Allocution du Président de la République devant l'assemblée plénière du Conseil supérieur des français de l'étranger.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, devant l'assemblée plénière du Conseil supérieur des Français de l'étranger à l'occasion de son 50e anniversaire.

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Palais de l'Elysée, le lundi 28 septembre 1998

Monsieur le Président du Sénat,

Monsieur le Ministre des Affaires Etrangères, Président du Conseil Supérieur des Français de l’Etranger,

Mesdames et Messieurs les Sénateurs,

Mesdames et Messieurs les délégués au Conseil Supérieur des Français de l’Etranger,

Mesdames et Messieurs,

Avant de m'adresser à vous, à l'occasion du 50e anniversaire du Conseil Supérieur des Français de l'Etranger, chacun comprendra que je veuille évoquer d'un mot les élections qui se sont déroulées hier en Allemagne. Pays qui est le premier partenaire de la France et où réside, d'ailleurs, le plus grand nombre de Français de l'étranger. Je voudrais rappeler que la France fait de la relation franco-allemande renforcée, approfondie, rénovée et de la construction de l'Europe l'un des axes fondamentaux de sa politique. Et je tiens à remercier le Chancelier Helmut KOHL pour le rôle historique qu'il a joué en faveur de la construction européenne. Je suis convaincu que le nouveau Chancelier, M. Gerhard SCHRÖDER, poursuivra dans cette voie et j'aurai d'ailleurs, l'occasion de parler avec lui de tout cela dans quelques jours.

Mais aujourd'hui c'est le Cinquantième anniversaire du Conseil Supérieur.

Parce que nous aimons la France, nous la voulons puissante, reconnue, rayonnante, en un mot présente dans le monde.

Cette ambition, nombreux sont ceux qui la portent. Il y a les responsables politiques, qui défendent les intérêts et l'influence de la nation. Il y a les entrepreneurs, qui conquièrent des parts de marché. Il y a les intellectuels, les créateurs, qui font essaimer la pensée et les oeuvres françaises. Et puis, et c'est peut-être le plus important, il y a les Françaises, les Français qui vivent hors de nos frontières, qui ont accepté l'aventure de l'exil et qui -si j'ose dire- incarnent charnellement la France.

C'est à eux, c'est à vous, que je veux souhaiter la plus chaleureuse des bienvenues à l'occasion du Cinquantième anniversaire du Conseil Supérieur des Français de l'Etranger. A travers vous, c'est à l'ensemble de nos compatriotes installés hors de France que je voudrais m'adresser ce soir en les saluant amicalement.

Je connais les Français de l’Etranger pour les rencontrer lors de chacun de mes voyages. C’est pour moi l’occasion unique de découvrir autrement les pays où ils ont choisi de vivre, de comprendre leurs espoirs, leurs succès mais aussi leurs inquiétudes, leurs difficultés qui sont parfois de véritables épreuves.

C'est l'occasion aussi de les encourager dans la mission qui est la leur et qui est essentielle pour notre pays.

C’est aux Français de l’Etranger qu’il revient de porter l’image de notre pays, sa culture, ses valeurs -la liberté, la paix, une certaine idée de l’homme- et maintenant son ambition économique et commerciale. Dans la grande compétition mondiale, nous voulons une France conquérante, une France qui gagne, une France qui affirme sans cesse sa présence sur de nouveaux marchés. Nous avons les techniques, l’innovation, les savoir-faire du succès. Et nous avons les hommes, dont beaucoup n’hésitent pas à tenter l’aventure et à s’engager corps et âme sur place pour la réussite de leur entreprise et donc de notre pays. Oui, les Français de l’Etranger ont vocation à incarner l'esprit de conquête.

Les rencontrer, c’est saisir de l'intérieur la réalité d’un pays, c’est immédiatement comprendre le terrain. Qui le connaît mieux en effet que celle ou celui qui veut participer à son essor, qui cherche à implanter son entreprise, à développer ses activités, économiques, scientifiques, culturelles, humanitaires ; celui qui veut tout simplement y vivre, scolariser ses enfants, leur assurer la santé, la sécurité, envisager à terme sa retraite, et qui doit, pour cela, nouer le dialogue avec les autorités locales, l’administration, la population, les décideurs économiques ? Oui, vous écouter, c’est prendre en quelque sorte le pouls du monde.

Et je suis toujours frappé par l’attachement profond de nos compatriotes à la France. Cette France que certains n’ont pas vue depuis de longues années mais qui reste toujours là, gravée dans leur coeur. Et à chaque fois, c’est pour moi une grande émotion de les entendre parler de notre patrie, de sentir parfois chez eux le désir de revenir, désir contrarié quand la France ne leur offre pas ce qu’ils en attendent.

Pour cela aussi, nous devons mieux entendre ce que nos compatriotes installés à l’étranger nous disent de notre pays. Certains sont partis parce qu’ils se sentaient à l’étroit chez nous, parce qu'ils supportaient mal certaines pesanteurs ou certains blocages, parce que, pensaient-ils, leur chance était ailleurs. Vous écouter, c’est aussi puiser de nouvelles raisons de faire bouger la France.

C’est dire, Mesdames et Messieurs les représentants des Français de l’Etranger, l’éminente responsabilité qui est la vôtre. Porter le message, la mission, la vision, les attentes de nos compatriotes, conseiller le Gouvernement et les responsables de notre politique étrangère, assurer plus d’équilibre, plus de réciprocité, bref, plus de compréhension dans nos relations avec les autres Etats : voilà votre mission.

Aujourd’hui, le Conseil Supérieur des Français de l’Etranger a cinquante ans. Un demi-siècle d’un travail considérable et de formidables progrès. Je crois pouvoir dire qu’aucun pays n’a fait en faveur de ses ressortissants ce que la France fait pour les siens. Et elle l'a fait grâce à vous et grâce à vos prédécesseurs.

Ainsi, notre réseau consulaire est-il aujourd’hui l’un des plus denses du monde. Ainsi, nos ressortissants jouissent-ils d'une protection et d’une assistance qui sont parmi les meilleurs quelques soient les insuffisances. Ainsi, la trame de nos établissements scolaires à l’étranger est-elle l’une des plus serrées. Notre système de bourses n’a cessé de progresser depuis dix ans. Une Caisse des Français de l’Etranger soutient les efforts de nos ressortissants expatriés. Ainsi, la sécurité de nos compatriotes, notamment dans les régions déchirées par les crises, est-elle une priorité de notre diplomatie. Je tiens à saluer, en notre nom à tous, le travail accompli par les Cellules de veille et de crise du ministère des Affaires Etrangères et, le cas échéant, l’action de nos forces d’intervention pour sortir nos compatriotes de situations parfois tragiques.

Tous ces progrès sont d’abord les vôtres. C’est vous qui en avez eu l’initiative. C’est vous qui veillez à leur suivi.

Qu’il s’agisse de la fiscalité, de la sécurité des personnes, de la protection des biens, de l’assistance aux plus démunis. Qu’il s’agisse de la situation particulière des Français installés dans l’Union européenne et qui représentent la moitié de nos compatriotes expatriés. Qu’il s’agisse enfin du service national, avec la réforme du service de la coopération : il n’est pas un aspect de la vie de nos concitoyens à l’étranger qui ne bénéficie de vos soins vigilants.

Je sais qu’aujourd’hui, deux questions, entre autres, vous préoccupent. La première, c’est la question douloureuse des enfants de couples mixtes séparés. Nous avons le devoir de trouver une solution à ce problème qui pose, en ce qui concerne l'Union européenne, celui de l’harmonisation du droit.

L’autre question est celle d’un mécanisme d’assurance qui prenne en compte la situation difficile de ceux qui, lors des crises, ont tout perdu. Ce serait la meilleure façon d’accompagner et donc d’encourager la prise de risque.

Au fond, un mot justifie à lui seul votre action, c’est celui de solidarité. Cette solidarité qui soude notre communauté nationale et qui doit naturellement s’étendre à tous les nôtres installés au-delà de nos frontières. Une solidarité qui ne laisse aucun Français au bord du chemin.

Et voilà pourquoi, plus que jamais, votre mot d’ordre, notre mot d’ordre, doit être : serrer les rangs.

Serrer les rangs, se rapprocher, maintenir le lien, à l’heure de la mondialisation, c’est être présent sur les grands réseaux de l’information. Dans quelques instants, nous allons ouvrir ensemble le site Internet du Conseil Supérieur des Français de l’Etranger. Un site qui a bénéficié de l'expertise du Sénat. Alors, tous nos compatriotes établis hors de France pourront suivre vos travaux, vos projets, leur réalisation. D’autres sites verront le jour dont l’un consacré notamment à la sécurité des Français à l’étranger. Tous donneront à nos ressortissants les clés d’une expatriation et d’une installation réussie. Tous renforceront la présence de la France aux côtés de nos compatriotes.

Serrer les rangs, c’est mieux travailler ensemble. C’est mieux coordonner l’action de nos institutions de représentation à l’étranger. C’est susciter une nouvelle dynamique. Nous, Français, nous avons à côté de notre réseau diplomatique et consulaire, des Chambres de Commerce entreprenantes ; une forte présence éducative, culturelle, scientifique ; les anciens élèves d’établissements français que nous devons organiser en réseau ; un formidable mouvement associatif qui rassemble et soutient la plupart de nos ressortissants ; d’admirables communautés religieuses sur tous les continents.

Nous devons faire en sorte que toutes ces institutions se rapprochent et avancent d’un même pas pour mieux servir le développement de nos activités à l’étranger.

Serrer les rangs, c’est aussi lutter contre la pauvreté et l’exclusion qui frappent certains de nos compatriotes de l’étranger. C’est un problème qui se pose avec acuité. Souvent, il s’agit de Français par la naissance mais totalement intégrés à leur communauté d’accueil, ayant parfois perdu tout lien avec notre pays et qui ignorent le plus souvent jusqu'aux dispositifs de solidarité mis en place à l’égard de nos expatriés.

L’épreuve est pire encore lorsque le pays de résidence ne leur reconnaît pas la double nationalité. Alors, ces Français se sentent doublement abandonnés, par la France qu’ils ne connaissent pas ou si mal et à laquelle ils n’osent s’adresser, mais aussi par leur pays d’accueil qui ne leur accorde pas la qualité et donc les droits de nationaux. Eh bien, nous devons aller vers eux et renouer le contact. Ce doit être l’une de nos priorités.

Serrer les rangs, c’est précisément n’oublier personne, se rassembler, garder vivace le sentiment d’appartenance à notre nation, avec ses droits et ses devoirs. C’est assurer la participation de chacun à la vie nationale. Ce doit être aujourd’hui l’ambition de notre réseau consulaire quand, dans certains pays, les trois-quarts de nos compatriotes sont absents des listes électorales et des registres d’immatriculation.

Enfin serrer les rangs, c’est entourer, mieux qu’aujourd’hui, nos jeunes, de plus en plus nombreux à se lancer à la conquête du monde. De plus en plus nombreux à parfaire leur formation, à acquérir la maîtrise d’une langue, à enrichir leur expérience et leur cursus, ou tout simplement à saisir les opportunités que leur refuse parfois notre marché du travail.

Avec près de deux millions d’expatriés, qui peut encore parler d’une France frileuse, hexagonale, repliée sur elle-même, réticente aux changements ?

Oui, l’avenir de la France, c’est l’ouverture. On le voit bien dans le domaine économique. Notre pays est l’un des tout premiers exportateurs du monde. Un Français sur quatre travaille pour l’exportation. Ce succès est un combat de chaque instant, et dans ce combat, chacun est le bienvenu, chacun nous apporte son savoir-faire, son expérience, sa connaissance des hommes, des procédures, des mentalités, des caractères de chaque pays. Et les jeunes Français qui, pendant plusieurs années, se seront immergés dans leur société d’accueil, devront nous aider à gagner cette compétition. Ils nous aideront à être les meilleurs.

A nous de garder le contact avec eux et de faire en sorte qu'ils gardent l’amour de la France, qu'ils s’y sentent chez eux, qu'ils aient envie d'y revenir. Ils reviendront si nous savons les accueillir, s’ils peuvent trouver leur place. Et d’abord, si nous savons les entendre, eux et tous les Français qui espèrent des changements, qui espèrent trouver chez nous ce que parfois ils sont allés chercher ailleurs.

Notre pays doit poursuivre sa modernisation. C'est mon ambition et je sais que c'est aussi la vôtre.

Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que je souhaitais vous dire à vous et à tous les Français de l’étranger. La France sait ce qu’elle vous doit. Elle vous aime. Elle vous soutient. Et elle attend que vous l’aidiez à changer.

Je vous remercie.





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