Allocution du Président de la République devant la communauté française à Moscou, Russie.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, devant la communauté française établie en Russie.

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Moscou, Russie, le lundi 2 juillet 2001

Mes chers compatriotes,

C'est toujours un plaisir, pour mon épouse et pour moi, avec nos ministres, que vous voyez ici, il nous en manque un, M. GAYSSOT -qui a disparu et qui va peut-être arriver-, avec les représentants du Parlement et les Présidents des Commissions des Affaires étrangères du Sénat et de l'Assemblée, c'est un plaisir, pour nous, de rencontrer la communauté française à l'étranger en général, et en particulier celle de Russie, pays où la présence française est depuis longtemps ancrée dans l'histoire.

Nous nous réjouissons ce soir d'être parmi vous et je voudrais remercier chaleureusement notre Ambassadeur d'avoir organisé, et bien organisé, cette rencontre et, d'ailleurs, d'avoir bien organisé ce voyage.

Cette rencontre me permet de mieux comprendre à la fois vos problèmes et vos projets. Elle me permet de bénéficier de la connaissance approfondie que vous avez du pays qui vous accueille. Votre expérience apporte en permanence un regard nouveau sur les évolutions contemporaines. Je parle, en règle générale, des communautés françaises à l'étranger. Elle nous permet tout simplement aussi de nous retrouver. Oui, l'une des forces de l'action extérieure de notre pays, au-delà de sa diplomatie bien entendu, ce sont bien les Français dans le monde.

Chacun sait que l'expatriation ne s'effectue pas toujours dans des conditions faciles : un séjour en Russie est traditionnellement assimilé à une sorte d'aventure qui peut être pleine d'imprévus.

Mais la Russie change. La culture russe dans toutes ses expressions, littérature, théâtre, musique, arts plastiques, cinéma, a toujours été partie intégrante de la culture européenne. Aujourd'hui, la Russie renoue avec ses valeurs. Son économie se familiarise peu à peu aux mécanismes du marché. Nos sociétés se rapprochent. Les bouleversements prometteurs vécus par ce pays depuis une dizaine d'années ont requis de nos amis russes, mais aussi de la communauté étrangère, une grande capacité d'adaptation.

Vous avez montré ces qualités avant la crise d'août 1998, et j'avais déjà eu l'occasion de rencontrer certains d'entre vous lors de mon séjour en 1997. À ceux qui sont restés après la crise, et à ceux aussi qui sont arrivés depuis, je veux dire que leur démarche traduit un esprit d'entreprise, une volonté d'aller de l'avant, une ouverture qui font honneur à notre pays. Ils marquent la confiance que vous avez dans la Russie et dans son avenir. Une confiance que, pour ma part, je partage.

Les efforts engagés ici n'ont pas été vains. L'économie russe a montré une grande capacité de rebond. Elle a renoué avec la croissance, qui a atteint en 2000 un niveau élevé. Les perspectives de développement économique sont favorables. Des réformes structurelles majeures sont en cours, sous l'autorité du Président POUTINE avec lequel j'ai eu des échanges approfondis hier et ce matin. Je lui ai dit que les réformes, notamment dans les domaines du droit, de la fiscalité, étaient essentielles pour permettre aux entreprises françaises de définir une stratégie à long terme, de développer leur présence dans ce pays. Il m'a semblé que ce message était bien reçu.

Aussi, je ne peux que vous encourager à poursuivre dans la voie tracée, pour que le nombre de nos entreprises, le volume de nos investissements, croissent de manière significative. Et je salue, à cette occasion, toutes les femmes et les hommes d'affaires français qui, en tant que représentants de sociétés ou en leur nom propre, défendent nos intérêts économiques.

Je voudrais, sur ce point, rendre un hommage tout particulier à ceux d'entre vous qui, au-delà de Moscou, se sont installés, ont investi, dans des régions parfois éloignées. Ils prouvent ainsi que l'immensité de la Russie ne leur fait pas peur et qu'elle peut être à l'origine de coopérations fructueuses. En me rendant demain à Samara, et en y rencontrant nos compatriotes, je porterai témoignage de la volonté et de la capacité des Français à explorer la richesse et la diversité russes.


Nos efforts pour accompagner la Russie dans son évolution ne sauraient naturellement ignorer la dimension culturelle.

Tout comme la France, la Russie a une longue histoire, dont bien des pages ont été d'ailleurs écrites en commun. L'identité russe est fortement enracinée dans sa terre et dans sa fierté nationales. Elle se nourrit de traditions très anciennes. Nous savons qu'un grand peuple a besoin de conduire sa modernisation sur le fondement d'une identité respectée. C'est sur ce fondement que se développe le dialogue entre nos deux cultures. Nous disposons d'un grand réseau d'attachés linguistiques et d'assistants dans les principales régions. D'autres organismes français participent à ce développement. Les centres culturels de Moscou et de Saint-Pétersbourg, les collèges universitaires français dans ces deux villes, constituent les indispensables relais de notre action. Mais notre présence doit s'étendre davantage dans les régions. Trois nouvelles Alliances françaises, à Samara, à Novossibirsk, à Nijni-Novgorod, viendront très bientôt s'ajouter à celle, déjà existante, de Saint-Pétersbourg. Et je me réjouis du développement de ces Alliances françaises qui propagent notre culture et notre langue en Russie et, au-delà, l'image de notre pays.

Je saisis cette occasion pour féliciter tous les agents de cette ambassade, y compris nos attachés et assistants dans les régions, qui, chacun dans son rôle, contribuent au rayonnement de la France en Russie.

Ce faisant, nous devons tourner nos regards en priorité vers la jeunesse. C'est dans cet esprit que j'ai parlé cet après-midi aux étudiants de l'université de Lomonossov. Le salon Édufrance, organisé pour la première fois à Moscou en avril dernier, a permis de mieux faire connaître nos universités et nos grandes écoles au public. Le nombre important de visiteurs a montré l'intérêt des jeunes russes à poursuivre des études supérieures en France.

L'une des quelques questions qui m'ont été posées, tout à l'heure, était de savoir pourquoi nous donnions -je cite l'intervenant-, si peu de bourses. Je me retourne vers le ministre, qui est ici, et qui précise que c'est par manque d'argent. Mais c'est vrai que j'ai été frappé. Sur les trois étudiants -c'était prévu comme cela, c'est le protocole de l'université qui avait prévu les choses ainsi- qui ont pris la parole, l'étudiant qui a pris le premier la parole m'a dit : mais, Monsieur CHIRAC, pourquoi est-ce que c'est si difficile pour nous d'aller faire des études en France ? Pourquoi est-ce si difficile pour nous d'obtenir des bourses ? Alors, j'étais évidemment pris un peu de court. J'aurais du leur faire remarquer d'ailleurs qu'il y a dix ans, au moment de la rénovation, ma femme avait créé une association extrêmement active et dynamique qui s'appelle Le Pont Neuf -le pont pour relier l'est et l'ouest-, et dont la vocation est de donner précisément des bourses à des étudiants de haut niveau. Et on en donne beaucoup, à cette association. On en donne beaucoup. Elle est uniquement alimentée par des dons privés. Elle ne fait pas appel à vos caisses, Monsieur le ministre. Mais, ceci étant, si vous tenez absolument à faire un don également à l'association, on le prendra. Mais ce qui est très frappant, c'est de voir que c'était la première question et que c'est celle qui a été le plus applaudie par les étudiants. Donc nous devons intensifier nos efforts dans cette voie.

Un autre geste illustre notre volonté d'inciter la jeunesse russe à visiter notre pays et à y étudier. C'est la gratuité des visas pour tous les Russes de moins de 25 ans, qui peuvent ainsi se rendre plus facilement en France. Nous devons les encourager à découvrir et à mieux connaître notre pays et d'ailleurs, par là-même, l'Europe.

J'en profite pour saluer ici les enseignants français qui ont choisi de venir travailler à Moscou, parfois dans des conditions, je le sais, difficiles. À cet égard, je me réjouis de la levée des derniers obstacles administratifs à l'édification du nouveau lycée français dont les travaux vont pouvoir commencer, heureusement, très rapidement.

Ce soir, mes chers compatriotes, je voudrais saluer par votre intermédiaire l'ensemble de la communauté française de Russie. Que ce soit dans l'économie et la finance, dans l'éducation et la culture, dans les médias ou les divers services de l'État, dans les associations françaises ou dans les organisations humanitaires, chacun d'entre vous contribue au renforcement des relations franco-russes. Chacun y apporte son dynamisme, son coeur, sa part d'imagination et d'initiative.

Je pense aussi aux religieuses et aux religieux français qui oeuvrent avec humilité et dévouement en faveur de nos compatriotes et de la communauté russe.

Enfin, je souhaiterais aujourd'hui rendre un hommage tout particulier à celles et ceux d'entre vous qui, victimes des aléas de l'histoire, ont traversé dans ce pays des épreuves parfois douloureuses. Je sais que certains d'entre eux sont parmi nous ce soir. Je voudrais les saluer chaleureusement et leur dire l'attachement que la France leur porte.

Nous avons avec la Russie, aujourd'hui, la capacité de faire ensemble beaucoup plus que par le passé. C'est une nécessité pour le continent européen, pour son équilibre, pour son développement. L'approfondissement de la relation entre la Russie et la France est un objectif majeur de notre politique étrangère. C'est à cette ambition que vous participez par votre action et votre présence ici. Vous le faites avec efficacité et talent, cela ne fait aucun doute. Vous représentez notre pays. Vous défendez ses intérêts. Je voulais vous en remercier et vous dire, au nom de tous les Français, que nous sommes fiers de vous. J'y ajoute mon estime, ma reconnaissance et mon amitié.





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