Allocution du Président de la République lors de la réception de la Communauté française à La Haye, Pays-Bas.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, lors de la réception de la Communauté française aux Pays-Bas.1

La Haye, Pays-Bas, le mardi 29 février 2000

Mesdames, Messieurs,

L’émotion m’a coupé la voix, l’émotion et un petit rhume. Je voudrais vous dire combien je suis heureux ce soir de vous rencontrer à l’occasion de cette visite d’Etat, la première depuis seize ans, et une visite qui m’a apporté beaucoup de joie.

Nous allons vous en dire un mot, mais avant de vous en dire un mot, et après vous avoir salué toutes et tous et, au-delà, les vingt mille Français qui vivent ou travaillent dans ce beau pays, je voudrais saluer avec mon épouse les deux ministres qui m’accompagnent ce soir, puisque M. Védrine a dû rentrer tout à l’heure, M. Moscovici et M. Huwart. Saluer nos représentants du Parlement, le député Marc-Philippe Daubresse, Président du groupe d’amitié France-Pays-Bas à l’Assemblée nationale, et M. le Sénateur André Rouvière, Président du groupe d’amitié France-Pays-Bas au Sénat. Je voudrais saluer les délégués au Conseil supérieur des Français de l’étranger et surtout remercier notre Ambassadeur et son épouse qui ont remarquablement préparé cette visite d’Etat. C’est un gros travail pour une ambassade et cela a été parfaitement conduit, et je voudrais leur demander de remercier chaleureusement, de notre part, l’ensemble de leurs collaborateurs.

Je vous disais tout à l’heure que cela fait seize ans qu’il n’y a pas eu de visite d’Etat. La réalité, c’est que nous sommes deux grandes et vieilles nations un peu susceptibles, parfois, et qui n’aimons pas beaucoup que soient mises en cause notre identité, nos convictions, notre indépendance. Ce qui fait que nous avons eu des moments d’irritation, des difficultés, des problèmes, qui n’ont jamais été très loin, mais qui ont parfois créé une ambiance qui n’était pas aussi sympathique qu’elle aurait pu l’être. C’est normal, de la part de deux fortes personnalités qui sont voisines.

Je me suis efforcé depuis quatre ans, avec Wim Kok et avec les Gouvernements français, de répondre à ce problème, de faire apparaître que, si nous avons des divergences, ce qui est légitime, de convictions ou d’intérêts, on peut parfaitement transformer ces divergences en complémentarités et que c’est cela la sagesse. Et, petit à petit, nous avons progressé sur cette voie, multipliant les échanges de ministres, les concertations, les dialogues sur tous les sujets y compris ceux qui fâchent et, au total, nous sommes arrivés à, je dirai, une espèce d’espace de sérénité qui a été, si j’ose dire, concrétisé par une visite d’Etat qui, de notre point de vue et, je crois, du point de vue de nos partenaires néerlandais, a été une réussite.

On l’a dû à l’exceptionnel accueil de Sa Majesté la reine des Pays-Bas, accueil qui nous a beaucoup touché, mon épouse et moi-même, et ma délégation, accueil du Premier ministre Wim Kok, plein de gentillesse, de subtilité, de gestes particuliers comme le fait de nous réunir ce matin dans son petit bureau de la Torentje et ensuite l’autre réunion au Musée Mauritshuis. Donc tout cela a été, si j’ose dire, amical, j’irais même jusqu’à dire affectueux.

Nos entretiens ont été excellents et ont fait apparaître une vraie convergence de vue qui était connue depuis déjà longtemps, mais qui s’est exprimée de façon tout à fait claire sur l’ensemble des problèmes.

Sur les problèmes européens, où notre approche est identique pour ce qui concerne la réforme des institutions, et c’est la main dans la main que nous irons à cette réforme. La présidence française sera soutenue, je n’en doute pas, par les autorités néerlandaises.

C’est vrai sur le plan mondial où, dans la plupart des domaines, notre vision est la même que celles des Pays-Bas. Notamment sur les problèmes essentiels que sont les interventions pour le maintien de la paix où nos deux pays sont très présents, où notre conception de la nécessité de l’aide publique au développement où, là encore, nos deux pays sont parmi les rares à assumer véritablement ce qui de mon point de vue est une exigence morale du monde contemporain. J’ajoute que, bien entendu, notre coopération au sein du Conseil de sécurité, dont les Pays-Bas sont actuellement membre non-permanent, est aussi un élément important de notre coopération.

C’est vrai dans le domaine économique. Nous avons naturellement constaté les résultats exceptionnels que nous devons à nos entrepreneurs de part et d’autre de l’autre frontière et qui font des Pays-Bas un partenaire exceptionnel de la France et réciproquement, avec des chiffres sur lesquels je ne reviens pas, mais qui sont impressionnants et qui sont dus, d’ailleurs, à l’action d’une partie de celles et de ceux qui sont ici, et que je tiens à cet égard à remercier et à saluer.

C’est vrai, également, sur le plan de la coopération dans le domaine militaire sur laquelle nous pouvons encore faire des efforts et que nous avons évoquée de façon approfondie.

Toute cela nous a conduit à essayer de renforcer encore un dialogue mieux structuré, à multiplier les contacts dans le domaine des dialogues, des échanges, des groupes de travail, entre nos fonctionnaires, entre nos diplomates mais également d’avoir des initiatives, en particulier dans le cadre, ou en dehors, de la préparation du Sommet de Lisbonne, dans quelques jours, pour ce qui concerne l’innovation, la connaissance, et aussi par la création de cette université entre Utrecht et Lille.

Bref, je le répète, dans tous les domaines, une coopération amicale et démystifiée.

Alors, je sais que tout cela est dû pour une part importante au travail de ces vingt mille Français auxquels je rendais hommage tout à l’heure et qu’ici vous représentez. Et je voudrais vous dire combien les autorités françaises vous sont reconnaissantes. Naturellement, la résidence aux Pays-Bas n’est pas une résidence désagréable, vous êtes plus près de Paris que si vous étiez à Bordeaux ou à Brest. Il n’en reste pas moins que l’expatriation est toujours un geste fort qui en règle générale est toujours à la portée des meilleurs d’entre les nôtres et donc je tiens à saluer chacune et chacun d’entre vous avec reconnaissance et avec amitié.

Ceux qui travaillent ici, ceux qui entreprennent et aussi celles et ceux qui sont dans les nombreuses organisations internationales présentes aux Pays-Bas, je pense en particulier à l’Agence spatiale européenne ou à l’Office européen des brevets, je pense à la Cour internationale de justice ou au Tribunal pénal international que j’ai été visités cet après midi et devant lesquels je me suis exprimé, et à tous les autres qui travaillent ici. Je souhaite que chacune et chacun d’entre vous continuent avec le même dynamisme, la même intelligence, à servir naturellement vos propres intérêts, vos carrières, vos affaires, ce qui est normal et légitime, mais également à servir les intérêts de notre pays et une certaine idée ou vision de la France qui est la nôtre et qui, à condition qu’elle ne soit pas arrogante, séduit plus que l’on ne le pense nos amis néerlandais. J’en ai encore eu bien des témoignages cet après midi.

Voilà, on nous indique que le moment est venu de conclure, je le ferai donc en vous exprimant mes sentiments d’estime, de reconnaissance et d’amitié.

Je vous remercie.





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