Discours du Président de la République lors du 88e congrès mondial des dentistes.

Discours de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, lors du 88e congrès mondial des dentistes.1

Paris, le mercredi 29 novembre 2000

Monsieur le Président de la Fédération dentaire internationale, Cher ami, Monsieur le Président du Congrès, Mesdames, Messieurs,

Je vous remercie d'abord de votre accueil. Un accueil chaleureux et je tiens à souhaiter plus particulièrement la bienvenue en France aux chirurgiens-dentistes et spécialistes étrangers venus très nombreux pour participer au congrès annuel de la Fédération dentaire internationale. J'espère, au-delà des préoccupations d'ordre professionnel, qu'ils emporteront de notre pays un souvenir agréable.

C'est pour moi un plaisir particulier que d'être parmi vous aujourd'hui pour m'associer à la célébration du centenaire de votre fédération. Une fédération créée, à Paris, sous l'impulsion, le Docteur Monnot le rappelait tout à l'heure, d'un Français, Charles Godon.

Mes contraintes actuelles, qui sont liées à la Présidence française de l'Union européenne, m'empêcheront malheureusement, Cher Président, vous le savez, d'être des vôtres ce soir pour assister, à Bercy, à la cérémonie d'ouverture de votre congrès. Je fais actuellement la tournée des quatorze capitales européennes de l'Union. Je suis revenu exprès, entre deux avions, pour pouvoir participer à la réunion de ce matin. Mais ce soir, je suis en Espagne pour des raisons qui tiennent à la préparation du Sommet de Nice et il m'est tout à fait impossible d'être parmi vous. Mais croyez bien, que je serais de coeur auprès de vous, Cher Président. La Fédération dentaire internationale, ainsi que chacun l'appelle, FDI, en reprenant ces initiales en français, fête aujourd'hui son centenaire.


Si elle est forte de l'adhésion, le Président le disait tout à l'heure, de 129 pays, c'est d'abord parce qu'elle a su rester fidèle à ses principes fondateurs. Comment, en effet, ne pas être frappé par l'actualité du message de Charles Godon qui, dès 1900, avait assigné à votre fédération deux objectifs : l'éducation à l'hygiène et à la santé bucco-dentaire dans le monde, et la participation à la réforme permanente de la profession.

Ce message d'humanisme, de recherche d'excellence, d'engagement dans les réalités de notre temps apparaît plus que jamais au coeur même de votre action.

Je suis d'abord impressionné par l'ampleur, la variété, la technicité des exposants que je viens de rencontrer, hélas, trop rapidement. Ils témoignent de l'enracinement de votre profession dans son époque et de sa volonté constante de mettre le progrès des techniques et des savoir-faire au service de tous les patients.

Je veux aussi souligner la très grande qualité du programme scientifique et de formation continue proposé aux participants. Ce programme ne se limite pas à la présentation des techniques et des matériels nouveaux, mais il s'attache, de surcroît, à mieux vous informer sur la possibilité de concilier l'amélioration de la qualité des soins et une meilleure utilisation des moyens qui leurs sont consacrés.

Je voudrais saluer l'action généreuse de la FDI sur le plan international puisque vous lancez, ici même, les premières actions du fonds pour les pays en développement. Le militant du développement que je suis, depuis très longtemps, se réjouit de ces décisions et tient à rendre hommage à votre générosité et à votre sens de la morale internationale. Je souhaiterais que beaucoup de professions aient la même conscience.

Je sais à quel point, cher Jacques Monnot, ce programme vous tient à coeur. À bien des égards, il témoigne de ce qui vous a toujours animé, je le sais, c'est-à-dire mettre la profession dentaire au service des autres. Vous l'avez fait pendant 10 ans au sein du Centre national des professions de santé que vous avez créé et surtout que vous avez érigé en force nationale de proposition. Vous le faites aujourd'hui au sein de la FDI en vous investissant, avec tout votre coeur, avec toute votre compétence, les deux étant immenses pour que la santé bucco-dentaire ne soit pas l'apanage des seuls pays les plus riches.

Enfin, vous avez toujours voulu que vos confrères diffusent et prolongent ce message d'humanisme et de responsabilité dont vous êtes, depuis de nombreuses années, le porteur infatigable.

En écoutant, à l'instant, le docteur Reignault, on ne peut qu'être convaincu que vous avez également su atteindre cet objectif essentiel de transmission à vos successeurs des valeurs, des valeurs fortes et constantes qui fondent votre profession.


Cher docteur Reignault, en tant que responsable de la profession dentaire française mais aussi, sans doute, en tant que Président du Centre national des professions de santé, vous vous déclarez prêt à engager le "pari de la responsabilité" et ceci pour faire évoluer et pour moderniser, non seulement votre profession, mais notre système de santé.

J'ai été, vous le savez, extrêmement sensible à votre appel qui me paraît à la fois fort, moral et moderne.

Par-delà les difficultés qui existent en matière d'organisation et de prise en charge des soins, tous les pays sont confrontés aux mêmes enjeux : l'allongement de la durée de la vie, l'accélération de la diffusion du progrès scientifique et technique et puis la nécessité d'adapter les modes de prises en charge et de financement des systèmes d'assurance maladie.

Comme vous le dites, cher Docteur Reignault, très justement, ces évolutions doivent cependant s'inscrire dans le respect de deux principes fondamentaux :

- l'exigence de la qualité des soins, cela va de soi, mais cela va encore mieux en le disant,

- le dialogue responsable entre les différents acteurs du système de santé sans lequel dans une démocratie et dans le monde d'aujourd'hui, il n'y a pas vraiment de progrès possible.

La garantie d'un accès de tous au progrès médical par des systèmes d'assurance maladie efficaces et par la formation médicale continue sont des facteurs essentiels de la qualité des soins.

Mais, comme vous le soulignez aussi, les actions d'information et de prévention sont également de la toute première importance.

Plus que toute autre, la profession dentaire sait à quel point une politique de prévention, conduite dès le plus jeune âge, limite ensuite la nécessité d'actes médicaux lourds et contribue à une meilleure utilisation des ressources de notre système de santé sans parler, bien entendu, de l'intérêt du patient. Les performances d'une société en matière de santé sont dues autant aux modes de vie et à la prévention qu'aux soins. C'est pourquoi je tiens à saluer l'engagement permanent de votre profession dans ce domaine.

La qualité des soins passe enfin par la juste rétribution de l'acte médical et le Docteur Reignault l'a évoqué tout à l'heure. N'oublions jamais qu'il s'agit d'un acte intellectuel en même temps que d'une responsabilité. La valorisation de l'acte médical doit reposer sur des bases objectives et scientifiques en tenant compte de l'utilisation des techniques et, il faut le dire, de leur complexité croissante. A défaut, notre système de soins s'enfoncerait dans la spirale, ô combien préjudiciable, de la dévalorisation de l'acte médical, avec pour conséquence inéluctable une dégradation des soins donnés aux patients.

Depuis plusieurs années, les professionnels de santé sont confrontés aux attentes croissantes des patients et à la nécessité de faire évoluer en permanence leurs conditions d'activité pour prendre en compte les innovations techniques. Ils ont dû également, en France comme, je l'imagine, dans beaucoup de vos pays, subir les effets de la crise financière sans précédent qu'ont traversé nos systèmes de protection sociale durant les dix dernières années. Confrontés à ces charges et à ces contraintes, certains d'entre vous ont pu éprouver, à juste titre, du découragement et se sont même interrogés sur le devenir de leur mode d'exercice.

Je veux leur dire, et en particulier aux praticiens libéraux français, que leurs efforts n'ont pas été inutiles et que, pour peu que les fils du dialogue soient renoués et que la confiance dans l'avenir du système de soins renaisse, notre médecine libérale aura tous les atouts en mains pour pouvoir être confortée et modernisée dans une période de croissance, tout particulièrement.

Grâce à l'engagement de tous et grâce au retour cette croissance, l'assurance maladie a vu sa situation financière s'améliorer dans de nombreux pays.

Aux mécanismes de responsabilité collective, qui correspondaient à une période de crise financière aiguë, doit pouvoir désormais succéder un système de responsabilité individuel et contractuel, fondé sur l'évaluation des pratiques. Pour cela, il est nécessaire de placer au coeur des systèmes de soins quelques principes essentiels : l'évaluation des besoins à partir d'une réflexion concertée, notamment à l'échelon régional, la capacité à distinguer l'essentiel de l'accessoire dans les prises en charge, sans dogmatisme ni préjugés, et l'engagement des professionnels de santé dans la diffusion des instruments de bonne pratique médicale. Sur cette base, notre système de soins pourra évoluer vers plus de qualité, dans des conditions qui permettent de s'assurer que chaque franc dépensé par l'assurance maladie est réellement un franc utile à la santé.

S'agissant plus particulièrement de la France, après la mise en place d'une conférence nationale de la santé, la création des Agences régionales de l'hospitalisation et celle de l'ANAES, une nouvelle étape est maintenant nécessaire. Elle devra nous permettre de réaffirmer et de conforter ce qui fait l'originalité de notre système. Un système auquel les Français sont si profondément et légitimement attachés : une assurance maladie donnant un égal accès à des soins de qualité, dans un cadre garantissant une liberté réelle pour les professions de santé et pour leurs patients.

Votre message, Monsieur le Président, Messieurs les Présidents, je l'ai entendu et je l'ai compris.

Vous êtes dans l'attente d'un nouvel élan qui mettra l'efficacité et la liberté au coeur de la réflexion sur la santé. Vous avez conscience que, par-delà l'amélioration des comptes, le maintien d'obstacles à un dialogue confiant avec l'État et les gestionnaires de l'assurance maladie ne pourrait conduire, à terme, qu'à de nouvelles difficultés. Vous avez besoin de retrouver de la lisibilité en ce qui concerne votre avenir. Plus que jamais, vous êtes décidés, je le comprends, à participer aux grands choix de santé et à relever les défis auquel notre système de soins doit aujourd'hui répondre. Soyez sûrs de mon appui confiant pour la poursuite de ces objectifs, des objectifs qui sont aussi les miens.

Après avoir été précurseurs en matière de prévention, les chirurgiens-dentistes peuvent jouer un rôle moteur dans l'évolution de notre système de soins, sur la base des valeurs essentielles d'éthique, de qualité et de liberté sur lesquelles vos pratiques sont fondées.

À vous toutes et tous, spécialistes étrangers et français, qui témoignez avec beaucoup d'éclat de la force et de l'actualité de ces valeurs, à votre profession consciente de sa mission de santé publique dans le monde et aussi de ses responsabilités, je voudrais apporter de tout coeur mon soutien et mes très chaleureux encouragements avec aussi, permettez-moi de le dire, mon estime et mon amitié.

Je vous remercie.





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