Allocution du Président de la République à l'occasion de la présentation des voeux aux Forces vives.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion de la présentation des voeux aux Forces vives.

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Palais de l'Elysée, le lundi 8 janvier 2001

Monsieur le Premier ministre, Mesdames, Messieurs,

Je suis heureux de vous recevoir à l'Élysée pour rendre cet hommage traditionnel aux forces vives de la Nation, à ses entreprises, au monde du travail et à un secteur associatif de plus en plus présent dans la vie des Français.

Heureux aussi de présenter à chacune et chacun d'entre vous, et à toutes celles et à tous ceux que vous représentez, mes voeux les plus sincères de bonne et heureuse année 2001.

Ce terme de "forces vives", cher au général de Gaulle, est plus que jamais d'actualité dans notre société en mouvement.

Si la France a su, après des années de crise, retrouver les chemins de la croissance, c'est avant tout grâce à vos efforts et à votre esprit d'innovation. Le chômage recule. La croissance modifie l'horizon des Français. Ils se sont mobilisés pour moderniser les entreprises, les ouvrir sur le monde, défendre et renouveler leur modèle social, facteur d'équilibre et de performance économique. Ils ont apporté la preuve que la France tient son rang dans le concert économique des nations.

Avec la croissance, c'est aussi une certaine forme de pessimisme qui s'estompe. On redécouvre les atouts de notre pays et notamment sa capacité à conjuguer qualité de vie, réussite économique et progrès social. Les grands débats de société réapparaissent en même temps que l'esprit de conquête. Chacun attend de meilleures réponses à ses aspirations. Chacun veut prendre sa part à la modernisation du modèle français. Une question est désormais au coeur des préoccupations de nos concitoyens : quel usage économique et social ferons-nous de ce dynamisme retrouvé ? Comment valoriser cette chance collective qui s'offre à nous ?

Ayant le privilège de m'exprimer aujourd'hui, en ce début de siècle et même de millénaire, devant les représentants des Français dont la vocation est de forger l'avenir de notre Nation, je voudrais en profiter pour vous faire part de mes convictions et réflexions sur l'évolution de notre société et de notre pays qui ne doit jamais cesser de s'interroger sur les choix de notre temps.




Avec l'amélioration de la conjoncture, les entreprises françaises affirment leur présence dans la compétition internationale. On le voit dans les technologies de l'information, dans l'automobile, dans l'agro-alimentaire, dans les services, et dans bien d'autres secteurs encore... C'est également vrai des petites et moyennes entreprises, notamment celles de l'artisanat.

Le débat économique ne doit pas s'arrêter avec le retour de la croissance. Pour guider l'action et l'adapter à des exigences nouvelles, il doit au contraire se poursuivre et s'approfondir.

Notre croissance doit être en effet confortée. Il faut la rendre plus solide, plus durable. Rien n'est jamais définitivement acquis dans l'ordre économique. Au cours des vingt dernières années, nos concitoyens ont trop fait l'expérience des cycles économiques, ils ont connu trop d'années de "feu de paille", pour ne pas avoir conscience de la nécessité d'une politique de croissance inscrite dans la durée.

La croissance que nous connaissons aujourd'hui doit nous pousser à évoluer aussi vite que le progrès technique et que les attentes de notre société.

Cette croissance, nous la devons d'abord au travail des Français, à leur savoir-faire, à leur engagement personnel, aux efforts que les salariés et les entreprises ont consentis depuis une décennie pour améliorer la compétitivité et la qualité de nos produits. Il serait juste que chaque Français retire les fruits de ce travail.

Cette croissance, nous la devons aussi aux réformes qui ont permis d'ouvrir notre économie : aujourd'hui, sur toute la planète, les pays en difficulté sont le plus souvent des pays fermés, alors que la France, grâce à son ouverture, bénéficie pleinement de la conjoncture mondiale, des apports de la révolution technologique et de la création d'un marché européen.

Parmi ces réformes, il y a bien sûr l'euro. Il a déjà permis un développement considérable des échanges en Europe ainsi qu'une baisse importante du coût du crédit. Notre pays a bénéficié, depuis 1996, d'une diminution sans précédent des taux d'intérêt. Ils ont été réduits de moitié. C'est la conséquence directe de la décision prise à cette époque de tenir nos engagements européens en procédant à la remise en ordre de nos finances publiques. Ce n'est pas allé sans difficulté mais, grâce à l'action des gouvernements successifs, les résultats sont là aujourd'hui.

Dans un an, l'euro sera notre monnaie et deviendra une réalité pour chacun de nous. Nous devons nous préparer à ce passage. Il doit être simple, gratuit et adapté aux difficultés que peuvent rencontrer les catégories les plus sensibles de nos concitoyens, notamment les personnes âgées, handicapées ou en situation précaire et les autorités publiques font tout ce qui est nécessaire pour que ce passage se fasse le mieux possible.

La croissance, nous la devons enfin à l'innovation, au progrès technologique et à la nouvelle économie. La baisse continue du coût de l'information, sa diffusion à l'ensemble des secteurs, l'impact des nouvelles technologies sur l'organisation et l'efficacité du travail créent partout dans le monde les conditions d'une nouvelle vague de prospérité.

La nouvelle économie, c'est la capacité d'innover, de créer de nouveaux produits, d'explorer de nouveaux marchés, de trouver de nouvelles sources de compétitivité en utilisant tous les moyens appropriés, y compris l'internet et le commerce électronique. Et ce mouvement concerne toutes les entreprises, qu'elles aient ou non une dimension technologique, dans l'industrie comme dans les services. Ni les ressacs boursiers, naturellement inévitables, ni les ralentissements conjoncturels, toujours possibles, ne compromettront cette évolution de longue haleine.

Notre pays est bien armé pour répondre à cette nouvelle donne. Nous pouvons compter sur les atouts que représente notre géographie, sur la qualification de nos travailleurs, sur la qualité de nos infrastructures. Nous pouvons compter sur nos ingénieurs, nos cadres, nos chercheurs, à condition de leur offrir en France des conditions de travail et de vie porteuses d'avenir. Nous pouvons également compter sur la vitalité de la société française, confiante dans ses capacités d'initiative et attentive à préserver sa cohésion sociale.

Mais pour tirer pleinement parti de ces ressources, nous devons éviter que la croissance française vienne buter sur des obstacles qui en ralentiraient l'allure. Nous devons corriger les dysfonctionnements qui freinent encore notre développement. Pour que la France avance réellement sur la voie du plein emploi, au-delà des préoccupations purement conjoncturelles, la politique économique doit être active, évolutive, tournée vers l'avenir.

Définir une stratégie d'avenir, c'est orienter notre politique budgétaire vers la performance économique. La France a la capacité d'égaler puis de dépasser les meilleures pratiques européennes. Elle doit profiter de la croissance pour parvenir rapidement à un équilibre durable de l'ensemble des comptes publics, y compris nos systèmes de retraite, et pour faire repartir l'investissement public. La situation économique est exceptionnelle. Si nous voulons nous prémunir contre les retournements de conjoncture, celle de nos finances doit être exemplaire.

En évitant que les déficits du présent ne deviennent, comme souvent, les impôts de demain, nous apporterons la seule garantie possible d'une baisse durable des prélèvements obligatoires. Et nous respecterons notre engagement de contribuer à la stabilité de l'euro, renforçant l'autorité de notre pays au sein de l'Union européenne.

Ainsi, nous nous rendrons davantage maîtres de notre destin.

Définir une politique d'avenir, c'est aussi créer un climat plus favorable à l'emploi et à l'activité. Au cours des vingt dernières années, la France a découragé une partie de sa population de se présenter sur le marché du travail, ce qui se traduit encore par un taux d'activité nettement en dessous de la moyenne européenne. La croissance nous fait mesurer aujourd'hui les limites du malthusianisme. Elle nous impose de résoudre le paradoxe que constitue le maintien d'un taux de chômage élevé alors que de nombreux secteurs d'activité éprouvent déjà des difficultés de recrutement. Elle nous impose d'ouvrir de nouvelles voies pour retrouver le plein-emploi.

Définir une politique d'avenir, c'est enfin reconnaître la responsabilité essentielle des acteurs publics dans le dynamisme de la croissance.

Sans doute l'État a-t-il perdu de ses anciennes capacités d'action. Il n'est heureusement plus question qu'il agisse aujourd'hui à travers le contrôle des prix, la politique des revenus ou le contrôle des changes, ni à travers l'étendue du secteur nationalisé, les subventions à la production ou le contingentement des importations. Autant d'instruments qui paraissent liés à la préhistoire de l'économie, même si la plupart d'entre eux existaient encore il y a 15 ans à peine. Ils étaient liés à l'héritage de l'économie de guerre ou de reconstruction que l'histoire tourmentée du XXe siècle avait imposée à nos pays. Ils sont désormais périmés.

Pour autant, il ne faudrait pas croire que l'État a cessé d'exercer une responsabilité essentielle dans le développement de notre économie. Ce serait une erreur profonde. Mais il doit renouveler ses modes d'action et renforcer l'efficacité des services publics. C'est ainsi qu'il relèvera les défis des temps nouveaux.

Les États conservent un rôle primordial pour assurer la compétitivité des territoires et le développement de l'innovation. Ils assurent le socle de services essentiels qui font la force d'un pays, qu'il s'agisse de l'éducation, de la santé, de la sécurité, des infrastructures. La puissance publique conditionne aussi l'activité économique par la maîtrise des déficits et le niveau des prélèvements obligatoires. Enfin, l'État a la lourde responsabilité, non pas de s'opposer au marché, mais de le réguler efficacement, c'est-à-dire de mettre en place les règles et les sanctions qui permettent à l'activité de se développer sans causer de déséquilibre social, économique ou environnemental. L'État doit aussi, et de plus en plus, assumer la défense de nos intérêts dans les instances communautaires et internationales.

Cette exigence d'efficacité économique se double pour les États d'un devoir de solidarité. Les deux objectifs sont du reste complémentaires. Croissance durable et protection sociale vont de pair dans toutes les sociétés développées.

Il importe de nourrir ce cercle vertueux. L'État a le devoir de faire en sorte que les sommes qui transitent chaque année par les caisses publiques, et qui représentent plus de la moitié de la richesse nationale, contribuent plus efficacement à faire reculer l'exclusion. Il a le devoir d'anticiper les effets du vieillissement de la population sur notre vie sociale. Il a le devoir de donner à chacun des chances égales sur le marché du travail. En un mot, il a le devoir de donner l'élan à la modernisation de notre système social, notamment en faisant davantage appel à un dialogue social responsable.




Adapter notre modèle social aux enjeux du XXIe siècle, c'est d'abord prendre acte du changement en profondeur des rapports de travail. C'est aussi préserver le fonctionnement de notre sécurité sociale, qu'il s'agisse de l'assurance vieillesse, de la santé ou de la famille.

Grâce au retour de la croissance, le chômage diminue. Il faut faire en sorte que ce mouvement se poursuive, non seulement en veillant à ne jamais ajouter de nouveaux facteurs de blocage ou de nouvelles charges aux contraintes qui pèsent sur l'emploi dans les entreprises, mais surtout en les allégeant. Il faut aussi anticiper les besoins du monde du travail de demain.

Les travailleurs sont de moins en moins voués à conserver le même employeur, le même métier et le même statut tout au long de leur vie. Notre droit doit tenir compte de cette mobilité professionnelle et géographique accrue. Dans un univers où s'accélère le rythme des changements, il faut rétablir une continuité de garanties. Et il faut rétablir sécurité et confiance face à l'emploi.

Pour mettre en oeuvre cette politique, les droits sociaux devront devenir aussi mobiles que les salariés d'aujourd'hui, ils devront les accompagner lorsqu'ils changent d'emploi, entrent en formation ou décident de créer leur propre entreprise. La mise en place de ces nouvelles sécurités élargira le champ d'action du paritarisme, comme lors de la création de l'assurance-chômage en 1959. De ce point de vue l'importance des négociations nationales engagées sur le thème de la formation tout au long de la vie doit être soulignée.

La priorité à l'emploi doit se retrouver aussi dans la lutte contre la pauvreté et l'exclusion.

Il n'est pas normal qu'en dépit de l'amélioration de la situation de l'emploi, le nombre de bénéficiaires du RMI commence à peine à diminuer. On ne peut pas non plus se satisfaire que plus de la moitié des allocataires du RMI le soient depuis deux ans ou plus. Par ailleurs, il ne saurait coexister deux catégories de Français, avec des droits différents. Et c'est dans cet esprit que dans le cadre de la parité que j'avais engagée j'ai souhaité que les conditions d'attribution du RMI soient harmonisées sans tarder entre la métropole et l'outre-mer.

La solidarité n'a pas pour seule finalité de permettre aux personnes en grande difficultés de survivre, elle doit les aider à s'en sortir. Nous ne combattrons efficacement la pauvreté que lorsque nous saurons mettre en oeuvre l'accompagnement humain nécessaire pour faire du retour à l'emploi une réalité, en donnant au volet "insertion" du RMI toute sa portée.

Aucune piste ne doit être négligée dans ce domaine. L'instauration d'un crédit d'impôt, déjà expérimentée par d'autres pays, pourrait notamment permettre aux actifs les plus modestes de ne pas voir leur revenu net stagner, voire diminuer, quand ils reprennent une activité.


En tirant les conséquences des changements du monde du travail, il nous faut également veiller à garantir à tous une protection sociale de haut niveau, en l'adaptant aux évolutions de notre société.

C'est particulièrement nécessaire en ce qui concerne notre système de santé. Nous lui devons une part importante de l'allongement de la durée de la vie. Mais les progrès de la médecine rendent traitements et équipements de plus en plus coûteux. Pour continuer à mettre les meilleurs soins à la portée de chaque Français, il faut veiller à ce que chaque franc dépensé soit réellement utile à la santé. C'est une condition incontournable pour permettre au progrès médical d'être financé.

Pour parvenir à cet objectif, un dialogue en confiance doit être rétabli entre les professionnels de soins qui, je le sais, y sont prêts, et les gestionnaires de l'assurance-maladie ainsi que l'État. La coopération de tous les acteurs de la santé est en effet la seule garantie que les réformes nécessaires s'inscriront dans la durée et profiteront pleinement à tous les malades.

Ces réformes débordent largement le cadre de notre système de soins : elles doivent être tournées vers une politique de santé publique fondée sur la prévention et sur une meilleure prise en compte des risques sanitaires, notamment ceux qui sont liés à l'environnement ou à l'alimentation.

En matière de sécurité sanitaire, beaucoup est fait pour doter notre pays de structures d'alerte et de gestion adaptées à la croissance des risques. Les agences qui ont été constituées récemment doivent pouvoir inscrire leur action dans une logique de réseaux européens. C'est pourquoi la présidence française de l'Union européenne a tenu à ce que soit décidée la création d'une Agence européenne de sécurité des aliments.

Au-delà de ces structures, une véritable culture de la sécurité sanitaire doit s'instaurer, reposant sur le principe de précaution : la santé ne saurait être mise en balance avec aucune autre préoccupation.

Notre politique de santé doit également, comme l'ont déjà compris bien des associations, être recentrée sur la prévention, trop longtemps restée le parent pauvre de notre système de soins.

Aujourd'hui, les inégalités les plus fortes entre Français ne viennent pas de l'accès aux soins, mais de la diffusion inégale des actions de prévention. Il n'est pas admissible qu'en raison de leur appartenance à un groupe social, certains de nos concitoyens aient une espérance de vie sensiblement inférieure aux autres.

Nous ne remédierons pas à cette situation sans changer notre façon de penser et sans rémunérer l'acte de prévention au même titre que l'acte de soins. De ce point de vue il serait légitime et conforme, je crois, à leur vocation que les taxes sur les alcools et le tabac contribuent à financer cette politique.

Le deuxième grand domaine dans lequel il convient d'assurer le renouveau de notre système de protection sociale, ce sont naturellement les retraites. De rapports en expertises, nul ne peut plus ignorer les données financières auxquelles la France devra faire face. S'agissant d'une question qui est d'abord une question de société avant d'être purement comptable, elle doit donner lieu à un véritable débat public.

Le vieillissement de la population comporte de multiples aspects. C'est une évolution qu'il ne faut pas se contenter de subir. Nous devons introduire dans notre système davantage de souplesse, davantage de liberté, faire émerger une nouvelle conception des âges de la vie, permettre aux jeunes comme aux anciens d'être davantage parties prenantes à l'activité de la Nation.

Si nous parvenons à mettre en place des voies d'insertion professionnelle plus efficaces, et peut-être aussi moins tardives, si nous élargissons les perspectives professionnelles de chaque Français en lui donnant la capacité de mieux maîtriser les évolutions technologiques à venir, et enfin si nous développons de nouvelles formes d'emplois permettant à ceux qui en auront le désir de prolonger leur activité, alors nous aurons fait une grande partie du chemin. Les questions financières, dont le traitement demeure bien sûr une urgence sociale incontournable, seront beaucoup moins difficiles à résoudre.

La sauvegarde de notre système de retraite exige cependant une mobilisation de tous.

L'avenir des régimes de base, des régimes complémentaires et de ceux des agents publics doit faire l'objet d'une réflexion d'ensemble, seule susceptible de conduire à la prise de décisions justes et efficaces.

L'État doit assumer la responsabilité de cette approche d'ensemble afin de donner un cadre clair et cohérent à la négociation sociale, notamment en ce qui concerne les régimes de retraites complémentaires qui font actuellement l'objet d'importantes discussions.

Dans le prolongement de cette démarche, l'État doit, dès maintenant, réagir à la montée de la dépendance des personnes âgées. Les besoins seront en effet de plus en plus importants. Ils doivent être mieux pris en charge, d'une manière juste et donc uniforme sur l'ensemble du territoire.

Enfin, notre système de protection sociale doit rendre toute sa place à la famille, qui joue un rôle irremplaçable dans la transmission des valeurs, dans la création des liens affectifs, dans la construction de la personnalité de chacun. La famille est le premier lieu d'exercice de la solidarité, c'est la première de nos forces vives. Mais elle est aussi particulièrement exposée aux difficultés de la vie moderne : l'insécurité, l'exclusion, l'importance croissante des charges liées à l'éducation, l'instabilité grandissante des couples, la montée des phénomènes de solitude et d'isolement.

Pour que ce maillon essentiel de notre cohésion sociale ne cède pas, il faut renouer avec les objectifs qui ont fondé notre politique familiale.

La première règle à suivre, me semble-t-il, est de conforter les parents dans leur mission éducative. Notre droit de la famille a sans doute vocation à évoluer pour suivre les changements de notre société. Mais il doit le faire avec le souci de renforcer le lien entre parents et enfants ainsi que la responsabilité parentale, à laquelle il n'existe pas de substitut. Il doit le faire aussi en améliorant la protection de l'enfant, trop souvent exposé d'une manière intolérable aux violences de toutes sortes.

La politique familiale doit aider les familles à avoir le nombre d'enfants auquel elles aspirent. C'est son objectif fondamental. Il est frappant que le taux de fécondité ne permette plus le renouvellement des générations, alors qu'une majorité de couples souhaiteraient avoir plus de deux enfants. Ce décalage tient évidemment à ce que les familles ne sont pas suffisamment aidées pour assumer les charges de plus en plus lourdes qui pèsent sur elles.

Les premières années de l'enfant doivent être mieux accompagnées, sans enfermer les femmes dans des choix définitifs que la plupart ne souhaitent pas faire, entre vie familiale et vie professionnelle. À notre système de prestations, trop complexe et sans cohérence d'ensemble, devrait succéder, je crois, une allocation unique d'accueil du jeune enfant accordée aux couples sans distinguer entre les modes de garde choisis.


Pour relever l'ensemble de ces défis, l'engagement de tous, et notamment celui des partenaires sociaux, est indispensable.

Cet engagement passe d'abord par l'épanouissement de la vie associative. Au moment où nous nous apprêtons à célébrer le centenaire de la loi de 1901, il faut rappeler tout ce que le mouvement associatif a apporté à notre société, notamment dans les domaines de la lutte contre l'exclusion, de la défense du consommateur ou de la protection de l'environnement. Cet engagement est source d'une solidarité qui ne se limite pas à jouer un rôle palliatif, une solidarité qui émancipe et qui libère, une solidarité qui se fonde sur l'essentiel, c'est-à-dire la reconnaissance de la dignité et de la responsabilité de tout homme.

Je pense aussi au mouvement sportif, si bien représenté aujourd'hui, à qui je veux dire notamment mon engagement personnel à ses côtés pour que Paris soit ville olympique en 2008.

Le besoin de participation doit également trouver toute sa place dans le monde du travail, tant pour l'association aux décisions que pour mieux partager les résultats de l'entreprise et bénéficier de sa prise de valeur. L'actionnariat salarié, qui se développe fortement aujourd'hui, est la forme la plus récente de cette grande idée de la participation lancée en son temps par le général de Gaulle. L'épargne retraite lui donnerait de nouveaux prolongements.

L'engagement collectif doit enfin se traduire par l'épanouissement du dialogue social, qui a fait la preuve, à de nombreuses reprises, de sa capacité à faire évoluer notre société.

À l'heure où notre modèle de protection sociale a besoin d'évoluer, nous devons renouer le fil de la négociation collective. Il suffit de se tourner vers l'Italie, vers l'Espagne ou vers l'Allemagne pour mesurer le formidable levier que peut être le dialogue social. Qu'il s'agisse de l'aménagement ou de la réduction du temps de travail, du retour à l'emploi, de l'égalité entre les femmes et les hommes au travail, de la participation aux résultats, les partenaires sociaux ont la possibilité de faire émerger un droit adapté à la situation de chaque branche, de chaque région, de chaque entreprise. Nous perdrions beaucoup à les enfermer dans un rôle résiduel en limitant a priori le champ de leurs négociations.

La force de leur engagement, qui s'est traduite par un premier accord sur l'assurance-chômage et un autre sur la santé au travail, a pu surprendre certaines habitudes. Mais ce dialogue doit être encouragé, car il témoigne d'un souffle nouveau et s'inscrit dans une tradition de négociation qui, on l'oublie trop souvent, existe aussi en France.

Les changements sociaux les plus profonds et les plus durables, ceux qui impliquent de remettre en cause des habitudes, de faire évoluer des mentalités, ne peuvent en réalité réussir que si le dialogue social leur donne une forte impulsion. Je pense par exemple à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Le législateur est certes intervenu, fixant les principes. Mais près de 20 ans plus tard, que constate-t-on ? Les salaires féminins restent en moyenne inférieurs de plus de 20% aux salaires masculins et les emplois de responsabilité demeurent toujours beaucoup plus accessibles aux hommes qu'aux femmes. C'est donc principalement sur elles que notre société continue à faire peser la charge de la conciliation entre emploi et responsabilités familiales. C'est sur elles que pèse encore le poids de renoncements imposés, renoncement à des projets familiaux ou renoncement à des aspirations professionnelles. Tant que l'organisation du travail des Français, femmes et hommes, ne prendra pas mieux en compte ces contraintes, les obstacles aux carrières professionnelles des femmes subsisteront. Il est indispensable qu'un puissant mouvement de négociation s'engage dans ce domaine essentiel pour l'équilibre de notre société.

Gardons-nous des fausses querelles. La question n'est pas de savoir qui, de l'État ou des partenaires sociaux, doit être le moteur de l'évolution de notre modèle social, mais de mieux les associer. Chacun a son rôle. L'État est le garant de notre ordre public social. Mais dans ce cadre, les partenaires sociaux doivent pouvoir décider des changements qu'en prise directe sur le terrain, ils sont les mieux à même d'appréhender. À eux revient de trouver le meilleur équilibre entre les exigences de l'activité économique et les aspirations multiples des salariés.

Il ne faut pas non plus opposer, de manière injustifiée, les accords d'entreprises aux accords de branche et aux accords interprofessionnels. L'expérience le prouve, plus la négociation est forte au niveau de l'entreprise, plus elle est forte aux niveaux supérieurs, et réciproquement. Nous devons encourager cette dynamique d'ensemble en ouvrant les possibilités de conclure des accords d'entreprise et en prenant en compte, pour le financement des organisations syndicales, la mission d'intérêt général qu'elles remplissent à travers la négociation collective.




Monsieur le Premier ministre, Mesdames et Messieurs,

Nous abordons le XXIe dans une conjoncture particulièrement favorable. Après les difficiles années 1990, la croissance nous rappelle que le monde est en mouvement. Elle ne profitera complètement à notre pays que si nous savons l'accompagner par une réforme de nos structures économiques et sociales. Réforme de notre État, réforme de nos prélèvements obligatoires, mais aussi renouvellement de notre modèle social afin de rendre ambition à notre politique de la santé, de la vieillesse, de la famille.

Pour conduire ce changement, le rôle de l'État reste essentiel. Mais il doit aussi savoir s'appuyer sur les acteurs de la société civile, et notamment sur les partenaires sociaux. Cette voie du dialogue est la seule adaptée je pense à la complexité du monde moderne. Elle est la seule adaptée aux exigences d'une grande démocratie.

Je vous remercie.





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