Intervention du Président de la République lors de la séance inaugurale du Sommet de Zagreb.

Intervention de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, lors de la séance inaugurale du Sommet de Zagreb.

Imprimer

Zagreb, Croatie, le vendredi 24 novembre 2000


Monsieur le Président,
Messieurs les Chefs d'Etat et de Gouvernement,
Monsieur le Président de la Commission européenne,

Aujourd'hui, à Zagreb, s'ouvre, je l'espère et je le pense, une nouvelle page de l'histoire de l'Europe.

Engagée il y a dix ans, avec la chute du mur de Berlin, la réconciliation de notre continent avec lui-même est enfin en passe de s'accomplir.

Ce mouvement de fond répond avant tout à un impératif européen.

Tout d'abord par cela même que nous célébrons aujourd'hui. Nous célébrons la démocratie, l'humanisme, le respect de l'autre, la paix. Telles sont les valeurs auxquelles, aspirent tous les peuples représentés ici. Ensemble, nous devons les faire vivre, ces valeurs, et les enraciner.

Européen, ce mouvement l'est aussi par la détermination et la solidarité que l'Union européenne vient exprimer ici, à Zagreb, pour cette région. Parce que vous avez choisi la voie de la paix, de la démocratie, du bon voisinage, du développement économique et social, vous avez choisi la voie de l'Europe. L'Union, soyez-en assurés, est à vos côtés pour relever ce défi.

Lorsqu'au printemps, avec le Président MESIC, j'ai lancé l'idée de ce sommet, le choix de Zagreb me paraissait s'imposer, pour bien marquer qu'une page avait été tournée. Je remercie le Président MESIC d'avoir fait écho à ma proposition. Depuis, le changement démocratique s'est amplifié. Il a connu une évolution majeure avec la chute de MILOSEVIC. Nous espérons tous une nouvelle victoire de la démocratie aux élections législatives du 23 décembre en Serbie, car nous savons que la consolidation de la démocratie en République fédérale de Yougoslavie est indispensable pour assurer la stabilité dans toute la région.

Ainsi, la voie s'ouvre désormais au rapprochement de chacun de vos pays avec l'Union européenne, dans le cadre du processus de stabilisation et d'association.

A Cologne, le Conseil européen vous a offert une "perspective d'adhésion" à l'Union européenne. A Feira, il vous a reconnu la qualité de "candidats potentiels à l'adhésion".

Notre rencontre d'aujourd'hui m'offre l'occasion, au nom de l'Union européenne, de confirmer que cette perspective est offerte aux cinq pays de la région, sur la base du Traité de l'Union européenne, du respect des critères politiques et économiques de Copenhague, ainsi que des progrès qui auront été accomplis dans la mise en œuvre des accords de stabilisation et d'association, en particulier en matière de coopération régionale.

A chaque pays, nous proposons un véritable partenariat individualisé de stabilisation et d'association, définissant les étapes à franchir et les réformes à accomplir. Comme nous l'avons fait pour nous-mêmes.

Ce rapprochement est étroitement lié au développement de la coopération régionale. Il s'agit de deux évolutions complémentaires. L'affirmation de la démocratie, la réconciliation, la coopération régionale, sont en effet des éléments indissociables du rapprochement avec l'Union. Par nature, la responsabilité en revient avant tout à chaque pays de la région, aux pays de la région, notamment dans le cadre du Pacte de stabilité pour l'Europe du sud-est.

L'Union européenne souhaite donc que les cinq pays concernés concluent entre eux des "conventions de coopération régionale", permettant l'établissement d'un dialogue politique, d'une zone de libre-échange, ainsi qu'une coopération étroite dans le domaine de la justice et des affaires intérieures.

Nous attendons beaucoup d'un nouveau dialogue politique régional. Le retour de la démocratie doit permettre de nouer, dans le respect de valeurs communes, des relations orientées vers la paix et vers la stabilité. C'est dans cet esprit que pourront être réglées les questions difficiles héritées du passé, telles que celles des frontières, des minorités, des réfugiés ainsi que tout problème dont la solution doit obéir au principe du bon voisinage. C'est cela un monde moderne, ce n'est pas en permanence la référence au passé.

Ce faisant, les pays de la région trouveront toute leur place au sein d'une Europe réconciliée avec elle-même, d'une Europe pacifiée et démocratique, d'une Europe prospère où le progrès social pourra s'affirmer.

Je salue les premiers progrès accomplis dans ces domaines et notamment les discussions constructives de la réunion du 25 octobre à Skopje. Je pense à l'établissement de relations diplomatiques entre vous, ainsi qu'aux premières avancées en vue du règlement de la difficile question de la succession de la République socialiste fédérale de Yougoslavie. Je pense également à la nécessaire coopération avec le Tribunal pénal international de La Haye. Il faut s'en souvenir, les crimes qui ont été commis l'ont été par des régimes d'un autre âge contre la liberté, contre les droits de l'Homme auxquels sont attachés tous les peuples. C'est pourquoi il est de l'intérêt de tous que ces crimes soient jugés et punis.

L'Union européenne appelle également de ses vœux un renforcement de l'Etat de droit, seul à même d'enraciner la démocratie. Ceci implique une action déterminée et concertée contre la corruption, la criminalité organisée, le blanchiment d'argent sale et tout autre trafic criminel concernant notamment les personnes et aussi l'immigration illégale. Il y a là un grand défi commun qui doit être relevé.

Je souhaite que nos débats d'aujourd'hui permettent à chacun d'exposer sa vision de la coopération régionale, ses objectifs, ses ambitions, les difficultés qu'il rencontre, les moyens qu'il souhaite mettre en œuvre pour les surmonter et la manière dont l'Union européenne peut les y aider. Nous sommes ici entre nous, entre membres d'une même famille, de la famille européenne. Nous sommes ici entre nous pour nous tenir la main et non pas pour avoir une arme à la main. D'une certaine manière, le problème de chacun est en fait le problème de tous.

C'est dans cet esprit que l'Union s'est dotée, au cours des derniers mois, des instruments qui permettront de soutenir vigoureusement le processus de stabilisation et d'association.

Je veux d'abord évoquer le programme CARDS. A la suite des recommandations de M. SOLANA et de la Commission visant à une meilleure cohérence de l'action européenne, l'Union s'est enfin dotée d'un seul et grand programme d'aide en faveur de l'Albanie, de la Bosnie-Herzégovine, de la Croatie, de l'ancienne République yougoslave de Macédoine et de la République fédérale de Yougoslavie.

Pour la période 2000-2006, ce sont 4,65 milliards d'euros qui ont été inscrits dans le programme CARDS. Cette somme considérable illustre la volonté de l'Union d'être au premier rang dans le soutien à la démocratie, au développement économique et au progrès social dans la région.

Je voudrais rendre hommage à la Commission, et notamment à son Président et au Commissaire Patten qui ont engagé un processus de révision des procédures d'utilisation des fonds européens de façon à ce qu'ils soient beaucoup plus rapidement engagés. Nous avions, de ce point de vue, un retard important, des difficultés. Tout ceci va s'arranger et la Commission fera en sorte, je suis sûr que le Président nous le confirmera tout à l'heure, que ces crédits puissent être engagés vite, de façon à avoir très rapidement un effet sur le terrain et aux yeux des populations.

A cette aide budgétaire, s'ajoutent l'adoption et l'entrée en vigueur de préférences commerciales exceptionnelles. L'Union a décidé d'accorder pour 5 ans un accès préférentiel au marché communautaire pour les produits des pays du processus de stabilisation et d'association. Ces préférences devraient vigoureusement contribuer au redémarrage économique de la région, par une stimulation des exportations.

Ces mesures préfigurent l'établissement progressif d'une zone de libre-échange avec l'Union européenne, prévue dans les accords de stabilisation et d'association.

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, un an après le sommet de Sarajevo et le lancement du Pacte de stabilité pour l'Europe du sud-est, le sommet de Zagreb marque la détermination de l'Union européenne dans son combat pour la démocratie, la paix, la réconciliation sur notre continent, entre tous les pays qui constituent la famille européenne. Il marque une nouvelle étape dans l'affirmation des valeurs que nous avons en partage.

L'Union européenne a renforcé la cohérence et la visibilité de sa politique dans la région. Elle a clarifié ses objectifs et accru l'ampleur de son aide et de son engagement. Les pays concernés ont marqué leur volonté d'aller plus loin dans leurs réformes. Ils sont aujourd'hui un peu plus européens et l'Union européenne est davantage à leurs côtés.

Au nom de l'Union européenne, je souhaite redire à tous les pays d'Europe du sud-est réunis avec nous : oui, votre place, votre avenir, sont au sein de notre famille européenne qui est aujourd'hui plus unie, et de ce fait, plus forte.

Je vous remercie.





.
dépêches AFPD3 rss bottomD4 | Dernière version de cette page : 2007-04-16 | Ecrire au webmestre | Informations légales et éditoriales | Accessibilité