Allocution du Président de la République à l'occasion du dîner offert par le Président de la Yougoslavie.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion du dîner offert en son honneur par M. Vojislav KOSTUNICA, Président de la République fédérale de Yougoslavie.

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Belgrade, Yougoslavie, le vendredi 7 décembre 2001

Monsieur le Président, cher ami, Mesdames, Messieurs,

Monsieur le Président, merci pour votre accueil chaleureux, pour vos paroles amicales à l'égard de la France, pour vos attentions personnelles à mon égard et à l'égard de la délégation qui m'accompagne. Merci, aussi, à tous vos compatriotes que nous avons rencontrés aujourd'hui et qui nous ont dit leurs ambitions, leurs espoirs et l'attachement qu'ils portent à la France. Nous y avons été très sensibles.

En traversant ce matin Belgrade, je n'ai pu m'empêcher de penser à mes premières heures comme chef de l'État, au printemps 1995, lorsque je fus confronté à l'action de la France, enlisée dans cette région. C'était au moment où cette terre vivait sous le joug de l'oppression, au moment où les principes les plus élémentaires de la dignité humaine, ceux qui ont uni dans l'histoire les peuples serbe et français, étaient outrageusement bafoués.

Que de chemin parcouru depuis ! Un chemin douloureux mais qui, enfin, déboucha sur la lumière.

Vous avez récemment fêté le premier anniversaire de la démocratie yougoslave. En passant devant le Parlement de Belgrade, cet après-midi, je me suis souvenu des images du peuple serbe digne, courageux, conquérant par lui-même la liberté et la démocratie dont on l'avait privé. Ces images ont provoqué un immense espoir de par le monde mais, je puis vous l'assurer, elles suscitèrent en France une émotion toute particulière.

La France a été aux côtés des forces de changement venues du coeur de ce pays, de ses traditions de liberté, et de sa jeunesse. Avec vous, elle a dit non à un régime d'oppression et de corruption. Elle s'est réjouie de voir le peuple imposer les résultats des élections présidentielles qu'on avait voulu lui confisquer. Un an après, je veux saluer votre révolution pacifique et apporter le message d'amitié et de solidarité de la France et du peuple français.

Monsieur le Président, vous avez su incarner l'élan de vos concitoyens, leur volonté de rompre avec un passé de guerre et de malheur, leur souhait de rejoindre les Européens dans la réalisation de leur grand projet. Vous nous avez rendu, à nous aussi, l'espoir que la Yougoslavie allait rompre cette spirale infernale de défaites, de crimes et de souffrances où elle avait été enfermée par un homme et un régime. L'histoire retiendra le rôle joué par ces dix-huit partis, tous unis pour la liberté. L'Union européenne, en vous accueillant à Biarritz quelques jours après, a voulu rendre un hommage solennel à cette action.

Vous pouvez être fier, Monsieur le Président, et tous ceux qui étaient avec vous ce 5 octobre, du bilan de cette première année. La démocratie est restaurée en Serbie, le dialogue est noué avec le Monténégro. Une crise majeure a pu être évitée en Serbie du sud. Les lois scélérates ont été abolies. Votre code sur les privatisations est apprécié. Les entreprises françaises sont déjà présentes et je souhaite que leurs investissements se développent dans un cadre juridique clair et stable. Nous en avons parlé. Votre pays est un membre respecté et écouté des Nations Unies. Demain, il sera au Conseil de l'Europe. Voilà quelques résultats du bilan qui devaient être relevés. Voilà ce que, unis pour le changement, vous avez pu réaliser.

L'unité, plus que jamais, est indispensable dans la difficile période de lancement des réformes. Pour vous aider avec efficacité et rapidité, comme vous l'attendez à juste titre, nous avons besoin que vous restiez unis sur l'essentiel. C'est-à-dire sur la rénovation de la Fédération, sur l'arrêt du processus de fragmentation de cette région et sur la poursuite des réformes courageuses lancées par le gouvernement de Serbie. La France et l'Union européenne continueront de vous apporter leur solidarité active dans l'accomplissement de cette ambition. Cette solidarité s'est notamment manifestée dans la négociation de la dette yougoslave au Club de Paris.

Une tâche formidable vous attend et nous attend : la diversité de votre pays doit être respectée. Dans le monde d'aujourd'hui, avide d'échanges et de créativité, la diversité est un atout. Il faudra aussi donner à tous les réfugiés et déplacés la possibilité de reconstruire une vie digne, pour eux et pour leurs enfants. Il faudra retrouver le chemin de la croissance et du développement économique, sans lequel rien n'est possible. Enfin, il y a cette oeuvre de vérité et de réconciliation qui vous est chère, Monsieur le Président, et que nous vous souhaitons de mener à son terme. Elle n'ira pas sans une coopération confiante avec le Tribunal international. La paix, vous le savez mieux que quiconque, marche de concert avec le droit.

Ce principe doit également s'appliquer à la situation au Kosovo qui reste source de préoccupations. Nous ne devons pas désespérer de cette région meurtrie par l'histoire. La communauté internationale peut et doit poursuivre son action en faveur de la paix, pour que chacun, quelle que soit son origine, son opinion ou sa religion, puisse y vivre en toute liberté et en toute sécurité. Nous savons que cela n'est pas encore le cas. Nous poursuivrons nos efforts et nous maintiendrons notre vigilance pour que la sécurité et le respect de tous soient assurés au Kosovo.

Notre objectif demeure la mise en oeuvre pleine et entière de la résolution 1244 du Conseil de sécurité. Pour assurer au mieux la défense des droits de tous, nous avons besoin que toutes les communautés, les Serbes, les Monténégrins comme les Albanais, participent activement à la construction d'une société libre et démocratique. Le déroulement des élections du 17 novembre dernier montre que ce message a été compris. Vous y êtes pour beaucoup. Je tiens à saluer, Monsieur le Président, votre engagement personnel en ce sens.

Dans cette oeuvre de paix, la France sera à vos côtés, comme elle l'a été dans votre combat pour l'indépendance et la liberté. Notre ambition commune est celle d'une Yougoslavie nouvelle, réconciliée avec elle-même et avec ses voisins, partenaire active de la nouvelle Europe, et un jour membre de plein droit de toutes ses institutions.

Monsieur le Président,

Venir à Belgrade, c'est aussi rencontrer la Serbie et les Serbes. La France a été aux côtés de ce peuple fier et digne dans les combats essentiels du XXe siècle où, par deux fois, la liberté du continent était en jeu. Les relations entre nos deux pays sont marquées par des sentiments profonds. Elles ont été portées par des hommes et des femmes, soldats, artistes, intellectuels et ouvriers, qui ont oeuvré avec énergie et courage pour la liberté. Je souhaite leur rendre un hommage particulier aujourd'hui. Ils nous ont tracé le chemin. J'inaugurerai demain le Centre culturel français de Belgrade, heureusement rénové : puisse-t-il symboliser notre engagement à poursuivre ce dialogue essentiel entre nos deux peuples, en faveur de la paix, de la démocratie et du développement. Je souhaite que dans ces prochains mois un ensemble de manifestations puisse illustrer la richesse de nos affinités.

Monsieur le Président,

C'est en toute amitié, et avec une émotion particulière que je souhaite lever mon verre au succès de la démocratie yougoslave, à votre réussite, à celle de votre Gouvernement, à la paix et à la prospérité de votre pays, à l'amitié et à la solidarité entre nos deux peuples, pour qu'elles se fortifient et se développent au cours de ce nouveau siècle.

Je vous remercie.





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