Discours du Président de la République en réponse aux voeux des armées.

Discours de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, en réponse aux voeux des armées.

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Palais de l'Elysée, le vendredi 5 janvier 2001

Monsieur le Premier Ministre, Monsieur le Ministre de la Défense, Monsieur le Secrétaire d'État, Mon Général, Je ne sais pas si je dois dire Mesdames, mais en tous les cas je dirai Messieurs,

Je vous remercie, mon Général, des voeux que vous venez de me présenter et auxquels j'ai été très sensible.

À mon tour, je vous demande de transmettre mes voeux les plus chaleureux aux militaires et aux civils de la Défense ainsi qu'à leurs familles. Je souhaite que l'année 2001 leur apporte les plus grandes satisfactions à la fois personnelles et professionnelles.

En ces temps de fêtes et de recueillement familial, je veux d'abord rendre hommage à ceux qui, au cours de l'année écoulée, ont donné leur vie ou ont été blessés en accomplissant leur devoir au service de la Nation. Je tiens notamment à assurer leurs familles de mon affection, de mon soutien dans ces moments douloureux. Elles doivent avoir la certitude qu'elles seront soutenues et que l'institution de défense leur apportera toute l'aide dont elles ont besoin.




Je vous invitais, il y a un an dans ces lieux, à ouvrir trois grands chantiers : la construction de l'Europe de la Défense, la préparation de la loi de programmation et la consolidation de la professionnalisation.

Ces projets s'inscrivaient dans un contexte difficile, marqué, vous l'avez rappelé, par un engagement exceptionnel des armées sur le territoire national comme à l'extérieur.

Ces engagements se sont poursuivis en 2000, certes avec une moindre intensité, mais ils ont pesé et ils pèsent encore sur la mise en oeuvre de la réforme décidée en 1996.

Il me revient, cependant, de souligner que les efforts consentis par la communauté militaire ne l'ont pas été en vain.

L'ébauche d'une évolution démocratique que l'on observe aujourd'hui dans les Balkans, et que j'ai encouragée au Sommet de Zagreb, est une conséquence directe de l'action militaire résolue que la France et ses alliés ont engagée, dans cette région de l'Europe, depuis 1995, et que vous avez mentionnée, mon Général.

C'est la présence vigilante et pacifiante de nos troupes qui a permis la tenue d'élections municipales au Kosovo, dans le calme et dans la transparence.

Et je tiens à vous dire que nos forces, que j'ai, vous le savez, visitées récemment à Mitrovica, m'ont impressionné par leur connaissance des populations qu'elles protègent, par leur enthousiasme et peut-être et surtout par leur sérénité.


Les Français connaissent votre rôle dans la restauration de la paix en Europe. Mais ils vous sont également reconnaissants de votre contribution aux missions du service public.

Certes, des voix se sont élevées, ici ou là, pour contester l'engagement de l'armée professionnelle dans des tâches qui la détourneraient de sa fonction première. D'autres, au contraire, se sont inquiétées de sa moindre disponibilité au service des communautés locales du fait de la baisse des effectifs.

Ces critiques et ces inquiétudes sont injustifiées si l'on s'en tient à des règles claires.

Les armées restent, dans l'urgence, le recours naturel de la communauté nationale pour faire face aux catastrophes. Leur disponibilité, leurs moyens, leur efficacité, leur confèrent, dans ce domaine, une évidente responsabilité.

Mais ces missions de service public ne doivent pas se poursuivre indûment au détriment de l'entraînement et de la préparation des forces. L'armée professionnelle n'a pas été et n'est pas, pour l'État, une main-d'oeuvre à bon marché, utilisable à sa convenance.

J'y ai veillé, pour ma part, avec le Premier ministre et avec le ministre de la Défense, et vous pouvez être assurés que je continuerai à y être attentif.




Je vous disais, il y a quelques instants, que vos efforts n'ont pas été vains. Ils ont permis le retour de l'espoir dans les Balkans, ils ont pansé des plaies ouvertes sur notre littoral et dans nos campagnes, après la marée noire et les tempêtes. Mais ils ont aussi directement contribué au premier des grands chantiers que j'évoquais, c'est-à-dire la construction de l'Europe de la Défense.

Votre participation aux opérations de la Bosnie et du Kosovo vous a donné une vraie crédibilité, celle qui se fonde sur la fraternité d'armes, sur la capacité d'agir ensemble et de plain-pied avec ses partenaires et alliés.

Ainsi, le corps européen a-t-il trouvé, c'est vrai, une nouvelle légitimité en exerçant avec distinction pendant six mois le commandement de la KFOR.

Vous avez, par ailleurs, préparé, avec nos diplomates, le Sommet de Nice qui constitue une étape fondamentale pour l'Europe de la Défense.

Le chemin parcouru dans ce domaine, en deux ans, est considérable. Pour la première fois, après des siècles de déchirements et de conflits, les Européens ont les moyens de peser sur leur destin. Les structures permanentes dont l'Union a décidé de se doter, les capacités militaires auxquelles elle pourra recourir à la demande, lui permettront d'affronter, le cas échéant, les risques affectant sa sécurité. En bonne intelligence avec l'OTAN, qui reste le fondement de notre défense collective, l'Europe pourra enfin décider et agir.

Il reste naturellement beaucoup à faire pour mettre en oeuvre ce qui a été décidé. Les résultats que nous avons obtenus, dans des conditions souvent difficiles, doivent être consolidés sous les présidences suédoise et belge.




La France doit jouer son rôle, à sa place, dans l'Europe de la Défense.

C'est un des enjeux de la future loi de programmation militaire à laquelle les états-majors ont beaucoup travaillé depuis un an.

Les engagements que nous avons pris à Nice devront être tenus. Les choix qui seront faits en matière de programmation militaire et qui seront soumis cette année au Parlement seront le reflet de l'ambition que nous avons pour la France. Le niveau de ressources consenti aux armées sera déterminant pour notre place dans l'Europe de demain.

Le destin d'une Nation ne tient pas seulement à ses performances économiques ou sociales mais aussi à sa capacité de peser sur le cours des événements quand surgit la menace.




Le troisième chantier que j'évoquais devant vous l'an passé reste également ouvert.

La consolidation de la professionnalisation est un impératif auquel, je le sais, les chefs d'état-major sont particulièrement attentifs. Le ministre de la Défense, avec mon accord et celui du Premier ministre, a pris récemment deux initiatives pour améliorer, d'une part, la concertation dans les armées, et ouvrir, d'autre part, le recrutement et la formation des officiers.

L'évolution des cultures et des mentalités et la nature des liens qui se créent dans une armée professionnelle imposent, en effet, une vraie concertation qui renforce l'adhésion de tous. Les mesures qui seront adoptées doivent être mises en oeuvre dans un esprit d'ouverture et dans le strict respect des règles de la discipline, de la disponibilité et de l'autorité hiérarchique qui restent les fondements de l'efficacité militaire.

Je fais confiance à nos chefs d'état-major et au Directeur général de la gendarmerie pour que cette réforme soit appliquée avec résolution et discernement.

Dans le même esprit, l'ouverture du recrutement des grandes écoles militaires et la formation plus diversifiée de nos officiers doivent faciliter l'insertion de nos armées dans la Nation.

C'est un vaste projet dont je salue l'ambition et qui nécessitera un effort important et un engagement de votre part.

Ce lien entre les Français et leur armée est essentiel. S'il s'affaiblit, l'incompréhension s'installe, avec tous les risques qu'elle comporte.

Mais la consolidation de la professionnalisation ne se limite pas à la modernisation des rapports humains et à l'apprentissage de valeurs communes.

La reprise économique rend aujourd'hui plus difficile le recrutement et plus nécessaire la fidélisation de nos jeunes engagés.

Beaucoup a été fait pour améliorer leur réinsertion dans la vie civile à l'issue de leurs contrats. Beaucoup reste à faire dans ce domaine et dans celui des conditions de vie et de travail qui sont déterminantes pour des jeunes à qui l'on demande une totale disponibilité.

À cet égard, l'augmentation récente des crédits de fonctionnement du budget de la défense devrait permettre une certaine amélioration.

On peut s'inquiéter en revanche de la chute importante du taux de disponibilité des principaux équipements des trois armées, ce qui affecte la capacité opérationnelle de nos forces et pèse sur le moral de nos unités. Ce problème m'inquiète beaucoup.

Des mesures d'organisation ont été prises. Elles seront insuffisantes si les crédits qui permettent le renouvellement et l'entretien de ces équipements ne retrouvent pas le niveau qui devrait être le leur et qui avait été prévu par la loi de programmation militaire de 1996 et la revue des programmes de 1998.




Mesdames, Messieurs, vous l'avez compris, je ne vous invite pas, cette année, à ouvrir de nouveaux chantiers.

L'année 2001 doit être celle des approfondissements.

Soyons tous conscients que les progrès ne seront possibles que par un engagement personnel fort de tous les responsables politiques et militaires.

Soyons tous conscients des enjeux : la construction de l'Europe de la Défense, notre place dans cette Europe, la consolidation de l'armée professionnelle exigent des budgets et une loi de programmation militaire à la hauteur de nos ambitions.




Les Français sont reconnaissants aux armées d'avoir su, depuis quatre ans, concilier les impératifs de notre sécurité avec les contraintes d'une réforme considérable.

Plus que jamais, ils savent qu'ils peuvent compter sur vous.

Tout en vous renouvelant mes voeux les plus chaleureux, je vous demande, mon Général, de vous faire mon interprète auprès des personnels placés sous votre autorité, afin de leur exprimer ma confiance et mon estime.

Je vous remercie.





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