Allocution prononcée par M. Jacques CHIRAC président de la République devant la XIXe assemblée générale de l'AIMF (Québec, Canada)

ALLOCUTION PRONONCÉE PAR MONSIEUR JACQUES CHIRAC, PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE, DEVANT LA XIXe ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DE L'AIMF (Association Internationale des Mairies Francophones.)

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QUEBEC - CANADA JEUDI 2 SEPTEMBRE 1999

Monsieur le Maire de Québec, cher Jean-Paul L'ALLIER,

Monsieur le Président de l'AIMF, cher Jean TIBERI,

Monsieur le Secrétaire Général de la Francophonie, cher Boutros BOUTROS-GHALI,

Madame la Ministre,

Amis du Québec, amis de tout le Canada,

Mes très chers Amis, Maires, membres de notre Association, que je suis toujours heureux de revoir, ceux que je connais depuis longtemps, ceux que je connais depuis plus récemment.

Quelle joie de vous revoir tous pour notre Assemblée générale, cette occasion de prendre des nouvelles des uns et des autres, de nos familles, de nos amis et de nos pays ! Evoquer des souvenirs, des perspectives, des ambitions. Quel bonheur de fêter le vingtième anniversaire de notre Association, l'AIMF, qui est notre enfant, que nous avons fait grandir ensemble ! Et quelle émotion, pour nous tous, de nous retrouver ici, dans cette ville un peu mythique et qui fait rêver, je le disais tout à l'heure à Jean-Paul, Québec où, voici tout juste vingt ans, notre Association faisait ses premiers pas !

Je voudrais, en notre nom à tous, saluer bien sûr notre hôte, le Maire de Québec. Merci à vous, cher Jean-Paul L'ALLIER, pour vos paroles de bienvenue, qui m'ont touché, qui nous ont touchés. Mais nous savons l'affection que vous portez, l'estime que vous portez à tous nos collègues représentant les villes totalement ou partiellement francophones. Merci pour votre hospitalité. Il y a toujours quelque chose d'un peu particulier à Québec, qui fait résonner à part le coeur des hommes et notamment des francophones. Et vous me permettrez, Monsieur le Maire, de saluer aussi votre prédécesseur, notre ami Jean PELLETIER, qui a bien voulu m'accompagner et qui ne manquerait pour rien au monde nos rendez-vous. Les rendez-vous de cette Association à laquelle, en temps que co-fondateur, il a tant donné, d'esprit, d'intelligence et de coeur. Et je me fais l'interprète de chacun d'entre nous pour lui témoigner notre reconnaissance, notre estime et notre affection.

Aujourd'hui, je voudrais avoir aussi une pensée pour à notre ami Jean DRAPEAU, qui fut si longtemps Maire de Montréal. Une forte personnalité. Il vient de nous quitter. Je me rappelle son enthousiasme à la naissance de l'AIMF. Toutes ces dernières années, il était resté proche de notre Association.

Et je voudrais enfin saluer les compagnons de la première heure, de moins en moins nombreux, ceux qui étaient présents il y a vingt ans à Québec avec nous, mon Cher Jean, pour porter notre Association sur les fonts baptismaux. Il y avait Nicolas EL AMM, Vice-Président du Conseil municipal de Beyrouth, que je suis heureux de saluer ici, il y avait le sage, notre ami André GUILLABERT, qui était alors Maire de Saint-Louis-du-Sénégal et que nous retrouvons également avec beaucoup de joie parmi nous aujourd'hui. Et puis il y avait ceux qui ont mis tout leur talent et leur dévouement au service de notre Association, notre Chef du Protocole, Pierre BERNIMOLIN, et aussi, naturellement, fidèle parmi les fidèles, notre ami Pierre FIGEAC.

Pour terminer ces saluts fraternels je voudrais dire, naturellement, en notre nom à tous, combien nous sommes heureux de nous retrouver unis derrière notre Président, Jean TIBERI, toujours disponible, toujours enthousiaste dès qu'il s'agit de notre Association qu'il conduit aujourd'hui avec autorité et avec sagesse.

*

Vingt ans ! C'est un âge qui compte. C'est celui de la maturité, celui des premiers bilans. Et je crois qu'on peut dire, Cher Boutros, que notre bilan est éloquent. Nous pouvons être fiers, mes chers amis, du chemin qu'ensemble nous avons parcouru. L'AIMF a trouvé toute sa place parmi les acteurs de la Francophonie et du développement, avec des moyens certes modestes, mais en mobilisant beaucoup de coeur et d'énergie pour créer, d'abord cette fraternité qui nous unit et qu'il faut souligner, qui tient peut-être au fait que nous avons toujours refusé tout débat politique en notre sein. Et, ensuite, parce que nous avons voulu donner la priorité à des actions concrètes, ce qui finalement nous a permis de progresser. Et je voudrais le souligner.

Tout a commencé ce soir de juin 1977. Je venais d'être élu Maire de Paris. J'avais lancé, au cours d'un dîner offert en l'honneur du corps diplomatique, l'idée d'une réunion des maires des capitales et métropoles ayant la langue française en partage. A l'époque, aucune instance francophone n'abordait les questions municipales, qui sont pourtant, chacun l'a dit tout à l'heure et c'est vrai, essentielles pour améliorer les conditions de vie de nos concitoyens.

Six mois plus tard, nous étions une petite vingtaine réunie dans le salon des tapisseries de l'Hôtel de Ville de Paris pour discuter ensemble des " Jeunes dans la Cité ", qui était déjà un thème d'actualité. Devant l'intérêt et le succès de cette première rencontre, avec Jean PELLETIER, nous avons proposé de créer un forum pour nous tous, responsables de métropoles francophones. Un forum où nous pourrions dialoguer amicalement, hors de toute contrainte polémique ou politique, partager nos points de vue, nos expériences, nos préoccupations, nos réponses. Où nous pourrions nous épauler, échanger des savoir-faire, échanger des méthodes qui ont réussi, ici ou là. Et, le 1er mai 1979, à l'invitation de Jean Pelletier, à Québec, nous lancions l'AIMF.

Très vite, notre Association a pris de l'ampleur. Elle répondait manifestement à un besoin. Nous partagions un même souci : résoudre, le mieux possible ou le moins mal possible, les problèmes quotidiens de nos cités, de nos concitoyens. Nous étions animés par une même volonté qui était de donner une expression concrète à notre solidarité. Nous avons décidé d'agir ensemble, pour aider au développement dans les pays et dans les métropoles qui en avaient plus particulièrement besoin. Et à mesure que nous lancions des projets concrets, qui répondaient aux besoins de nos concitoyens, il nous est apparu que le cadre municipal et la coopération décentralisée étaient bien l'un des vecteurs les plus efficaces de l'aide au développement.

Aux colloques et aux échanges d'informations se sont ajoutées des opérations de plus en plus importantes. Et nous nous sommes donné les moyens, certes modestes mais tout de même non négligeables de notre ambition.

En 1990, à Tunis, Cher M'Hamed Ali, j'avais proposé que nous nous dotions d'un fonds de coopération. Depuis, chaque année, ce sont plus de dix millions de francs qui sont rassemblés. Enveloppe certes, je le répète, restreinte comparée aux moyens d'autres organismes mais qui nous a permis de bâtir pas mal de choses.

150 projets, certains modestes, d'autres plus ambitieux, ont ainsi pu voir le jour, dans 61 villes. Ce sont des projets à taille humaine, parfaitement ciblés, élaborés sur le terrain, à l'écoute des besoins, pour résoudre les problèmes quotidiens des habitants de nos cités, pour améliorer leur vie de tous les jours. Et bien des opérations nationales ou internationales de coopération pourraient s'inspirer, en termes d'efficacité et d'adaptation aux besoins, de nos méthodes et de nos réalisations.

Ici, nous avons participé au plan d'urbanisme, nous avons construit ou amélioré le réseau d'assainissement, créé un dispensaire, équipé les services hospitaliers. Là, nous avons percé une avenue, ouvert un marché, acheminé l'eau potable vers de nouveaux quartiers. Ailleurs, nous avons réalisé des équipements sportifs pour les jeunes, conduit des actions de formation des ingénieurs ou des techniciens.

Chaque fois, nous nous sommes engagés en ayant le souci de servir nos concitoyens. Nos interventions, au niveau le plus proche de la réalité quotidienne de nos populations, nous ont permis de travailler efficacement. En bâtissant des villes plus propres, mieux équipées, plus fonctionnelles, à notre façon nous aidons nos concitoyens à aborder plus sereinement la grande mutation, le grand changement de la mondialisation.

Son combat fraternel, l'AIMF le mène aussi pour ouvrir au plus grand nombre les trésors de la culture, pour conserver et présenter les richesses du patrimoine, pour permettre l'accès de tous ou faciliter cet accès à l'éducation et à la formation.

Ce sont nos programmes d'équipement de bibliothèques scolaires, de formation de professeurs, de construction de collèges ou d'école. Ce sont les dons de notre Association en matériel éducatif. Ce sont nos chantiers de restauration de monuments ou de bâtiments. Ce sont enfin nos programmes d'équipement et de formation aux nouvelles technologies et aux réseaux de l'information, dont parlait tout à l'heure M. Tibéri, ce multimédia dont la maîtrise est désormais une condition de la réussite. Voilà notre contribution à cette diversité culturelle si essentielle au monde de demain et que demain, mon Cher Boutros, nous allons défendre ou réaffirmer à l'occasion du Sommet de la Francophonie en Acadie.

Enfin, notre combat est, au meilleur sens du terme, au sens le plus noble du terme, politique, pour enraciner la citoyenneté. Il s'agit, et c'est peut-être là l'essentiel, de notre coopération en matière d'état civil, notamment en informatisant les services et en formant les personnels. L'exemple et l'expérience, la première, de Tunis a été déterminante pour ce qui a été fait ensuite, et j'en remercie notre ami Boulemen. Il s'agit aussi de nos missions d'audit et de conseil, de nos efforts de modernisation de l'administration ou de la gestion municipale.

Et ensemble, nous n'avons cessé de réfléchir aux grandes questions de notre temps, auxquelles les municipalités peuvent contribuer à apporter une réponse : la sécurité ; l'emploi ; la famille ; la protection sociale et l'accès aux soins ; la lutte contre les grandes endémies ; la gestion des ressources naturelles ; l'environnement et le développement durable. Et bien sûr, la jeunesse et son avenir.

Demain, à Moncton, la Francophonie va engager son dialogue avec la jeunesse. Être jeune, c'est souvent progresser sur un chemin difficile, en quête de repères et de réponses. C'est s'interroger sur l'avenir. La Francophonie, qui est, qui doit être, qui veut être une fraternité, doit répondre à ces attentes. Tout d'abord, en donnant aux jeunes les moyens de s'épanouir et de trouver leur place le mieux possible, c'est-à-dire une formation pour un emploi, les outils de la modernité, pour réussir et pour faire réussir leur pays. L'AIMF en a fait depuis longtemps l'une de ses priorités, à sa mesure, mais avec conviction et détermination. Beaucoup des actions que nous avons entreprises l'ont été pour les jeunes. A l'avenir, je crois que nous devons, vous devez aller plus loin encore sur cette voie.

Mes chers amis, et vous savez que ce mot n'est pas une concession ou une formule diplomatique, c'est l'expression des sentiments que j'éprouve à l'égard de chacune et chacun d'entre vous dans cette Association, mes chers amis, tous ces combats, toutes ces actions, nous les avons menés avec un certain succès. Et nous continuerons, toujours plus nombreux, toujours plus décidés.

Qui, mieux que le Maire et ceux qui l'assistent dans sa mission, connaît la réalité du terrain ? Qui, mieux que lui, peut entendre les attentes et les aspirations de ses administrés ? Qui mieux que lui peut comprendre le potentiel des hommes et des femmes qui l'entourent, et participer à l'encouragement, à la libération de leurs propres énergies.

Et puis, l'action municipale a ses exigences. Le maire est sous le regard immédiat de ses concitoyens, il a l'obligation de réussir. La rigueur, la poursuite de l'intérêt général, la bonne et saine gestion des deniers publics, la volonté de faire aboutir les projets en temps et en heure, dans le strict respect des budgets alloués, ce sont les conditions de sa propre crédibilité.

Ces qualités confèrent sa force et son efficacité à notre Association qui veille scrupuleusement, dans le cadre des opérations qu'elle soutient, à ce que chaque somme, je dirais chaque sou dépensé le soit à bon escient.

Voilà pourquoi, mes chers amis, l'AIMF n'a cessé de grandir d'année en année. En vingt ans, nous sommes passés de 21 membres venus de 17 pays à 91 membres, représentant désormais 44 Etats. Et cette année, nous avons la joie d'accueillir une nouvelle métropole, Skopje, capitale de cette courageuse Macédoine, déterminée à mieux s'intégrer en Europe et en francophonie.

Il y a quatre ans, à Cotonou, notre Association s'est vu conférer le statut d'opérateur de la Francophonie, comme l'évoquait tout à l'heure notre Secrétaire Général de l'Organisation Francophone. Ce fut une étape décisive dans la vie de l'Association, en quelque sorte une consécration. La reconnaissance d'un savoir-faire, d'un rôle important au sein de l'Institution francophone. J'en suis convaincu, et notre ami le Secrétaire Général de la Francophonie, Boutros BOUTROS-GHALI l'est aussi, il nous l'a dit : la décision de Cotonou a contribué au bon équilibre de ces institutions en même temps qu'elle améliore encore les perspectives de notre Association.

Je sais, mes chers Amis, les questions qui la préoccupent. Celle du champ de ses interventions, autour de sa vocation première, la coopération municipale. Celle des moyens alloués à l'AIMF dans sa mission d'opérateur. Celle de ses relations avec les autres responsables de la Francophonie.

Notre Association, j'en ai été, avec quelques autres, l'un des fondateurs. Je l'ai présidée pendant seize ans. J'ai le privilège, aujourd'hui, et je vous en remercie encore, d'en être le Président d'honneur. Soyez en sûr : je prends à coeur son destin et je veillerai, à la place qui est la mienne, à sa pérennité.

Mes chers amis,

Au moment où s'engagent vos travaux, je voulais vous dire, une fois encore, combien je suis heureux au sens très profond du terme, de me retrouver parmi vous, parmi des hommes et des femmes qui se dévouent pour leurs concitoyens, dans notre forte et belle famille de l'AIMF, et ceci pour son vingtième anniversaire. Je voulais vous dire combien ont compté dans ma vie ces années où nous avons travaillé ensemble, où nous avons fait vivre et grandir notre oeuvre commune. La belle et grande aventure de l'AIMF continue. Je lui souhaite vingt nouvelles années d'amitié, de fraternité et de succès !

Je vous remercie.





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