Allocution du Président de la République à l'occasion du dîner d'État offert par le Président de Guinée.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion du dîner d'État offert en son honneur par le général Lansana CONTÉ, Président de la République de Guinée.

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Conakry, Guinée, le mercredi 21 juillet 1999

Monsieur le Président, Cher Ami,

Madame,

Mesdames et Messieurs,

Mes chers Amis,

Me voici, ce soir, votre invité et celui du peuple guinéen que je rencontre pour la première fois. Les hasards de l'histoire ont fait que je n'avais jamais eu le privilège de venir dans votre beau pays et je ressens, aujourd'hui, une joie particulière d'être en Guinée et d'y être votre hôte.

Votre accueil, celui, si chaleureux, de vos compatriotes, cet après-midi, m'ont touché. Ma délégation et moi-même y voyons la marque de l'amitié vraie qui unit la Guinée et la France. Merci à vous, Monsieur le Président, qui avez suscité ce moment précieux où cette amitié peut s'exprimer en des mots simples.

De Conakry, c'est toute la Guinée que je veux saluer. La Guinée, riche de sa diversité, au carrefour des civilisations et des hommes. La Guinée où se rejoignaient dans le passé ces grands empires africains qui lui léguèrent son caractère national, son courage, sa fierté, sa force d'âme. La Guinée dont nous, Français, nous sentons proches, car, longtemps, l'Histoire nous associa. Et si les circonstances nous éloignèrent un trop long moment, nous sûmes trouver, avec vous, Monsieur le Président, les voies de l'entente et de la coopération et ceci, bien sûr, dans le respect de nos identités.

La Guinée avec laquelle nous partageons le même souci du développement, la même volonté, que vous affirmiez tout à l'heure, de voir la paix l'emporter sur la violence. Je souhaite, Monsieur le Président, que ma visite chez vous soit l'occasion d'aller plus loin ensemble.

Ensemble, travaillons à la paix. La paix qui, pour tant de femmes, d'hommes et tant d'enfants dans le monde, demeure un rêve inaccessible. La paix qui doit être l'ardente obligation des nations. Notre siècle, qui s'achève, a été un siècle de fantastiques progrès. Mais il fut aussi celui de la barbarie. Nous, Européens, en avons souffert sur notre sol. Aussi sommes-nous bien décidés à poursuivre l'union de nos peuples pour installer définitivement la paix, la tolérance, la démocratie sur notre continent. En Afrique, trop nombreux sont encore les Etats, - vous les évoquiez tout à l'heure, Monsieur le Président -, où la paix reste à construire ou à consolider. Trop nombreuses sont les régions où des conflits sanglants détruisent, ruinent et créent le chaos.

La paix civile ne s'improvise pas. Elle n'est pas le fruit du hasard. Elle procède, vous le disiez tout à l'heure lors de nos entretiens, Monsieur le Président, d'une volonté politique et de l'adhésion de tous.

C'est dans cette voie, Monsieur le Président, que s'est engagé votre pays et le peuple guinéen y a marqué son soutien. Sous votre autorité, la Guinée, confrontée aux secousses de l'insubordination, a su faire preuve de fermeté en même temps que de compréhension et de clémence. Vos compatriotes ont privilégié l'essentiel : la cohésion et l'unité nationales. Ils ont su taire leurs intérêts particuliers, ils ont su surmonter les clivages ancestraux, dépasser les affrontements partisans. C'est fort de cet esprit civique qu'ils ont pu librement exprimer leur choix lors des scrutins qui, peu à peu, enracinent la démocratie de votre grand pays.

Cette sagesse, hélas, ne s'est pas imposée partout. Ailleurs, des Etats se sont abîmés dans des luttes fratricides et absurdes. La conséquence de ces affrontements, qui répandent la désolation et la ruine, ce sont ces colonnes de femmes, d'hommes et d'enfants fuyant les massacres, les amputations et leurs foyers dévastés. On le voit dans la région des Grands Lacs. On le voit à vos frontières, où la situation du Sierra Leone, après celle du Liberia, aujourd'hui apaisée, a fait arriver sur votre sol, vous l'évoquiez à l'instant, une multitude de réfugiés que vous avez accueillis avec une générosité que la Communauté internationale a salué. La France s'est associée à votre effort de solidarité pour ne pas laisser tant de dénuement à la seule charge de votre pays.

Mais au-delà de l'urgence, la question prioritaire est, pour les gouvernements, celle de la prévention et du traitement des crises. Elle fut au coeur de nos travaux lors de la XXe Conférence des chefs d'Etat d'Afrique et de France qui s'est tenue à Paris en novembre dernier. Ensemble, nous y avons réaffirmé les principes fondateurs de la paix, dans la nation et entre les nations.

C'est d'abord la bonne gestion des affaires publiques, celle qui respecte les droits des citoyens, prend en compte la justice sociale, assume convenablement les missions essentielles dévolues à l'Etat -la sécurité, l'éducation, la santé-, celle qui donne sa chance à chacun et permet au pays tout entier d'avancer dans la voie du progrès. En Afrique comme partout, l'esprit de révolte, l'agitation et les troubles se nourrissent du sentiment d'injustice, de l'incurie des services publics, de l'appropriation malsaine de la richesse nationale.

Mais il faut autre chose de plus profond encore. Aucune organisation sociale, aucun Etat ne peut tenir sans le respect des règles qui le fondent. C'est la question de la légitimité du pouvoir. Et c'est pourquoi nous condamnons, sans ambiguïté, les coups d'Etat aussi bien que la violation des engagements souscrits. Nous les condamnons pour leur recours inadmissible à la force, souvent à la violence, pour s'emparer du pouvoir ou le garder, au mépris des attentes des citoyens. Nous les condamnons aussi parce que, loin de constituer une solution aux difficultés qu'ils prétendent résoudre, ils bouleversent des pactes fondateurs, installent pour longtemps la méfiance, et entretiennent, en définitive, l'instabilité et le désordre.

On comprendra que, dans de telles conditions, la France puisse revoir ses actions de coopération publique. Sans esprit d'ingérence, sans préconiser une voie plutôt qu'une autre, sans privilégier tel camp, tel parti, tel interlocuteur dans un débat qui n'est pas le sien, mais simplement parce que cette coopération procédait d'une vision commune qui n'existe plus.

Enfin, nous en appelons aux solidarités régionales pour que s'instaure un mécanisme de prévention et de règlement des crises. Comment ne pas voir, du fait des déplacements massifs de populations, du fait aussi du développement des trafics de toutes sortes et notamment d'armes, les risques encourus par les Etats limitrophes des zones de conflits ? Vous voyez à quel point il y a convergence de vues entre la pensée du Président CONTE et la mienne.

Aussi, nous comprenons et saluons toute l'attention portée par la Guinée aux événements qui touchent ses voisins. Nous comprenons qu'elle cherche à s'en prémunir, notamment en soutenant ou en aidant au rétablissement de la légitimité constitutionnelle.

Mais nous savons aussi que la résolution des crises trouve sa pleine dimension dans une solution régionale relayée au plan international. En participant activement aux mécanismes de prévention mis sur pied par la CEDEAO, la Guinée privilégie à juste titre les initiatives régionales. La France, pour sa part, les soutient, dans le cadre notamment de son programme RECAMP de renforcement des capacités africaines de maintien de la paix.

Sans doute, la réponse aux crises ne peut être seulement africaine, comme l'a souligné le Secrétaire général de l'ONU. Il faut en traiter les causes profondes. Parmi celles-ci, la grande fragilité économique et sociale de nombreux pays. C'est la responsabilité de la communauté des nations que de les aider, lorsqu'ils en ont la volonté, à surmonter les obstacles, à obtenir le supplément de croissance nécessaire alors même que les moyens nationaux demeurent insuffisants pour des raisons que l'Histoire explique.

C'est la raison de l'engagement de la France en faveur de l'aide publique au développement, comme l'inauguration du barrage de Garafiri à laquelle nous procéderons demain nous donnera l'occasion de le redire. Bien sûr, le commerce international permet l'intégration aux grands courants d'échanges et la création de richesses. Mais il faut d'abord poser le socle de la croissance, et le poser solidement. Aussi croyons-nous à la nécessité de l'aide publique, pour accompagner les efforts de redressement, pour renforcer les infrastructures, pour soutenir le développement social et la lutte contre la pauvreté. Aussi croyons-nous qu'il est temps enfin de lever la douloureuse et lancinante hypothèque de la dette dont la charge pèse si lourdement sur les pays les plus démunis et compromet les efforts si durement consentis. Et nous nous réjouissons qu'à l'initiative, notamment, de la France, le Sommet du G7, qui s'est réuni il y a quelques semaines à Cologne, ait annoncé un allégement sans précédent de la dette bilatérale et multilatérale et l'élargissement du nombre des pays qui pourront en bénéficier.

Oui, fidèle à ses amitiés, notamment en Afrique, et attachée à l'émergence d'un monde plus solidaire, où chacun ait sa chance, la France continuera d'accompagner les pays qui font le choix du développement, de la démocratie et du progrès. Elle le fera dans un cadre rénové, celui d'un partenariat qui prend en compte les aspirations de l'autre, ses intérêts et ses convictions. Elle le fera en définissant de nouvelles priorités : le renforcement de l'Etat de droit et des capacités de gestion, l'amélioration des conditions d'existence, l'essor de l'initiative privée.

Et c'est d'ailleurs ainsi, Monsieur le Président, que Guinéens et Français se sont mis au travail. Nous enregistrons déjà des résultats prometteurs. Ce sont nos efforts conjoints pour rénover le cadre institutionnel de la Guinée, en particulier dans les secteurs de la décentralisation, de la sécurité, de la justice. La justice qui fonde l'image d'un pays, la perception des opérateurs internationaux, leur confiance et leur désir de s'engager sur le terrain. C'est la réponse que nous apportons ensemble aux demandes des populations, urbaines et rurales, en matière d'eau, d'équipements, de transports, d'énergie. C'est notre coopération culturelle qui va prendre plus d'ampleur encore avec le nouveau centre franco-guinéen.

Sachez enfin que les investisseurs et les entrepreneurs français se tiennent à votre disposition pour poursuivre avec vous, si vous le souhaitez, le développement économique de la Guinée. Les atouts sont immenses, ceux de l'agriculture et de l'élevage ; ceux aussi du sous-sol, avec les perspectives industrielles qu'ils ouvrent ; ceux encore de la géographie, qui assurent à la Guinée une position privilégiée favorable à l'ouverture régionale. Et ceux bien sûr du relief et du climat qui vont permettre à la Guinée de développer son formidable potentiel énergétique. Monsieur le Président, nous avons soutenu votre volonté d'avoir un grand barrage à Garafiri et nous sommes heureux de l'avoir réalisé avec vous, contre vents et marées. Je me réjouis que nous l'inaugurions ensemble demain. Puisse-t-il permettre à la Guinée d'asseoir sa croissance. Puisse-t-il être suivi d'autres grands projets que nous mènerons ensemble, au service de la Guinée, de son développement et de son peuple.

A mon tour, Monsieur le Président, je voudrais lever mon verre. Je le lève en l'honneur et à la santé de son Excellence le Général LANSANA CONTE, Président de la République de Guinée. Je le lève en l'honneur des hautes personnalités qui nous font l'amitié de nous entourer ce soir et tout particulièrement en l'honneur de la première dame. Je le lève en l'honneur du peuple guinéen, auquel je souhaite, de tout coeur, bonheur et prospérité. Je le lève, Monsieur le Président et cher Ami, à l'amitié entre nos deux peuples.

Vive la Guinée !

Vive la France !

Et que vive l'amitié entre la Guinée et la France !





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