Allocution du Président de la République devant la communauté acadienne.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, devant la communauté Acadienne.

Imprimer

Memramcook (Canada) le samedi 4 septembre 1999.

Chers Amis,

De tout coeur merci pour cet accueil auquel ma femme et moi, ma délégation, sommes infiniment sensibles et qui pour nous est extrêmement émouvant.

Monsieur le Gouverneur général du Canada, cher ami
Monsieur le Premier ministre du Nouveau-Brunswick,
Monsieur le Président de la Société nationale de l'Acadie,
Monsieur le Maire de Memramcook,
Madame le Chancelier de l'université de Moncton, et cher maître,
Monsieur le Chancelier de l'université Sainte-Anne,
Très chers amis acadiens,

Je voudrais à nouveau tout d'abord vous remercier du fond du coeur pour la chaleur de votre accueil. Il nous a profondément touchés, Bernadette et moi-même. C'est une grande émotion que nous éprouvons aujourd'hui en venant ici, à Memramcook, le plus ancien village d'Acadie. Memramcook où vous êtes venus si nombreux des quatre " provinces atlantiques " pour dire avec le coeur au Président de la France que vous n'avez pas oublié la terre lointaine où sont nés vos ancêtres et d'où vient votre sang. Cette terre française que vos ancêtres ont quittée, avez-vous si joliment écrit, Monsieur le Maire, " le coeur gros comme l'océan qu'ils bravaient ", il y a quatre siècles. Cette France que vos ancêtres et vous-mêmes avez continué de faire vivre en vous, malgré tout, contre vents et marées, ici, dans cette Acadie qui, mieux connue aujourd'hui émeut profondément tous les Français.

Merci à vous toutes et à vous tous qui nous avez comblés de toutes vos attentions, par votre gentillesse, par vos paroles qui viennent d'être exprimées, par vos chants, peut-être et surtout par vos sourires, par vos cadeaux aussi qui nous rappelleront, lorsque nous serons rentrés à Paris, cette journée mémorable et le coeur de l'Acadie.

Merci, Monsieur le Gouverneur général, pour les mots que vous venez de prononcer et auxquels tous mes compatriotes sont et seront sensibles. Vous me recevez ici en votre qualité de gouverneur général du Canada et puis, peut-être et surtout, permettez-moi de le dire, en tant qu'Acadien, fils de Memramcook, mais aussi en tant qu'ancien élève de l'université de Moncton.

Merci à vous, Madame le Chancelier, Cher Maître, Monsieur le Chancelier, pour l'honneur que vous me faites en m'élevant à la dignité de Docteur Honoris Causa, Docteur honorifique dit-on ici, de l'université de Moncton et de l'université Sainte-Anne. Et je sais, je connais le rôle éminent, s'il en est, joué par vos deux universités pour faire vivre et pour faire grandir la francophonie.

Vous venez de dire, Madame le Chancelier, Monsieur le Chancelier, l'attachement des Acadiens et des Acadiennes à leur mémoire et à leurs origines. Vous avez évoqué leur fidélité malgré les tribulations et les épreuves de l'histoire et Dieu sait que, pour vous, elles furent grandes. Vous avez dit leur farouche détermination à demeurer eux-mêmes jusqu'à atteindre le statut de peuple. Et vos universités ont été un élément essentiel pour maintenir ce lien avec le français et avec la France. Depuis plus de cent ans pour l'université Sainte-Anne qui fut, vous le rappeliez tout à l'heure, fondée par des Bretons, et depuis trois décennies pour l'université de Moncton, qui est la plus grande université canadienne de langue française hors Québec, Monsieur le Premier ministre.

Et merci à vous, cher Neil Boucher, qui assurez désormais avec passion la présidence de la Société nationale de l'Acadie, et à vous, Monsieur le Maire, cher Bernard Leblanc, qui avez si bien organisé notre rencontre dans ce site prestigieux, magnifique du monument Lefebvre qui symbolise l'odyssée du peuple acadien.

En témoignage de notre fraternité. Le mot est peut-être utilisé aujourd'hui et ici avec toute la force de son sens - vous m'avez remis, Monsieur le Président, la médaille Léger Comeau qui est la plus haute distinction acadienne. Je suis sensible à cette marque d'amitié. Elle m'honore mais, surtout, je voudrais vous dire qu'elle me fait infiniment plaisir.

Aujourd'hui, en vous voyant tous rassemblés, en vous écoutant, je mesure la force et la vitalité du sentiment acadien que tous les Français connaissent, notamment grâce à vos grands écrivains. Je mesure le profond attachement des vôtres au souvenir de ces Français, vos ancêtres, qui prirent pied à l'île Sainte-Croix et à Port-Royal. Je mesure le chemin immense parcouru par votre peuple depuis les épreuves tragiques qui trempèrent au fil des siècles si fortement son caractère. Oui, je mesure ici l'intensité du lien qui unit l'Acadie et la France. Cette France qui vous a soutenus, probablement pas assez, mais souvent avec coeur, quand vous avez voulu vous faire enfin reconnaître.

Tout a vraiment recommencé entre l'Acadie et la France lorsqu'il y a trente et un ans, certains d'entre vous s'en souviennent particulièrement, vos représentants quatre je crois, ont été invités à rencontrer le général de Gaulle à Paris. Cette visite a marqué un moment important de notre histoire commune. Je le redis, ils étaient quatre, comme les trois mousquetaires : Gilbert Finn, le père de Madame Yvette Finn qui vient de quitter la présidence de la Société nationale de l'Acadie en raison de sa nomination à la Cour provinciale, et avec lui, Adélard Savoie, Euclide Daigle et Léon Richard, récemment disparu.

C'est à partir de cette visite, de ce geste, que la coopération franco-acadienne s'est véritablement développée. Des coopérants sont venus ici. Des liens se sont noués entre universités acadiennes et françaises, celles notamment de Poitiers et d'Amiens. Les échanges scolaires se sont multipliés sous l'égide notamment de la Société nationale de l'Acadie et aussi des Amitiés acadiennes. Une entente, le " relevé de conclusions des conversations franco-acadiennes ", fut signée entre votre Société et notre ministère des Affaires étrangères.

Trois événements majeurs ont témoigné de cette nouvelle et si souhaitable vitalité du mouvement acadien : le Congrès mondial de Moncton en 1994, le Congrès mondial de Louisiane qui a pris fin il y a quelques jours et aujourd'hui le Sommet de la francophonie, ici, au Nouveau-Brunswick.

Vous avez eu raison, Madame le Chancelier, de souligner que l'Acadie avec le Québec et le Canada français dans son ensemble sont aujourd'hui des acteurs à part entière de la grande famille francophone. Vos relations internationales, vous les envisagez désormais sous l'angle de la réciprocité en développant, dans le cadre notamment de l'Association des anciens boursiers et boursières, l'accueil en Acadie de stagiaires français.

Et je renouvelle devant vous l'engagement de la France à vos côtés. Je réaffirme son intention de renforcer encore sa coopération culturelle, comme en témoigne la récente création d'une Alliance française à Moncton.

Parmi les projets qui vous tiennent à coeur, figure, je le sais, le développement du site historique de Grand-Pré. Une équipe de spécialistes français en histoire et en muséologie est prête à apporter tout son concours à vos experts.

Je sais aussi votre volonté de renforcer les actions de la " Fondation franco-acadienne de la jeunesse ". Et nous envisageons actuellement, ce que fait aujourd'hui le ministre français de la Jeunesse et des Sports, Mme Buffet ici présente, la participation de la France à ce projet.

Voilà, mes chers amis, les messages que je souhaitais vous adresser au nom de mon pays, au nom de la France. Une France qui, aujourd'hui, se souvient des enfants de ses enfants, par-delà le Grand Dérangement de 1755 et par-delà, il faut le dire, un trop long oubli.

En vous rendant visite, je veux vous dire tout simplement l'attachement de la France. Je veux vous dire combien tout ce que vous avez entrepris pour vous faire reconnaître, ici, au Canada, et au-delà, bien au-delà, sur la scène internationale, combien tout cela suscite notre respect, notre estime et notre admiration.

Et c'est en témoignage de cette estime que je vais avoir le plaisir de distinguer trois personnalités qui, chacune à sa manière, en protégeant le patrimoine culturel acadien, en participant au rayonnement de la culture acadienne, en contribuant à votre développement économique, ont marqué le renouveau de l'Acadie. Trois personnalités qui, en associant les origines françaises de votre communauté à son succès et à son épanouissement, ont permis de resserrer les liens entre l'Acadie et la France.

Je vais en effet avoir le privilège de remettre les insignes de chevalier de l'Ordre national du Mérite à Madame Muriel Roy, au Père Anselme Chiasson et à Monsieur Martin Légère.

Madame Muriel ROY

Vous êtes née à Moncton et vous avez toute votre vie milité en faveur de l'Acadie. Vous avez été professeur à l'université de Moncton puis directrice du Centre d'études acadiennes. Vous avez consacré votre carrière à la conservation du patrimoine historique acadien et au rayonnement de la culture acadienne au Canada et dans le monde. Vous vous êtes notamment engagée au sein du comité d'action pour la sauvegarde du monument Lefebvre, haut lieu de la mémoire acadienne.

Père Anselme CHIASSON

Vous êtes vous aussi un fils de l'Acadie, né à Chéticamp au Cap-Breton. Vous êtes depuis longtemps un ardent défenseur de la francophonie et de l'Acadie. Déjà, à Ottawa, où vous étiez en charge de la paroisse Saint-François d'Assise entre 1949 et 1957, vous militiez dans les associations franco-ontariennes en faveur du français. En 1959, vous fondez un couvent de Capucins à Moncton. Vous y créez aussi la Société historique acadienne, avec le Père Clément Cormier et Emery Le Blanc.

Vous avez été archiviste puis directeur du Centre d'études acadiennes de l'université de Moncton.

Vous n'avez cessé tout au long de ces années de mener d'importantes recherches sur l'histoire, les traditions, les chansons, les légendes acadiennes qui fondent la mémoire de votre communauté. Vos publications font autorité et ont été un élément essentiel de cette renaissance acadienne, qui a, tout à l'heure, été évoquée à juste titre et avec passion.

Monsieur Martin LÉGÈRE

Vous êtes un descendant des déportés de 1755. Ce souvenir que vous portez en vous éclaire votre parcours. Vous avez été l'un des pionniers du développement économique de l'Acadie et l'un de ses plus fidèles défenseurs à la faveur de votre brillante carrière dans le mouvement coopératif. Vous avez été notamment le fondateur et le premier directeur général de la Fédération des caisses populaires acadiennes, et vous avez présidé le Conseil canadien de la coopération trente années durant. Vos succès, votre audience dans le monde économique, vous les avez mis au service du mouvement acadien dont vous êtes l'un des plus fervents soutiens. En témoigne votre participation à de nombreuses associations au premier rang desquelles la Fondation culturelle acadienne, dont vous avez été le directeur général, et bien sûr la Société nationale de l'Acadie dont vous avez été l'un des administrateurs.

A travers vous, Madame et Messieurs, à qui je vais avoir le privilège de remettre cette haute distinction, créée par le général de Gaulle, je voudrais affirmer l'amitié, l'estime et le respect de la France à l'égard de tout un peuple qui incarne probablement mieux que beaucoup d'autres dans le monde le courage, la fidélité et l'honneur.

Vive l'Acadie,
Vive la France,
Et vive le Canada.





.
dépêches AFPD3 rss bottomD4 | Dernière version de cette page : 2006-05-09 | Ecrire au webmestre | Informations légales et éditoriales | Accessibilité