCF n'a pas cessé d'évoluer depuis sa création. Elle doit continuer à aller de l'avant, sans blocage ni crispations.

Sécurité des trains, confort des passagers, ponctualité et continuité du service, qualité des relations humaines dans l'entreprise, compétitivité par rapport aux autres moyens de transport, équilibres financiers à construire dans la durée : voilà les défis auxquels la SNCF est confrontée.

Pour les relever, le dialogue social sera naturellement essentiel.

La pratique constante du dialogue social, auquel, c'est vrai, la SNCF consacre déjà des moyens importants, la participation des représentants du personnel aux choix stratégiques de l'établissement, la recherche du consensus et de la prévention des conflits sont en effet indispensables. Je souhaite que ce soit sur les valeurs de responsabilité que continue à s'édifier notre service public. C'est dans ce cadre, et en privilégiant évidemment la voie de l'accord, que devront être menées à bien les réflexions sur l'institution d'un service minimum que les Français appellent de leurs voeux. La continuité du service public est un impératif qui ne peut pas être ignoré. Elle est l'honneur des cheminots, en même temps que la seule façon, pour la SNCF, d'être à la hauteur des engagements qu'elle a souscrits envers sa clientèle et de la confiance que lui font les Français depuis des décennies.


L'avenir de notre chemin de fer se construira aussi avec Réseau ferré de France qui, depuis la réforme de 1997, a la charge d'entretenir et de développer l'ensemble des infrastructures ferroviaires et à qui nous devons, notamment, l'achèvement de cette ligne. Au terme de ces premières années d'existence, RFF a répondu aux attentes qui avaient été placées dans sa création. Le nouvel établissement a renforcé la sécurité du réseau, il a permis à la SNCF de se concentrer sur ses tâches d'exploitation, il a su s'imposer comme un partenaire à part entière des collectivités locales. Sous l'impulsion de M. MARTINAND, Il a trouvé sa place et sa légitimité. Qu'il en soit remercié.

Ces efforts ont produit leurs premiers résultats. Ils devront être poursuivis. Pour répondre aux défis de l'Europe du rail qui se construit. Mais aussi pour veiller à la consolidation de la situation financière des chemins de fer, qui ne saurait être toujours reportée.

Autant de raisons de ne pas nous arrêter sur le chemin de la modernisation de notre service public.




Mesdames et Messieurs,

La ligne qui s'ouvre aujourd'hui réunit deux pôles de notre culture, l'Europe du nord et le sud méditerranéen. Elle participe à l'équipement et au rayonnement de la France. Elle témoigne de l'intégration croissante de l'environnement et de l'aménagement du territoire. Elle est le reflet d'une ambition élevée pour notre service public.

Une entreprise doit toujours aller de l'avant. Le TGV incarne cette volonté d'amélioration du service ferroviaire au bénéfice des clients de la SNCF. Il est pour les Français et pour les agents du chemin de fer un sujet de fierté en même temps qu'un instrument de notre cohésion nationale.

Je vous remercie.





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