Discours du Président de la République à l'occasion de la réunion des maires de la Savoie.

Discours de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion de la réunion des maires de la Savoie.

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Chambéry, Savoie, le jeudi 4 mai 2000

Monsieur le Maire de Chambéry, Monsieur le Ministre, Commissaire européen, Monsieur le Ministre, Président du Conseil général, Mon Cher Hervé, merci de m'avoir invité aujourd'hui et demain en Savoie, j'ai été sensible à ce geste et je me réjouis du bon déroulement et de la bonne organisation de ce voyage qui m'a fait plaisir, Madame la Présidente du Conseil régional, Mesdames et Messieurs les Parlementaires et les Elus, et tout particulièrement, je vous dirai pourquoi, Mesdames et Messieurs les Maires,

Je suis, je viens de le dire, heureux d'être en Savoie. J'ai souhaité m'adresser tout particulièrement aux maires de ce département et au fond, à travers vous, à tous les maires de France.

Parce qu'au plus près de nos concitoyens vous incarnez la démocratie qui est d'abord un service, une écoute, une responsabilité. Parce que vous incarnez la proximité, le dévouement et l'efficacité. Parce qu'à ce titre, vous êtes des acteurs irremplaçables des évolutions politiques, économiques, sociales, culturelles de notre pays. Pour toutes ces raisons, à quelques semaines de la présidence française de l'Union européenne, c'est à vous que je veux dire dans quel esprit la France aborde cette étape, notamment pour tout ce qui touche à la vie quotidienne de nos concitoyens.

Un grand pays comme le nôtre exerce en permanence une capacité d'influence et d'entraînement sur l'Europe. La présidence ajoute encore à cette capacité. C'est donc un moment particulier de notre vie nationale, un temps favorable à l'initiative et à l'action. Et c'est une période que la France aborde forte d'une ambition et d'une volonté.

Le Parlement sera d'ailleurs informé des objectifs de cette présidence par le Premier ministre, dans les prochains jours, et il en délibérera.

Notre rencontre, j'ai voulu qu'elle ait lieu au coeur d'un pays de France qui, par son histoire, son présent et son avenir, soit pleinement terre d'Europe.

J'étais ce matin en Maurienne pour évoquer le grand enjeu européen du franchissement des Alpes. Tout à l'heure, nous avons eu une réunion passionnante autour du projet du Grand Lac, modèle d'une démarche moderne et démocratique : mobiliser les talents et faire participer l'ensemble des acteurs locaux à la définition d'un beau et grand dessein.

Avant de retrouver la vallée de la Tarentaise demain, je suis heureux de vous rencontrer ici à Chambéry, dans cette capitale historique des Ducs, au coeur d'une Savoie dynamique, solide et entreprenante.

Car telle est bien votre Savoie, la Savoie des Jeux olympiques d'Albertville, jamais enfermée dans ses montagnes, depuis toujours ouverte sur les régions et les nations voisines, désormais engagée dans l'économie européenne. Une Savoie qui, sous l'impulsion de ses élus, a su prendre rang dans la compétition des territoires. Une Savoie fortement attachée aux politiques communautaires, je pense au développement régional, à l'agriculture, aux relations transfrontalières. Une Savoie qui affirme sa vocation internationale pour servir le développement local, et qui prouve que la France gagne à s'ouvrir sur l'Europe et sur le monde.

Les maires montrent chaque jour que l'efficacité passe par l'union de tous, la mobilisation des énergies et la convergence des dynamismes.

Ce qui est vrai dans vos communes l'est aussi à l'échelle des nations. Aucune grande réalisation n'a jamais été acquise autrement que par la conjonction des volontés et par l'addition des forces.

Dans le monde contemporain, nul n'a les moyens de répondre seul à toutes les attentes. Nos concitoyens ont besoin d'intercommunalité. Ils ont besoin du département et de la région. Ils ont besoin d'Etat. Et ils ont aussi besoin d'Europe.

Voilà pourquoi présider l'Europe, c'est important pour la France.

Naturellement, ce n'est pas comme si notre pays était chargé de diriger ou de gouverner l'Europe. L'Union ne fonctionne pas ainsi. Nous-mêmes n'accepterions pas de nous laisser conduire par d'autres pendant les années qui séparent deux présidences françaises. L'Europe est collégiale, elle est délibérative, et c'est bien ainsi. Dans l'Union, le dialogue des Etats au sein du Conseil joue un rôle moteur, un dialogue prenant appui sur l'expression des peuples dans les Parlements nationaux et au Parlement européen.

Mais dans cette Europe telle qu'elle avance, la France aura une grande responsabilité, celle de faire aboutir des décisions qui engagent l'avenir, d'en faire progresser d'autres, de rechercher la meilleure entente avec nos partenaires, de lancer des projets, d'ouvrir de nouveaux champs de réflexion et de coopération ; c'est ainsi que pas après pas se forge l'Europe.

Aujourd'hui, parce que je m'exprime devant vous et parce que c'est d'abord sur ce terrain que les Européens apprécieront la réussite de notre Union, je voudrais vous dire comment j'entends oeuvrer, au-delà de la réforme des institutions, qui est nécessaire, et au-delà de la défense européenne qu'il faut mettre en oeuvre, pour que l'Europe devienne l'Europe de tous, l'Europe des peuples au service des citoyens, de leurs attentes et de leurs initiatives.

Beaucoup de chemin reste à faire. L'Europe est toujours en devenir. Elle a parfois du mal à trouver sa voie. Mais chaque étape est importante et mon souhait est qu'à l'occasion de la présidence française, l'Europe s'efforce d'agir plus concrètement, en portant plus d'attention aux inquiétudes et aux préoccupations des Européens.




Nous n'identifions pas toujours ce que nous devons à l'Europe.

D'abord, la réconciliation et la paix, installées pour durer, et qui s'imposent aujourd'hui comme si elles allaient de soi. L'histoire, comme hélas l'actualité récente, aux marches mêmes de l'Union européenne, montrent cependant que la réconciliation et la paix ne sont jamais définitivement acquises. Or il n'est pas de responsabilité plus élevée au service d'une nation que de garantir la paix. Ce fut la raison d'être de la construction européenne dans les années 50. Et cela reste une ardente obligation.

Mais l'Union, c'est aussi, aujourd'hui, le développement économique. L'Europe représente plus des deux tiers de nos échanges. Nous le devons au marché unique, à la levée des barrières douanières, à la politique agricole commune, à la libre circulation des hommes, des services, des marchandises et des capitaux. Désormais, nous le devrons davantage encore à l'Union économique et monétaire, c'est-à-dire à l'euro.

L'euro est déjà un acquis pour tous les responsables politiques, économiques et financiers, mais il demeure encore un peu abstrait pour nos compatriotes, et il le restera tant que nous ne ferons pas nos achats avec des billets et des pièces en euros. L'échange, vous le savez, aura lieu au début de 2002. C'est une échéance importante. Et je veillerai personnellement à ce que les actions d'information et de préparation à l'introduction effective de l'euro soient renforcées pendant la présidence française. Faire adopter l'euro par tous les Français est un grand enjeu. Le changement de nos habitudes monétaires devra être fortement accompagné. Et je compte sur la mobilisation de tous, et, en premier lieu, sur celle des maires, qui sont au plus près de nos concitoyens, pour assurer la réussite de cette importante opération.

En annulant les risques de change entre nos pays, l'euro facilite les exportations, diminue leur coût et, dans des régions comme la vôtre, il constitue un facteur très favorable au développement du tourisme. Nous lui devons d'avoir mis fin à ces dévaluations compétitives dont nous avons tant souffert il y a quelques années. Je suis sûr que de nombreuses entreprises savoyardes se souviennent sans regrets de cette période, finalement assez récente.

L'euro était le bon choix, celui de la croissance et celui de l'emploi. C'est un formidable accélérateur de développement. Nous lui devons une large part de la croissance économique dont bénéficie désormais l'ensemble de l'Europe. Et je veux rappeler que la force d'une monnaie doit être jugée dans la durée et non sur des variations de change à court terme. L'euro est notre monnaie, c'est le bien commun de tous les Européens. C'est une monnaie qui repose sur un socle solide. D'abord sa valeur réelle est préservée grâce à la maîtrise que nous avons de l'inflation. Nos revenus, notre épargne sont ainsi garantis. Ensuite, l'euro est établi sur une force économique de l'Europe, une force qui s'accroît grâce à la croissance et à la modernisation rapide de l'ensemble de l'économie européenne. Enfin, notre monnaie repose sur une entente politique toujours plus étroite entre les pays de la zone euro. Les fondations de l'euro sont donc robustes, et c'est bien, car c'est l'intérêt de l'Europe d'avoir une monnaie solide et forte.

La présidence française s'attachera à ce que la politique économique européenne permette de tirer le meilleur parti de la monnaie unique. Partout en Europe, cela suppose que les réformes soient poursuivies. Achever l'unification du grand marché intérieur. Améliorer la qualité des services publics. Réduire leurs coûts, comme nous sommes déjà parvenus à le faire, notamment, pour le téléphone. Réussir la baisse durable des prélèvements obligatoires en maîtrisant la dépense publique. Entrer de plein-pied dans l'économie de la connaissance et la société de l'information. Encourager le travail plutôt que l'assistance. Garantir l'avenir de notre protection sociale.

La compétition des territoires est vive, au niveau national comme à l'échelon local. Pour accueillir les créateurs d'activités et d'emplois, pour les garder, les collectivités publiques devront être compétitives, à commencer par l'Etat. Elles devront offrir les meilleurs services, les meilleures infrastructures, le meilleur système éducatif, la main-d'oeuvre la mieux qualifiée. Elles devront aussi veiller à ce que les réglementations et le système fiscal ne pénalisent ni l'initiative ni l'emploi.

Notre union économique et monétaire constitue un modèle original, sans précédent dans l'histoire. Elle apporte aux Européens plus de prospérité, plus de travail -nous le voyons bien- et, pour les consommateurs, de meilleurs produits, de meilleurs services et de meilleurs prix.




Et pourtant l'Europe apparaît encore trop lointaine à beaucoup. Son apport à la vie de chacun demeure difficile à apprécier. C'est, à mon avis, pour deux raisons.

La première est inhérente à la nature même de la construction européenne, telle que nous l'avons conçue et telle que nous la voulons.

L'Europe a une vocation propre qui n'est pas celle des Etats. Elle ne se substitue pas aux Etats et encore moins aux collectivités publiques les plus proches de nos concitoyens. Elle n'est pas et ne doit pas être prestataire de services publics. Elle ne gère pas et ne doit pas gérer de transferts sociaux. Ses agents ne sont pas présents sur le terrain auprès des populations et n'ont pas à l'être. Elle ne doit intervenir qu'à condition de pouvoir le faire plus efficacement que les Etats, et seulement lorsque nous le décidons collectivement. Ses actions doivent toujours être justifiées par leur valeur ajoutée. C'est ce que l'on appelle le principe de la subsidiarité, un principe essentiel que nous devons défendre. Et la France y est constamment attentive et le sera plus encore au cours de sa présidence.

Ne demandons surtout pas à l'Union de remédier à son éloignement en agissant à notre place : elle risquerait de le faire de manière technocratique et uniforme, en ignorant la diversité des réalités nationales et locales, une diversité porteuse de vie et d'initiative, qui est l'une des richesses du nouveau siècle tel que nous voulons l'ouvrir.

La deuxième raison de ce sentiment un peu d'éloignement ou d'incompréhension, c'est que l'Union a, depuis l'origine, principalement orienté son action vers le développement économique. Elle a obtenu ses plus grandes réussites dans des domaines qui ne sont pas ceux de la vie quotidienne mais ceux des grands équilibres économiques. L'Union veille à la libre circulation et aux règles de la concurrence. Elle met en oeuvre efficacement des politiques sectorielles. Toutefois, aucun de ces champs d'action ne lui permet de toucher vraiment le coeur des hommes.

Il est temps que l'Europe s'occupe davantage des questions qui intéressent le plus directement les gens, celles qui concernent leur vie. Cette conviction m'a amené, dès 1996, à présenter un mémorandum sur le modèle social européen. L'Europe ne doit plus être surdéterminée par sa dimension économique. Tous nos efforts doivent tendre à l'équilibrer davantage en faisant l'Europe des hommes.

Ce que l'Europe des hommes doit nous apporter concrètement, c'est une capacité nouvelle à mieux maîtriser des évolutions qui nous échappent parfois notamment du fait de ce que l'on appelle aujourd'hui la mondialisation.

L'Europe est en effet un formidable amplificateur de puissance. Elle ouvre de nouveaux territoires à notre économie, à notre modèle social, à notre culture. Elle constitue un levier qui démultiplie nos énergies et permet à l'action publique d'être plus efficace dans un monde globalisé. Elle étend le champ du possible. Elle nous a permis de conquérir une capacité d'agir que nous n'exercerions pas sans elle. L'Europe a créé un nouvel espace, un espace de plus de 350 millions d'habitants, la première puissance économique et commerciale du monde. Cet espace est désormais aussi le nôtre. Il nous revient de le faire vivre avec tous nos partenaires.

Dans une Europe sans frontières, ouverte sur un monde dont les changements s'accélèrent, nous devons rechercher les moyens d'une prospérité durable tout en apportant davantage de sécurité à chacun. Nous avons besoin d'une Europe puissante qui créera les conditions de la croissance économique en tirant parti de la mondialisation mais en amortissant aussi les chocs qu'elle peut induire, c'est-à-dire en l'humanisant.

Il faut avancer dans ce nouvel univers résolus à mettre en oeuvre les réformes nécessaires, mais en restant maîtres de notre destin, fidèles à notre identité, attachés à nos traditions. C'est ainsi que nous construirons l'avenir en confortant nos garanties sociales, en assurant la sécurité et la protection des personnes, et sans dégrader notre environnement ni affaiblir notre culture. Chacun sait qu'il n'est pas aisé de combiner ces objectifs. Cela demande une forte volonté, qui devra être partagée par les Etats membres et les institutions européennes. Cela demande aussi pragmatisme et réalisme.

Cette Europe devra préserver son modèle contre toute tentation de dumping social.

L'Europe sociale n'a cessé de progresser au cours des dix dernières années. Elle a été marquée par l'adoption de nombreux textes qui protègent les travailleurs. Sait-on, par exemple, -j'étais frappé de voir que des personnes parfaitement compétentes l'ignoraient- que la réglementation du travail sur écran, qui concerne aujourd'hui un salarié sur deux, est d'origine européenne ?

L'Europe a aussi permis l'émergence d'un dialogue social européen qui constitue un modèle d'articulation entre intervention publique et négociation collective. Elle permet l'association des salariés des grandes entreprises européennes aux décisions stratégiques qui les concernent. Elle a fixé les lignes directrices d'une véritable politique européenne de l'emploi. Elle engage aujourd'hui le rapprochement de nos politiques de protection sociale pour nous aider à répondre à des défis aussi importants que l'avenir de nos systèmes de retraites.

Cette Europe sociale au service de tous les Européens, la France veut organiser et accélérer sa construction. La présidence française proposera, lors du sommet de Nice, à la fin de l'année, l'adoption d'un agenda social pour arrêter un calendrier complet d'actions destinées à conforter notre modèle social et à prévenir tout risque de mauvaise concurrence entre nos pays.

L'Europe est aussi indispensable si l'on veut assurer la protection contre les risques de notre temps.

La pollution des mers est, hélas, d'actualité et c'est un exemple frappant. La catastrophe écologique du naufrage de l'Erika est d'autant plus inacceptable qu'elle est due à la négligence des hommes, et je sais que les Savoyards ont été particulièrement sensibles et particulièrement solidaires dans cette épreuve. Je les en remercie. Pour prévenir ce type d'accident, la sécurité maritime doit être renforcée. Et il n'y a pas, évidemment, de meilleur moyen que de le faire à l'échelon de l'Europe. Ainsi, nous pourrons concevoir des actions efficaces pour l'ensemble de notre littoral et convaincre les puissances maritimes du reste du monde de se joindre à cet effort.

Sur la base de nos propositions, la Commission a préparé une première série de mesures qui sera complétée sous notre présidence. Elles visent le renforcement des contrôles dans les ports et en mer, l'accélération de la modernisation de la flotte et la responsabilisation des armateurs, des affréteurs et des sociétés de certification.

Et j'entends bien veiller à ce que cet ensemble de mesures soit rapidement mis en oeuvre.

Au-delà, l'Europe doit être à la pointe du combat pour la sauvegarde de notre environnement. La mondialisation de l'économie comporte à cet égard bien des dangers si nous ne sommes pas vigilants : pollution, déchets, surexploitation des forêts, des mers, des sols qui bouleversent nos écosystèmes et peuvent compromettre de façon peut-être irréversible les conditions de vie des générations futures. Dans cet esprit, la présidence française s'attachera notamment à obtenir un bon accord lors de la Conférence de La Haye sur l'émission des gaz à effet de serre et leurs conséquences sur l'évolution des climats notamment.

Autre problème que l'Europe doit nous aider à mieux maîtriser : celui de l'immigration clandestine. Il n'y a plus de frontière entre nos pays. Encore faut-il que des contrôles rigoureux soient assurés aux portes de l'Union et que les politiques d'immigration et d'asile soient harmonisées, comme nous l'avons décidé, récemment, ensemble en Finlande c'était en octobre dernier.

Il en va de même pour les trafics de drogue, la criminalité, le blanchiment de l'argent sale. Personne ne peut croire que nous pourrions venir à bout de ces fléaux si nous ne renforçons pas notre coopération européenne policière et judiciaire. L'Europe doit rester l'Europe de la libre circulation mais sans jamais offrir de sanctuaire aux organisations mafieuses et aux criminels.

C'est vrai encore pour la santé. La crise de la vache folle nous a rappelé qu'il faut toujours faire prévaloir les impératifs vitaux de la sécurité sur la libre circulation des marchandises. Pour devenir pleinement crédible aux yeux des Européens, c'est un domaine dans lequel l'Union doit encore progresser. C'est la raison pour laquelle nous appuyions fortement la création d'une autorité européenne indépendante de sécurité des aliments qui aura pour mission de veiller à ce que les préoccupations sanitaires soient rigoureusement respectées.

Dans le même esprit, je serai très vigilant en ce qui concerne les décisions de l'Union sur les organismes génétiquement modifiés. Le principe de précaution et le principe de responsabilité devront être appliqués, dans ce domaine comme dans les autres, de la façon la plus rigoureuse et dans toutes leurs conséquences.

Et puis, l'Union devra être plus attentive aux questions éthiques. La France a pris de nombreuses dispositions pour s'assurer que le développement des sciences de la vie soit toujours conduit dans l'intérêt de l'homme, par exemple en empêchant les manipulations génétiques ou le clonage. Mais à quoi nous servirait d'avoir une législation protectrice s'il suffisait de franchir les limites de notre territoire pour pouvoir faire ailleurs ce qui est interdit en France ? Nous avons voulu la convention de bioéthique du Conseil de l'Europe. L'Union européenne devra à son tour prendre en compte les impératifs éthiques, y compris dans la future charte des droits fondamentaux, et elle devra notamment s'opposer à ce que le génome humain puisse faire l'objet de brevets.

Cette exigence éthique doit s'exprimer dans tous les domaines. Par exemple face au dopage, qui a altéré l'image que nous nous faisions de la pratique sportive. Il y a un an et demi, lors du sommet de Pörtschach en Autriche, j'ai lancé la réflexion européenne contre ces dérives. Les travaux engagés ont permis d'aboutir à une collaboration entre l'Europe et les institutions sportives pour restaurer l'éthique du sport et mieux prendre en compte sa spécificité. Je m'attacherai à ce que ces efforts soient poursuivis.


La sécurité et la confiance seront les meilleurs alliés de l'initiative et du progrès. Cette Europe plus humaine, plus protectrice dont j'ai pris les exemples, et plus proche des préoccupations de nos concitoyens sera plus puissante, mieux assurée d'elle-même, riche de nouveaux échanges entre les peuples qui la composent. L'Europe est historiquement née sur les terres de l'esprit. C'était au Moyen Age. Elle doit affirmer sans cesse son identité.

Je pense d'abord à la culture et à l'éducation. Ce sont des enjeux essentiels pour faire l'Europe de la jeunesse, de la création et de l'intelligence.

Tous les écoliers, les collégiens et les lycéens d'Europe devront avoir accès à l'Internet, lieu de découverte, d'échanges et de reconnaissance de l'autre. Nous devons aussi poursuivre l'harmonisation des études et multiplier les équivalences de diplômes. L'enseignement supérieur devra s'organiser pour que tous les étudiants puissent au moins un semestre être dans une université d'un autre pays de l'Union. Ce n'est pas auprès de vous que j'ai besoin de le souligner, alors même que votre université de Savoie accueille, à Chambéry et à Annecy, une proportion très forte d'étudiants européens. Le lancement d'un espace européen de la connaissance et de la mobilité devra rester comme l'un des résultats importants de notre présidence.

Dans le nouveau contexte européen, il devient également urgent de combler notre retard dans l'apprentissage des langues étrangères. Fixons-nous pour objectif que chaque Européen parle deux langues en plus de sa langue maternelle. C'est très courant sur tous les continents pour bien des nations. Cela est la meilleure façon de mieux se comprendre et c'est aussi la meilleure façon de redonner toute sa place au français et à la francophonie.

Plus nous aurons de Savoyards parlant l'italien, plus nous aurons de Piémontais parlant français, et moins les Italiens et les Français seront obligés de parler anglais entre eux. La culture française gagnera du terrain si les Français, de plus en plus curieux des autres cultures européennes, intensifient leur dialogue avec tous les peuples qui ne veulent pas voir disparaître leur propre culture. C'est en soutenant la diversité culturelle que l'Europe affirmera son identité. Si elle ne le faisait pas, elle se condamnerait à n'être plus qu'un cartel d'intérêts à culture unique. Et cette culture, vous le savez, ce ne serait pas la nôtre.

Notre communauté est une communauté de valeurs avant d'être une communauté d'intérêts.

En faisant, je l'espère, aboutir la Charte des droits fondamentaux de l'Union, la présidence française établira un ensemble de principes et de valeurs sur lesquels l'Europe de demain pourra s'appuyer. Et les pays qui veulent nous rejoindre et qui vont le faire devront naturellement y souscrire eux aussi.




La France a toujours eu un grand dessein pour l'Europe car elle a compris très tôt que sa place dans le monde en dépendait, de même que sa culture, son identité et sa force. Aujourd'hui, notre ambition européenne demeure en se transformant. Mais dans une Europe qui va progressivement s'élargir, cette ambition ne pourra se réaliser sans une profonde réforme institutionnelle, qui nous donnera les moyens de continuer à agir, à vingt-sept, comme on a pu le faire avant.

Dans leur long combat pour la liberté, les peuples de l'Est de l'Europe ont toujours été soutenus par l'espoir de nous rejoindre, de reconstituer la famille européenne. Cet espoir est en train de prendre corps. Nous devons faire du développement accéléré des pays candidats et de leur entrée dans l'Union un facteur de progrès pour toute l'Europe.

Mais, telles qu'elles sont aujourd'hui, les institutions européennes ne pourront plus fonctionner efficacement quand nous serons à la fois plus nombreux et plus divers. Il revient à la présidence française de tout faire pour mener à bien la réforme qui s'impose, et cela ne sera pas facile. Michel Barnier y contribue activement au nom de la Commission européenne. Sa présence à Bruxelles est pour nous un motif de confiance.

Dans la difficile négociation qui s'est ouverte, il faut créer les conditions pour que l'Europe de demain soit capable de prendre les décisions qu'attendent nos concitoyens. Il faut aussi préserver notre capacité à peser dans une Union plus vaste.

Je veux une Europe forte et utile, pas une Europe immobile. Nous devons, pour l'avenir, conjurer tout risque d'inertie européenne. C'est l'intérêt de la France.

Cette réforme sera l'un des grands enjeux de notre présidence. Et j'aurai l'occasion dans les prochaines semaines de m'exprimer plus complètement à son sujet.




Les Français doivent avoir confiance en eux-mêmes. Depuis ses origines, la construction européenne a largement été leur affaire et leur projet. Ils en ont bénéficié et ils lui ont d'ailleurs beaucoup apporté. La France compte parmi les principales inspiratrices de l'Europe. Rien d'important ne peut se faire sans elle.

Le monde nouveau qui est en train d'émerger reposera sur un fort sentiment d'appartenance à une communauté nationale capable de jouer pleinement son rôle. Face aux inquiétudes diffuses nées des transformations accélérées de l'économie et de la société, ce sentiment d'appartenance à une communauté nationale, loin de se dissiper, ne cesse de s'affirmer. Mais l'évolution du monde rend indispensables de nouvelles solidarités. Nous avons besoin de l'Europe pour nous aider à les rendre plus cohérentes et plus efficaces.

Mesdames et Messieurs les Maires, Mesdames et Messieurs, Mes chers Amis,

A travers nous, à travers vous, j'ai voulu dire à tous les maires de France que notre ambition européenne les concerne au premier chef.

Tout se tient quand il s'agit de la démocratie. C'est à vous les maires qu'il revient de la faire vivre au quotidien. Vous en êtes les animateurs et les relais. Dans la France et dans le monde, tels qu'ils sont et tels qu'ils évoluent, la démocratie ne peut s'accomplir que si toutes les institutions, toutes les collectivités publiques, et l'Union européenne elle-même, sont en mesure de remplir complètement leurs devoirs au service de l'intérêt et au service de l'homme.

C'est ce que je veux pour la France et pour l'Europe.

Je vous remercie.





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