Allocution du Président de la République à l'occasion du dîner d'État offert en l'honneur du Président de l'Union indienne.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion du dîner d'État offert en l'honneur de M. Kocheril Raman NARAYANAN, Président de l'Union indienne, et de Mme Usha NARAYANAN.

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Palais de l'Élysée, le lundi 17 avril 2000

Monsieur le Président,

Madame,

Soyez les bienvenus en France ! Il y a un peu plus de deux ans, j'étais votre invité. J'ai vécu alors, grâce à vous, des moments inoubliables. L'Inde est un pays qui fascine et qui attire. Et nous avons alors commencé à donner corps à notre grande ambition d'un partenariat stratégique entre l'Inde et la France, un partenariat pour le XXIe siècle.

Vous voilà aujourd'hui, Monsieur le Président, l'hôte d'honneur de la France. La France qui reçoit, pour la première fois, le Président de l'Union indienne. Le chef d'un Etat qui est l'héritier de l'une des plus anciennes civilisations vivantes, l'un des berceaux de l'humanité. Un Etat moderne. La plus grande démocratie de notre temps. Un géant politique, économique, scientifique, humain. Bref, l'une des toutes premières puissances du monde.

C'est dire la portée historique, pour moi, de cet instant. Combien, Monsieur le Président, Madame, les Français sont honorés de votre présence. Et combien, avec les personnalités françaises qui nous entourent, avec mon épouse, je suis heureux de vous accueillir ce soir.


Votre visite, Monsieur le Président, intervient à un moment particulier : à l'aube d'un siècle nouveau qui, j'en ai la conviction, sera notamment celui de l'Asie ; à un moment où se dessinent les contours d'un nouveau monde que vous et nous souhaitons équilibré et pacifique, résolument tourné vers le développement économique et vers une plus grande justice sociale. Ce monde, nous pouvons contribuer à le construire ensemble.

Nous avons plus que des convergences. Nous partageons des idéaux. L'Inde, comme jadis la Révolution française, a inscrit les principes de liberté, d'égalité, de fraternité en préambule de sa constitution. Ce triptyque, vous le verrez aussi au fronton de nos monuments et de nos bâtiments tout au long de votre visite.

Les Français ont souvent rêvé l'Inde. Peu de contrées ont davantage inspiré nos écrivains, nos philosophes, nos artistes. Peu de civilisations ont suscité un tel engouement, une telle fascination. Peu de pays, par leur histoire et leurs traditions, parlent si fortement à l'imaginaire : quelle jeunesse éprise d'aventures, d'horizons lointains et fabuleux, ne s'est pas émerveillée au trésor de Golconde, aux puissantes épopées du Mahabharata et du Ramayana ! Et puis, notre histoire partagée, la longue présence française, la nostalgie qui s'attache au souvenir, tout cela fait que l'âme indienne et l'âme française ne sont pas tout à fait étrangères l'une à l'autre.

La France d'aujourd'hui, Monsieur le Président, la France moderne – et c'est ce que les personnalités présentes ce soir veulent vous dire par ma voix – la France aime l'Inde. Elle aime le souffle de son histoire. Mais elle admire aussi l'extraordinaire développement d'une nation qui s'est hissée au premier rang à la force de sa recherche, de son industrie, de ses talents.

Là encore, tradition et modernité s'unissent pour vous permettre d'avancer. La tradition, où la connaissance souveraine était déjà le pivot de la civilisation de l'Inde. Où la connaissance spirituelle allait de pair avec le savoir scientifique.

La tradition ne s'est pas perdue. Il y a deux ans, Amartya Sen recevait le prix Nobel d'économie. Et je n'oublie pas que les chercheurs indiens, dignes héritiers de Chandrasekhara Raman, sont parmi les mieux formés et les meilleurs du monde.


Le grand partenariat, que nous avons lancé ensemble, a fait de la science et de ses applications industrielles l'une de ses priorités. Aujourd'hui nos scientifiques créent de nouveaux laboratoires. Nos universitaires multiplient leurs échanges et envisagent de fonder une cyber-université où pourront se rencontrer nos étudiants par delà les distances. Et nos industries se développent activement, elles développent aussi les moyens de nouvelles coopérations et de nouveaux transferts technologiques.

Pour aller toujours plus loin, nous avons installé un "Forum d'initiative franco-indien" réunissant les représentants de nos grands secteurs d'activités. Il a déjà engagé plusieurs actions ambitieuses de rapprochement entre nos deux pays. Et je voudrais mentionner en particulier la semaine franco-indienne consacrée au problème de l'eau et le séminaire "L'Inde et la France dans un monde multipolaire" qui s'est tenu à Delhi en février dernier.

Notre partenariat est aussi culturel. Monsieur le Président. Vous avez prévu de visiter, pendant votre séjour, deux de nos plus belles cités : Toulouse, qui est l'un des tout premiers pôles technologiques français et européens, avec notamment Airbus et Arianespace ; et Avignon, ville de haute culture, dont le festival a souvent rendu hommage à la civilisation indienne.

Je souhaite que nos créateurs et nos entreprises culturelles – je n'oublie pas que l'industrie cinématographique en Inde est la première du monde – multiplient coopérations et projets, car nous partageons la même détermination à concilier le respect de nos identités et la participation active à l'extraordinaire développement des échanges qui marque notre temps. C'est pourquoi nos deux nations doivent défendre ensemble la diversité culturelle et le dialogue des civilisations grâce auxquels, depuis toujours, le monde progresse.


Mais avant tout notre partenariat est politique. Depuis deux ans, nous avons institutionnalisé notre coopération, en ouvrant, sur toutes les grandes questions, un dialogue stratégique, confiant et régulier. Ainsi, nous avons pu confronter nos préoccupations respectives notamment en matière de non-prolifération, car vous le savez, il s'agit pour la France de l'une des conditions essentielles de la sécurité internationale.

Je vous l'ai dit lorsque vous m'avez si chaleureusement reçu, en cette année où l'Inde fêtait le cinquantième anniversaire de son indépendance : la France, Monsieur le Président, souhaite voir votre pays occuper toute la place qui lui revient sur la scène internationale. Oui, l'Inde a naturellement vocation à devenir membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies ! La France soutient et soutiendra votre candidature.

Cette perspective donne toute sa force à notre volonté commune de participer à l'édification d'un monde multipolaire et harmonieux.

La France est résolument engagée dans la construction européenne, entreprise sans précédent dans l'Histoire. En bâtissant une forte solidarité entre nos peuples, nous avons enraciné la démocratie et la paix sur notre continent. L'Union européenne est aujourd'hui la première puissance économique mondiale et nous nous donnons les moyens politiques de faire entendre notre voix dans le concert des nations. Et déjà l'Inde s'affirme comme l'un des tout premiers pôles du monde de demain.

L'équilibre international a besoin d'une relation forte entre l'Inde et l'Union européenne. Travaillons la main dans la main au succès du prochain sommet entre l'Inde et l'Union européenne. Et vous pouvez compter sur la France, qui prendra le 1er juillet la présidence de l'Union, pour donner sa pleine dimension à cette relation privilégiée.


C'est confiant dans les succès de notre partenariat que je vais maintenant lever mon verre.

Je le lève en l'honneur de Monsieur Kocheril Raman Narayanan, Président de l'Union indienne. Je le lève en l'honneur de Madame Usha Narayanan à qui je présente mes très respectueux et très amicaux hommages. Je le lève à l'Inde, grande puissance, civilisation immense. Je le lève au peuple indien auquel je souhaite succès, paix, et bonheur. Je le lève à notre amitié.





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