Discours du Président de la République à l'occasion de la visite de l'École des officiers de la Gendarmerie.

Discours de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion de sa visite à l'École des officiers de la Gendarmerie.

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Melun, Seine-et-Marne, le vendredi 31 mars 2000

Monsieur le Ministre

Monsieur le Directeur Général

Mesdames, Messieurs

Je suis heureux de me retrouver parmi vous, dans cette école qui a formé, depuis 1945, des milliers d'officiers et qui a su devenir, pour la Gendarmerie nationale, à la fois une référence et un symbole.

Cette visite est pour moi l'occasion de vous exprimer ma confiance et celle de la Nation et de vous dire ce que le chef des Armées attend des officiers et des sous-officiers de la Gendarmerie.

Je voudrais, auparavant, saluer les officiers de nombreux pays amis, ici présents, qui partagent, avec leurs camarades français, cette année de formation et qui en conserveront, je l'espère, cette culture particulière faite de discipline, d'intégrité et de rigueur professionnelle qui a fait, depuis des siècles, l'honneur et la réputation de la Gendarmerie.

Mesdames et Messieurs, vous rejoindrez, dans quelques mois ou quelques semaines, vos différentes affectations.

Vous étiez saint-cyriens, officiers de réserve, sous-officiers de gendarmerie ou même étudiants. Votre séjour commun dans cette école vous aura permis de confronter vos expériences et de vous enrichir de vos différences.

Le serment que certains d'entre vous ont déjà prêté, et que d'autres prêteront en prenant leurs fonctions, constitue le lien indéfectible qui unit les officiers et les sous-officiers de la Gendarmerie au sein d'un même corps, investi d'une mission fondamentale pour la République et pour la Nation : "Je jure d'obéir à mes chefs en tout ce qui concerne le service auquel je suis appelé et, dans l'exercice de mes fonctions, de ne faire usage de la force qui m'est confiée que pour le maintien de l'ordre et l'exécution des lois".




Vous avez pris, je le suppose, le temps de réfléchir au sens et aux implications de ce serment.

Faire respecter la loi est un engagement. Comme tel, il expose à la critique. Dans toutes les démocraties, les responsables de l'ordre public sont soumis au jugement de leurs concitoyens et doivent répondre, si nécessaire, de leurs actes devant la justice.

C'est l’un des fondements d’un Etat de droit et c'est la condition indispensable pour que soient respectés les Droits de l'homme et du citoyen.

La Gendarmerie nationale a été, au cours des derniers mois, mise en cause publiquement à plusieurs reprises, notamment après la mise en examen, en Corse, d'officiers et de sous-officiers.

Les critiques sévères et souvent injustes portées dans la presse à l'encontre de l'institution dans son ensemble, ont, je le sais, humilié et blessé la Gendarmerie.

Je tiens donc à vous dire que le chef de l'Etat, les autorités nationales, et la Nation française tiennent en haute estime la Gendarmerie nationale et lui gardent, bien sûr, toute leur confiance.

Qu'on n'attende pas de moi que j'excuse l'inexcusable. Les fautes commises par des représentants de la loi doivent être sanctionnées sans faiblesse par la Justice.

Mais le devoir de réserve et l'absence de structures syndicales qui sont inhérents à l'état militaire font obligation, en contrepartie, aux pouvoirs publics, de protéger l'honneur et les droits des gendarmes et de la Gendarmerie.

Soyez sûrs que les Français ne se laissent pas abuser par ces critiques d'une institution qu'ils connaissent bien, depuis toujours, et dont ils apprécient l'efficacité et la disponibilité.

Quant aux défaillances individuelles, parfois mises en exergue, nos concitoyens les condamnent à juste titre, mais ils savent parfaitement les replacer dans leur contexte d'exception.

Il serait, à l'évidence, inopportun et risqué d’en tirer trop vite des conclusions sur la pratique de l'autorité administrative et l'interprétation des règles de la discipline.




A contrario, le mythe de la "guerre des polices", entretenu par ceux qui y trouvent leur intérêt, déroute nos compatriotes et aussi les exaspère, alors même que la délinquance et les trafics augmentent chaque année dans notre pays, comme dans les autres d'ailleurs.

Depuis des siècles, la France s'appuie sur deux forces de police, civile et militaire, pour faire respecter la loi et l'ordre public. Chacune présente des spécificités, elles sont toutes deux indispensables.

Nos forces de police ne doivent donc pas céder à la tentation stérilisante de la comparaison permanente entre les avantages ou les contraintes propres à l'une ou l'autre d'entre elles.

Dans le combat contre la criminalité, la police et la Gendarmerie sont complémentaires et doivent travailler en étroite liaison. C'est la responsabilité du Gouvernement de s'en assurer et d'établir les règles et les procédures qui le permettent.

Il lui revient également de veiller à l'égalité de traitement entre les agents publics de l'Etat, sans porter atteinte à cette règle fondamentale qu'est la disponibilité permanente des militaires. C'est un choix de vie. Il incombe à ceux qui l'ont fait. Il doit être respecté. Les mesures, récemment adoptées par le Gouvernement pour améliorer le fonctionnement et les effectifs de la Gendarmerie, vont dans ce sens.

Mais, j'y insiste, gardons-nous, sous la pression des événements, de toute initiative qui puisse remettre en cause, directement ou non, ce qui fonde la légitimité de la Gendarmerie, c'est-à-dire son statut militaire.




Officiers de la Gendarmerie, vous êtes d'abord des soldats et vous le serez de plus en plus à l'avenir, avec les compétences accrues que vous donne la réforme en cours des armées, dans le domaine de la défense du territoire.

Mesdames et Messieurs, l'uniforme que vous portez est le symbole et le signe de l'autorité de l'Etat que vous devrez faire respecter, mais il doit être aussi un rempart contre tout risque de facilité ou de compromission. Il marque sans ambiguïté votre appartenance aux armées de la République et votre sujétion absolue aux lois et aux règlements.

Dans une société qui manque de repères, votre présence en uniforme s'intègre naturellement dans le paysage habituel des Français ; elle pacifie, prévient les infractions, contribue au sentiment d'appartenance à une Nation solidaire régie par le droit.

C'est, dit-on, "la peur du gendarme". Cette expression familière illustre bien les contacts directs, quotidiens, familiers, je dirais presque affectueux, que les gendarmes entretiennent avec leurs concitoyens.

Soldats du droit et force de police judiciaire à part entière, vous serez de plus en plus, dans les années à venir, les garants de la défense territoriale et les intermédiaires naturels entre les Français et leurs armées.

Soyez-en conscients et restez proches de vos camarades de l'armée de l'air, de la marine, de l'armée de terre.

Vous êtes présents, de plus en plus, à leurs côtés, dans les opérations extérieures, comme aujourd'hui en Bosnie ou au Kosovo.

Vous êtes unis par une même éthique : le service de la Nation, la disponibilité et une discipline active qui vous valent le respect de tous.




Je n'ignore pas, pour autant, les fortes contraintes qui pèsent sur l'activité des gendarmes et je mesure leur dévouement et les sacrifices qu'ils consentent.

Vous, officiers, devez être les premiers conscients du dévouement et des sacrifices de vos subordonnés.

Le recrutement des sous-officiers de la Gendarmerie a beaucoup changé. Plus qu'autrefois pourvus de diplômes, plus issus des milieux urbains, ils sont représentatifs de l'évolution de la jeunesse française. Plus exigeants et plus exposés aux courants de la société, ils attendent de leurs officiers, ils attendent de vous, que vous soyez des chefs militaires responsables, fermes mais attentifs, courageux et proches, commandant par l'exemple plus que par la contrainte.

Les femmes et les hommes placés sous vos ordres constituent une troupe d'élite, un corps de sous-officiers hautement qualifiés.

Respectez-les et donnez leur la considération à laquelle ils ont droit et que vous leur devez.

Je sais par ailleurs, pour l'avoir entendu lors de visites de brigades ou d'escadrons de gendarmerie mobile, les contraintes psychologiques qui pèsent sur la vie des familles. Soyez-y attentifs et veillez à faciliter les conditions d'exécution du service et à améliorer, dans toute la mesure du possible, la qualité des logements et des casernements.




La tradition multiséculaire dont vous êtes les héritiers, la mission noble et difficile qui vous est impartie et la qualité de votre recrutement, vous donnent le droit d'être fiers de ce que vous êtes.

Les morts en service commandé que déplore, hélas chaque année, la Gendarmerie, que ce soit dans l'exercice de missions de police judiciaire, dans la protection de nos ambassades à l'étranger ou dans des opérations de secours à des personnes en danger, portent témoignage des risques que vous assumez pour la communauté.

Je rends hommage devant vous au courage et au dévouement des défenseurs de la loi et des libertés publiques.

Et je reste attentif à la situation de ceux qui ont été blessés lors d'opérations de police ou de maintien de l'ordre et qui portent la marque des épreuves physiques et morales qu'ils ont vécues.




Mesdames et Messieurs, chacune des responsabilités publiques que j'ai exercées m'a permis de bien connaître la gendarmerie nationale. Comme tous les Français, j'ai pu apprécier son action quotidienne sur le terrain, cette présence rassurante et proche, longtemps associée à la vie traditionnelle de nos campagnes.

L'urbanisation de notre société et l'évolution des mentalités exigent un effort d'adaptation.

Je compte sur vous, futurs responsables de la Gendarmerie, pour conduire cette évolution dans le respect de la tradition militaire et des règles du droit.

Vous avez mon soutien et celui des Français.





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