Discours du Président de la République lors de la remise des bourses de la vocation promotion Jacques CHIRAC de la Fondation BLEUSTEIN-BLANCHET.

Discours de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, lors de la remise des bourses de la vocation promotion Jacques CHIRAC de la Fondation BLEUSTEIN-BLANCHET.

Imprimer

Théatre Marigny, Paris, le lundi 6 décembre 1999

Madame la Présidente,

Cher Philippe Noiret,

Mesdames, Messieurs,

Chers lauréats,

Je suis heureux, Madame la Présidente, d'être parmi vous ce soir pour adresser mes félicitations les plus chaleureuses à cette promotion 1999 dont j'ai le privilège, grâce à vous, d'être le parrain. C'est un choix auquel j'ai été très sensible, car l'action de la Fondation Marcel Bleustein-Blanchet, les idéaux qui l'inspirent, les ambitions qu'elle s'est assignées, donnent envie, tout simplement, de lui être associé.

Cette année est particulière car elle est marquée par le passage de plusieurs seuils symboliques. D'abord, la Fondation fête ses quarante ans. Quarante ans de générosité, quarante ans de passion au service d'une grande et belle idée. Madame la Présidente, vous avez eu à coeur de poursuivre, avec toute votre énergie et votre ténacité, l'oeuvre si généreuse commencée par votre père. Vous saviez que c'était ainsi que vous seriez le plus fidèle à ce qui le faisait vivre au plus profond de son coeur. Sous votre impulsion, et grâce au dynamisme et à la foi de toute une équipe, les Bourses de la vocation sont devenues une institution et un exemple. Soyez en remerciée.

Cet anniversaire est aussi l'occasion de franchir le cap du millième lauréat. Un millier de jeunes ont bénéficié des Bourses de la vocation. Ils forment un palmarès vivant qui prouve la pertinence des choix effectués par votre jury. Vous en avez donné quelques exemples particulièrement brillants, mais je crois que tous auraient pu être cités de la même façon. Leur réussite professionnelle et leur épanouissement sont, sans aucun doute, le plus bel hommage que pouvait souhaiter Marcel Bleustein-Blanchet.

Il y a enfin, devant nous, cet horizon du millénaire, que nous fêterons dans quelques jours. Au-delà de l'aspect symbolique et de la dimension historique de la date, nous savons que la première décennie de l'an 2000 sera ce que seront nos ambitions et nos projets. Votre enthousiasme, votre volonté, votre envie de réussir sont pour moi, sont pour nous le symbole d'une France qui veut construire son avenir. A l'aube de ce nouveau siècle, c'est, sans aucun doute, la plus encourageante des promesses.





Marcel Bleustein-Blanchet était un inventeur inspiré, un visionnaire, un défricheur de voies nouvelles.

Pratiquant un métier, la publicité, ce que l'on appelait jadis la "réclame", il avait inventé un art, un mouvement, un élan créatif.

Il savait que les produits ne sont rien s'ils n'incarnent pas un concept, s'ils ne suscitent pas l'émotion, l'identification. Il savait que ce sont les idées qui mènent le monde. Il savait que rien n'est plus sérieux que les rêves, car ce sont les rêves d'aujourd'hui qui dessinent le monde de demain.

La Fondation de la vocation a puisé sa source dans ces intuitions, mais surtout dans une immense foi en l'homme, en ce qu'il peut accomplir quand il est soutenu et accompagné.

Parce qu'il avait en lui cette foi, cet humanisme profond, Marcel Bleustein-Blanchet, à une époque où l'on ne pensait pas beaucoup aux jeunes, a décidé d'aider quelques-uns d'entre eux à réaliser ce qu'ils avaient de plus précieux : leur rêve, leur objectif secret, leur envie de créer quelque chose, de faire de leur passion un métier.

Accomplissant sa vocation, il s'est mis au service de leur vocation, en leur apportant un appui matériel, et en les aidant à approfondir leur projet. Il a entraîné dans cette magnifique aventure de grandes entreprises, certaines ont été citées, d'autres sont là aussi. Il a fait appel à des personnalités prestigieuses du monde scientifique ou littéraire, culturel, parce que les jeunes lauréats le méritent, et parce que rien n'est plus important qu'une vocation.

Cette démarche, qui était un pari du coeur et de l'intelligence, était, est toujours exemplaire. D'abord parce qu'elle est tout entière tournée vers l'être humain et les ressources qu'il porte en lui, ressources qui ne demandent qu'à s'épanouir, pour peu qu'on lui en donne la possibilité et les moyens. Ensuite, parce qu'elle constitue un modèle d'action au service des autres. Aider, ce n'est pas seulement assister. C'est plutôt encourager, donner à chacun les moyens de progresser, de s'exprimer, de se réaliser. C'est une belle leçon. Elle consiste tout simplement à faire confiance.





Cette confiance, Mesdames, Messieurs les lauréats, vous avez su l'inspirer. Tous, vous avez accompli des parcours singuliers qui suscitent l'admiration et l'estime et qui ont été reconnus comme tels par un jury de haute qualité.

Ces parcours sont bien entendu très divers et on ne peut qu'être frappé, comme on l'a été en écoutant tout à l'heure le résumé de vos personnalités fait par Philippe Noiret, par la richesse et la variété de vos intérêts professionnels. Médecine, ethnologie, artisanat, psychologie, chimie, botanique, musique, écologie, gestion, dessin et arts plastiques, cirque : à vous seuls, vous couvrez une impressionnante palette de talents et d'activités.

Entre ces secteurs, il y a néanmoins des points communs. D'abord, ils demandent tous une formation longue et spécialisée. Il serait d'ailleurs intéressant de vous comparer aux promotions d'il y a vingt ans. Je suis sûr que ce rapprochement montrerait à quel point de nombreux métiers se sont professionnalisés. Cela signifie que beaucoup d'entre vous ont dû faire preuve de persévérance et de courage, et qu'ils ont consenti d'importants sacrifices. La bourse que vous recevez aujourd'hui est d'abord la reconnaissance d'un travail considérable, d'efforts soutenus, d'une exigence personnelle.

Autre élément remarquable de votre itinéraire : il s'inscrit largement dans un cadre européen, voire international. Italie, Allemagne, Etats-Unis, Canada, Vietnam, Ethiopie, Japon, Cambodge, si j'ai bien entendu Philippe Noiret : on ferait facilement le tour du monde en mettant bout à bout les endroits où vous a conduit votre soif d'apprendre, de créer, ou de venir en aide aux autres.

Ces parcours internationaux sont bien sûr le reflet de la construction européenne et de la mondialisation des échanges. La Fondation Bleustein-Blanchet a pris acte de cette évolution : elle décerne, à compter de cette année, une bourse réservée à un ressortissant de l'Union européenne, des Pays-Bas cette année, si j'ai bien compris.

Mais je vois aussi dans cette mobilité un signe de votre dynamisme, et je ne peux que vous en féliciter. Il est important d'aller chercher les savoir-faire, les entreprises, les emplois là où ils se trouvent. Vous avez compris qu'il ne faut pas hésiter à élargir son horizon géographique, qu'il faut accepter de se déplacer, de bouger, pour concrétiser un projet professionnel solide.

Et puis, et ce n'est pas le moins important, vous avez le souci de partager votre passion, de mettre au service des autres ce que vous avez appris, ce que vous êtes devenus. Beaucoup d'entre vous se préparent à l'enseignement, à l'exercice de professions médicales, à la recherche ou à une activité artistique. Vous voulez faire de votre vocation une profession, mais aussi un engagement, c'est-à-dire un don de vous-mêmes. Cette dimension altruiste est inséparable de l'idée même de vocation. Une vocation n'est jamais égoïste. Elle a le plus souvent une signification sociale, une dimension sociale. Elle a toujours valeur d'exemple.

Cette valeur d'exemple est particulièrement vraie pour ceux d'entre vous qui reçoivent un Prix de l'Espérance. Aujourd'hui, plus que jamais, l'engagement au service des grandes causes humanitaires mobilise notre jeunesse.

Tous, vous avez en commun d'avoir porté un projet avec ténacité et avec courage, d'avoir poursuivi un objectif en dépit de situations difficiles, ou du moins de circonstances a priori peu favorables. Vous auriez pu considérer que les cartes de la vie étaient jouées et que vous n'aviez pas reçu les meilleures. Mais vous ne l'avez pas fait. Vous n'avez pas baissé les bras. Vous avez profité de toutes les occasions qui s'offraient à vous. Surtout, vous avez tout simplement travaillé, travaillé encore, puisant dans votre rêve la force de continuer, d'accepter des sacrifices de toutes sortes, de mener de front études et activité professionnelle. Vous suivez la ligne que vous vous êtes tracée pour devenir ingénieur, luthier, pilote de ligne, styliste, modeleur ou cadre commercial. Au moment où l'actualité est souvent défrayée par ceux qui détruisent, je me réjouis, grâce à la Fondation, que soient à l'honneur des jeunes qui construisent, malgré les obstacles.

Tous également, comme l'ensemble des lauréats de la Fondation, vous avez mesuré l'importance de la formation dans le monde d'aujourd'hui.

La première richesse de notre économie, ce sont en effet les compétences, les connaissances des femmes et des hommes. La création de valeur repose de moins en moins sur les automatismes de la production industrielle. Ce sont aujourd'hui les services, les nouvelles technologies, les métiers à haute valeur ajoutée qui sont les plus créateurs d'emplois et de richesses. Dans ce contexte, les qualifications et les savoir-faire sont essentiels. Il est donc particulièrement important d'assurer à chacun une bonne formation, de l'aider à libérer son potentiel et à trouver sa voie.

Pour répondre à cette exigence, notre système éducatif a beaucoup évolué depuis trente ans. Le nombre des élèves a doublé, celui des étudiants a été multiplié par sept. Il faut maintenant franchir une nouvelle étape pour que la formation soit plus directement tournée vers les métiers d'aujourd'hui. Notre enseignement, et surtout notre enseignement supérieur, est comptable vis-à-vis de la société de ses élèves et de ses étudiants. Ils sont une richesse que l'on ne peut pas gaspiller.

Cela signifie qu'il faut les aider à définir leurs projets. Trop souvent, les choix universitaires sont le fait du hasard et des circonstances. Trop souvent les études se prolongent, non pour accomplir un parcours, mais par désir de différer l'entrée sur le marché du travail, perçu comme hostile et menaçant. Terminer ses études, accéder à la citoyenneté, obtenir un travail, fonder un foyer : ces étapes que l'on franchissait autrefois simultanément ou presque s'étalent aujourd'hui sur une dizaine d'années. Pour de nombreux jeunes Français et Européens, la jeunesse est parfois vécue comme un no man's land social, où il est difficile de trouver ses repères.

Ce besoin d'orientation doit être pris en compte. Trop de jeunes se croient sans avenir, alors qu'ils sont sans objectif. Il est très important qu'ils puissent trouver, à l'école, à l'université, auprès des collectivités locales et des pouvoirs publics l'information et le soutien dont ils ont besoin. Ces structures d'orientation ou de parrainage ont d'ailleurs commencé à se mettre en place dans certaines régions. Elles doivent continuer leur activité, non pas pour sélectionner, mais pour aider chacun à définir le meilleur itinéraire professionnel.

Enfin, il faut sans doute tirer toutes les conséquences de l'allongement de la durée de la scolarité. Cela passe d'abord par des aides financières adaptées à ceux qui poursuivent des études ou qui sont en apprentissage. Cela suppose aussi un soutien particulier pour que les jeunes ne se voient pas refuser certains services comme les logements ou aussi les prêts bancaires. Notre société doit faire confiance à la jeunesse. C'est son devoir mais c'est aussi son intérêt. Vous êtes tous la preuve éclatante que l'on gagne toujours quand on parie sur l'homme.





Madame la Présidente,

Mesdames et Messieurs,

Chers lauréats,

Les Bourses de la vocation de la Fondation Bleustein-Blanchet le montrent clairement : les talents existent nombreux dans notre pays, quand on se donne la peine de les reconnaître. C'est un message essentiel, celui de votre père, Madame, et un message porteur d'espérance.

Vous vous engagez, Mesdames et Messieurs les lauréats, dans une aventure passionnante. Avoir une vocation, c'est devenir le héros de sa propre histoire. C'est partir à la recherche de ce que l'on est et aussi de ce que l'on peut apporter aux autres.

Mes encouragements vous accompagnent dans cette belle entreprise. Je vous félicite pour les succès que vous avez déjà remportés. Je forme des voeux pour l'accomplissement le mieux possible de tous vos projets. Je vous remercie surtout de l'exemple que vous donnez à notre pays et je remercie la Fondation qui vous a permis de vous épanouir ainsi.





.
dépêches AFPD3 rss bottomD4 | Dernière version de cette page : 2005-01-24 | Ecrire au webmestre | Informations légales et éditoriales | Accessibilité