Allocution du Président de la République lors de la réception offerte en l'honneur de la communauté française au Québec, Canada.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, lors de la réception offerte en l'honneur de la communauté française au Québec.

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Québec, Canada, le jeudi 2 septembre 1999

Mes chers compatriotes,

Permettez-moi de vous dire combien je me réjouis de l'occasion qui m'est donnée de saluer un nombre important des Françaises et des Français du Québec, ou d'ailleurs, puisque j'ai remarqué que certains venaient d'au-delà du Québec. Je suis heureux aussi de saluer et de remercier chaleureusement pour leur présence un certain nombre d'amis du Québec, au premier rang desquels M. le vice-Premier ministre Landry. Et c'est pour moi une occasion, au nom de mon épouse, au nom de Mme Buffet, notre ministre de la Jeunesse et des Sports, au nom du Gouvernement, au nom du peuple français de vous dire tous mes sentiments de reconnaissance pour ce que vous faites, d'estime et aussi bien entendu d'amitié.

Je voudrais enfin mentionner la présence ici d'un certain nombre de maires de grandes capitales ou métropoles francophones puisque nous avons aujourd'hui eu ici l'Assemblée générale de l'Association des maires francophones qui regroupe plus de 90 grandes métropoles représentant 44 pays. Un certain nombre d'entre eux sont là, tous sont mes amis et je suis heureux de leur présence dont je les remercie.

Un mot d'abord pour justifier ce voyage que j'ai fait avec beaucoup de plaisir, comme toujours quand je viens de ce côté de l'Atlantique. Un voyage, je dois le mentionner qui a été remarquablement organisé par notre consul général à qui je tiens à exprimer une estime et une reconnaissance particulières.

Un mot pour vous dire ces raisons. Hier, j'étais à Ottawa où j'ai eu des entretiens avec le Premier ministre. Aujourd'hui, je suis au Québec où j'ai eu des entretiens avec le Premier ministre, et demain je serai à Moncton pour le Sommet des chefs d'Etat et de Gouvernement des pays francophones, organisés au sein de notre espace, politique maintenant, francophone, dirigé avec la compétence et l'ardeur qu'on lui connaît par notre ami M. Boutros Boutros-Ghali.

Pour la France, il s'agit là de sujets essentiels. Pour la France, la relation avec le Canada est extrêmement importante. Le Canada est un partenaire majeur pour notre pays tant sur le plan politique que sur le plan économique et nous avons avec lui une relation constante, d'ailleurs, forte, amicale et qui s'exprime soit en relation bilatérale, soit sur le plan multilatéral dans le cadre des grandes organisations internationales, et notamment au sein du G8. Notre coopération est toujours fructueuse, nos intérêts généralement convergents et le partenariat renforcé, qui avait été décidé entre M. Chrétien et M. Juppé, il y a quelques années a donné des fruits très positifs et nous a permis de renforcer très sérieusement les liens de coopération entre nos deux pays. C'est l'intérêt de la France et c'est une politique que nous poursuivons avec détermination.

Avec le Québec, notre relation est également très forte, elle est plus affective encore et elle est pour nous tout à fait essentielle. Nous avons des relations, je dirais, chaleureuses et fraternelles parce que le Québec est un peu le coeur de notre présence économique en Amérique du Nord, un coeur qui se porte bien, puisque nos échanges ne cessent d'augmenter -70 % au cours des cinq dernières années-, que la plupart de nos entreprises, les filiales de grandes entreprises ou les petites et moyennes entreprises, sont au Québec. Nous avons en gros 300 filiales de grandes entreprises au Canada, 250 sont au Québec. C'est également pour nous la porte d'entrée dans l'ALENA et c'est essentiel pour notre économie. Je dois dire que nous sommes également pour le Québec une porte d'entrée privilégiée dans l'Union européenne, ce qui explique la force de ces liens économiques et ce qui explique en particulier que nous avons de l'ordre de 3 000 Français qui viennent s'installer ici chaque année et que le tourisme, je m'en apercevais encore tout à l'heure en me promenant un peu, d'un coin à un autre, au Québec, ne fait que s'augmenter. Notre consul général me disait qu'il y avait actuellement plus de 400 000 touristes français par an au Québec.

C'est aussi naturellement le coeur de notre présence culturelle en Amérique et en particulier l'affirmation de la langue française, je vais redire un mot dans un instant puisque c'est ce qui sera en cause entre nous à Moncton pour notre Sommet. Mais c'est ici que se tient le centre, le moteur, de notre présence linguistique en Amérique et pour nous c'est d'une très grande importance.

Je lisais l'autre jour dans un journal un commentaire sur la francophonie et qui présentait un peu notre volonté de renforcer, d'affirmer la francophonie comme une sorte de combat un peu périmé de défense d'une langue, c'est-à-dire un peu quelque chose qui serait à contretemps de l'histoire.

Le combat pour la francophonie n'est pas un combat défensif, c'est un combat offensif et moderne. C'est un combat pour la diversité culturelle du monde. Nous sommes dans un monde qui est marqué par ce que l'on appelle la mondialisation, la globalisation, et qui présente des dangers, qui doit être maîtrisé, humanisé. C'est vrai sur le plan social. C'est peut-être encore plus vrai sur le plan culturel. La création, l'initiative vient de la confrontation des idées, donc des cultures, donc de ce qui exprime les cultures, c'est-à-dire les langues. D'où l'importance capitale d'avoir dans le monde des langues vivantes, actives, et le plus grand nombre possible de langues. Si tel n'était pas le cas, si la globalisation conduisait à une sorte d'uniformisation linguistique, il y aurait automatiquement, et nous en subirions les conséquences rapidement, une espèce de dégénérescence culturelle du monde et aussi d'ailleurs, ce qui est dangereux, de développement de replis identitaires avec tout ce que cela peut comporter comme source d'agressivité ou d'agression, en tous les cas de mal-être.

Voilà pourquoi nous entendons défendre notre langue et la défendre de façon active. Voilà pourquoi, pour ma part, parmi d'autres, avec d'autres, heureusement de plus en plus nombreux, je me bats pour la défense de notre langue, non pas au nom du passé mais au nom du futur. Parce qu'une langue c'est une arme dans la compétition et la langue française est une arme dans la compétition du siècle prochain, qui sera essentiellement, compte tenu de l'évolution des technologies qui est la deuxième caractéristique, de l'évolution du monde moderne, qui sera la compétition de l'intelligence où, je le répète, l'importance qu'il y a à nous battre pour maintenir notre capacité d'expression.

C'est un peu, et c'est même beaucoup ce que vous faites ici.

Nous avons, avec nos amis québécois, la chance de former dans ce domaine un couple actif, dynamique et uni. Nos conceptions, comme nos intérêts, sont les mêmes. Et quand je voyais les maires des quarante-quatre pays, représentant des villes considérables, réunis ici au Québec, quand j'imagine ce que sera demain les quelque cinquante-deux pays réunis à Moncton, je me dis qu'à condition d'avoir la volonté de défendre et d'illustrer notre langue, comme arme économique et intelligente, je me dis que nous devons gagner et que notre coopération avec le Québec, qui a été exemplaire une fois de plus pour la préparation du Sommet de Moncton, est vraiment bénéfique à la fois pour nos deux pays mais également pour une certaine vision d'un monde qui, demain, devrait être un monde multipolaire et équilibré.

Alors, mes chers compatriotes, vous êtes un peu les éclaireurs de pointe dans ce combat décisif pour l'avenir de notre planète, de la culture humaine, du progrès des hommes. Vous avez accepté à la fois les risques, et les avantages, bien entendu, de l'expatriation. Vous êtes ici, vous représentez un peu le meilleur de notre pays, vous êtes dans un pays accueillant par tradition, démocratique s'il en est, exemplaire de ce point de vue, comme de bien d'autres. Vous faites honneur à la France et la communauté française ici est jugée, si j'en crois tous les témoignages que l'on donne, est jugée comme étant tout à fait exemplaire dans toutes ses composantes et dans sa capacité de vie et d'intégration.

Je voulais donc vous en remercier et vous féliciter. Et vous dire au nom de notre pays, notre pays que nous aimons et que nous entendons servir, au nom de notre pays, mes sentiments d'estime, mes sentiments de reconnaissance et mes sentiments d'amitié.





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