Discours du Président de la République en réponse aux voeux des armées.

Discours de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, en réponse aux voeux des armées.

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Palais de l'Elysée, le mercredi 5 janvier 2000

Monsieur le Premier ministre,

Monsieur le Ministre,

Monsieur le Secrétaire d'Etat,

Mon Général,

Madame, Messieurs,

Je remercie chaleureusement le général Kelche des voeux qu'il vient d'exprimer et auxquels je suis très sensible.

Je vous demande, à mon tour, de transmettre, mon Général, aux militaires des armées, de la gendarmerie et des services ainsi qu'au personnel civil de la défense, les voeux très sincères, chaleureux que je forme pour eux-mêmes et pour leurs familles.

Que cette année 2000 apporte à chacun les joies et les satisfactions personnelles et professionnelles auxquelles il aspire.

Mais, dans cette période de fêtes et de célébrations, nous devons une pensée particulière aux familles de ceux qui ont donné leur vie pour que notre pays tienne son rang et une pensée pour tous les militaires et gendarmes blessés en service commandé auxquels j'adresse mes voeux personnels de sympathie et d'affection. La communauté nationale leur doit un soutien moral et matériel sans faille.

Je tiens également à remercier, au nom de tous les Français, les milliers d'hommes et de femmes des armées et de la gendarmerie qui se sont dévoués, vous l'avez évoqué, mon Général, avec coeur et avec beaucoup d'efficacité au service de nos concitoyens victimes de la tempête et de la marée noire.




L'année 1999 a été, pour nos armées et, plus largement, pour l'avenir de la défense de notre pays, vous l'avez souligné, une année charnière.

Comme vous l'avez relevé, mon Général, elle a été marquée par des opérations militaires d'une ampleur inconnue depuis la Guerre du Golfe.

Notre importante contribution à la gestion des crises internationales du Kosovo, de la Bosnie, du Timor oriental, a permis à la France de tenir son rang, là aussi, et de jouer un rôle conforme à son Histoire, à ses valeurs et à ses intérêts.

La part prise par les armées à ces opérations de rétablissement du droit et de la paix témoigne des progrès réalisés depuis le lancement du plan de modernisation de nos forces que j'ai décidé en 1996.

Au Kosovo, en particulier nous avons pu peser sur les décisions stratégiques grâce au volume, mais aussi grâce à la qualité de notre contribution, à la campagne aérienne et navale et, par la suite, au dispositif de rétablissement de la paix.

La révolte et l’indignation ressenties par l’immense majorité des Français ont trouvé dans le courage, la compétence et la détermination de nos unités, leur meilleure expression.

Je vous demande, mon Général, de leur transmettre mes sentiments de gratitude et ceux de nos concitoyens.

Je dois ajouter que cet engagement important de nos armées dans des opérations extérieures s’est exercé dans un contexte difficile.

A mi-parcours de la réforme, alors que s'accélérait la transformation des structures et que s'esquissait l'armée professionnelle, mobile et réactive dont j'ai voulu que la France soit dotée, vous avez dû affronter l'urgence et les contraintes de la crise.

Ces engagements ont pesé et pèsent encore, je le sais, sur la restructuration de notre appareil de défense, mais vous avez su les assumer avec une disponibilité, avec une efficacité auxquelles je tiens à rendre hommage.

Cette année 99 est aussi celle qui a vu naître et s'affirmer la perspective d'une Europe de la défense.

C'est un événement majeur dont les conséquences, pour la sécurité de notre pays et pour la défense de ses intérêts et de ses valeurs, seront considérables si nous savons conduire à son terme le processus engagé à Quinze.

Je tiens, devant vous, à rappeler avec force que ce projet n'implique aucun abandon de souveraineté. La France conserve sa capacité de décider et d'agir seule, dès lors que ses intérêts propres ou le respect de ses engagements bilatéraux sont en cause. Par ailleurs, ce projet européen ne modifie en rien notre position à l'égard de l'Alliance atlantique qui reste le cadre de notre défense collective.

Mais c'est un progrès essentiel, après des siècles de déchirements et de conflits, que les Européens aient le pouvoir de peser sur leur destin, d'affronter ensemble les risques et les menaces affectant leur sécurité commune, sans dépendre nécessairement de décisions prises ailleurs.

En ce sens, la dernière année de ce siècle de violences et de barbarie aura vu naître l'espoir d'une paix consolidée sur notre continent.




De cette année charnière, des événements majeurs qui l'ont marquée, les armées doivent tirer les enseignements et assumer les conséquences.

Dans les mois à venir, votre principal chantier sera celui de la préparation de la future loi de programmation militaire.

Il importe, dans l'intérêt national, que les questions qui relèvent de la défense et de la sécurité de notre pays soient traitées sereinement, en dehors de toute échéance politique.

Je souhaite donc que cette loi soit votée au printemps 2001 pour qu'elle soit mise en oeuvre sans rupture à l'issue de la loi actuelle.

Si nous voulons atteindre le modèle d'armée moderne et efficace, adapté aux menaces et aux risques de notre temps, dont j'ai défini les principes et l'organisation il y a de cela trois ans environ, nous devons d'abord maintenir notre effort de défense.

Il serait, en effet, paradoxal que nous incitions, à Bruxelles, nos partenaires à accroître leurs engagements financiers pour construire l'Europe de la défense, et que, dans le même temps, à Paris, nous réduisions notre effort en multipliant les encoches budgétaires et les annulations de crédits.

On ne pourrait se satisfaire d'une évolution qui, si nous n'y prenions garde, nous éloignerait progressivement des objectifs de la loi de programmation en cours.

J'ai donc demandé au Gouvernement et aux armées de prendre toutes les dispositions pour que les difficultés techniques, qui empêchent aujourd'hui le ministère de la Défense d'exécuter le budget d'équipement qui lui est alloué par la représentation nationale, soient résolues au plus vite, et je sais que c'est l'intention et l'ambition du ministre de la Défense.

La construction de l'Europe de la défense qui ouvre à nos armées de nouvelles perspectives, aura, en terme de structures et d'interopérabilité, des exigences qu'il faudra prendre en compte.

Par ailleurs, les enseignements du Kosovo, dont le bilan a été dressé sans complaisance par le ministre de la Défense, témoignent de lacunes qui devront être comblées.

Enfin, l'impératif de la modernisation des équipements ne doit pas faire oublier l'importance de la préparation des forces.

A cet égard, on doit s'interroger sur leur niveau réel d'entraînement, si on le compare à celui de certaines armées occidentales. Et je pense, notamment, aux exercices, aux jours de mer, aux heures de vol ou aux munitions consacrées à l'entraînement. En bref, à tout ce qui fait qu'une armée professionnelle peut être engagée efficacement, sans risques pour elle-même et pour les populations qu'elle protège.

Il en va de notre sécurité, mais aussi du rôle que les Français veulent que notre pays soit capable d'assumer pour défendre, dans le monde, les valeurs républicaines auxquelles ils sont attachés.




Mais le plus urgent, me semble-t-il, aujourd'hui, est de prendre la mesure du poids des restructurations et des engagements extérieurs sur la vie professionnelle et familiale de ceux qui en assument la charge.

Des efforts considérables ont été exigés de chacun. Les dissolutions d'unités, les mutations accélérées, l'avancement perturbé, les rotations rapides en missions extérieures, le redéploiement de la gendarmerie, tous ces facteurs cumulés pèsent sur le moral et demandent une attention vigilante de la part des responsables civils et militaires.

Il revient au Gouvernement et à vous, Messieurs les chefs d'Etat-Major et directeurs du ministère de la Défense, de veiller au maintien et à l'amélioration des conditions de vie et de travail des hommes et des femmes qui vivent ces bouleversements.

En tant que chef des armées, j'y suis et j'y resterai particulièrement attentif.

Je n'ignore pas que cette réforme doit s'accompagner d'un changement de culture, long et difficile à acquérir. Mais je sais que les personnels de la défense ont la volonté et la capacité de la mener à bien. Il est de votre responsabilité de répondre à leurs aspirations légitimes, sans faiblesse ni démagogie, mais dans le respect des traditions humanistes et sociales qui sont celles de notre pays.

Mesdames et Messieurs, les réformes engagées depuis trois ans étaient indispensables. Les événements survenus au cours de cette période ont largement validé les choix qui ont été faits.

Les craintes souvent exprimées sur le manque supposé de civisme de nos appelés et sur les difficultés de recrutement de nos jeunes engagés se sont révélées infondées.

Le cap doit être maintenu. Mais vous avez le devoir, dans cette période difficile, de porter une attention particulière à tous ceux, quels que soient leur grade ou leur situation, qui souffrent des contraintes de la transition.

Le service des armes de la France, en l'an 2000, est d'abord celui de la paix et du droit international. Il a ses exigences et ses grandeurs que les Français connaissent et respectent.

Les militaires, pour leur part, ne doivent pas oublier qu'ils sont responsables de la sécurité d'une communauté vivante dont ils doivent partager les valeurs et la vie.

Différents par les risques acceptés et les contraintes propres à leur état, ils doivent être avant tout des citoyens responsables, participant à la vie de leur commune ou de leur région, attentifs à leur environnement civil.

C'est la condition nécessaire pour que s'établisse l'osmose indispensable entre l'armée professionnelle et la nation.

Mais cette communauté de vie et de pensée, qui me paraît indispensable, appelle en contrepartie, dans le respect des statuts et des règles militaires, une égalité de traitement avec les autres catégories de citoyens que l'évolution des esprits rend aujourd'hui inévitable.

Je sais que le ministre de la Défense a engagé une importante réflexion sur ces sujets et je m’en réjouis.




Cette année 2000 sera donc, mon Général, Madame, Messieurs, consacrée à la préparation de l'avenir.

Nous espérons que l'état du monde et les exigences de notre sécurité permettront que nos forces soient moins sollicitées pour des opérations extérieures qu'elles ne l'ont été au cours de ces derniers mois.

Mais si tel n'était pas le cas et si les circonstances l'imposaient, les Français savent qu'ils peuvent compter sur vous.

Pour ma part, et en vous renouvelant mes voeux les plus chaleureux et les plus sincères, je vous exprime ma confiance et mon estime. Je vous remercie.





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