Allocution à l'occasion de la remise du Prix européen "Pro Humanitate" à Mme Georges POMPIDOU.

Allocution prononcée par M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion de la remise du Prix européen "Pro Humanitate" à Mme Georges POMPIDOU.

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Palais du Luxembourg, Paris, le vendredi 5 novembre 1999

Votre Altesse Royale,

Monsieur le Président du Sénat,

Mesdames et Messieurs,

"La Paix", "la Justice", "la Tolérance", trois idéaux, trois valeurs qui fondent et inspirent le rêve humaniste, un rêve qui est le vôtre, Madame, et qui a guidé toute votre vie.

Pour Bernadette et moi, c'est une très grande joie que de voir solennellement reconnu et récompensé ce soir, par ce prestigieux Prix européen " Pro Humanitate ", tout ce que vous apportez, depuis des années, à tant d'hommes, de femmes, d'enfants, avec talent, avec courage, avec générosité.

Votre éloge vient d'être remarquablement prononcée. Tout a été dit et -très bien dit- sur votre vie, votre parcours personnel, éclairés par vos immenses qualités de coeur. Il a évoqué le souvenir de votre époux, cette communion d'âme et d'esprit dans laquelle le Président Georges Pompidou et vous-même avez vécu. Il a salué votre dévouement au service des plus déshérités, des plus âgés, des plus seuls pour rompre leur isolement, leur apporter chaleur, écoute, soutien. Comme vous savez si bien le faire personnellement. Pour soulager leur douleur et celle de leurs proches. Pour faire revenir le sourire et l'espoir.

Permettez, Madame, à l'ami d'apporter à son tour son témoignage. Il y a quelque temps déjà que vous nous honorez, Bernadette et moi, de votre affection. Elle nous est précieuse et vous la savez réciproque.

S'agissant de vous, il est des mots qui viennent tout naturellement à l'esprit et au coeur. Sensibilité et discrétion. Noblesse. Attention permanente aux autres. Sincérité et courage. Passion. Et puis bine sûr, fidélité, qui les résume tous.

Fidélité à vos amis, si nombreux et qui savent qu'en toutes circonstances, votre sympathie, votre aide, vos conseils ne leur feront jamais défaut. Vous avez le talent de l'amitié, qui est celui du don de soi et de la confiance partagée.

Fidélité, bien sûr et surtout, à votre époux, à son souvenir.

Les Français ont profondément aimé Georges Pompidou. Ils admiraient en lui le sens de l'Etat et l'intelligence de son temps, mais ils appréciaient aussi sa simplicité, sa sagesse, sa culture, son humanité et sa proximité avec les gens.

Toutes ces vertus et toutes ces qualités, vous les évoquez avec force et pudeur dans votre livre " L'élan du coeur ". Vous faites revivre une longue complicité, fondée sur un même respect des êtres, une même sensibilité, une même liberté d'esprit, une même tolérance. Ces pages si émouvantes témoignent de ce que vous avez été ensemble.

Fidélité à vous-même, enfin, à une exigence vis-à-vis de vous-même que connaissent tous vos amis. Une exigence qui vous impose d'agir au service des autres sans ménager vos forces, comme le fit votre père. Médecin de campagne, il avait à coeur d'honorer à chaque instant son serment d'Hippocrate et d'aller au-delà, en se portant au secours de tous, en leur donnant plus que sa science : sa présence, sa chaleur, son aide.

Mais vous vous attachez à agir dans la discrétion, ne faisant que ce qui est nécessaire pour faire connaître votre Fondation et lui donner les moyens d'exister et d'oeuvrer efficacement. Vous n'aimez guère " le brui et la fureur " de la publicité. Je sais, Madame, combien votre réserve est mise, ce soir, à l'épreuve. Je sais aussi que ce Prix, vous ne l'acceptez pas pour vous mais pour les personnes âgées et en difficulté et pour les enfants marqués par le destin dont s'occupe votre Fondation. Vous l'acceptez aussi au nom de tous vos collaborateurs et des bénévoles qui se dévouent à vos côtés et qui accomplissent chaque jour un travail exemplaire.

Une exigence personnelle qui vous a toujours fait choisir le vrai et le beau, dans un combat pour l'art et pour l'audace créatrice mené, d'abord avec le Président Georges Pompidou, puis poursuivi seule.

L'art qui continue d'occuper une place immense dans votre vie. L'art qui vous a donné quelques-uns de vos plus chers amis et qui vous apporte tant de joie. L'art dans toutes ses expressions. L'art d'aujourd'hui et de toujours, pour " tenir, dites-vous, les deux bouts de la chaîne "; parce que nous devons être, pour reprendre la formule du Président Pompidou, votre époux, " des conservateurs de civilisation en même temps que des créateurs ".

Exigence personnelle, enfin, qui vous pousse à ouvrir grandes les portes du coeur. Il y a en vous une soif jamais apaisée de découvertes, de voyages, de dialogue. Un désir de connaître et de comprendre le monde. Une admiration vraie pour la richesse et la complexité de l'humanité. Et chaque jour qui passe, je le sais, vous remerciez le destin de vous avoir permis de vivre, avec Georges Pompidou, l'existence qui fut et qui demeure la vôtre, " si riche, dites-vous, en rencontres et en enseignements ".

Vous avez écrit : " Le bonheur n'est pas un état permanent ; notre existence eut ses moments de bonheur et ses épreuves ; mais les premiers l'emportent de loin ".

Oui, malgré les heures difficiles et parfois cruelles, vous pensez que la vie est une chance. Et, parce que vous êtes une âme sensible et généreuse, animée d'une haute idée de la dignité des homes et douée d'un sens aigu de la justice, vous avez voulu partager cette chance avec ceux qui n'ont pas eu d'emblée le même droit au bonheur ou qui l'ont perdu dans la souffrance de l'âge.

Madame, ce Prix européen pour l'humanité, pour la justice, la tolérance et la paix, récompense aujourd'hui une certaine idée de la vie humaine placée sous le signe de l'amour et du partage. C'est avec toute notre affection, notre admiration et notre respect que nous vous disons ce soir, comme le rappelait à l'instant le Président du Sénat : merci.





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