Allocution du Président de la République pour l'inauguration du barrage de Garafiri, Guinée.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, pour l'inauguration du barrage de Garafiri en Guinée.

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Garafiri, Guinée, le jeudi 22 juillet 1999

Monsieur le Président et cher Ami,

Mesdames et Messieurs les Ministres,

Messieurs les Ambassadeurs,

Mesdames et Messieurs,

Mes chers Amis,

Je me souviens, Monsieur le Président, d’un de nos premiers entretiens. C’était à Dakar, quelques jours seulement après ma prise de fonctions. Vous m’aviez alors représenté tout l’enjeu du barrage de Garafiri pour l’avenir de la Guinée. Je suis heureux que nous nous retrouvions pour inaugurer ensemble cette magnifique réalisation, à laquelle mon pays est fier d’avoir participé. Fier d’avoir partagé avec vous cette grande aventure pour mettre en valeur votre immense potentiel et créer les conditions de l’accélération de votre développement économique, ce qui est bien, Monsieur le Président, je le sais, votre objectif. Désireuse de montrer que, loin de se désengager en Afrique, la France continue à soutenir activement, par des concours publics d’importance, les équipements nécessaires qui conditionnent la croissance économique et l’amélioration des conditions de vie des populations, la France continuera à soutenir, dans toutes les organisations internationales, ce projet.

Permettez-moi de vous dire combien je suis sensible au geste amical et hospitalier qui a été fait pour ce qui concerne le nom de la cité qui jouxte ce site. Je voudrais remercier l’ensemble des travailleurs et des responsables de ce grand et beau projet pour cette réalisation, monsieur le chef du projet.

Comment ne pas avoir, pour la Guinée, la vision d’une économie forte, prospère, active au plan régional et ouverte sur le monde ? Elle en a les ressources. Celles, abondantes et variées, de son sous-sol. Celles de l’agriculture, avec des terres fertiles, un climat favorable. Mais le développement de ces immenses richesses naturelles nécessitait une importante production énergétique pour alimenter les machines et les usines. Une production enfin libérée des aléas climatiques comme ceux qui ont entraîné la crise sévère survenue dans la région.

Je salue, Monsieur le Président, votre volonté constante et opiniâtre pour assurer la régularité, la quantité, l’indépendance de votre approvisionnement en électricité.

Depuis longtemps, les regards se portent vers le massif du Fouta Djalon, immense réservoir naturel de la Guinée humide, d’où s’échappent les masses d’eaux qui formeront les grands fleuves de l’Afrique de l’Ouest, le Sénégal, le Niger et, ici, le Konkouré.

Et c’est à Garafiri qu’en 1986 prend corps le projet d’un grand barrage. Ce dessein, qui vous tient à coeur, vous le portez, vous le défendez pendant des années avec la détermination que l’on vous connaît. Et vous savez convaincre. Vous emportez alors l’appui d’importants partenaires bilatéraux et multilatéraux qui, sous votre impulsion, finissent par croire au succès de l’entreprise. Le temps d’étudier la faisabilité du projet, d’en bien peser les promesses au regard du lourd investissement qu’il représente - plus d’un milliard de francs français -, de dépasser des résistances, et dix ans plus tard, ce qui est une période courte pour un projet de cette importance, les premiers coups de pioche sont donnés.

Je me félicite que la France, à travers l’Agence française de développement, soit engagée à hauteur de 300 millions de francs français. Un autre partenaire, le Canada, ainsi que des institutions financières - la Banque islamique de développement, le Fonds saoudien et le Fonds koweitien pour le développement, la Banque arabe pour le développement des Etats africains, et aussi la Banque européenne d’investissement- vous ont rejoints. Et je voudrais particulièrement souligner le geste de solidarité de l’ensemble des fonds arabes et musulmans pour les grands projets qui intéressent l’Afrique de demain. Toutes ces contributions s’ajoutant à un effort financier sans précédent de l’Etat guinéen et du peuple de Guinée.

Le résultat est là, sous nos yeux, impressionnant. C’est sans doute l’un des plus grands chantiers africains de cette fin de siècle. Et les retombées pour votre économie seront à la dimension de l’ouvrage, composé d’une levée en terre de 75 mètres de haut sur une longueur de 725 mètres, et d’une retenue de plus d’un milliard de mètres cube formant un lac immense de près de 100 km2.

Après la mise en service, dans quelques mois, de la centrale électrique de Garafiri, puis, en aval, de celle de Kaléta, la Guinée disposera d’une capacité supplémentaire de 155 mégawatts, doublant ainsi sa production énergétique et s’ouvrant de nouvelles perspectives d’industrialisation et de développement, des perspectives qu’attendaient les investisseurs internationaux.

Je salue tous ceux qui ont permis à ce grand projet d’aboutir, et notamment les entreprises françaises et étrangères, qui ont montré ici leur savoir-faire avec leurs collègues guinéens.

Nous le voyons, et Garafiri en offre l’exemple éclatant, la Guinée prend part au grand mouvement de rénovation et de modernisation qui se manifeste désormais sur le continent africain. Ici l’on dessine le nouveau visage de l’Afrique, l’Afrique du changement, l’Afrique de l’espoir, loin des images de confusion et de désordre, de violence qui sont une réalité mais qui ne sont pas la vraie réalité africaine. L’Afrique responsable, avec une gestion saine, cette Afrique qui saura, demain, assurer la couverture financière des investissements, sans sacrifier d’autres besoins.

Je n’ignore pas, Monsieur le Président, cher ami, le prix de cet engagement, quand votre pays doit répondre aussi aux besoins des populations et relever tant de défis : celui de l’emploi, de la lutte contre la pauvreté, de la scolarisation d’une jeunesse nombreuse et ardente, de l’amélioration des conditions d’existence dans les campagnes et dans les villes. Je n’ignore pas non plus dans quel environnement évolue votre économie. Vous devez affronter les aléas climatiques, composer avec l’instabilité des cours des matières premières, faire face aux troubles, hélas ! douloureux dans la région, accueillir de nombreux réfugiés. Ce que vous faites avec générosité mais qui coûte cher à votre pays. Tout cela vient bouleverser les prévisions et fragiliser vos succès.

C’est pourquoi la France, je vous le dis ici à nouveau, ne relâchera pas son effort en faveur d’un continent en l’avenir duquel elle croit profondément.

Elle lui manifeste sa solidarité et son intérêt, par fidélité à des pays qui lui sont proches, en s’ouvrant aussi à d’autres pays qui en expriment le souhait. Elle le fait dans un cadre de relations rénové, placé sous le signe du partenariat, d’un accord sur une vision commune des objectifs et des moyens de la coopération que nous souhaitons développer dans l’intérêt de chacun des partenaires et dans une coopération euro-africaine à laquelle nous souhaitons donner une nouvelle impulsion.

Car nous croyons à la nécessité de maintenir une aide publique substantielle pour soutenir les pays qui se réforment, qui se modernisent, pour consolider les acquis de la démocratie et du développement, les préserver des crises qui, malheureusement, les affectent trop souvent.

Et c’est le sens de l’action que nous menons en Europe et dans toutes les enceintes internationales et qui est une priorité de notre politique étrangère. Ainsi, nous n’avons cessé de militer, lors des réunions du G8 comme au sein de l’Union européenne, pour la reconstitution des fonds d’aide au développement, convaincus que nous sommes que le commerce ne pourra libérer tout son potentiel de richesse que dans la mesure où les moyens du développement, des infrastructures et de la solution des problèmes sociaux auront, préalablement, au titre de la solidarité internationale, été donnés aux pays qui en ont besoin.

Ainsi, nous n’avons de cesse de chercher avec nos partenaires des solutions au douloureux et lancinant problème de la dette. Après les annulations bilatérales de Dakar, la France a obtenu un accord, au sommet de Lyon, pour porter à 80 % les annulations par le Club de Paris au profit des pays pauvres très endettés. Le mois dernier, lors du Sommet du G8 à Cologne, la France s’est battue, et avec succès, pour une remise de la dette aux pays les plus pauvres sous condition,naturellement, de bonne gestion.

L’Afrique a tourné résolument le dos aux schémas et aux idéologies qui ont montré leurs dangers et leurs limites. L’Afrique fait maintenant confiance à l’initiative au commerce. Les Etats ne créent pas la richesse, ils en jettent et en gèrent les bases. Ils créent, par la loi et le règlement, par le fonctionnement de la justice, les conditions de la réussite, de l’installation des entreprises, de l’épanouissement de l’activité. La richesse, elle vient des hommes qui investissent, qui travaillent, qui produisent et vendent. Elle vient de leur esprit d’initiative, du goût du risque et naturellement de la récompense qui l’accompagne.

Partout, le secteur public passe la main, hors les missions essentielles de l’Etat, bien sûr. Et le secteur privé est prêt à prendre la relève, à s’engager pour valoriser les ressources locales, créer les emplois, accroître les échanges, développer les services qui deviennent des moteurs de la croissance moderne.

C’est bien là l’état d’esprit des investisseurs français. Beaucoup sont déjà présents, ici ; ils respectent et ils aiment ce pays. Naturellement, il revient à chaque Etat d’édicter les lois qui lui conviennent, d’apprécier où se situent ses intérêts nationaux, et de remplir son rôle de régulateur dans un monde désormais ouvert et soumis à la concurrence. C’est le devoir de tous les opérateurs, nationaux et étrangers, de s’y conformer. Mais rien n’est plus préjudiciable à cet enrichissement par l’apport de capitaux externes que des incertitudes sur les normes de droit et des doutes sur leur application. Nous en avons longuement parlé, le Président et moi-même, lors de nos entretiens d’hier et d’aujourd’hui.

La Guinée a pris des mesures. Elle est incontestablement sur la bonne voie, avec, par exemple, la mise en place d’un code des investissements qui assure la prévisibilité indispensable, avec l’adhésion au Traité pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, qui reste à ratifier, mais qui, je crois, a l’accord du Président et des autorités guinéennes, avec la lutte contre la corruption et la fraude qui est le mal commun de tous nos continents. De leur côté, les organisations professionnelles représentatives se sont réorganisées et ont engagé un dialogue plus suivi avec les pouvoirs publics.

Tout cela, Monsieur le Président, mon cher ami, doit inspirer la confiance au monde d’aujourd’hui, la confiance dans votre pays, qui fait un grand effort et qui en témoigne aujourd’hui même. Un pays qui veut amorcer et qui peut amorcer une nouvelle dynamique. Ce magnifique ouvrage de Garafiri en porte le témoignage. Puisse-t-il vous apporter, Monsieur le Président, à vous et à l’ensemble du peuple guinéen, tout ce que vous en attendez ! Puisse la Guinée, grâce à lui, se développer et connaître le progrès ! Et, dans ce contexte, que vive et se renforce, de façon sans cesse plus confiante et plus chaleureuse, l’amitié entre la Guinée et la France !





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