Discours du Président de la République lors de la séance inaugurale de l'Assemblée générale annuelle de la Banque interaméricaine de développement.

Discours de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, lors de la séance inaugurale de l'Assemblée générale annuelle de la Banque interaméricaine de développement.

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Palais des congrès, Paris, le lundi 15 mars 1999

Messieurs les Présidents de la République du Chili et de la République orientale de l’Uruguay , Chers Amis,

Monsieur le Président de la Banque Interaméricaine de Développement,

Mesdames et Messieurs les Ministres et Gouverneurs,

Mesdames et Messieurs,

La France est heureuse, très heureuse, d’accueillir l’assemblée de la Banque interaméricaine de développement. Institution prestigieuse, comme en témoignent les hautes personnalités qui nous font l’honneur de leur présence. Acteur essentiel, aussi, de la vie internationale, qui célèbre aujourd’hui ses quarante années d’existence. Quarante années de succès, au service du développement de l’Amérique latine et de la Caraïbe.


Cette institution, les pays latino-américains l’ont ardemment voulue. Et nous, Européens, y avons cru dès l’origine et en sommes devenus d’importants actionnaires.

Depuis 1959, la Banque interaméricaine de développement s’est imposée sur la scène économique et financière mondiale. Elle a su répondre à vos attentes et vous apporter les financements indispensables. Elle a compris que le développement devait se faire au profit des hommes. Elle a pleinement pris en compte la dimension sociale de la croissance. Elle a encouragé le renforcement des institutions publiques. Elle sait qu’aujourd’hui le grand défi de l’avenir, c’est l’accès des populations à l’éducation.

Pendant toutes ces années, la Banque interaméricaine de développement a su garder le même esprit novateur, la même exigence et la même capacité de réaction immédiate, chaque fois que la situation l’exige.

Oui, le développement de l’Amérique latine et de la Caraïbe, la spectaculaire émergence de tant de vos pays, la consolidation de leurs succès doivent beaucoup à la Banque interaméricaine de développement. Et à son Président, M. Enrique IGLESIAS, à qui je veux dire devant votre assemblée et, je le sais, en notre nom à tous, notre estime et notre reconnaissance.

Cher Enrique, nous nous connaissons bien. Je sais l’énergie, la conviction que vous mettez au service de ce qui est, pour vous, plus qu’une mission : un idéal humaniste. Avec vous, la Banque est en de bonnes mains.


Aujourd’hui, votre institution et les pays qu’elle soutient subissent le contrecoup de la grave crise financière, première vraie crise de la mondialisation, crise née en Asie il y a deux ans.

J’en mesure les conséquences douloureuses pour certains de vos pays et de vos peuples. Mais j’ai confiance. Et je sais que vos économies disposent désormais de fondations solides, grâce aux réformes accomplies.

A l’occasion de mes visites en Amérique latine, j’ai mesuré le renouveau et la richesse de vos démocraties, la vitalité d’une vie économique assainie et la qualité de vos programmes pour faire reculer la pauvreté. Vous avez su briser les conservatismes et moderniser vos sociétés.

Vos économies ont aujourd’hui la capacité de faire face au " gros temps ". Elles ont, pour les conduire, des hommes de conviction et de volonté. Je connais la résolution de mon ami le Président Fernando Henrique CARDOSO et j’ai confiance dans le programme économique brésilien, lui même soutenu par l’action exceptionnelle du Fonds monétaire international. Je connais la ténacité et le courage de mon ami le Président Carlos MENEM, les vôtres, cher Eduardo FREI, cher Julio Maria SANGUINETTI, comme ceux des autres dirigeants de vos pays.

Les crises éprouvent les solidarités. L’Amérique latine et la Caraïbe ont fait, depuis plusieurs années, des efforts remarquables pour renforcer leur intégration régionale. C’est la voie de l’avenir. La seule. Les difficultés actuelles ne doivent pas vous en détourner. C’est la leçon qu’en Europe nous avons, nous-mêmes, tirée des crises du passé.

Mais c’est toute la communauté internationale qui doit se mobiliser. Agissons ensemble pour que 1999 voie aboutir les nécessaires réformes du système financier international. Il ne s’agit pas, bien-sûr, de remettre en cause la mondialisation. Vous qui avez bâti votre développement sur l’ouverture au monde, vous savez que la solution ne viendra pas du repli sur soi, d’un nouveau protectionnisme dont nous serions tous les victimes. Nous n’éviterons jamais les crises mais nous pouvons les prévenir ou en limiter les effets. Pour cela, nous devons assurer une meilleure stabilité du système financier international.

La France a d’ores et déjà formulé un certain nombre de propositions. Je n’y reviens pas. Néanmoins, je souhaiterais rappeler la responsabilité qui doit être celle des acteurs privés. On ne peut pas tout attendre des institutions publiques, si éminentes soient-elles. Les Etats, les grandes institutions internationales, dont la vôtre, ne peuvent à eux seuls porter tout le poids de la résolution des crises. Les créanciers privés doivent aussi s’y impliquer.

Mais je voudrais dire également que nous ne réformerons pas le système monétaire international et nous ne renforcerons pas sa stabilité sans l’accord de tous. Voilà pourquoi la France a proposé qu’un Sommet réunisse à Paris, si possible cet automne, les chefs d’Etat et de gouvernement des pays membres du Comité intérimaire du Fonds monétaire international notamment, car cela n’exclut pas un certain nombre de pays dont le rôle est essentiel pour l’équilibre monétaire international, afin qu’ensemble, ils adoptent solennellement les réformes dont notre système a besoin.

L’Amérique latine et la Caraïbe, qui sont des acteurs-clé de l’économie mondiale, et qui sont directement concernées par ces questions, doivent y être présentes. C’est le sens même de cette initiative. Nous avons besoin de vos conseils et de votre expérience.


Mais la réponse aux difficultés actuelles doit aussi être sociale. Les crises affectent gravement les conditions de vie de millions et de millions d’hommes et de femmes, d’enfants, et elles peuvent compromettre l’avenir même de la démocratie.

Il faut lutter contre la pauvreté, pour que la mondialisation ne laisse personne au bord du chemin. Et il faut assurer une solidarité effective entre les nations.

La France est le premier donneur d’aide du G7 si l’on rapporte sa contribution à sa richesse nationale, et le second au monde, derrière le Japon, en valeur absolue. Elle participe à hauteur de 20 % à l’effort de l’Union européenne, laquelle l’Union européenne est le premier bailleur d’aide publique en Amérique latine. Elle plaide sans relâche, dans toutes les enceintes, pour l’augmentation de l’aide au développement, en direction notamment des pays les plus pauvres.

Un formidable élan de solidarité a répondu à la tragédie du cyclone Mitch. Quelques jours après son passage, j’ai pu mesurer sur place, dans les quatre pays touchés, l’immense détresse des populations sinistrées. La situation justifiait une réponse exceptionnelle. La communauté internationale a répondu à votre appel, Monsieur le Président, et a mobilisé de puissants soutiens. A côté de son aide financière immédiate, la France a annulé la totalité de ses créances d’aide publique sur les pays dévastés. Depuis, les créanciers du Club de Paris ont accordé un traitement généreux pour les trois prochaines années.

Mais au-delà de ces situations d’urgence, je souhaite qu’une solution définitive soit enfin trouvée au lancinant problème de la dette. Le Sommet du G7 de Lyon, en 1996, avait marqué d’importants progrès. Il faut aujourd’hui aller plus loin. C’est le sens des propositions formulées par la France pour le prochain Sommet du G7 à Cologne, en Allemagne. Des propositions précises, fondées sur les principes de générosité, d’équité et de responsabilité.

La générosité d’abord. Les annulations de dettes bilatérales doivent dépasser 80 % pour les pays les plus pauvres. Des solutions concessionnelles doivent être définies pour les autres pays confrontés à un endettement insoutenable. Il nous faut aussi trouver une solution au problème de la dette multilatérale pour ceux qui en ont besoin sans exclure, si nécessaire, de vendre une partie des réserves d’or du Fonds monétaire international. Je dis cela avec toutes les précautions nécessaires compte tenu de l’éminente personnalité du directeur général du Fonds monétaire, pour qui j’ai beaucoup de reconnaissance et de respect. Il me pardonnera cette ingérence dans ses affaires.

L’équité ensuite. L’ensemble des créanciers doit contribuer à cet effort exceptionnel. Sa charge ne doit pas incomber aux seuls pays qui, par le passé, ont apporté les soutiens financiers les plus importants aux économies les plus pauvres, en un mot ont été les plus généreux. Elle doit être répartie entre chaque pays à proportion de sa richesse.

Et la responsabilité, enfin. Ce geste doit intégralement servir au développement et doit avoir pour contrepartie la rigueur dans la gestion et le respect de la bonne gouvernance.


Monsieur le Président, je veux saluer l’engagement de votre institution en faveur d’un développement respectueux de l’identité et de l’âme des peuples. C’est précisément l’ordre du jour de votre quarantième assemblée. C’est aussi l’un des grands défis de l’avenir : concilier développement et culture d’origine ; réussir la mondialisation en donnant à tous les hommes et à toutes les femmes une formation, un travail, une meilleure qualité de vie, en leur permettant de garder leur langue, leurs traditions, leurs valeurs.

Rien n’est plus important que les racines, la mémoire, l’Histoire qui sont les repères intimes de chaque homme, qui construisent son être profond. Le danger, à l’heure de la mondialisation, c’est l’uniformisation, une seule langue, une seule culture, un seul et même mode de vie s’imposant partout. Depuis toujours, l’humanité s’enrichit par le dialogue entre les peuples, la rencontre des différences, le métissage des sensibilités ! Il faut que les dynamismes culturels de nos deux continents s’unissent pour assurer la diversité du monde de demain !

La France encourage aussi, et nous en avons souvent parlé, Monsieur le Président, la reconnaissance des peuples premiers, afin que l’avenir ne signifie pas pour eux l’extinction de modes de vie ancestraux, la mort de civilisations millénaires, la perte d’un inestimable héritage culturel et humain dont notre monde a toujours besoin. C’est pourquoi, la France apporte un soutien substantiel au fonds de votre Banque en faveur des peuples premiers.


Toutes ces questions seront naturellement au coeur de notre grand Sommet de Rio. Pour la première fois dans l’Histoire, et à l’initiative de la France, les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Amérique latine, de la Caraïbe et de l’Union européenne vont se réunir en juin prochain.

Ils vont donner une impulsion nouvelle et ambitieuse à la relation ancienne et forte qui unit nos pays. Ils vont bâtir un grand partenariat économique, politique et culturel pour le XXIe siècle, en rapprochant nos grands ensembles régionaux qui s’affirment comme des pôles de paix, de démocratie, de stabilité et de progrès.

Dans le domaine économique, l’Union européenne est déjà le premier partenaire commercial, le premier investisseur et le premier donneur d’aide de l’Amérique du Sud. Et cette situation va encore se renforcer. Nous devons en tirer toutes les conséquences pour les accords qui lient nos deux ensembles.

Nos banques, nos entreprises sont de plus en plus nombreuses à s’installer chez vous. Les investissements croisés se multiplient. D’où l’importance des organismes de soutien à l’investissement privé. A cet égard, je me félicite de la décision de la Banque d’accroître ses cofinancements avec le secteur privé et de la décision des actionnaires de renforcer le capital de la Société interaméricaine d’investissements.

Cette solidarité, cette proximité, la Banque interaméricaine de développement en est un maillon essentiel. Et votre présence à Paris aujourd’hui, pour le quarantième anniversaire de votre institution, illustre avec force notre volonté commune d’entrer ensemble dans le prochain millénaire.

Monsieur le Président, au moment où vous ouvrez vos travaux, je veux vous renouveler la confiance et la gratitude de la France pour tout ce que vous-même et l’ensemble de vos collaborateurs faites pour le développement de l’Amérique latine et de la Caraïbe, et pour le resserrement des liens fraternels qui unissent nos peuples.

Et à tous ceux, Ministres, Gouverneurs et Délégués, qui participent à cette Assemblée générale, j’adresse mes voeux chaleureux de plein succès et aussi la plus cordiale des bienvenues !

Je vous remercie.





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