Allocution du Président de la République à l'occasion du dîner d'État offert en l'honneur du Président de Pologne.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion du dîner d'État offert en l'honneur du Président de la République de Pologne et de Mme Aleksander KWASNIEWSKI.

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Palais de l'Elysée, le lundi 15 mai 2000

Mon cher Aleksander,
Madame, chère Jolanta,

Soyez les très bienvenus en France ! La France qui se réjouit de recevoir le Président de la Pologne et son épouse pour leur témoigner à son tour l'affection qui marque depuis si longtemps la relation entre nos deux pays.

Il y a bientôt quatre ans, mon épouse et moi-même étions vos invités. Nous n'avons rien oublié de ces instants. L'accueil que vous-même, vos compatriotes et les représentants du peuple polonais nous aviez réservé. Ces moments de fraternité avec votre nation, si chère, vous le savez, au cœur des Français. Le puissant élan qui emportait la Pologne, engagée alors dans des transformations immenses qu'appelaient vos légitimes ambitions : préparer votre pays à entrer dans l'Alliance atlantique -c'est aujourd'hui chose faite ; en faire l'une des toutes premières puissances économiques d'Europe centrale ; la préparer résolument aux négociations d'adhésion à l'Union.

A cette occasion, Monsieur le Président, j'avais réaffirmé l'engagement de la France à vos côtés. Engagement naturel s'agissant de la Pologne et de la France, unies par les liens les plus forts. Ceux de l'esprit mais aussi ceux du cœur. Ceux aussi des larmes, des épreuves et du sang.

Quand aux heures sombres de son histoire, la Pologne morcelée, dépecée, subissait le joug de ses puissants voisins, c'est vers la France que se portèrent vos espoirs de liberté, d'indépendance et d'unité. C'est chez elle que vos héros en exil -Kosciuszko, le poète Mickiewicz, Frédéric Chopin et tant d'autres- entretinrent la flamme de la résistance. C'est pour elle que combattirent tant de patriotes polonais puis de Français d'origine polonaise. La France qui plaidait au Traité de Versailles pour la renaissance de la Pologne et qui, vingt ans après, s'engageait à vos côtés et partageait votre malheur. Dans une Europe en paix mais déchirée, nos deux pays, par-delà le rideau de fer, se gardaient toute leur amitié, toute leur confiance. Ils savaient qu'un jour ils se retrouveraient.

Cet été, Gdansk, avec toute la Pologne, avec tous les Européens, au premier rang desquels les Français, se souviendra qu'il y a vingt ans, naissait Solidarnosc. Le signal de l'émancipation était lancé. Neuf ans plus tard, le peuple polonais, avec d'autres, abattait le Mur de la honte et prenait le chemin de l'Europe.

Monsieur le Président, cher ami, en novembre dernier, à Paris, vous dressiez le bilan d'une décennie où la Pologne a pris un nouveau visage. Une décennie qui a vu votre pays entreprendre d'ambitieuses et difficiles réformes. Une décennie pour s'ouvrir aux grands vents du commerce et de la liberté d'entreprise. Une décennie pour devenir le quatrième partenaire commercial de l'Union européenne.

Les dix ans écoulés ont aussi vu les entreprises françaises s'engager massivement avec vous et hisser la France au rang de troisième investisseur étranger. Ce soir, nombre de leurs dirigeants nous entourent, témoignant de leur volonté d'être davantage encore présents en Pologne, à la faveur notamment des privatisations en cours.

Partenaires, nous le sommes naturellement aux plans culturel et humain. Vous me permettrez de mentionner tout spécialement le rôle de pionnier joué dans les échanges entre nos jeunes par l'association "Le Pont-Neuf" que mon épouse anime depuis dix ans. C'est ainsi, en faisant se rencontrer nos jeunesses, en élargissant leurs frontières à notre continent tout entier, que nous ancrons le plus profondément l'Europe.

Notre intimité se nourrit de la présence, sur notre sol, de nombreux Français d'origine polonaise. Et ce soir, je veux rendre hommage à ces femmes et à ces hommes qui, tout en affirmant leur fidélité à la France, ont conservé un profond attachement à leurs traditions et à leurs racines.

Et nous Français sommes particulièrement sensibles au tempérament, aux idéaux qui fondent l'âme nationale polonaise et à la manière qu'elle a de les exprimer. C'est certainement pour cela que la France a toujours fait bon accueil à vos créateurs et à vos artistes.

Enfin, nous entretenons, un dialogue politique régulier et intense. Et aujourd'hui, Monsieur le Président, cher ami, ce dialogue porte d'abord sur l'Europe et sur votre prochaine entrée dans l'Union Européenne.

C'est la grande affaire de la Pologne et c'est aussi la nôtre. Oui, l'élargissement de l'Union Européenne représente un formidable défi. Pour vous, bien sûr, qui devez résolument intégrer les acquis communautaires. Mais aussi pour nous, membres de l'Union, qui devons préparer votre arrivée dans une maison rénovée et où les choses fonctionnent bien.

A Luxembourg puis à Helsinki, nous avons adopté une stratégie qui doit nous permettre de réussir l'élargissement et de le faire dans les délais prévus. Nous avons agrandi le cercle des candidats mais nous n'avons pas pour autant ralenti le rythme de la négociation. Tous ses chapitres auront été ouverts sous présidence portugaise. Et la France s'en réjouit. Elle entend, comme Présidente de l'Union, conférer une nouvelle dynamique aux négociations afin d'avoir à la fin de l'année une vision d'ensemble des difficultés et de la manière d'y répondre.

Nous sommes également convenus d'un ambitieux programme d'aide à la reprise de l'acquis communautaire. Nous ne pouvons faire coexister dans le grand marché européen deux séries de normes, deux types de politiques communes et, de fait, deux catégories de membres. Nos concitoyens des pays membres ne l'accepteraient pas et ce n'est pas non plus l'intérêt des nouveaux adhérents.

Ensemble, nous devons tout mettre en œuvre pour que la Pologne, qui représente à elle seule près de la moitié de l'enjeu économique de l'Europe centrale, nous rejoigne le plus rapidement possible. Vous vous êtes fixé à vous-mêmes l'objectif d'avoir rallié l'Union Européenne au 1er janvier 2003. C'est le sens des réformes d'envergure entreprises par le gouvernement polonais. Il est, à juste titre, convaincu que l'entrée dans l'Union se joue autant, sinon davantage, à Varsovie et dans les voïvodies qu'à la table des négociations de Bruxelles. L'échéancier de votre adhésion, c'est donc vous, autant que nous, qui en détenez la clé.

Il faut en être conscient, l'Europe élargie ne sera plus celle que nous connaissons. Elle sera plus forte de dizaines de millions de femmes et d'hommes. Elle connaîtra une expansion nouvelle. Mais nous devons aujourd'hui trouver les procédures qui lui garderont son efficacité. C'est tout l'enjeu de la Conférence intergouvernementale qui sera l'une des priorités de notre présidence et dont le succès est la condition même de la réussite de l'élargissement.

Notre Union doit aussi s'adapter à ses nouvelles ambitions. Je pense en particulier à la construction d'une Europe de la défense, qui constitue le nouveau chantier du projet politique européen. Par son histoire, par sa position stratégique au sein de l'OTAN comme par son engagement européen, la Pologne a vocation à être pleinement associée à cette grande entreprise. D'ores et déjà, côte à côte, des soldats polonais et français sont frères d'armes au Kosovo sous le commandement de l'Etat Major du Corps européen.

Monsieur le Président, cher ami, ne croyez pas ceux qui disent l'Union Européenne frileuse ou réfractaire à son élargissement ! C'est tout le contraire ! Les Européens le souhaitent ardemment ! Ils savent que l'élargissement est conforme à la vocation historique de la construction européenne. Les bâtisseurs de l'Europe avaient à cœur d'enraciner la démocratie, la stabilité et la paix sur notre continent après tant et tant d'affrontements, tant et tant de malheurs. Je n'oublie pas que la Pologne, nation-martyr de l'Europe a vu s'accomplir sur son sol la plus effroyable tragédie de tous les temps, la négation même de l'homme. Je n'oublie pas combien la plaie de Yalta demeure vive dans cette autre Europe que nous appelons à nous rejoindre.

Eh bien, nous ferons et nous réussirons ensemble l'élargissement ! Nous donnerons à l'Europe un surcroît de puissance et de richesse. Nous lui confèrerons cette stabilité à laquelle elle aspire depuis si longtemps. Nous attendons avec impatience que vous nous rejoigniez dans l'Union. Et notre concours ne vous fera pas défaut !

C'est fort de cette volonté et avec confiance en l'avenir que je vais maintenant lever mon verre. Je le lève en l'honneur de mon ami, Monsieur Aleksander Kwasniewski, Président de la République de Pologne. Je le lève en l'honneur de Madame Kwasniewska à qui je présente mes très respectueux mais aussi très affectueux hommages. Je le lève au bonheur du grand peuple polonais, frère du peuple français. Je le lève à notre amitié millénaire et à l'union de nos destins dans l'Europe de demain.





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