Allocution du Président de la République à l'occasion de la réception de la communauté française à Lomé, Togo.

Allocution prononcée par M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion de la réception de la communauté française du Togo.

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Lomé, Togo, le jeudi 22 juillet 1999

Mesdames, Messieurs,

Mes Chers compatriotes,

Je voudrais tout d’abord, au nom de la France, des Français, au nom du Gouvernement, en mon nom personnel bien sûr, vous saluer et ce n’est pas une simple formule de politesse légitime. C’est l’expression d’un sentiment de reconnaissance, d’estime et d’amitié que je porte à tous nos compatriotes qui sont installés à l’étranger où ils font rayonner notre pays, en particulier, aujourd’hui, celles et ceux qui sont au Togo, qu’il s’agisse de nos compatriotes installés depuis longtemps ou en mission temporaire, qu’il s’agisse des binationaux, également nombreux, bref, toute cette communauté française de près de 3 000 personnes qui représente la France au Togo.

Je voudrais saluer les entrepreneurs, les coopérants, ceux qui travaillent à un titre ou à un autre, la société civile, religieuse, nos militaires bien entendu, et toutes celles et tous ceux qui travaillent.

Je le fais en mon nom personnel, je vous l’ai dit, mais aussi au nom de ceux qui m’accompagnent, ceux qui sont présents et ceux qui sont en train d’arriver, le ministre Charles JOSSELIN, ministre de la Coopération et de la Francophonie, également les parlementaires qui sont sur la route et vont arriver, le sénateur Jacques LEGENDRE et le député Kofi YAMGNANE, qui sont présidents du groupe d’amitié entre la France et le Togo, l’un pour le Sénat et l’autre pour l’Assemblée nationale.

Je voudrais également exprimer toute ma reconnaissance à notre chargé d’affaires, Monsieur Philippe SEIGNEURIN, qui a fait un travail exceptionnel pour préparer ce voyage. C’est toujours une affaire difficile, délicate, que de préparer des voyages de cette nature. Il l’a assumée avec beaucoup de discernement et d’intelligence. Je voudrais lui exprimer ma reconnaissance. Je voudrais qu’il partage cette reconnaissance avec son épouse, grâce à laquelle cette réception, notamment, est ce soir organisée.

Je n’ai pas besoin de vous redire, vous le savez tous, que la France est profondément attachée aux pays africains. Elle a voulu aujourd’hui par ce voyage délivrer une fois de plus un message d’amitié, un message de solidarité au peuple togolais.

Le Togo connaît un certain nombre de difficultés. Il les assume. Il nous appartient de lui tendre la main pour l’aider à les assumer mieux encore. C’est dans cet esprit que je voudrais saluer l’action menée par les facilitateurs pour sortir des difficultés politiques qui existent aujourd’hui et dont je ne doute pas que, grâce aux facilitateurs, elles seront effacées. Parmi eux, chacun comprendra que je salue la présence de Bernard STASI, le médiateur de la République française, et qui assume la responsabilité de facilitateur, l’un des quatre facilitateurs pour notre pays, représentant la France.

Je suis persuadé que cette mission qui est en cours et qui se terminera prochainement sera couronnée de succès. J’en ai le sentiment, j’en ai l’intuition et j’en ai surtout le vif désir, car la paix civile est une nécessité dans un pays qui doit faire face aux exigences du développement, aux exigences de l’enracinement de la démocratie. Cette paix civile, j’espère qu’elle sortira des dialogues conduits et imaginés par nos facilitateurs.

Je voulais également, à l’occasion de ce voyage, rendre hommage à l’action du Togo, à l’action du Président EYADEMA sur le plan de la paix. Parmi les difficultés auxquelles l’Afrique est confrontée, il y a cette propension, dans trop de régions, de sous-régions, de pays africains, à se déchirer, à se combattre. Certes, l’Histoire peut l’expliquer, mais il est évident qu’il s’agit là d’un handicap très lourd, aux conséquences désastreuses, inacceptables, dramatiques. Tout doit être fait pour petit à petit conduire ces pays à une situation de paix, de dialogue, de compréhension mutuelle, d’amitié qui est d’ailleurs dans la nature de l’Afrique, mais qui est déchirée trop souvent en ce moment.

Cette action, cette action de paix, le Togo l’a conduite de façon exemplaire. Le Président EYADEMA, en sa qualité de Président de la CEDEAO, n’a pas limité ses efforts. Qu’il s’agisse de la Guinée-Bissau, où, hélas, ils n’ont pas été couronnés de succès, puisque les accords qui avaient été conclus ont été brutalement rompus par l’initiative inacceptable et inadmissible d’un coup militaire. Qu’il s’agisse de la Sierra Leone, où le drame est également très grand, où, grâce au Président togolais, un accord de paix a pu être conclu. Certes faut-il qu’il soit pérenne. Mais on peut espérer. En tous les cas, un grand pas a été fait vers la fin d’une situation désastreuse et vers l’implantation de la paix. Nous devons lui en être reconnaissants, comme l’ont exprimé très clairement et tout récemment publiquement, à la fois le Président des Etats-Unis, l’Union européenne et le Premier ministre britannique. Je m’associe pleinement, naturellement, à ces félicitations exprimées à l’égard du Togo et de son Président. Nous devons poursuivre, bien sûr, dans cette direction. C’est aussi le message que je suis venu porter.

Nos parlementaires, que je saluais tout à l’heure et dont je vous avais dit qu’ils arrivaient, sont maintenant présents : les présidents des groupes d’amitié entre le Sénat et l’Assemblée d’une part et le Togo d’autre part, Monsieur LEGENDRE et Monsieur Kofi YAMGNANE.

Le dernier point qui était au coeur du message que je voulais porter et des entretiens que j’ai eus avec le Président, concerne la nécessité, certes, d’une approche nouvelle et adaptée de la relation entre la France ou l’Europe et l’Afrique, mais aussi la nécessité de prendre conscience du caractère normal, inévitable, de l’aide au développement que la communauté internationale doit à une Afrique que, dans l’Histoire, par ailleurs, elle a beaucoup traumatisée. Alors ne revenons pas sur l’Histoire, mais assumons, en tous les cas, le présent. Certaines idées sont développées de nos jours, notamment par nos amis anglo-saxons, selon lesquels la richesse, le développement doivent être recherchés dans le commerce et donc dans l’abolition de toutes les contraintes, de toutes les entraves qui peuvent limiter le commerce. Là, réside la source de développement. Ces thèmes sont évidemment justes et je n’ai pas l’intention, naturellement, de les critiquer, même s’ils impliquent des forces qui doivent être maîtrisées si l’on ne veut pas qu’elles s’exercent au détriment des plus pauvres et au seul profit des plus riches.

Mais, en revanche, il est évident que ce principe exprimé par cette fameuse expression " trade not aid " est un principe qui ne peut pas être accepté. Parce qu’il n’y a pas de développement possible du commerce sans développement de l’économie et qu’il n’y a pas de développement de l’économie sans un minimum d’infrastructures et de règlement des problèmes sociaux. Un Etat qui n’a pas les moyens d’assumer les infrastructures nécessaires dans tous les domaines et qui n’a pas les moyens de gérer les exigences sociales minimum de sa population en termes d’éducation, de santé ou tout autre, est un Etat qui ne peut pas accéder au développement économique quelles que soient les règles qui président en matière de commerce. Et donc, l’aide publique au développement reste l’élément essentiel d’une solidarité qui s’est toujours exprimée depuis qu’il y a des hommes et qu’ils ont des rapports entre eux. Qu’elle se soit exprimée au niveau de la famille, du village, au niveau du pays, de la nation ou sur le plan international.

La France, de ce point de vue, fait un effort important, vous le savez. Nous sommes en matière d’aide publique, le deuxième pays du monde après le Japon et avant les Etats-Unis, en valeur absolue. Nous devons être en permanence, et nous sommes en permanence, les porteurs d’une idée de solidarité, d’un idéal de solidarité. C’est ce pour quoi nous nous battons en permanence, dans toutes les enceintes internationales, et notamment au niveau de l’Union européenne. Nous le faisons actuellement pour la modification des accords de Lomé, le nouvel accord qui va se substituer ou qui va prolonger les accords de Lomé. Nous le faisons au niveau des pays les plus riches, dans les délibérations du G7, pour à la fois maintenir l’aide au développement et pratiquer une politique de réduction ou d’annulation des dettes pesant notamment sur les pays les plus endettés et les plus pauvres, où cette dette s’exprime comme un boulet qui les tire vers le bas et qui leur enlève toute espèce de chance de relever les défis économiques et sociaux du monde moderne.

La France a donc dans ce domaine une grande responsabilité, une vocation, je dirais une vocation historique. On dit toujours que la France est le pays des Droits de l’homme, c’est vrai, nous ne sommes pas les seuls, naturellement, et nous sommes, à cet égard, porteurs d’un idéal. Mais parmi ces droits, s’il y a, à l’évidence, les droits politiques et qui doivent être respectés chaque jour davantage et sur toutes les terres et de tous les horizons, il y a aussi les droits économiques, les droits sociaux, le droit d’être soigné, le droit de manger, le droit de pouvoir circuler, travailler et pour cela les chances sont terriblement inégales. Et pour dire la vérité, on n’a pas le sentiment que la situation s’améliore, bien au contraire. Le dernier rapport du PNUD est à cet égard accablant. Il a été publié il y a quelques jours, à l’ONU. Il est accablant et il marque bien que nous sommes dans un temps où les pays riches s’enrichissent et où les pays pauvres s’appauvrissent. Et, je le répète, seule une conscience claire de ce qu’exige la solidarité, et qui doit s’exprimer en termes d’aide publique au développement, permettra de rétablir ce qu’exigent la morale et la solidarité.

C’est aussi ce message que je voulais porter, au nom de la France, aux Africains en général, et à nos amis togolais en particulier.

Voilà quelques idées qui ont été au coeur de mes entretiens avec le Président EYADEMA. Naturellement, j’ai eu l’occasion d’évoquer avec lui certains problèmes particuliers qui touchent plus spécialement les entreprises françaises ou les Français installés ici. Je sais aussi quels sont les problèmes qui sont les leurs et qui sont de la responsabilité du gouvernement, qui en a parfaitement conscience. Et c’est l’un des points qu’examine le ministre de la Coopération, avec vos représentants comme avec les autorités de ce pays.

Au total, je voudrais, simplement, en terminant par ce que j’ai commencé, vous redire qu’ici, en Afrique, peut-être plus qu’ailleurs, et notamment ici au Togo, il y a une vieille et profonde estime et amitié réciproques. Il y a dans votre action quelque chose d’essentiel. Alors je voudrais vous dire à la fois ma reconnaissance, mon estime et mon amitié.

Je vous remercie.





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