Allocution du Président de la République lors de l'inauguration du "Mur pour la paix-2000".

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, prononcée lors de l'inauguration du "Mur pour la paix-2000".

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Champ-de-Mars, Paris, le jeudi 30 mars 2000

Monsieur le Ministre de la Défense,

Monsieur le Maire de Paris,

Chère Clara HALTER,

Vous qui avez prononcé votre discours avec toute la fantaisie qu’un artiste de grand talent, comme vous, peut mettre dans les choses,

Mesdames, Messieurs,

C’est un heureux signe des temps. Le Champ de Mars, dédié jadis à la guerre, à ses héros et à ses chefs, cette grande perspective ouverte par notre Ecole militaire et la statue du maréchal Joffre, accueille aujourd'hui le " Mur pour la paix ".

Je voudrais saluer ses créateurs, et d'abord Clara Halter, qui a mis tout son talent et toute la force de ses convictions humanistes au service de ce beau projet. Beau parce qu'il exalte l'esprit de paix qui doit habiter chacun d'entre nous. Beau parce que cet élan généreux s'exprime en un geste épuré, lumineux, d'une extrême élégance, où l'on reconnaît aussi, bien sûr, l'empreinte de notre ami Jean-Michel Wilmotte, qui en a été le brillant architecte.

Vous avez voulu que ce mur témoigne du désir universel de paix et réunisse les hommes, en lieux et places de tous les murs qui les ont si souvent séparés dans l’histoire. Vous avez fait oeuvre de passeurs.

Passeurs entre les pays et entre les êtres. Il n'est pas indifférent que cette oeuvre d'art s'élève dans ce site exceptionnel, emblématique de Paris. Paris qui, depuis si longtemps, est une ville de débats, de dialogues et d'échanges. Paris qui accueille le siège de l’UNESCO, institution-phare dans le combat pour la démocratie, la tolérance et le respect des cultures. Paris où se croisent chaque année des millions de visiteurs. Paris, ville-rencontre.

Passeurs, vous l’êtes aussi entre les traditions et les civilisations, avec ce Mur qui donne la parole à toutes les langues, et qui s'inspire du Mur des Lamentations de Jérusalem, ville sacrée pour les trois religions du Livre, et dont le nom même est promesse de paix. Le Mur des Lamentations qui recueille les souhaits les plus ardents de ceux qui viennent y prier. Et d'abord le souhait de voir la culture de paix s’enraciner dans ce Proche-Orient si durement éprouvé par des siècles d’incompréhension et de haine.

Passeurs, vous l’êtes enfin entre hier et aujourd'hui, le passé et le présent.

Le passé, marqué par le risque de guerre, la guerre qui a si souvent écrit l'histoire, dessiné les frontières, décidé du destin des peuples. Le passé, qui a vu s'affronter nos vieilles nations européennes dans des conflits meurtriers dont chaque village de France, chaque monument aux morts, porte encore l'émouvante cicatrice.

Le présent, marqué par le refus de la violence et le désir de paix, après tant d’affrontements. La volonté, aussi, de toujours mieux respecter la dignité et la liberté humaines, valeurs dont le parvis des Droits de l’homme rappelle, en face de nous sur la colline de Chaillot, l’exigence absolue.


Si cette oeuvre est symboliquement importante, c'est parce que beaucoup reste à faire sur le chemin de la paix, sur le chemin de la tolérance.

Bien sûr, la construction européenne a rendu la guerre impensable entre des nations qui, au long des siècles, n’avaient cessé de se déchirer.

Bien sûr, nous avons vu émerger peu à peu une conscience universelle, sous l'égide des Nations Unies.

Bien sûr, il y a onze ans, la chute du Mur de la honte éloignait les menaces de la guerre froide et ouvrait grandes les portes de l'espérance.

Il n'empêche qu'aujourd'hui, alors que tant de régions du monde continuent de s’abîmer dans des rivalités territoriales, ethniques ou religieuses ; alors qu'à l'est de l'Europe, un demi-siècle après la Shoah, l'on a vu resurgir les démons de la pureté raciale, avec leur cortège d’atrocités, nous avons parfois le sentiment que l'histoire recule ou balbutie.

En dépit de ces piétinements ou de ces retours en arrière, j'ai la conviction que, si nous le voulons vraiment, le XXIe siècle verra progresser la paix et l'exigence éthique.

Parce que les peuples, de mieux en mieux informés, de plus en plus conscients, rejettent la violence, sous toutes ses formes. La violence entre les nations. Celle qu’exercent les dirigeants d’un pays à l’encontre des citoyens ou d’une minorité. La violence infligée par quelques-uns au nom d’une vision fanatique ou totalitaire de la société.

Parce que de plus en plus, l’opinion publique exige que la Communauté internationale réagisse quand les Droits de l'homme sont bafoués.

Parce que dans cet esprit, la Communauté des nations s’est donnée les moyens pour rétablir la paix et pour faire passer la justice.

C’est l'effort inlassable de nos démocraties, et l'implication personnelle de leurs dirigeants pour trouver, grâce à une diplomatie agissante, des solutions pacifiques aux conflits.

C'est l'action de la Cour internationale de justice, qui dit le droit et rend des arbitrages.

C'est, lorsque la diplomatie et la médiation ont échoué et que se produit l'inacceptable, le recours à la force, sous l'égide des Nations Unies, comme cela s'est passé en Bosnie ou au Kosovo.

Ce sont les tribunaux qui sanctionnent les atteintes à l’éthique. Au sortir de la guerre, ceux de Nuremberg et de Tokyo ont, pour la première fois, condamné les fauteurs de guerre et les criminels contre l’humanité.

Aujourd’hui, qu’il s’agisse du Tribunal pour l’ex-Yougoslavie, de celui qui doit juger les responsables du génocide au Rwanda, ou de la prochaine Cour pénale internationale, l'ambition est la même : faire en sorte que le crime contre l'humanité ne reste jamais impuni.

Mais, au-delà de ces instruments nouveaux, au-delà de ces politiques au service d'une certaine idée de l'homme et qui fondent notre espérance, nous savons bien que la paix se gagne d’abord dans les coeurs. Contre les préjugés hérités du passé. Contre l’ignorance, terreau privilégié de l'intolérance et de la haine. Avec la mémoire des souffrances que l'homme peut infliger à l'homme. Avec la conviction que la paix est le bien le plus précieux, la condition même du bonheur des peuples.

Ce sont ces messages essentiels, je crois, que porte le Mur pour la paix. La paix, aspiration universelle. C’est bien le sens, Chère Clara Halter, d’une oeuvre qui décline le mot paix dans toutes les langues, toutes les écritures. Qui invite chacun à témoigner. Chaque visiteur mais également tous ceux, toutes celles qui, des quatre coins du monde, et grâce à Internet, pourront lui confier leurs espoirs.

Remercions chaleureusement ses auteurs qui ont su traduire et inscrire dans le paysage parisien le rêve de paix de l’humanité tout entière. Je vous remercie.





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