Allocution du Président de la République lors de la réception de la communauté française établie en Suisse.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, lors de la réception de la communauté française établie en Suisse.

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Berne, Suisse, le mercredi 28 octobre 1998

Mes Chers Compatriotes,

Voilà un moment doublement agréable. Agréable parce que nous sommes en Suisse, qui est un pays qui a des liens très forts avec le nôtre. Naturellement, ce n'est pas à vous que j'ai besoin de le dire. Mais qui est un pays agréable, à tous les égards, et où les relations politiques, en particulier, sont agréables. Puis un moment heureux aussi, puisque c'est pour nous l'occasion de saluer nos compatriotes, si nombreux et si actifs dans ce pays.

Je voudrais donc saluer chacune et chacun d'entre vous, le faire en mon nom personnel, naturellement, et au nom de nos Ministres. Je dis au nom de nos Ministres, parce qu'il n'y en a qu'un sur l'estrade, M. le Ministre des Affaires européennes. Le deuxième, le Ministre du Commerce extérieur, est en entretien avec son homologue du Conseil Fédéral, et le troisième, notre Ministre des Affaires étrangères, n'arrivera que dans une heure parce qu'il n'a pas pu se poser à Berne, et qu'il a dû se poser à Zurich, pour des raisons qui tiennent au vent et au climat.

Je voudrais aussi vous saluer de la part de nos parlementaires, que je ne vois pas, M. MEXANDEAU, M. HERISSON et M. UBERSCHLAG -je crois que les parlementaires pourraient, le cas échéant, venir jusqu'ici, s'ils le peuvent-, qui sont les Présidents et un Vice-président des Groupes France-Suisse de l'Assemblée Nationale et du Sénat.

Je voudrais remercier, tout particulièrement, notre Ambassadeur, M. GADAUD, qui a très bien organisé les choses, et saluer aussi les responsables du CSFE.

Alors je suis venu ici à l'invitation du Président de la Confédération pour une visite d'Etat. D'abord je me suis senti très honoré parce que la Suisse ne fait qu'une seule visite d'Etat par an, et c'était heureux que ce soit la France qui soit distinguée cette année. Puis, parce que cela fait très longtemps que cette visite ne s'était pas produite, la dernière date de 1983, année au cours de laquelle mon prédécesseur, M. François MITTERRAND, était venu ici. Si l'on veut remonter à la visite précédente, il faut remonter jusqu'à 1910, avec la visite du Président FALLIERES, ce qui a permis d'ailleurs au Président COTTI, dans un très joli discours plein d'humour et d'intelligence de souligner qu'en réalité, quand on se connaît bien, et que l'on s'aime bien, on a pas besoin de "tralala" particulier pour se le dire, ce qui est vrai, mais enfin, il convient de répondre aux exigences de la diplomatie et de manifester clairement au regard du monde que les liens entre la Suisse et la France sont des liens de solidarité, d'amitié et d'estime.

Nous avons eu, tout à l'heure, une longue séance de travail avec le Président, les Conseillers fédéraux, et la délégation française, et je le disais, à la conférence de presse qui a suivi, une séance de travail agréable. J'ai l'habitude de ces séances, naturellement, où l'on évoque toutes sortes de sujets à partir d'un ordre du jour élaboré à l'avance, mais il est rare que l'on ait des partenaires aussi courtois, aussi peu agressifs et même pas du tout, aussi conviviaux. Et également des partenaires aussi sérieux, qui connaissent parfaitement leurs dossiers, qui savent parfaitement de quoi ils parlent, et qui ont le bon comportement des gens qui sont, en réalité, et à juste titre, sûrs d'eux-mêmes. C'est un moment privilégié dans la vie d'un responsable politique que d'avoir des discussions, des négociations avec des gens aussi sérieux et aussi sages que les Suisses. Donc, un bon moment.

Bien entendu, nous avons souligné tous les problèmes économiques, allant des choses les plus essentielles, jusqu'à d'autres qui le sont aussi, comme le Champagne, mais nous l'avons fait, cela va de soi, dans le meilleur esprit. Et j'ai voulu indiquer que la France n'avait pas du tout, naturellement, l'intention de se désengager de près ou de loin de la Suisse romande, cela va de soi, mais qu'en revanche, elle avait l'intention de développer sa présence, et ses intérêts là où elle est moins représentée, et qui pourtant représente l'essentiel de l'économie de la Suisse, c'est-à-dire en Suisse alémanique et aussi naturellement dans le Tessin, c'était le moins que j'aie pu dire, naturellement, devant le Président COTTI.

Cette profession de foi, j'ai voulu la faire à un moment particulier, qui est la nouvelle perspective dans laquelle s'inscrit l'Europe. Nous sommes à la veille de la mise en oeuvre de l'euro. Nos amis Suisses d'ailleurs s'interrogent, et le dialogue doit être fort, j'ai vu d'ailleurs qu'il était à la fois responsable et très positif. Ceci au moment où l'Europe s'apprête à faire l'élargissement le plus important depuis sa création, puisque ce sont cinq pays qui sont sur le pas de la porte et qui dans les toutes prochaines années seront membres de notre Union européenne. Ce qui suppose d'ailleurs que nos institutions aient été préalablement adaptées à cette croissance. Ce à quoi nous nous employons actuellement.

J'ai voulu, par là-même, dire à nos amis Suisses que d'abord nous avons le plus profond respect pour leur décision. Nous connaissons les habitudes suisses, les modalités de cette démocratie, exemplaire à bien des titres. Par conséquent, il n'est pas question pour nous de faire d'ingérence et de donner des conseils à la Suisse. Mais j'ai voulu dire que la Suisse était au coeur de l'Europe, qu'elle était Europe, et que si son peuple estimait, le moment venu, qu'il devait entrer dans l'Union européenne, eh bien l'ensemble des membres de l'Union et en particulier la France, seraient particulièrement heureux de les accueillir. Et dans cet esprit, la France participe systématiquement à l'appui donné à la Suisse dans les négociations sectorielles qui se déroulent actuellement entre l'Union et la Suisse et qui peuvent être le préalable à une adhésion de la Suisse à l'Union. Cet appui de la France est un appui sur lequel nous ne lésinerons pas, j'ai tenu à le dire aux autorités de ce pays.

Donc, des relations excellentes et je l'ai remarqué, un hommage fort rendu par le Président et par les Conseillers fédéraux qui étaient là à la Communauté française qui, à l'évidence, jouit ici d'estime, de considération et d'amitié. Ce qui ne m'étonne pas. C'est important puisque vous êtes la deuxième communauté française à l'étranger, et je voudrais m'associer à cette reconnaissance qu'exprimaient les autorités fédérales à votre égard.

Je voudrais aussi rendre hommage à tous les Français et les Françaises qui travaillent ici, aux représentants des entreprises, qui sont nombreuses, aux représentants de notre dispositif diplomatique et consulaire, à nos enseignants, à nos coopérants de toute nature, à toutes celles et à tous ceux, dont je ne ferai pas la liste et qui représentent ici la France dans ce qu'elle a de meilleur, de plus dynamique et de plus important pour la défense de la francophonie, pour la défense des valeurs qui sont les nôtres, pour la défense d'une certaine idée d'une Europe pacifique et démocratique, d'une Europe humaine que vous représentez.

D'ailleurs, je dois dire que le nombre, ayant parlé de cela avec notre Ambassadeur, je note que le nombre des binationaux et aussi des conjoints d'étrangers, montre à quel point la communauté française est intégrée dans la société suisse. C'est quelque chose qui est également à souligner, et qui est réconfortant.

Parmi les problèmes que j'ai évoqués, la présence de M. UBERSCHLAG m'empêche de l'oublier ; il y a ce qui concerne les frontaliers qui ont des problèmes ici, et j'ai cru comprendre que dans le cadre des négociations sectorielles qui se développent, une amélioration sensible de leur situation pourrait être obtenue.

J'ai également été frappé par l'importance des chambres de commerce, des Chambres consulaires et le rôle dynamique qu'elles ont ici et je voudrais en particulier remercier la Chambre franco-suisse pour le Commerce et l'Industrie, qui a quelque 750 membres et qui est donc un organisme sur lequel on peut s'appuyer et dont les autorités suisses m'ont dit tout le bien qu'elles en pensaient.

Voilà ce que je suis venu faire ici. Demain j'irai à Zurich, j'aurai l'occasion de rencontrer un certain nombre de chefs d'entreprise, pour essayer d'exprimer la volonté de la France d'être plus présente en Suisse en général, et je le répète en Suisse alémanique et au Tessin en particulier. Nous sommes au coeur d'une Europe qui se construit, et je souhaite que la Suisse d'une façon ou d'une autre, comme il lui conviendra, participe de façon de plus en plus active au destin de cette Europe que tous ensemble nous forgeons.

En terminant, je voudrais répéter ce que j'ai dit au départ, c'est-à-dire les sentiments de reconnaissance, d'estime, de respect et d'amitié que j'éprouve pour chacune et chacun d'entre vous, pour notre communauté française ici, et je vous remercie de ce que vous y faites.

Chers amis, un mot encore. Je voudrais saluer l’amicale présence parmi nous d’un des hommes les plus remarquables de notre siècle, BALTHUS.

Quand j’étais enfant, je lisais régulièrement un hebdomadaire -non je crois que c’était un mensuel-, je crois qu’il s’appelait la sélection du Reader’s Digest, et dans la sélection du Reader’s Digest, il y avait toujours un article très intéressant pour un jeune, que j’étais à l’époque, qui s’appelait " L’homme le plus extraordinaire que j’ai rencontré ". Ah, je vois que M. MEXANDEAU, bien que beaucoup plus jeune que moi, a également lu cela. C’était toujours l’histoire d’un homme ou d’une femme tout à fait exceptionnel, qui avait fait des choses étonnantes, à un titre ou à un autre. Et puis alors, plus tard, j’ai rencontré BALTHUS. J’ai d’abord rencontré son oeuvre, naturellement. Puis j’ai rencontré l’homme, notamment à l’occasion du Prix Impérial japonais qui lui a été remis par l’Association impériale des Arts du Japon, par l’Empereur, et, chaque fois depuis que je pense à lui, et cela m’arrive souvent, notamment en voyant ses oeuvres dans des livres, un peu partout, dans la presse, dans les revues, chaque fois que je pense à lui, et notamment aujourd’hui puisqu’il est ici, je me souviens de cet article " L’homme le plus extraordinaire que j’ai rencontré ", parce que je crois qu’il est en effet l’un des hommes les plus extraordinaires qu’il m’ait été donné de rencontrer. Alors, je voudrais lui dire, au nom de toutes et de tous, lui qui a porté si haut la qualité de notre pays, la peinture de notre continent, en réalité, ou de notre monde, je voudrais lui dire mes sentiments très respectueux, très amicaux, et le remercier d’être aujourd’hui parmi nous. Merci, cher BALTHUS et son épouse, que j’oubliais.





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