Discours du Président de la République aux élus et aux agriculteurs du Cher.

Discours de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, aux élus et aux agriculteurs du Cher.

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Saint-Amand-Montrond, Cher, le jeudi 5 octobre 2000

Monsieur le Sénateur-Maire, Mesdames et Messieurs les élus, Mesdames, Messieurs,

Je voudrais, d'abord, dire au Maire de Saint-Amand-Montrond, combien une fois de plus, j'ai apprécié à la fois cette extraordinaire passion et cette compétence qu'il a pour tout ce qui concerne sa ville, sa région qu'il défend avec une pugnacité que j'ai longtemps observé et avec succès. Mais qui est porteur d'une certaine vision de la France, de l'Europe, du monde, qu'il a brossé en quelques mots courts et clairs, en fin de propos, et qui représente bien l'ambition qui est la nôtre, celle de tous les Français, celle des autorités françaises, la mienne au moment où nous assumons la Présidence de l'Union Européenne, c'est-à-dire l'évolution vers un monde multipolaire où l'Europe aurait une place, celle qui lui revient, c'est-à-dire, la première par sa puissance économique, par son histoire, par sa culture et aussi par son humanisme.

Je voudrais donc, remercier de tout coeur, Serge VINÇON, d'avoir rappelé cela.

Je voudrais également, à travers lui, remercier les citoyens de Saint-Amant-Montrond qui, très nombreux, sont venus saluer mon arrivée : j'y ai été très sensible. Avec un mot particulier et affectueux pour les enfants des écoles qui avaient le sourire, qui nous ont accueilli également avec une très grande gentillesse, gentillesse qui est bien celle des habitants de cette région, connue pour son hospitalité ancienne.

Je voudrais saluer, naturellement, les Parlementaires et le Président du Conseil régional et les remercier de leur présence à l'occasion d'un propos que je voudrais plus directement concerné par les problèmes du monde agricole et rural. D'où ma joie de m'adresser en priorité aux élus de ce département, aux maires de ce département et aux représentants des organisations syndicales et professionnelles, notamment, agricoles.

Je sais combien les maires, combien les professionnels mettent de compétences, de coeur, d'expérience au service des intérêts dont ils sont porteurs, des intérêts locaux ou professionnels, mais aussi, au total, au service d'une certaine idée de la France.

Le coeur de la France, en effet, bat dans ses villages et dans ses bourgs. Oh ! Bien sûr, notre nation est urbaine, citadine, mais elle est aussi rurale dans ses traditions comme dans ses richesses, puisque l'agriculture française et le secteur agroalimentaire comptent parmi les atouts majeurs de notre économie moderne.

Saint-Amand-Montrond -tout à l'heure, Serge VINÇON l'a rappelé ville du Cher, coeur de la France, est à cet égard symbolique. Et ce n'est pas un hasard, pour moi, si j'ai souhaité m'adresser à vous, ici. Vos racines plongent dans un terroir, avec sa culture, son histoire, mais votre activité, notamment agricole, participe de l'économie nationale et européenne. C'est aussi pour cela, pour cette alliance de la fidélité et du dynamisme, que je suis heureux de me trouver devant vous aujourd'hui.

Mais c'est aussi parce que l'agriculture de votre département est à l'image de l'agriculture française, c'est-à-dire, diverse et riche de possibilités, avec ses productions spécialisées, ses vins et ses fruits de qualité, et puis ce délicat et subtil équilibre entre productions animales et productions végétales si complémentaires, en réalité, les unes des autres.




L'agriculture ne fait pas souvent l'actualité, sauf quand elle est confrontée à diverses épreuves, et d'abord climatiques, ce qui suscite parfois idées fausses et jugements hâtifs. Il est donc indispensable de rappeler la place que l'agriculture occupe dans notre pays et l'enjeu qu'elle représente au plan européen comme dans les grandes enceintes internationales.

Il est vrai qu'en un siècle, et plus encore, à vrai dire, au cours des quarante dernières années, l'agriculture et les campagnes françaises ont connu de très profonds changements. La part des agriculteurs dans la population active est passée de 20 % à 4 % pendant cette période, tandis que près de huit Français sur dix s'installaient en zone urbaine. Pourtant, cette évolution indiscutable ne signifie en aucune manière un amoindrissement ou un déclin de notre agriculture, c'est exactement le contraire qui s'est passé et c'est peut-être là qu'il faut chercher le génie de nos paysans. Pourquoi ?

D'abord, parce que grâce à la modernisation de notre agriculture, qui n'a pas été sans douleur mais qui a été assumée avec courage et intelligence, modernisation de ses méthodes comme de ses structures, c'est tout un pan de notre économie qui s'adosse, en réalité, aux exploitations agricoles, à leur recherche constante de l'excellence. A elle seule, la filière agroalimentaire dans notre pays, représente le premier secteur industriel de France, devant l'automobile. On a parfois tendance à l'oublier.

Au plan commercial, l'agroalimentaire s'est, au fil des années, imposé comme l'un des pôles majeurs de nos échanges extérieurs. En quarante ans, les Français n'en ont plus conscience, notre pays, qui partait d'une situation de dépendance, c'est-à-dire que nous étions importateur net, il y a quarante ans, de produits agricoles et alimentaires. Notre pays, en quarante ans, est devenu le deuxième exportateur mondial, de produits agricoles, derrière les États-Unis, et le premier exportateur mondial de produits agricoles transformés. Cela, est une évolution dont nous pouvons être fiers et que nous devons essentiellement à la capacité qu'ont eu nos paysans à s'adapter. Capacité qu'on a pas retrouvé dans beaucoup de secteur de l'économie, et qu'il y avait au premier rang de ceux qui ont su assumer ce qu'on appelle aujourd'hui, la modernité.

Ensuite, parce que notre agriculture et, de manière plus générale, la ruralité, jouent un rôle essentiel dans la définition de notre identité nationale et, comme le disait tout à l'heure le Sénateur-Maire, dans l'équilibre de nos régions.

En effet, tout en développant fortement nos exportations, nous avons tout fait -et cela était également un défi pour conserver des exploitations de taille moyenne et pour maintenir sur notre territoire un tissu économique et social vivant. C'est un choix qui profite à l'ensemble de notre pays et à tous ceux qui vivent en zone rurale, actifs ou retraités : que l'on soit forestiers, artisans, commerçants, aux professionnels du tourisme, aux transporteurs, aux entreprises de toutes tailles, elles ont besoin de cet environnement. Cette diversité doit absolument être préservée. Elle repose sur la solidarité et la complémentarité de tous ceux qui y participent. C'est pourquoi les pouvoirs publics et les collectivités locales ont une responsabilité déterminante, aussi bien pour organiser et répartir les services publics, que pour définir une politique globale de la ruralité, politique dans laquelle l'agriculture occupe, par définition, je dirais par essence, la première place.

Mais, au-delà de ces activités et de ces missions traditionnelles, de nouvelles possibilités, de nouveaux défis s'offrent au monde rural. Je pense bien sûr au tourisme. Chacun sait que notre territoire -et combien cette région en est symbolique- façonné par des siècles de pratiques agricoles et de présence humaine, à ce titre, riche en monuments comme en infrastructures, recèle un immense potentiel touristique. Ce n'est pas un hasard si nous sommes, là encore les premiers, la première destination touristique du monde, le pays qui accueille chaque année, en clair, le plus grand nombre de visiteurs étrangers, parmi tous les pays de la planète. Ce n'est pas un hasard si le tourisme rural, sous toutes ses formes et elles se multiplient, se développe et se développera toujours davantage.

Mais je pense aussi et surtout à toutes les activités que rendent possible le progrès des transports et surtout l'essor des nouvelles technologies. A n'en pas douter, et comme le dernier recensement en témoigne, ces nouvelles technologies vont contribuer à un rééquilibrage de la population en faveur des zones rurales, en particulier en faveur de celles qui peuvent compter sur la force d'attraction d'une agglomération moyenne. La téléphonie mobile et l'Internet sont en train d'opérer une redistribution de l'espace dans le monde et en particulier en France. C'est la fin de l'isolement, l'émergence d'une nouvelle géographie humaine, la possibilité d'être, à tout moment et en tout lieu, en contact avec le monde entier et de travailler dans une commune rurale comme on le ferait dans une grande ville. Les pouvoirs publics doivent naturellement, accompagner cette évolution.

Cela suppose bien sûr que nos campagnes puissent bénéficier de toutes les possibilités modernes de communication et de désenclavement. Nous devons dans ce domaine nous montrer vigilants, afin que le progrès ne profite pas exclusivement aux grands pôles urbains et que toutes les parties de notre territoire puissent rapidement être desservies par les autoroutes de l'information.

Deux actions sont à cet égard prioritaires. Je souhaite d'abord que l'Union européenne fasse entrer le téléphone mobile dans les obligations du service universel de télécommunications pour que l'intégralité de notre territoire soit très rapidement couvert. C'est indispensable, dès lors que pour l'ensemble des Européens, l'usage du téléphone mobile s'impose comme un acte ordinaire de la vie courante. Je souhaite également que les collectivités locales se voient reconnaître par le législateur, dans des conditions plus aisées qu'aujourd'hui, la possibilité de déployer les infrastructures de télécommunications à haut débit qui répondent à leur volonté d'aménagement du territoire. Ce n'est en effet qu'à ce prix que les zones rurales, et donc aussi l'agriculture, pourront pleinement profiter de l'apport des nouvelles technologies.

Enfin, je n'oublie pas, m'adressant notamment à des maires, que l'intercommunalité à laquelle, en France, de plus en plus de maires adhèrent, contribue à faire évoluer désormais rapidement l'administration du territoire. La démocratie locale, à laquelle nous sommes tous profondément attachés, doit y prendre toute sa signification. J'observe que là aussi le monde rural, contrairement à bien des idées reçues, est résolument, une fois de plus, tourné vers l'avenir.

Tels sont les atouts de notre monde rural, mais aussi les nouveaux défis à relever. Loin d'être le passé de la France, l'agriculture est une partie de son âme et aussi une composante majeure de son avenir.


Cela justifie une politique française ambitieuse. La politique agricole commune et les accords multilatéraux fixent, certes, de nombreuses règles. Mais ce cadre n'atténue pas l'obligation où nous sommes de définir un projet national cohérent et stable. Au contraire, il la renforce. A l'heure où la Communauté européenne prépare son élargissement et où l'Organisation mondiale du commerce s'engage dans un nouveau cycle de discussions, nous devons affirmer clairement les objectifs qui nous guideront dans les négociations à venir et nous y tenir pendant ces négociations.

C'est pour répondre à ce qui me semblait être une véritable attente des exploitants et plus généralement de nos concitoyens que j'avais proposé, en 1996, un nouveau pacte entre les agriculteurs et la nation et ceci pour ouvrir de nouvelles perspectives à notre agriculture, après celui qui avait été scellé et si brillamment réussi en 1960 et 1962. Cet exercice de clarification doit être poursuivi, aussi bien pour faire face aux prochaines échéances internationales que pour tenir compte des inquiétudes légitimes des exploitants, confrontés l'an dernier, chacun le sait, à la baisse de 10 % du revenu de la "Ferme France".

Le contrat entre les Français et leurs paysans repose sur deux exigences : une agriculture de responsabilité, valorisant l'esprit d'initiative, et une agriculture de partenariat, assurant la sécurité alimentaire des consommateurs et la protection de l'environnement.

Les agriculteurs sont d'abord des chefs d'entreprise, entreprises dans lesquelles ils engagent leurs biens propres. Ils ont donc besoin d'un cadre réglementaire clair et stable, afin qu'ils puissent planifier les investissements souvent lourds qui leur sont nécessaires. Au-delà de cet engagement des pouvoirs publics dans la durée, et de l'allègement des lourdeurs administratives que dénoncent tous les professionnels et qu'ils souhaitent voir lever, trois orientations doivent être affirmées pour assurer la pérennité de l'exploitation agricole, de ses débouchés et de ses revenus.

Au lieu d'empiler les réglementations, il faut d'abord définir un véritable statut de l'entreprise agricole, un statut qui prenne en compte ses spécificités, son immersion dans la concurrence internationale et sa dépendance à l'égard des paramètres conjoncturels et climatiques. Cette évolution doit comprendre un volet juridique et fiscal, en vue de combler le décalage qui s'est instauré entre un droit rural largement patrimonial et des exploitations agricoles qui sont devenues de véritables entreprises. Elle doit comporter également une dimension sociale, notamment en ce qui concerne les retraites : il est juste que les agriculteurs, qui ont tant participé à la modernisation et à l'enrichissement de notre pays, bénéficient d'une protection équivalente à celle des autres secteurs.

Deuxième élément de cette démarche de responsabilité : l'agriculture doit continuer à se diversifier et à chercher de nouveaux débouchés. C'est une action qui doit être menée en relation étroite avec les acteurs locaux. Mais d'ores et déjà, il est important de veiller à ce que les collectivités territoriales aient les moyens de s'engager dans cette politique agricole, qui sera nécessairement placée sous le signe de la décentralisation et comme on dit aujourd'hui, de la subsidiarité.

La troisième ligne d'action doit concerner le revenu des exploitants. Il est nécessaire d'offrir aux agriculteurs des conditions équitables de concurrence sur le marché mondial, en réduisant leurs charges, et en apportant une aide spécifique aux régions qui subissent des handicaps naturels, je pense notamment aux zones de montagne, mais il en ait d'autres évidemment. Mais il faut aussi envisager, au-delà de l'existant, la mise en place de nouveaux outils de protection du revenu, que d'autres pays européens ont déjà développés et que, j'espère, nous allons expérimenter rapidement en France : produits d'épargne, dispositifs fiscaux ou développement de l'assurance-récolte par exemple. Ces instruments sont adaptés aux aléas de l'activité agricole. Ils sont conformes aux pratiques et aux nouvelles exigences du commerce international.

Agriculture de responsabilité, l'agriculture française doit être aussi une agriculture de partenariat, soucieuse des impératifs de sécurité alimentaire et de protection de l'environnement, porteuse d'une véritable alliance entre paysans et consommateurs.

Le respect de l'environnement n'est pas une donnée nouvelle pour les agriculteurs, mais c'est une exigence qui s'est considérablement renforcée au cours des dernières années.

Les agriculteurs, dans leur majorité, ont déjà intégré cette exigence en modifiant leurs pratiques culturales, notamment en réduisant la consommation d'engrais et les prélèvements sur les ressources en eau. C'est un effort d'autant plus méritoire que les investissements nécessaires doivent être financés sur des revenus fragiles et que la grande distribution exerce une pression constante et souvent excessive sur les prix. Mais, s'il faut aller plus loin et maîtriser certaines productions pour mieux protéger l'environnement, alors, s'agissant de changements lourds de conséquences, la concertation est nécessaire et indispensable : une transition négociée en fonction des réalités locales est toujours préférable à une décision imposée dans l'urgence à l'échelon communautaire ou à l'échelon national.

Le développement des biocarburants doit être aussi encouragé. Ils peuvent constituer une contribution très positive de l'agriculture dans le domaine de l'environnement et dans celui des énergies renouvelables.

Le respect de l'environnement va de pair avec une plus grande attention à la qualité des produits et à la sécurité alimentaire. Les pouvoirs publics ont une responsabilité essentielle, naturellement, dans cette mission. C'est pourquoi la France a fait de la création d'une autorité alimentaire européenne une des priorités de sa présidence. Cet organisme ne se substituera, naturellement, pas aux instances nationales existantes. Il sera un instrument d'alerte et d'évaluation des risques et il facilitera la recherche d'un consensus sur des normes harmonisées. J'espère que, malgré le retard pris au sein du Parlement européen, nous pourrons en arrêter les principes sous Présidence française et les modalités sous la Présidence suédoise qui suivra.

Mais la qualité est l'affaire de tous. Les agriculteurs, les transformateurs et les distributeurs français l'ont compris. Au moment où notre alimentation court le risque de se standardiser, c'est en répondant aux nouveaux besoins d'information des consommateurs, en améliorant ce que l'on appelle la " traçabilité " et l'identification des produits que les professionnels de l'alimentation assureront la permanence d'un modèle alimentaire auquel vous et moi sommes très attachés.

Une agriculture de responsabilité, une agriculture de partenariat, voilà les ambitions qui doivent inspirer un nouveau projet pour notre agriculture. C'est ce pacte que, pour ma part, j'appelle de mes voeux.


Il y a un modèle français de l'agriculture. Nous devons le faire vivre dans le cadre du marché international, comme nous l'avons fait dans le cadre européen.

En effet, c'est au sein de la politique agricole commune que s'est construit le modèle agricole français. C'est elle qui a permis à notre pays de conquérir la place de deuxième exportateur mondial, que j'évoquais tout à l'heure, tout en conservant des exploitations à taille humaine, pleinement intégrées dans l'économie rurale.

Il est important que l'Europe ne perde pas de vue ses racines agricoles et rurales. L'élargissement ne doit pas servir de prétexte à un affaiblissement de la politique agricole commune qui, à ce jour, reste l'exemple le plus abouti de ce que peuvent les Européens lorsqu'ils unissent leurs forces. L'agriculture est consubstantielle au pacte communautaire. Accepter le recul de la politique agricole commune, ce serait faire reculer la construction européenne dans son ensemble.

C'est cette position que j'ai défendue lors du sommet de Berlin, où les chefs d'État et de gouvernement européens se sont entendus sur la réforme de la politique agricole commune jusqu'en 2006. Il importe de mettre à profit ce délai pour réfléchir dès maintenant à la période ultérieure. Dans cette perspective, je souhaite qu'une concertation renforcée soit mise en oeuvre entre les professionnels et le gouvernement, tant au plan national qu'au plan européen. Elle permettrait d'abord de fixer un cap au-delà de cette date 2006 et de stabiliser le cadre réglementaire général, mais aussi de débattre des nouvelles formes d'aides au revenu que nous pourrions être amenés à développer au niveau communautaire.

A plus court terme, il revient à la France de peser fortement au cours de sa Présidence française pour que l'Union européenne reste fidèle aux principes fondateurs de la politique agricole commune. L'avenir des organisations communes de marché, je parle de celles qui n'ont pas été traitées dans les accords de Berlin constitue de ce point de vue, pour nous, une priorité. Je pense notamment à l'OCM sucre, qui ne saurait être remise en cause. Je pense aussi, à l'OCM fruits et légumes et, dans cette région d'élevage, à l'OCM ovine qui doit mieux prendre en compte l'évolution très désastreuse du revenu des éleveurs et les contraintes de l'élevage extensif, si nécessaire, je dirais, irremplaçable dans la gestion de nombreux espaces dans notre pays.

Dans ce département et dans cette région où les cultures oléagineuses sont essentielles aux équilibres économiques et agronomiques de nombreuses exploitations, je veux dire aussi aux producteurs concernés, dont le revenu dépend désormais directement des cours mondiaux, que je connais et que je comprends leurs inquiétudes. Elles sont pour moi un facteur supplémentaire de pugnacité dans les débats qui se déroulent dans les enceintes multilatérales et notamment à l'Organisation mondiale du commerce. Car au-delà de l'Europe, c'est au sein de ces instances que se dessinera en grande partie, au cours des prochaines années, le visage de notre agriculture.

Il va de soi qu'il n'est pas question, pour nous, de revenir sur l'objectif que constitue la croissance des échanges mondiaux : la France ne peut se replier sur elle-même, ni sur l'Europe. Ce serait contraire à sa vocation exportatrice mondiale aussi bien qu'à ses intérêts à long terme. Dans les prochaines années, c'est en effet essentiellement sur le marché mondial que se développera la demande alimentaire, avec l'accroissement de la population de notre planète, qui pourrait atteindre 9 milliards d'habitants en 2050. Rien de ce qui pourrait mettre en cause la vocation exportatrice de l'Europe et de la France ne saurait être accepté par nous.

Aussi l'ouverture ne doit pas se faire à n'importe quel prix. Il y a au moins trois points sur lesquels Français et Européens ne peuvent pas transiger.

L'ouverture du marché doit d'abord être réalisée dans le respect du consommateur et de l'environnement. L'accroissement des échanges ne saurait se faire au détriment de la qualité. Qu'il s'agisse de l'alimentation animale, de l'utilisation d'hormones dans la production de viande bovine ou du développement des organismes génétiquement modifiés, nous défendrons fermement le principe de précaution, en refusant la mise sur le marché de produits qui pourraient présenter un risque pour les consommateurs.

Deuxième point essentiel dans les discussions à venir : nous ne renoncerons pas à fixer certaines règles communes au niveau européen et, pour utiliser les sigles chers aux négociateurs, nous ne sacrifierons pas nos OCM à l'OMC, les paysans comprendront. En matière agricole, la libéralisation des marchés ne peut pas prendre la forme d'une dérégulation sauvage. Ce serait d'abord une grande hypocrisie, car ceux-là mêmes qui demandent à l'Europe de renoncer à ses aides ont, au cours des quatre dernières années, multiplié par cinq le soutien qu'ils apportent à leurs agriculteurs, je parle là, bien entendu, notamment de nos amis américains. Mais ce serait également une erreur. En effet, la déréglementation totale n'est pas dans l'intérêt du consommateur, qui n'a rien à gagner à ce que la qualité soit une variable d'ajustement de la production agricole.

Elle n'est pas non plus dans l'intérêt de nos sociétés, qui sont très attachées à la conservation des équilibres territoriaux et au respect de normes sociales et environnementales. Et elle n'est même pas dans l'intérêt des agriculteurs étrangers car, par ses mécanismes de maîtrise de la production, la politique agricole commune contribue fortement à soutenir les cours mondiaux qui, sans eux, serait enclin à une baisse constante et fragile au moindre coup de vent.

Enfin, et j'insiste sur ce dernier point, les négociations internationales doivent donner toute leur place aux pays en voie de développement. L'Europe a toujours été attentive à ces exigences morales autant qu'économiques à travers la reconduction régulière notamment des accords de Lomé, c'est-à-dire de l'aide au développement de ces pays, qu'elle donne. Il faut aujourd'hui aller plus loin : nous ne pourrons progresser dans les discussions de l'Organisation mondiale du commerce si nous n'offrons pas aux pays les plus pauvres des perspectives nouvelles et acceptables pour eux, propres à assurer la sécurité, la sécurité de leurs approvisionnements et le développement rapide de leur propre agriculture de subsistance.




Monsieur le Sénateur-Maire, Mesdames et Messieurs les élus, Mesdames et Messieurs, Nous devons être ambitieux pour notre agriculture. Il en va de notre place en Europe mais, aussi, de notre place dans le monde. Il en va de notre prospérité économique, du maintien de nos équilibres territoriaux. Mais il en va aussi de la préservation de l'environnement, de la qualité des produits et de la sécurité de nos concitoyens.

C'est dans le travail de ses paysans que la France puise une partie importante de ses forces. C'est dans son agriculture, dans sa ruralité qu'elle plonge ses racines, et qu'elle trouve de nouvelles raisons d'être confiante en l'avenir.

Notre modèle agricole, fait d'équilibre, de complémentarité, de dynamisme, ne demande qu'à se développer et aussi à s'exporter. Sachons lui donner toutes ses chances.

Je vous remercie.





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