Allocution du Président de la République à l'occasion du dîner d'État offert en l'honneur de M. Hosni MOUBARAK, Président d'Égypte.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion du dîner État offert en l'honneur de M. Hosni MOUBARAK, Président d'Égypte.

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Palais de l'Élysée, le lundi 18 mai 1998

Monsieur le Président,

Cher Hosni MOUBARAK,

Chère Madame,

Votre visite est l'un de ces moments qui marquent les mémoires. Pour mon épouse et pour moi, c'est un moment privilégié d'amitié. Et c'est un moment fort dans l'histoire des relations entre nos deux pays. Aujourd'hui, la France rend hommage à l'Egypte, nation amie. Avec vous, elle accueille l'un des grands dirigeants de notre temps qui n'a eu de cesse d'emmener le monde arabe sur la voie de la paix.

Il y a deux ans, j'étais votre invité. Ces moments, que vous-même et vos compatriotes m'avez offerts, je ne les ai pas oubliés. A l'université du Caire, je m'adressais à la jeunesse égyptienne. Je lui parlais de notre fascination, à nous, Français, pour l'Egypte, son histoire prodigieuse, sa civilisation six fois millénaire. L'Egypte, " Mère du monde ", qui veut épouser son temps. Devant une jeunesse qui a les interrogations de son âge, j'évoquais aussi l'influence et les responsabilités de votre pays dans sa région et loin au-delà. Ses responsabilités d'abord au regard de la paix.


Cette paix, au Moyen-Orient, Monsieur le Président, qui est notre horizon, qui est notre obsession. La paix dont nous devons nourrir l'espoir. Bien sûr, pas n'importe quelle paix, pas à n'importe quel prix. Une paix globale et juste. La paix en échange de la terre, dans le respect du peuple palestinien, de son droit à l'auto-détermination, de son aspiration légitime à disposer d'un Etat. Mais aussi la paix en échange de la sécurité, celle d'Israël à laquelle la France est profondément attachée. Il n'y a pas de paix sans sécurité. Mais, il n'y a pas de sécurité sans paix.

Cette paix, nous en connaissons les conditions : le respect des engagements, l'arrêt des implantations et la poursuite des redéploiements. C'est le sens des efforts de la France et de l'Union européenne, en liaison avec les Etats-Unis. C'est le sens des efforts de l'Egypte. Et c'est le sens, Monsieur le Président, de notre Appel pour la paix. Oui, nous ferons tout pour sauver et relancer le processus de paix initié à Oslo et qui est une condition de la stabilité et de l'équilibre de la région mais aussi du monde.

Agir pour la paix, c'est aussi assurer la stabilité de toute votre région, jusqu'au Golfe. C'est lutter contre le terrorisme, comme nous l'avons décidé ensemble, avec les autres " bâtisseurs de la paix " que vous aviez invités à Charm El Cheikh, il y a deux ans. Et l'union face au terrorisme reste plus que jamais une priorité.

Agir pour la paix, c'est réduire les tensions, c'est restaurer la confiance entre voisins. Là encore, l'Egypte et la France travaillent de concert. Elles l'ont fait lors de la récente crise entre l'Irak et les Nations Unies, pour éviter un nouvel affrontement. Elles le font en persuadant Bagdad de poursuivre sa coopération avec la Communauté des nations et en l'aidant à retrouver sa place dans le monde.


Bâtir la paix, c'est bâtir la prospérité, c'est ancrer la solidarité. C'est nouer le partenariat entre nations et entre régions. Nous avons une ambition : réunir les peuples qui se font face de part et d'autre de la Méditerranée, rendre à cette mer, qui est la nôtre, sa fonction historique de forum. Comment, là encore, ne pas voir le rôle de l'Egypte ? L'Egypte au confluent des civilisations et des mondes, l'Egypte où se rejoignent l'Afrique et l'Orient, la Méditerranée et l'Océan indien, l'Egypte où souffle l'Esprit et où se rencontrent les trois traditions d'une même espérance.

Plus qu'aucune autre nation, l'Egypte a la volonté de s'ouvrir. Elle a été, avec la France, l'un des champions du rapprochement entre le monde arabe et l'Europe. La conférence de Barcelone a marqué un moment fort de ce rapprochement. Donnons lui toute son ampleur. Soyons déterminés. Ne nous décourageons pas. La France soutient la conclusion rapide d'un accord entre l'Egypte et l'Union européenne, nous en avons parlé. Elle milite auprès de ses partenaires pour qu'un compromis équilibré soit trouvé.


Ce qui se passe chez vous, les réformes que vous avez entreprises et dont les fruits sont déjà là, sont autant d'invitations à s'engager à vos côtés. Vous avez rendu son dynamisme à votre économie. Vous avez d'ambitieux projets, celui d'une Nouvelle Vallée au Sud, à Tochka, le canal de la Paix dans le Sinaï, les programmes d'aménagement autour du canal de Suez. L'Egypte a pris le chemin de la croissance. Aujourd'hui comme hier, vous pouvez compter sur le soutien de la France.

Entre l'Egypte et la France, c'est une longue histoire, ce sont ces deux siècles de passion qui nous ont réunis, ces " horizons partagés " qui donnent son nom à l'Année France-Egypte et que nous inaugurerons ensemble. Nos savants, nos ingénieurs, nos médecins, nos créateurs ont tissé depuis longtemps la trame serrée de nos affinités.

A partir de demain, et nous en donnerons le coup d'envoi, Paris célèbre " la gloire d'Alexandrie ". Déjà, mes compatriotes découvrent la splendeur des Fatimides à l'Institut du monde arabe. Cet automne, c'est le Caire qui présentera la peinture française " de l'Impressionnisme à la modernité ".

Qui, dès lors, peut s'étonner de voir Egyptiens et Français progresser la main dans la main ? C'est notre partenariat politique pour la paix et pour rapprocher le monde arabe et l'Europe. C'est notre partenariat pour la sécurité et la défense que vous et nous voulons développer. C'est notre partenariat pour répondre aux besoins de plus de soixante millions d'Egyptiens et pour donner à votre pays les infrastructures et les grands équipements qui le feront entrer de plain-pied dans le siècle prochain. C'est notre partenariat à la pointe de la recherche et de la technologie dont témoigne le lancement, il y a trois semaines, à Kourou, du satellite NILESAT.

Monsieur le Président, notre coopération compte de magnifiques réalisations. Je pense notamment au métro du Caire et à l'hôpital Kasr Al Aïni que nous avons inaugurés ensemble. Je pense à d'autres secteurs où la France compte parmi les meilleurs : les télécommunications, l'aménagement portuaire, la production d'électricité, tout ce qui touche à l'eau en milieu rural ou urbain. Et nous avons bien des projets, nous en avons parlé.

Nous sommes d'accord pour aller plus loin, pour inviter nos entrepreneurs à se rencontrer et à travailler davantage encore ensemble.

Enfin, il y a le coeur. Il y a cet élan qui nous pousse l'un vers l'autre. Il y a maintenant ce grand projet d'une université de langue française, ce grand projet porté par des Egyptiens et qui nous a séduits et qui vous a séduits. C'est une belle idée qui progresse et dont je souhaite qu'elle voie bientôt le jour pour rapprocher nos jeunesses et pour cimenter notre amitié. Et il y a de tout temps l'archéologie et les arts qui attirent chez vous tant de Français. Les Français qui ont continué de répondre présents et qui ont été parmi les premiers, au lendemain de l'attentat de Louxor, à redescendre le Nil.

Monsieur le Président, nous nous connaissons depuis plus de vingt ans. Vingt ans qui ont vu grandir notre amitié. Vingt années où nous n'avons cessé de parler ensemble des grandes questions de notre temps. Vingt années où nous avons partagé bien des combats. Et d'abord celui de la paix qui est celui de l'avenir. Vingt années où nous avons poursuivi le même rêve, celui d'un monde meilleur, plus juste et plus humain. Et les choses bougent. Oui, Monsieur le Président, l'amitié déplace les montagnes. La nôtre construit aujourd'hui ce pont sur la Méditerranée que j'évoquais au Caire, devant vos étudiants. Elle peut, j'en ai la certitude, en se joignant à d'autres, sauver la paix au Proche-Orient. Ne relâchons pas notre effort !

C'est fort de cette conviction que je vais maintenant lever mon verre. Je le lève en l'honneur du Président de la République Arabe d'Egypte, mon ami Hosni MOUBARAK, et en l'honneur de son épouse Suzanne, à qui j'adresse mes très respectueux mais aussi mes très affectueux hommages. Je le lève en l'honneur de l'Egypte, grande nation et grand peuple, ami de toujours de la France. Je le lève, Cher Président, en l'honneur de l'amitié entre l'Egypte et la France.





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