Discours du Président de la République à l'occasion du dîner d'État offert en l'honneur du Président de la République de Corée.

Discours de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion du dîner d'État offert en l'honneur de M. KIM Dae-Jung, Président de la République de Corée.

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Palais de l'Élysée, le lundi 6 mars 2000

Monsieur le Président,

Madame,

C'est un honneur mais c'est surtout un grand plaisir de vous accueillir ce soir, Monsieur le Président. A travers votre personne, c'est le peuple coréen que je salue. Un peuple digne et fort, un peuple fier de sa longue histoire et de sa si brillante culture, un peuple auquel je souhaite rendre ce soir un hommage solennel.

En ce début d'année 2000, la Corée s'apprête à se recueillir dans le souvenir de la guerre qui l'a déchirée il y a bientôt cinquante ans. Nombreux sont les Français qui partagent avec vous ce recueillement.

Consacrée il y a plus d'un siècle, par le traité de 1886, l'amitié entre nos deux pays fut scellée dans les combats du bataillon français de Corée qui débarqua à Pusan le 29 novembre 1950, sous le commandement du général Monclar. Trois mille deux cents Français viendront, au total, combattre auprès des vôtres. 263 seront tués et 19 portés disparus. Je sais combien votre pays honore leur mémoire. La France, elle, n'a rien oublié des souffrances qui ont été alors endurées par la Corée.

Cinquante ans après, les familles divisées en 1953 par la ligne d'armistice restent meurtries. La France soutient, Monsieur le Président, votre action inlassable au service du dialogue entre les deux Corées, la "sunshine policy".

Comme il y a cinquante ans, la France est à vos côtés. Elle apporte son appui à la conférence quadripartite de paix dans la péninsule et soutient sans réserve la politique d'ouverture de la Corée vis-à-vis de la Corée du nord. Dans le cadre de l'Union européenne, elle contribue activement à la KEDO et à ses efforts en faveur de la non-prolifération.


L'histoire récente de la Corée est aussi celle de l'avènement de la démocratie. Elu député pour la première fois en 1960, vous incarnez, Monsieur le Président, cette épopée. Les grandes souffrances et les grands risques personnels que vous avez encourus dans votre combat pour la démocratie et pour les droits de l'Homme ont été suivis en France avec admiration. Votre élection à la Présidence, en décembre 1997, a ouvert à votre pays la première alternance démocratique. En parallèle de son parcours éclatant sur la voie du développement économique, la Corée rejoignait le cercle des grandes démocraties modernes.

Cette action résolue, dans l'opposition, au service de la démocratie et des droits de l'Homme, vous en avez maintenu le cap dans l'exercice du pouvoir.

Ainsi, la voix de la Corée a pu se faire entendre avec force et sagesse sur la scène internationale. La participation de votre pays, ces derniers mois, à la force des Nations Unies au Timor oriental est le signe de son affirmation internationale. La Corée figure parmi les plus éloquents avocats, dans tous les forums, de ces valeurs universelles, si chères à la France, que sont la démocratie, la liberté et les droits de l'Homme.

Vous avez également fait, Monsieur le Président, le juste diagnostic de la crise économique qui a frappé l'Asie au moment de votre accession au pouvoir : crise d'une économie insuffisamment transparente, trop peu participative, mais aussi soumise aux aléas des mouvements de capitaux internationaux. Vous avez tracé avec courage le contour des réformes qui ont permis à la Corée de surmonter ces écueils. Je ne doute pas que cette crise apparaisse bientôt pour ce qu'elle est : une crise de croissance.

Dans ces moments difficiles, la France a confirmé et témoigné sa confiance envers la Corée, envers ses capacités impressionnantes, nous le voyons aujourd'hui, de redressement.

La réalité d'aujourd'hui conforte son jugement. Les relations entre nos deux pays se sont ainsi densifiées au cours de ces dernières années. Les fleurons de nos entreprises sont représentés ici, ce soir, pour vous dire leur confiance dans l'économie coréenne et leur volonté d'aller au-delà dans leurs échanges et leur coopération. Nous souhaitons, comme le montre l'exemple du Train à grande vitesse, partager avec vous le meilleur de notre technologie. Les entreprises françaises s'engagent, investissent, s'allient à des entreprises coréennes. De nouveaux projets ont été définis au cours de ce voyage. Nous mesurons le privilège d'avoir, avec la Corée, un partenaire de premier plan en ce domaine.

En cette époque de mutation, nos deux pays partagent, sur de nombreux points, une même vision de l'avenir. Nous sommes ouverts aux opportunités de la mondialisation et soucieux d'humaniser le cours de celle-ci. Peut-être cette convergence de vues reflète-t-elle la sagesse que nos deux nations tirent de leur longue histoire et de leur grande culture ? Peut-être aussi est-elle la conséquence de leur position géographique semblable, finistères aux deux extrémités du continent ? Cette sagesse commune, je la perçois dans la proximité de nos vues sur la libéralisation équilibrée du commerce international et sur le maintien de nos agricultures ; je la perçois dans le même attachement que nous avons à donner à nos industries cinématographiques les moyens de s'épanouir. Favoriser les échanges tout en affirmant son identité : voilà l'équilibre auquel nous aspirons l'un et l'autre.

Dans ce monde nouveau qui émerge, la force des nations reposera aussi sur leur capacité à faire connaître et partager leur culture. A cet égard, l'ouverture d'un département d'art coréen au musée Guimet marquera l'influence de la civilisation coréenne dans le monde et l'hommage que la France souhaite lui rendre à juste titre. C'est dans cet esprit qu'il convient de trouver une solution à la délicate question des archives coréennes conservées à la Bibliothèque nationale de France. Le cadre du futur règlement, par prêts croisés, est tracé. Je ne doute pas que les deux experts que nous avons désignés trouveront la voie d'une solution harmonieuse et rapide.


Monsieur le Président, l'année 2000 marquera un jalon dans l'histoire des relations entre nos deux pays. Après votre visite d'Etat en France, cette année vous verra, en octobre, présider à Séoul, le troisième Sommet de l'ASEM. Je me réjouis que vous ayiez organisé cette rencontre lors de la présidence française de l'Union européenne. Ce sera pour moi un grand plaisir de venir chez vous à cette occasion.

Dans le monde multipolaire que la France appelle de ses voeux, l'Europe et l'Asie peuvent et doivent jouer un rôle éminent. Parce que leur dynamisme d'aujourd'hui plonge ses racines dans une longue et vieille histoire, l'Europe et l'Asie sont faites pour se comprendre et pour agir ensemble dans le monde de demain. Ensemble, elles peuvent oeuvrer au respect des cultures et des identités nationales. Ensemble, elles peuvent conduire un développement économique dynamique et maîtrisé, respectueux des hommes. Ensemble elles peuvent mobiliser leurs efforts pour le respect du droit et des équilibres stratégiques. Tels sont les grands défis auxquels nos deux continents ont à faire face. Telle est la grande ambition qui unit la Corée et la France.

Je lève maintenant mon verre en formant les voeux les plus chaleureux pour vous-même, Monsieur le Président et pour Madame KIM Dae Jung, à qui je présente mes respectueux hommages. Pour votre grand pays à qui je souhaite la paix et la prospérité. Pour l'amitié et la coopération entre nos deux pays et entre nos deux peuples.

Je vous remercie.





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