Allocution du Président de la République à l'occasion des élections régionales.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion des élections régionales de 1998.

Imprimer

Palais de l'Elysée, le lundi 23 mars 1998

Mes Chers Compatriotes,

Les circonstances actuelles me conduisent à sortir de la réserve qu'exige ma fonction.

Parce que j'ai le sentiment que l'on est en train de perdre le sens des choses.

Parce que j'ai le sentiment que les passions se substituent à la raison.

Parce que j'ai le sentiment que l'on risque d'abîmer la France, ses valeurs, son image.

Garant de la cohésion nationale, je voudrais d'abord rappeler que notre patrie tire sa force, sa grandeur, son unité, des valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité dont elle est porteuse. C'est pour cela que notre pays est respecté dans le monde.

Je voudrais aussi rappeler que la politique, dans une démocratie, c'est l'honnêteté et le respect de l'autre. Que la politique, c'est défendre un idéal, c'est être au service de ses concitoyens. Que la fin ne saurait en aucun cas justifier les moyens. Qu'il faut, en toutes circonstances, un esprit de responsabilité et de vigilance.

À la droite républicaine, je voudrais dire qu'elle peut convaincre sans se renier. Elle a pris des engagements, maintes fois répétés, aux termes desquels elle n'accepterait aucune compromission avec l'extrême-droite. Ses engagements doivent être respectés dans la lettre mais aussi dans l'esprit. Si je tiens à rendre hommage à tous ceux qui ont fait preuve de courage et de clairvoyance, je ne peux que désapprouver celles ou ceux qui ont préféré les jeux politiques à la voix de leur conscience. Cette attitude, même si elle répond à la volonté de faire barrage à l'adversaire, n'est pas digne et elle peut être dangereuse.

À la gauche, je voudrais dire qu'elle devrait être plus mesurée dans ses jugements, plus responsable dans ses critiques, tant il est vrai qu'il est malsain de jeter de l'huile sur le feu. Depuis longtemps, certains n'ont pas hésité à faire le jeu de l'extrême-droite. C'est ainsi que le scrutin proportionnel a été adopté. C'est ainsi que, lors des dernières élections législatives, de nombreux sièges ont été donnés à la gauche par un Front national qui a clairement et délibérément fait battre la droite républicaine au profit de l'actuelle majorité.

Je voudrais enfin dire aux électeurs du Front national qu'ils doivent, eux aussi, mesurer leurs responsabilités. Veulent-ils s'enfermer dans un vote protestataire ? Acceptent-ils le risque de voter pour un parti de nature raciste et xénophobe, ce qui est la réalité actuelle du Front National ? Ou bien veulent-ils appartenir à un mouvement politique incarnant une droite traditionnelle mais respectueux des valeurs de la République ?

Mes Chers Compatriotes, Une loi électorale inadaptée, que tous les responsables politiques de notre pays ont eu le grand tort de ne pas changer, a révélé, un peu plus encore, la confusion des esprits et le manque de convictions et d'ardeur. Cette situation, qui conduit un nombre croissant de Français à se détourner de la vie politique, n'est pas acceptable dans un pays profondément touché par le chômage et l'exclusion et confronté aux choix de l'avenir.

Cessons de donner à notre peuple, de plus en plus critique, et aux étrangers, de plus en plus surpris, le spectacle d'une vie politique plus soumise aux intérêts particuliers qu'aux exigences légitimes des Français et aux intérêts de la France.

Aujourd'hui, le temps est venu de réagir. La France, pays pionnier, pays phare des libertés, doit rester fidèle à son idéal.

Le temps est venu de moderniser notre vie politique et de l'adapter à son époque. Notre vie politique doit être plus proche des citoyens, plus transparente, mieux répondre aux exigences de la morale et de l'efficacité.

Le renouvellement des élus, un nombre accru de femmes dans la vie publique, la réforme de certaines lois électorales, celle des cumuls, la place du référendum local ou national, bien d'autres changements encore s'imposent aujourd'hui.

Sur tous ces sujets, j'entends conduire une grande réflexion. Je recevrai dans les prochaines semaines les responsables des formations politiques républicaines. Je m'entourerai des avis des personnalités les plus qualifiées et je dirai alors ce que je crois bon pour notre pays.

De l'épreuve que traverse notre vie politique, sachons tirer l'énergie, l'imagination et la force pour dessiner le visage de la démocratie française de demain.

Vive la République ! Vive la France !





.
dépêches AFPD3 rss bottomD4 | Dernière version de cette page : 2004-07-27 | Ecrire au webmestre | Informations légales et éditoriales | Accessibilité