Allocution du Président de la République à l'occasion du dîner d'État offert en l'honneur du Roi MOHAMMED VI du Maroc.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion du dîner État offert en l'honneur du Roi MOHAMMED VI du Maroc.

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Palais de l'Elysée, le lundi 20 mars 2000

Sire,

Je suis profondément heureux d'accueillir, au nom de la France, Votre Majesté. Le Roi du Maroc est ici chez Lui, tant il est vrai que Marocains et Français sont liés par l'amitié la plus ancienne, une amitié qui leur permet de partager joies et épreuves.

Joie, lorsqu’il y a moins d’un an, nous avons inauguré ensemble, à Paris, " Le Temps du Maroc ". Joie encore, celle de Votre père et la nôtre, lorsque le Maroc, son Souverain et ses Armes furent les hôtes d’honneur de la France, à l’occasion de sa Fête nationale.

Epreuve et douleur quand nous nous retrouvâmes, Sire, pour accompagner dans son dernier voyage Sa Majesté Hassan II, mon ami - Dieu l’ait en Sa Sainte Garde. En ce jour de grande tristesse, les larmes du peuple marocain furent aussi les nôtres.

Devant Vous, Sire, et devant Son Altesse royale la Princesse Lalla HASNAE, qui nous fait la grâce de Sa présence, je voudrais saluer la mémoire d’un très grand Roi. Visionnaire, Hassan II a su faire entrer son peuple dans la modernité tout en restant fidèle aux traditions séculaires du Royaume Chérifien. Sous Son égide, le Maroc s’est imposé dans le concert des nations comme défenseur du dialogue et de la paix. Par Sa sagesse et l’attention qu’il lui portait, il a gagné pour toujours le coeur de Son peuple. L’indéfectible fidélité que les Marocains vouent à Votre Majesté, constitue la part la plus précieuse de Son héritage, avec l’estime et la confiance de la communauté des nations, au premier rang desquelles, bien sûr, la France.


C’est peu dire que le lien qui unit Marocains et Français ne ressemble à nul autre. Je veux saluer ce soir tous Vos compatriotes installés sur notre sol. Harmonieusement intégrés à notre communauté nationale, ils font vivre et grandir notre fraternité. En témoignent aussi les personnalités françaises présentes à nos côtés, qui, à un titre ou un autre, se sentent également marocaines. Ce soir, nous nous retrouvons en famille, rassemblés par notre longue histoire, vécue parfois dans la passion, mais toujours avec admiration.

Admiration pour l’ancienne et si brillante civilisation impériale, dont la Porte de Meknès rappelait, l’an passé, face à l’Obélisque, l’éclat et la noblesse. Admiration pour la dignité, le caractère inébranlable, l’âme fière du peuple marocain, son goût de l’indépendance tout au long de son histoire.

Admiration pour son courage, notamment éprouvé sur les champs de bataille, aux côtés de la France. C’est avec émotion qu’à l’aube du règne de Votre père, le Général de Gaulle saluait la mémoire du grand Roi Mohammed V en ces termes : " mon ami, mon compagnon dans la guerre où Français et Marocains combattirent pour la même cause ".

Mais admiration, aussi, devant les transformations du Royaume, devant sa volonté de s’ouvrir au monde en restant soi-même, devant cet équilibre subtil entre hier et aujourd’hui, entre attachement aux racines et détermination à relever les défis de l’avenir.

Nous nous sentons également proches, Sire, de ce Maroc nouveau dont vous avez ouvert les grands chantiers :

Réforme de l’Etat, pour le mettre davantage au service des Marocains, plus à l’écoute des besoins qui s’expriment. C’est notamment la grande réflexion sur l’aménagement du territoire que vous avez engagée.

Modernisation de la société marocaine. Pour lui permettre d’aborder l’avenir en confiance, par un effort d’éducation sans précédent. Pour la rendre aussi plus solidaire, pour placer les hommes et les femmes au coeur du développement, notamment ceux qui en ont le plus besoin.

Ouverture politique, en renforçant l'Etat de droit, en tendant la main à la jeunesse, en un mot, en adaptant le pacte de confiance multiséculaire qui unit le peuple marocain et la glorieuse dynastie alaouite.

Aux cent premiers jours de Votre règne, la presse française saluait en Votre personne le " Roi moderne ", déterminé à faire entrer le Maroc dans le XXe siècle.


Nous continuerons, si Vous le souhaitez, d’accompagner le Royaume dans la voie du progrès. Cette voie que Votre père, dans sa grande sagesse, lui avait assignée.

Nous sommes l’un pour l’autre un partenaire économique de premier plan. Qu’il s’agisse des investissements, des flux commerciaux ou des services, c’est dans l’équilibre que s’accomplissent nos échanges.

Et c’est dans l’imagination que se développe notre partenariat. Je pense, notamment, à la conversion de la dette en investissements, formule prometteuse et qui fait désormais école.

Nous sommes prêts à aller plus loin encore, qu'il s'agisse des privatisations ou du développement des infrastructures.

Le Maroc peut également compter sur le soutien de la France pour se rapprocher davantage encore de l’Union européenne qui est déjà, Sire, le premier partenaire économique de Votre pays. Elle le sera plus encore dans l’avenir, grâce à l’accord d’association entré en vigueur au début de ce mois et qui doit se développer dans un esprit d’équité, de réciprocité et de progrès pour la société marocaine.

Cette relation singulière, nous devons la mettre, aussi, au service des causes qui nous sont chères :

Je pense à l'Union du Maghreb arabe qui saura faire tomber les barrières. Nous savons combien est long et difficile le chemin vers l’intégration régionale, mais c'est la voie de l'avenir et elle requière beaucoup de détermination. Cette construction patiente, qui enracine la paix, la stabilité et donc le développement économique et social, Vous en avez fait, Sire, l'un des objectifs du Maroc. La France ne peut que s'en réjouir.

Au-delà, je pense au rapprochement euro-méditerranéen engagé, il y a cinq ans, à Barcelone. L’enjeu est considérable. Il s’agit de bâtir en Méditerranée, des rivages de l’Europe à ceux du Maghreb et du Machrek, un espace de coopération et de développement, de stabilité et de paix.

Donnons à notre partenariat un nouveau souffle ! J’ai proposé qu’au second semestre de cette année, sous présidence française de l’Union, et si les circonstances le permettent, se réunissent pour la première fois les chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Union européenne et de la Méditerranée. Et je me réjouis, Sire, du soutien du Maroc. Ensemble, faisons de la Méditerranée, notre Mer, un espace de dialogue et d'échanges, conformément à sa vocation millénaire.


Enfin, je pense à nos efforts conjoints pour que l’emporte l’esprit de paix partout dans le monde.

Je veux saluer, Sire, la constance de l’engagement du Maroc. Rendre hommage à ses forces armées qui, en Afrique, mais aussi en Europe, en Bosnie et aujourd’hui au Kosovo, contribuent, souvent aux côtés des nôtres, au rétablissement de la paix et à l'aide humanitaire.

Je veux rendre également hommage au Maroc, artisan inlassable de la paix au Proche-Orient. Le Maroc où, depuis des siècles, Musulmans et Juifs dialoguent et se comprennent.

Dès Votre accession au trône, Sire, Vous avez repris la présidence du Comité Al Qods, créé à l’initiative de Votre père au sein de l’Organisation de la conférence islamique. Par ce geste, Vous marquiez Votre soutien résolu au processus de paix. Là encore, le Maroc et la France se retrouvent pour manifester leur engagement déterminé en faveur d’une paix juste, globale et durable au Proche-Orient.


Permettez-moi, Sire, de conclure en exprimant ma foi dans l’avenir du Maroc. Rassemblé autour de Votre personne, fort de sa grande histoire, emmené par l’élan de sa jeunesse, porté par une immense espérance, le peuple marocain est entré de plain-pied dans le siècle qui s'ouvre.

Dans l'esprit de tolérance qui l'anime et qui lui confère un rôle irremplaçable sur la scène internationale, il continuera d’être le trait d’union des civilisations et des cultures, au carrefour de l’Afrique et de l’Europe, des mondes méditerranéen et atlantique. Transformé et fort de ses succès, sans avoir rien renié de ses traditions ni de son âme, il offrira un modèle de développement original et réussi.

C’est à cet avenir que je vais maintenant lever mon verre. Je le lève en l’honneur de Sa Majesté le Roi Mohammed VI du Maroc. Que Votre règne, Sire, soit marqué du sceau de la sagesse, du bonheur et de la longévité. Je le lève en l’honneur de Son Altesse Royale, la Princesse Lalla HASNAE, à qui je présente mes respectueux et très affectueux hommages.

Je le lève à la prospérité et au succès du peuple marocain tout entier, à l'indéfectible amitié entre le Maroc et la France.

Vive le Maroc !

Vive la France !





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