Allocution du Président de la République devant la communauté d'affaires de Pékin, Chine.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, devant la communauté d'affaires de Pékin.

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Pékin, Chine, le lundi 23 octobre 2000

Monsieur le Premier ministre, Monsieur le Président de la Commission, Monsieur le Haut Représentant pour la Politique Étrangère et de Sécurité de l'Union Européenne, Messieurs les Ministres, Messieurs les Commissaires, Mesdames et Messieurs les chefs d'entreprise chinois et européens, Mesdames, Messieurs,

Arrivé samedi, j'ai pu mesurer une nouvelle fois l'extraordinaire dynamisme chinois, fruit de l'effort de toute une nation.

Le résultat des réformes entreprises avec clairvoyance et ténacité depuis vingt ans. Le résultat surtout de l'ouverture de la Chine sur le monde. Une ouverture qui lui a déjà permis de devenir une très grande puissance économique et d'attirer les investissements du monde entier. La réussite de la Chine est l'illustration éclatante que le développement des échanges et des investissements est un pilier de la croissance.

Au cours des entretiens approfondis que j'ai depuis plusieurs années avec les principaux responsables chinois, notamment le Président JIANG Zemin et le Premier ministre ZHU Rongji, je constate, à chaque fois, une vision claire des objectifs et une détermination sans faille dans la voie des réformes économiques et de l'ouverture. J'en retire un sentiment de confiance dans l'avenir de la Chine et aussi de notre partenariat.


Depuis ma dernière visite en Chine, il y a trois ans, le panorama a profondément évolué.

L'Asie a connu une secousse financière forte et douloureuse, qui a pu être jugulée grâce à la mobilisation de tous et à l'action des autorités chinoises qui, avec beaucoup de sang froid, ont puissamment contribué à maîtriser la crise. Et je tiens une nouvelle fois à leur en rendre hommage.

Quant à l'Europe, elle a beaucoup progressé. La croissance a fait un retour en force sur notre continent et chacun ne peut que s'en réjouir. Notre croissance est solide, pourvu que nous mettions en oeuvre les politiques économiques sages qui la soutiennent.

Nous avons créé l'euro dont la naissance est certainement l'événement financier mondial le plus marquant de ces dernières décennies. Vous le savez, l'euro est un atout pour notre croissance et pour nos emplois. L'euro cimente l'Union européenne. L'euro s'appuie sur des fondations solides.

Aujourd'hui, dans la foulée du troisième Sommet de l'ASEM qui vient de se réunir à Séoul, c'est d'abord en tant que Président en exercice de l'Union européenne que j'ai le plaisir de me retrouver à Pékin pour le Sommet Chine-Europe, une étape importante dans le renforcement des relations Asie-Europe, qui est pour nous un objectif stratégique.

Le côté " Asie-Europe " étant le côté faible du grand triangle " Asie-Europe-Amérique ", sur lequel s'appuie si largement le destin du monde, j'ai voulu que la France fasse une priorité des relations entre nos deux continents et agisse dans ce sens auprès de ses partenaires de l'Union.

J'ai souhaité vous rencontrer aujourd'hui pour souligner devant vous la nécessité d'une forte relation économique entre nos deux ensembles.

Mais je voudrais tout d'abord rendre hommage à la communauté d'affaires européenne de Pékin et, à travers elle, à toutes celles et à tous ceux qui témoignent de la vitalité et du dynamisme des entreprises européennes dans cet immense pays. Et je salue tout particulièrement mes compatriotes, notamment les hommes d'affaires et industriels français de Chine ainsi que tous ceux qui ont bien voulu m'accompagner.

Dans quelques minutes, s'ouvrira la deuxième rencontre entre hommes d'affaires chinois et européens que préside M. Serge Tchuruk. Ces relations directes entre entrepreneurs chinois et européens sont essentielles. Nous devons multiplier les rencontres à tous les niveaux, entre chercheurs, entre étudiants bien sûr, entre entrepreneurs et investisseurs évidemment. C'est comme cela que la relation euro-chinoise acquiert toute sa richesse, et toute sa densité.


Vous le savez mieux que quiconque car vous le vivez chaque jour, la Chine est un marché exigeant et très concurrentiel. Il requiert un engagement de long terme et le développement de relations personnelles, si importantes au succès des affaires. Ce n'est pas toujours facile. Cela demande beaucoup de travail. Mais la récompense vient toujours et vous avez raison de vous engager aux côtés de la Chine.

La Chine, c'est d'abord l'une des économies du monde qui croît le plus vite. Depuis vingt ans, sa croissance impressionne. Avec un quart de la population de notre planète, quel potentiel ! Enfin et surtout, la Chine a su rompre son isolement. Elle a su transformer une économie fermée pour en faire un moteur puissant de croissance et de concurrence avec le reste du monde. Elle a été capable, et c'est une performance exceptionnelle, d'élever considérablement le niveau de vie de plusieurs centaines de millions de ses concitoyens en peu de temps. Les résultats obtenus sont les gages des succès à venir. C'est pourquoi, l'Europe doit être au premier plan des partenaires de la Chine !

A l'heure de la société de l'information, la richesse des nations dépend de plus en plus de la capacité à créer, à communiquer, à innover. Nul doute que l'Europe et la Chine peuvent développer une relation féconde. Dans le domaine économique et commercial, en tout cas, les perspectives de coopération sont sans limite.

Malgré la récente crise financière, et cela mérite d'être souligné, nos échanges commerciaux ont continué à se développer. Les exportations de l'Union européenne vers la Chine se sont accrues de plus de 20 % entre 1997 et 1999 pour atteindre 20 milliards d'euros. L'Europe est désormais le deuxième fournisseur de la Chine après le Japon mais avant les États-Unis. Les importations chinoises ont crû pendant la même période de plus d'un tiers. Elles dépassent désormais 50 milliards d'euros.

L'ouverture de l'Europe aux importations chinoises a permis le maintien d'un excédent commercial important pour la Chine. L'Europe a donc joué, et il faut le noter, un rôle d'amortisseur de la crise, en accueillant, à un moment crucial pour l'Asie, ses produits et ses exportations.

D'ailleurs, la part de l'Union européenne dans les exportations chinoises a augmenté. L'Europe a fait de la Chine le premier bénéficiaire du Système de préférences généralisées (SPG) avec 33 % des importations bénéficiant d'un taux préférentiel. Aujourd'hui, en valeur, c'est une exportation chinoise sur six qui prend la direction de l'Europe.

Seule ombre au tableau, notre déficit commercial qui avoisine aujourd'hui 30 milliards d'euros. Il est donc naturel que nous soyons soucieux d'un légitime rééquilibrage de nos échanges, et attentifs à toute ouverture du marché chinois.

C'est pourquoi nous devons renforcer notre dialogue au niveau européen. Et c'est bien le sens de notre sommet Chine-Union européenne. Sous l'égide de la Commission européenne, des accords techniques ont déjà été conclus ou sont en cours de discussion dans de nombreux domaines tels que les relations douanières, le transport maritime ou l'assistance administrative. Et je veux saluer l'accord important intervenu en mai dernier entre l'Union européenne et la Chine, dans la perspective de son adhésion à l'Organisation mondiale du commerce. Accord essentiel, tant pour nos amis chinois que pour nous.


Partenaire commercial de premier plan de l'Europe, la Chine doit le devenir aussi dans le domaine des investissements. Depuis plusieurs années, elle est la deuxième destination mondiale des investisseurs. La part européenne, déjà significative, demeure cependant inférieure à celle des États-Unis.

C'est pourquoi je souhaite que ce mouvement gagne encore en ampleur. De plus en plus, notre relation économique doit s'orienter sur le long terme avec des coopérations fortes et des implantations solides.

Je sais que vous partagez cette analyse et que vous souhaitez développer vos associations, vous engager davantage dans une relation durable qui permette des transferts importants de technologies à l'industrie chinoise.

Pour cela, tous les allégements dans les procédures d'examen et d'approbation des projets d'investissements directs en Chine seront les bienvenus.


Enfin, le dynamisme de notre coopération ne pourra que bénéficier de l'adhésion prochaine de la Chine à l'OMC.

Adhésion qui marquera un moment fort dans l'histoire de cette institution. Renforçant son universalité. Permettant l'établissement de règles du jeu claires, transparentes et stables dans l'épanouissement de nos échanges. Et nous savons combien le développement des relations économiques a besoin d'abord de stabilité.

Nos attentes sont grandes. Que ce soit dans le domaine des services, hier encore fermé, qui s'ouvre désormais à nos entreprises et où nos capacités de coopération sont immenses tant dans le secteur financier, banques et assurances, que dans celui de la distribution. Que ce soit dans les secteurs à haute valeur ajoutée, comme les télécommunications où, là aussi, nous attendons beaucoup de cette étape importante. Chinois et Européens, nous avons tout intérêt à ce que l'accord signé soit pleinement respecté notamment en ce qui concerne les dates agréées et les calendriers fixés.

L'entrée de la Chine à l'OMC, qui accélère l'ouverture de son économie, va avoir, j'en suis sûr, un effet bénéfique sur sa croissance et va créer une dynamique dans toute cette région du monde.

Vous avez bien présente à l'esprit cette nouvelle dimension, et certains d'entre vous ont déjà fait le saut. Je pense notamment à Alcatel qui vient d'installer en Chine son centre régional d'activités pour toute l'Asie. D'autres, j'en suis sûr, suivront son exemple.


Amis chinois, vous le voyez, nous, Européens, souhaitons ardemment accompagner le développement de votre pays.

La force de l'Europe, c'est la fiabilité et la diversité de son offre. Que ce soit dans l'industrie dite traditionnelle. Que ce soit dans les domaines de la haute technologie et à forte valeur ajoutée. Que ce soit dans la maîtrise du développement urbain, qui est un véritable défi pour vous qui souhaitez contrôler la croissance des villes, doter la société chinoise d'infrastructures de qualité et d'équipements collectifs performants. Que ce soit dans la protection de l'environnement, pour que nos modes de développement intègrent la protection des ressources naturelles, des sites, de l'atmosphère. Que ce soit dans le domaine de l'énergie, de la qualité des eaux ou de l'air. Que ce soit enfin dans le vaste domaine des services, l'offre européenne est riche, globale et de qualité.

Nos objectifs sont clairs : développer considérablement notre partenariat ici. Conclure des alliances solides. Être à vos côtés au moment où vous vous intégrez pleinement dans l'économie mondiale. Ces ambitions, c'est vous, industriels, hommes d'affaires, qui les portez. Mais c'est la responsabilité des chefs d'État et de gouvernement que de proposer les progrès qui vont permettre l'harmonieux développement des échanges.

Chefs d'entreprises européens, sachez que je me tiens à vos côtés. Que je serai votre avocat, tant auprès des autorités chinoises que de mes collègues de l'Union européenne, pour sceller cette forte relation sino-européenne que j'appelle de mes voeux.

Car, j'en ai plus que jamais la conviction, notre nouvelle frontière, notre nouvel horizon, c'est l'Asie. C'est vers elle en priorité que doit aujourd'hui se porter l'action extérieure de notre continent.

Mesdames et Messieurs, je vous remercie.





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