Allocution du Président de la République à la mairie de Bordeaux.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à la mairie de Bordeaux.

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Bordeaux, Gironde, le lundi 5 juillet 1999

Monsieur le Maire,

Mesdames, Messieurs les Parlementaires,

Mesdames et Messieurs les Elus

Mesdames et Messieurs,

Je voudrais tout d'abord vous remercier de votre accueil chaleureux dans cette belle ville de Bordeaux. Je suis heureux de passer ces deux jours en Aquitaine, deux jours qui me donneront l'occasion de voir ce que la technologie peut produire de plus audacieux, avec le laser Mégajoul et ce que la tradition peut offrir de plus parfait et de plus performant à Saint-Emilion, qui fête son 800e anniversaire.

Je me réjouis, tout particulièrement, de vous rencontrer, élus, responsables sociaux, économiques, associatifs, et vous tous, qui incarnez Bordeaux et faites vivre cette belle et grande cité. Vous tous, qui contribuez à dessiner son visage d'aujourd'hui, vous tous qui êtes les porteurs de tous ces projets de demain qu'évoquait tout à l'heure, avec passion, Alain JUPPE.

Cher Alain, vous avez, avec l'ensemble de votre équipe municipale, l'ambition de faire d'une cité prestigieuse, complexe, riche d'un patrimoine d'exception et d'une histoire singulière, une ville moderne, vous l'avez dit, douce à vivre pour ses habitants, une ville qui relève avec succès les défis des grandes métropoles d'aujourd'hui.

Je sais combien vous êtes heureux de vous être investi dans cette aventure, fondée sur un lien très fort qui unit tout maire à sa ville. Un lien que Jacques CHABAN-DELMAS, à qui, après vous, je veux dire, ici, mon estime, ma reconnaissance et mon amitié, a incarné avec éclat et passion pendant tant d'années. Un lien qui se noue souvent dans l'histoire personnelle et familiale comme c'est votre cas. Un lien qui s'exprime quand je vous entend parler de Bordeaux, cette cité intellectuelle et frondeuse, tout à la fois ville d'histoire, de culture, de mesure et d'insoumission qui est aussi une vraie ville, dense, gaie, chaleureuse.

Et puis, bien sûr, ce lien se renforce par le travail que toute l'équipe municipale effectue chaque jour, notamment pour dynamiser la ville centre, développer, la solidarité entre tous les quartiers, jouer résolument la carte de l'ouverture au monde comme c'est ici la vocation.

Bordeaux est une ville qui bouge, qui se transforme, qui occupe pleinement sa place de très grande capitale régionale.




En venant en Aquitaine, je sais que je vais ressentir une fois encore et vous l'avez évoqué, la vitalité de notre démocratie locale. Vous avez eu raison de le souligner. Ici comme ailleurs la démocratie locale fourmille de projets. Elle innove. Elle se porte sur les créneaux d'avenir. Elle fait confiance aux citoyens. Elle est toujours en mouvement, rapide, réactive, imaginative.

Il y a là, c'est vrai, des ferments et des exemples de rénovation dont notre vie politique nationale devrait bien s'inspirer.

Dans notre pays, les confrontations partisanes restent en effet trop souvent enfermées dans des controverses du passé.

L'abstentionnisme, le vote blanc, la persistance d'un important vote protestataire que l'on a pu encore observer lors des dernières élections, sont autant de signes du décalage qui existe entre la vie politique et ce qui se passe réellement dans notre société.

Ce décalage a des causes profondes, structurelles, comme on dit aujourd'hui, liées notamment à un système centralisé à l'excès, celui d'un Etat armé d'un puissant appareil administratif, un Etat qui impose trop systématiquement sa loi à la société civile, un Etat qui entend régir dans ses moindres détails le développement de l'activité économique.

C'est en étant ouverts sur toutes celles et tous ceux qui font vivre la démocratie sur le terrain, ces dizaines de milliers d'élus qui vivent et agissent aux côtés de leurs concitoyens, que l'on construira l'avenir de notre pays. C'est ainsi que l'on renouvellera le débat public. C'est vrai que l'on a commencé à la comprendre au début des années 1980, vous l'avez rappelé, Monsieur le Maire. Et c'est ainsi que notre démocratie exprimera le mieux ce mouvement vital qui porte notre société aux devants du XXIe siècle.

Je voudrais qu'évolue un certain mode de pensée : ce n'est pas la société qui doit être dépendante en tout de l'Etat, c'est l'Etat qui doit être au service du développement de la société.

Dans cet esprit il faut libérer toutes les énergies qui sont à l'oeuvre dans notre pays, et pour cela, faire de la démocratie locale le moteur d'une démocratie de participation. Je souhaite que la responsabilité des élus soit renforcée, en même temps que le pouvoir des citoyens.

Je l'ai dit à Rennes, je le redis aujourd'hui, nous devons donner aux collectivités territoriales les moyens de s'engager plus efficacement au service des Français sur tous les fronts où se jouent leur quotidien et leur avenir. Je pense à la sécurité, à l'emploi, à l'éducation, à la solidarité, à la famille. Dans tous ces domaines, les missions de l'Etat demeureront bien sûr, mais chacun sent bien, aujourd'hui, que ce ne sont pas seulement des politiques nationales qui régleront nos difficultés et qui moderniseront notre pays.

La démocratie repose avant tout sur une certaine conception de l'homme, de sa liberté, de sa responsabilité. Elle se justifie aussi par l'efficacité avec laquelle elle permet à chaque individu de réaliser ses aspirations, d'exprimer ses talents, de surmonter les difficultés qu'il rencontre aux différentes étapes de sa vie, de participer effectivement aux décisions qui intéressent la collectivité, en apportant son expérience, ses convictions, la variété de ses savoir-faire. La démocratie doit respirer. Elle doit se renouveler, renouveler ses idées, promouvoir des femmes et des hommes nouveaux, s'ouvrir aux nouvelles générations. Elle doit faire vivre la mixité, riche de promesses pour la transformation de notre organisation sociale. Dans nos assemblées représentatives, elle doit s'élargir à tous, cesser trop souvent d'être l'apanage de catégories protégées.

La démocratie doit aussi assurer un équilibre dynamique et harmonieux entre le fait national et le fait régional auquel les Français sont de plus en plus attachés. Nous sommes d'abord et avant tout Français. Mais l'amour pour notre patrie, et le sentiment très fort d'être membres d'une même communauté nationale ne signifie pas que l'on doive s'amputer d'une part de soi-même, l'attachement à une région, à une province, à une ville, ou au village où plongent nos racines. Loin d'être des réalités contradictoires, ces identités diverses sont indissociables en chacun de nous : elles nous font ce que nous sommes.

Par exemple -pour prendre un sujet d'actualité- nous souhaitons tous, je crois, que vivent et que se développent les langues régionales. Et vous savez que, pour moi, c'est une conviction ancienne et très profonde. Nous devons nous enrichir évidemment de la diversité et de la vivacité de notre patrimoine linguistique qui fait partie de notre patrimoine culturel national. De très nombreuses mesures contenues dans la Charte européenne vont dans ce sens, utilement en ce sens, en particulier dans le domaine de l'enseignement, des médias, de la culture ou de la vie économique, et je souhaite, pour ma part, que ces mesures soient mises en oeuvre dans le cadre efficace d'une loi-programme pour le développement des langues régionales.

Mais faut-il pour autant modifier notre Constitution et prendre le risque de porter atteinte à l'indivisibilité de la République, à l'égalité devant la loi et à l'unicité du peuple français en imposant l'usage des langues régionales dans la vie publique, dans la justice comme dans l'administration, et en conférant des droits spécifiques à des communautés linguistiques organisées ? Je ne le pense pas.

En un mot, je suis pour le plein épanouissement des langues régionales mais sachons le faire dans un esprit de réalisme et d'enrichissement mutuels, sans polémique.

Enfin, notre démocratie doit permettre un débat, fécond et structuré, entre des familles politiques clairement identifiées. Cela suppose que chacune de ces familles soit porteuse d'un projet de société, cohérent et rassembleur. Cela mérite que l'on y investisse du temps, de la capacité d'écoute, de l'imagination, de l'énergie, et ceci bien sûr au-delà des itinéraires personnels. Il s'agit d'assurer la bonne santé de notre démocratie et donc de répondre aux attentes des Français.




J'ajoute et je répète que la bonne santé de notre démocratie et je m'adresse en particulier à tous les élus locaux, repose aussi sur vous, sur votre capacité à comprendre, à fédérer et à libérer les énergies de nos concitoyens, sur votre capacité à faire de la démocratie locale un puissant moteur du renouveau.

Voilà, Chers Amis de Bordeaux et d'Aquitaine, ce que je voulais vous dire ce matin, et qui tient en un seul mot, vitalité. Confiance dans la vitalité de votre ville. Confiance dans la vitalité de votre région. Confiance dans la vitalité d'une France où les Français prennent leurs affaires en main, mènent à bien leurs projets, créent et innovent dans le respect de leur identité, bref, s'expriment, je le répète, dans une démocratie locale moteur du renouveau.

Je sais, et Alain JUPPE l'a dit avec talent tout à l'heure, que vous êtes et que vous continuerez dans cette voie qui est, n'en doutons pas, celle du succès et je vous souhaite bonne chance.





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