Allocution du Président de la République à l'occasion du déjeuner d'État offert par le Président de la République de Corée.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion du déjeuner d'État offert en son honneur par M. KIM Dae-Jung, Président de la République de Corée.

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Séoul, Corée, le jeudi 19 octobre 2000

Monsieur le Président, Madame,

Merci. Merci pour votre accueil, pour vos paroles, pleines d'amitié et marquées par la volonté de voir la Corée et la France travailler la main dans la main. Je n'étais pas revenu en Corée depuis 1990. Le monde, Monsieur le Président, découvrait alors votre pays. Pays qui connaissait un fabuleux essor économique et commercial, et qui opérait une percée remarquable sur la scène internationale. C'était il y a seulement dix ans. Mais en dix ans, que de chemin parcouru !

Oui, Monsieur le Président, j'arrive chez vous porté par un sentiment d'admiration. Admiration pour votre nation, sa longue et prestigieuse histoire. Admiration pour la volonté de votre peuple qui, en une génération, s'est hissé parmi les premières puissances du monde.

Admiration, Monsieur le Président, devant votre vision d'avenir, votre ardent désir de réconciliation et de paix. Devant les gestes forts accomplis récemment. J'arrive en Corée avec, à l'esprit, ces images naguère impensables, qui resteront dans les mémoires : votre arrivée en juin dernier à Pyongyang pour une rencontre historique. Nous n'oublierons pas les athlètes coréens du nord et du sud, défilant ensemble sous la même bannière aux Jeux Olympiques de Sydney. Quel symbole ! Quel message de fraternité et d'espoir !

Et tout cela, Monsieur le Président, grâce d'abord au prodigieux développement de votre pays. Géant économique, la Corée a pu, en une décennie, nourrir de nouvelles ambitions. Enraciner la démocratie. Cicatriser les blessures du passé. Elargir ses liens d'amitié.

Au moment où vos frères du nord traversent de terribles épreuves, la Corée a su, vous avez su, Monsieur le Président, leur tendre la main. Il fallait de l'audace pour passer outre la grande fracture, inviter au dialogue, réaliser enfin votre rêve d'ouverture et de paix. Cette vision, cette volonté, ont impressionné le monde. Il était juste que vous soit décerné le prix Nobel de la Paix et je veux ici, au nom de la France et en mon nom personnel, vous renouveler mes chaleureuses félicitations.

Vous m'aviez confié votre ambition, lors de votre visite d'État en France au début de l'année. Depuis, tout est allé très vite, dans une extraordinaire accélération de l'Histoire. Dès cet été, des parents séparés depuis plus d'un demi-siècle ont pu se retrouver. Un ambitieux rapprochement s'est engagé. De grands projets sont à l'étude : ouverture des relations commerciales, grands travaux d'infrastructures, projets de liaison transfrontière, premières étapes, avant, nous l'espérons tous, une ligne Séoul-Pyongyang.

Bien sûr, l'Union européenne, dont la France assure actuellement la présidence, et qui est votre invitée dès ce soir dans le cadre du troisième Sommet entre l'Asie et l'Europe, se réjouit de ces progrès et entend les soutenir. D'ores et déjà, elle arrive au premier rang pour son effort d'assistance humanitaire à la Corée du nord et pour sa contribution à la KEDO. Dans l'avenir, les Européens pourront, je l'espère, renforcer leur dialogue politique avec Pyongyang et multiplier leurs actions de coopération dans les domaines des mesures de confiance et de l'économie de marché. Au-delà, les relations de l'Union évolueront en fonction des progrès accomplis en matière de droits de l'Homme et de non-prolifération.

Le soutien de l'Union européenne à cette entreprise historique permet de mesurer tout l'intérêt concret du dialogue euro-asiatique auquel le troisième Sommet de l'ASEM donnera, je l'espère, une impulsion majeure.


Sur ce chemin courageux de l'unité recouvrée, la Corée peut compter sur l'amitié et l'appui de la France. Comme aux heures douloureuses de la guerre froide, qui connut ici ses affrontements les plus sanglants. Et, aujourd'hui, je pense aux soldats français, jeunes engagés volontaires du Bataillon de Corée, arrivés à Pusan il y a tout juste cinquante ans et dont le sacrifice de nombre d'entre eux fait écho aux souffrances de votre peuple.

Présente à vos côtés dans l'épreuve, la France le fut aussi dans la paix, au cours de ces décennies de croissance où s'est forgée la Corée d'aujourd'hui.

En quelques années, nos échanges économiques, commerciaux, financiers ont tissé des liens puissants entre nos deux pays. Nous sommes fiers d'être présents ici dans des secteurs d'avenir, l'automobile grâce à l'alliance entre Renault et Samsung Motors, la haute technologie avec les télécommunications et les transports, le TGV et Airbus, mais aussi les services. L'exposition "France-Corée 2000" que je vais visiter aujourd'hui illustre la vitalité et la diversité de ces échanges. Nous sommes heureux d'accueillir en France, et notamment en Lorraine, d'importants investissements coréens.

Ce rapprochement, cette solidarité chaque jour plus étroite, mettons-les au service de cette vision du monde qui nous réunit.

Les relations toujours plus confiantes et plus ouvertes de votre pays avec ses voisins, votre foi, Monsieur le Président, en la valeur universelle des droits de l'Homme, l'effort consenti par les Coréens pour former les jeunes générations aux savoirs technologiques et aux disciplines de la communication, tout cela témoigne bien de votre détermination.

En même temps, vous avez à coeur de garder vos racines. Je sais la volonté des Coréens de sauvegarder et reconstituer, lorsque les aléas de l'Histoire les ont dispersées, les richesses de leur patrimoine. S'agissant de vos archives royales présentes chez nous, la Corée et la France ont progressé en confiance dans la définition des formules qui permettront à votre pays de reconstituer cette part de sa mémoire.

Eh bien, cette volonté de conjuguer modernité et identité, nous, Français, y sommes naturellement sensibles. Nous aussi militons pour la diversité culturelle. Pour que, dans un monde menacé par l'uniformisation, les civilisations, avec leurs traditions et leurs valeurs, dialoguent et s'enrichissent de leurs différences. Ce combat essentiel pour l'avenir de l'humanité, Coréens et Français peuvent et doivent le mener ensemble !


C'est fort de nos ambitions communes et confiant dans nos succès que je vais maintenant lever mon verre. Je le lève en l'honneur de mon ami Monsieur Kim Dae-Jung, Président de la République de Corée, homme d'État et de vision dont je salue la volonté historique de réconciliation. Je le lève en votre honneur, Madame, en vous adressant mes très respectueux hommages et en vous remerciant encore de nous avoir si chaleureusement accueilli.

Je le lève au bonheur et à la prospérité du peuple coréen, ami et partenaire chaque jour plus proche du peuple français. Je le lève à la paix qui revient ici, entre frères, après un demi-siècle d'une si douloureuse partition. Cette paix dont vous venez, Monsieur le Président, de semer l'espoir. Cette paix dont je souhaite qu'elle germe et grandisse jusqu'à l'unité retrouvée.





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