Allocution du Président de la République à l'occasion du dîner offert en l'honneur du Président d'Ukraine.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion du dîner offert en l'honneur de M. Leonid KOUTCHMA, Président d'Ukraine.

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Palais de l'Elysée, le jeudi 14 septembre 2000

Monsieur le Président,

Quel plaisir de vous recevoir à nouveau, à l'aube de votre second mandat, deux ans après mon voyage à votre invitation en Ukraine ! Vous m'aviez réservé, à Kiev, un accueil d'une chaleur exceptionnelle, à l'image des relations de confiance, chaque jour plus étroites et plus denses, qui unissent l'Ukraine et la France.

A l'image aussi de notre longue et forte amitié. Ainsi aimons-nous rappeler qu'au XIe siècle, il y a près de mille ans, l'Ukraine a donné à la France Anne de Kiev, qui fût l'épouse et la mère de deux de nos rois, Henri 1er et Philippe 1er. Le rôle actif que joua la fille de Iaroslav le Sage dans la protection des arts à la cour de France a marqué son époque. L'histoire entre nos deux pays ne s'est pas arrêtée là et aujourd'hui l'Ukraine et la France demeurent proches, liées aussi par le sang versé côte à côte dans le combat pour la liberté. Les Français, qui reposent en terre ukrainienne pour avoir résisté à l'oppression nazie, sont présents ce soir dans nos esprits, et dans nos coeurs.

Aujourd'hui, Ukrainiens et Français renouent les fils du temps et préparent ensemble cet avenir, Monsieur le Président, dont vous êtes venu parler à Paris, à l'occasion du Sommet qui réunit votre pays et l'Union européenne, au moment où la France en exerce la Présidence.

Car l'avenir de l'Ukraine, nous ne pouvons le concevoir qu'européen. Européenne, l'Ukraine l'est, bien sûr, par la géographie, l'histoire et la culture. Européenne, l'Ukraine aspire à l'être davantage encore, comme en témoignent les liens qu'elle a noués avec cette union politique qui se construit un peu plus tous les jours entre Etats naguère rivaux, aujourd'hui rassemblés par un même désir, ardent, de démocratie et de paix.

Par trois fois ravagée au cours de ce siècle tragique, l'Ukraine, redevenue maîtresse de son destin, partage cette aspiration à la paix, à l'intérieur comme à l'extérieur de ses frontières. En témoigne sa politique de coopération, sa participation à de nombreuses opérations internationales de maintien de la paix et sa contribution à la stabilité et à la sécurité de l'ensemble de notre continent.

Et, bien sûr, elle souhaite se rapprocher de l'Union européenne, en procédant tout naturellement par étapes. En concluant avec votre pays un accord de partenariat et de coopération puis en adoptant à son profit une stratégie commune, l'Union a montré sa détermination à se doter des instruments politiques nécessaires. Eh bien, vous pouvez compter sur la Présidence française pour aller plus loin dans la voie de notre rapprochement !

Rapprochement qui justifie les efforts déployés par l'Ukraine. Ce soir, je veux saluer les courageuses réformes entreprises par votre pays, dans le cadre d'une coopération constructive entre pouvoirs exécutif et législatif.

Je salue la reconnaissance par l'Ukraine, en décembre dernier, du caractère anticonstitutionnel de la peine de mort, et qui rapproche encore votre pays des normes européennes en matière d'état de droit.

Je salue aussi le rôle personnel que vous-même, Monsieur le Président, avez joué dans l'importante réforme de l'agriculture, cette dé-collectivisation désormais irréversible qui porte ses premiers fruits.

Je veux saluer enfin la vaste réforme engagée par le gouvernement ukrainien dans le secteur de l'énergie. La tragédie de Tchernobyl hante nos mémoires et les souffrances des survivants nous rappellent chaque jour l'impérieuse nécessité de garantir à tout prix la sûreté des installations nucléaires.

En annonçant la fermeture définitive de la centrale de Tchernobyl le 15 décembre prochain, vous avez pris une décision courageuse, dont je vous remercie au nom de la France et au nom de tous les Européens. Les nouvelles contributions à la réalisation du sarcophage, annoncées cet été à Berlin, témoignent de notre soutien.

Mais, pour réussir ses réformes économiques, l'Ukraine a besoin d'énergie. Un besoin vital. Elle doit pouvoir substituer à l'électricité que fournissait Tchernobyl de nouvelles sources d'approvisionnement. Votre choix, souverain, de ne pas renoncer à la filière nucléaire, la France le comprend et le respecte. Nous voulons vous aider à y parvenir dans le respect des impératifs de sûreté.

A Okinawa, en juillet dernier, nous nous sommes engagés à suivre les recommandations de la BERD. Pourvu que la viabilité du projet soit confirmée et qu'il s'accompagne de réformes ambitieuses de l'ensemble du secteur énergétique, nous autoriserons la BERD et EURATOM à financer l'achèvement des centrales en cours de construction et nous apporterons nos propres garanties.

Au-delà, c'est l'ensemble de votre politique de modernisation et de progrès vers l'économie de marché qui commence à être couronnée de succès, avec le soutien de la communauté internationale. Celle-ci a d'ores et déjà alloué d'importants crédits à l'Ukraine. Et j'ai plaisir à vous renouveler ce soir l'appui de la France. Cet appui qui ne vous a jamais manqué, notamment auprès du Fonds monétaire international.

Monsieur le Président, au coeur de cet avenir dont nous discutons ensemble aujourd'hui, se trouvent précisément les relations entre l'Ukraine et la France.

Des commissions mixtes travaillent à renforcer notre coopération, économique bien sûr mais aussi culturelle, scientifique et technique. Nos ministères des Affaires étrangères nourrissent un dialogue étroit et permanent. La coopération militaire franco-ukrainienne se développe, comme l'ont montré le récent déplacement à Kiev du secrétaire d'Etat à la Défense et les escales à Sébastopol de navires de guerre français.

Nos deux peuples apprennent à mieux se connaître, ainsi qu'en témoigne le succès des "Regards sur la culture ukrainienne" présentés à l'automne dernier à travers la France.

Aujourd'hui, sensibles aux progrès récents des réformes et à l'amélioration de la situation économique dans votre pays, ce sont aussi les entreprises françaises qui se tournent davantage vers l'Ukraine. L'état de droit, la modernisation et la stabilisation de la législation en matière d'accueil des investissements étrangers, la promotion de la transparence lors des privatisations, suscitent leur confiance et les encouragent à contribuer à la relance de votre économie.

Enfin, sur le plan international, nos deux pays partagent une même aspiration à un monde multipolaire équilibré et une même volonté de mieux maîtriser la mondialisation. Ces objectifs guident notre action aux Nations Unies, notamment au sein du Conseil de sécurité où nous coopérons actuellement. Qui, mieux que l'Ukraine, peut comprendre la volonté de la France et de l'Europe de rester maîtres de leur destin ? Qui, mieux que la France, peut comprendre la ténacité du sentiment national ukrainien et la force de votre aspiration à la liberté ?

C'est fort de ces convictions et confiant dans nos succès que je vais maintenant lever mon verre. Je le lève en l'honneur de mon ami, M. Leonid Koutchma, Président de l'Ukraine. Je le lève à la prospérité et au bonheur du peuple ukrainien, ami et partenaire chaque jour plus proche du peuple français. Je le lève, Monsieur le Président, au choix européen de l'Ukraine et à notre ancienne et grande amitié !





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