Allocution du Président de la République devant la 18e assemblée générale de Gendarmerie, à Beyrouth, Liban.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, devant la 18e assemblée générale de Gendarmerie

Imprimer

Beyrouth, Liban, le dimanche 31 mai 1998

Monsieur le Président de la Municipalité de Beyrouth,

Cher Ami,

Monsieur le Ministre des Affaires Muncipales et rurales,

Messieurs les Ministres,

Monsieur le Président de l’AIMF, mon successeur et Ami,

Amis Libanais et Français, et surtout Très Chers Amis, membres de l'AIMF et les Représentants des Villes qui la composent,

Vous savez combien, comme vous tous, je suis attaché à notre association et à tout ce qu’elle représente. Pour moi, nos rencontres sont des moments de joie. Ils me permettent de retrouver chacune et chacun d'entre vous, d’évoquer ensemble nos souvenirs, et il y en a tout de même beaucoup depuis 19 ans que notre association existe. C’est l’occasion de prendre des nouvelles les uns et les autres de nos familles, de nos amis, de nos pays.

Et puis, c’est aussi l’occasion de mesurer le chemin parcouru d’année en année. Nous pouvons être fiers de ce qu’est devenue notre association depuis notre grand rendez-vous de Québec en 1979, Cher Jean PELLETIER. L’AIMF est maintenant un rouage essentiel, -notre ami Boutros BOUTROS-GHALI le disait dans le message amical qu'il a bien voulu nous adresser et dont nous le remercions-, de notre famille francophone et de notre projet.

Elle n’a cessé de grandir et de s’enraciner. Au terme de notre assemblée générale, nous compterons trois nouveaux membres avec Tirana, Dolisie et Erevan. Bienvenue à ces trois villes, que nous sommes heureux d'accueillir. Désormais, l’AIMF rassemblera 91 métropoles -nous étions une petite quinzaine quand nous avons commencé- représentant 44 pays. Et chaque année, d’autres encore frappent amicalement à notre porte, pour n'en citer qu'une seule, Alexandrie, dont le Président MOUBARAK me rappelait la candidature, il y a quelques jours à Paris. Oui, nous avons fait du chemin depuis nos débuts, où nous n’étions qu’une petite poignée d'amis.

L’AIMF s’est également imposée parmi les grands acteurs de la francophonie dont elle est, depuis le Sommet de Cotonou, l’un des opérateurs directs. Elle est passée de la concertation à la coopération. Elle multiplie les réalisations, elle a de plus en plus de projets. Et ce sont tous nos concitoyens qui en profitent.

Ce succès, vous les maires, vous en êtes les artisans, en y mettant tout votre coeur, en ayant des ambitions pour vos villes et pour notre association, en lui donnant aussi les moyens d’exister et de grandir. Et au premier rang, il y a nos responsables. Je pense à notre ami Jean TIBERI, qui m’a succédé il y a trois ans à la présidence de notre association. Je pense à notre ami, Jean PELLETIER, qui déploie des efforts acharnés et couronnés de succès pour développer les ressources de l'AIMF. Je pense bien sûr à celles et à ceux qui font vivre l’AIMF jour après jour, et d’abord au premier d’entre eux, notre secrétaire permanent, Pierre FIGEAC, et à toute son équipe dont nous connaissons le dévouement et l’efficacité et vous comprendrez que je salue amicalement la présence parmi nous du Maire de Bordeaux, mon ami Alain JUPPE.


L’AIMF, depuis 19 ans, dessine la francophonie que nous voulons : c'est-à-dire une solidarité.

Une solidarité culturelle bien sûr, dans la défense de cette langue française que nous aimons et pour aussi la diversité nécessaire du monde de demain. Ce combat, les francophones le mènent avec d’autres. Depuis quelques années, et fort heureusement, les hispanophones et les lusophones s’organisent à leur tour, amicalement avec nous. Mais ce sont toutes les grandes langues du monde qui doivent s’unir pour donner toute sa richesse à notre avenir. Ce combat c'est celui de l’AIMF car c’est aussi celui des villes. Elles le mènent à travers leur politique culturelle et artistique, leurs actions pour le patrimoine, leurs programmes éducatifs et en ouvrant au plus grand nombre possible les trésors de la culture.

Solidarité économique et sociale, pour permettre à tous les peuples et à tous les hommes et les femmes de prendre le train de la mondialisation, pour offrir à tous, c'est bien notre objectif, même s'il est long et difficile à atteindre, les chances du développement, de la croissance et du mieux-vivre, du respect, de la dignité de la personne humaine. Là encore, l’AIMF a été un pionnier. Ce qu’elle fait, les projets d’infrastructures et d’équipement qu’elle pilote, certes modestement, mais de façon efficace, les programmes de formation qu’elle conduit dans les pays qui en ont besoin, je crois que personne aujourd'hui ne le ferait mieux qu’elle. Parce que c’est à l’échelon municipal, au contact des réalités, à l’écoute de nos concitoyens que l’on répond le mieux à leurs besoins.

Solidarité politique enfin, pour faire valoir dans le monde une certaine idée de l’homme, de sa liberté, de sa dignité, une certaine idée de l’Etat, de la justice et du droit, et une certaine idée des relations entre les nations, fondée sur le droit des peuples, et sur le dialogue des civilisations, des relations qui doivent être orientées toute dans le sens du rétablissement ou du maintien de la paix.

Ce fut, l’hiver dernier, le grand tournant de Hanoï. Je salue, en notre nom à tous, le premier Secrétaire Général de la francophonie, notre ami Boutros BOUTROS-GHALI. Désormais, la francophonie a un visage et une voix, ceux d’un grand diplomate au service de l’Egypte puis au service de la communauté des nations, puis au service de la francophonie.

A ce moment de notre développement, ayant accompli notre réforme politique, nous devons maintenant réfléchir à nos moyens. Nous devons évaluer le réseau de nos opérateurs, mener à bien la rationalisation engagée pour faire mieux avec des ressources hélas en faible augmentation. Nous devons explorer toutes les possibilités de nous associer à d’autres. Nous devons, sur des programmes d’intérêt commun, conjuguer nos moyens avec ceux, par exemple, de l’Union européenne ou des institutions multilatérales de développement.

Mais ce n’est pas seulement une question de moyens. C’est aussi une affaire de volonté, d’énergie, de rassemblement, de capacité à convaincre. La francophonie doit peser de tout son poids dans les enceintes internationales de négociation.

C’est à l’échelle du monde que s’élaborent aujourd’hui les règles sur le commerce, les échanges monétaires, les relations sociales, les transports, la coopération judiciaire et pénale, et tant d’autres normes encore. Ces négociations sont autant de combats où nous devons faire entendre notre voix, affirmer notre vision humaine, politique et sociale.

Voilà, en quelques mots, le projet francophone, notre projet, où l’AIMF a plus que jamais sa place. Parce que de plus en plus de réflexions menées à l’échelle de la planète et de plus en plus de conventions internationales requièrent, pour leur mise en oeuvre, l’intervention des municipalités.

C’est le cas par exemple en matière d’environnement et de développement durable, où les villes jouent un rôle essentiel compte tenu de la croissance et des pollutions urbaines. A Paris, en mars dernier, à la Conférence internationale sur l’eau et le développement durable, organisée sous l’égide des Nations Unies, les villes étaient représentées, et l’AIMF y était.

Ces nouvelles responsabilités pour les villes offrent un nouveau champ d’action pour notre association. Elle doit l’investir avec ambition et avec détermination. Elle doit y faire entendre notre différence.

Et elle doit continuer de mener son combat sur le terrain pour offrir une vie meilleure à nos concitoyens.


Il est hautement symbolique que notre assemblée générale se déroule cette année à Beyrouth. Beyrouth qui renaît de ses cendres. Beyrouth dont les mille chantiers, les mille projets, dessinent nous l'avons vu tout à l'heure sur la maquette exposée, le nouveau visage. Beyrouth, ville martyr, qui longtemps a résonné des explosions et des cris de souffrance et de peur de ses habitants. Beyrouth, aujourd’hui bruyante de la vie et de la paix retrouvées. Beyrouth, où réconciliation et reconstruction progressent du même pas. Beyrouth, qui redevient chaque jour ce qu’elle fut naguère : la cité de l’accueil et qui sera demain, je le sais, la cité du bonheur, l’une des plus souriantes et des plus séduisantes du monde méditerranéen. Beyrouth, qui s’affirme francophone, qui choisit, avec l’appui de votre association, de signaler ses rues en français comme en arabe, qui recevait hier les journalistes arabes francophones, les recteurs et présidents des universités francophones à l’occasion des travaux d’un autre membre de notre famille, l’AUPELF-UREF. Beyrouth, qui nous reçoit aujourd’hui avec générosité et coeur et qui accueillera dans trois ans notre XIXème Sommet de la Francophonie, le premier du nouveau millénaire et le premier dans un pays arabe.

Beyrouth où notre association va débattre de la réhabilitation du centre des villes. Nos travaux prennent une résonance singulière ici, sur cette Place des Martyrs, ravagée par 15 années de guerre, qui n’était plus qu’une plaie béante au coeur de la ville et qui revit aujourd’hui.

Nous, francophones, avons une vision de la ville comme nous avons une vision de la société, comme nous avons une vision de la vie. Au coeur de chacune de ces visions, il y a l’homme, son avenir bien sûr, le développement de ces capacités de vie, mais aussi ses racines.

Parmi les capitales d’Asie, Hanoï, en novembre, nous est apparue comme un joyau où l’on s’attache à sauvegarder le passé, qui est la mémoire d’un peuple, tout en bâtissant la modernité, qui est la chance d’un peuple. Je pourrais évoquer encore d’autres métropoles qui, de Québec à Abidjan, s’efforcent de concilier hier et demain.

Voilà pourquoi, dans notre monde où la pression économique se fait toujours plus forte, où le développement des villes n’obéit pas toujours au rêve de l’homme, vos échanges sont essentiels. Il s’agit de réinventer sans cesse l’art difficile de vivre ensemble. Il s’agit d’aller résolument de l’avant mais en gardant toujours le sens des choses.

Aujourd’hui, les maires sont confrontés à la drogue, à la violence, au crime organisé mais aussi à cette petite délinquance quotidienne qui empoisonne la vie dans la cité. Ils sont confrontés aux grands fléaux du développement urbain : la pression démographique, qui entraîne la pression foncière en même temps que la carence en équipements, la pollution de l’air et de l’eau, le bruit. Plus que jamais, les maires doivent s’entraider, et d’abord échanger leurs expériences.

Mais pour échanger, pour coopérer, pour trouver ensemble les meilleures solutions, ils doivent parler le même langage, partager les mêmes valeurs. C’est cela la francophonie. Et c’est cela l’AIMF : une amitié, une solidarité, une fraternité.

Mes chers amis, je vous souhaite une excellente session de travail, c’est-à-dire un débat amical, ouvert et dont il sortira, comme toujours, des projets qui aideront nos concitoyens dans leur vie de tous les jours. Je remercie du fond du coeur, et en notre nom à tous, nos hôtes, le Président de la municipalité, notre ami Mohamed GHAZIRI, ainsi que notre ami Nicolas EL-AMM qui a été des tous premiers instants de notre association. Je les remercie pour leur hospitalité, dans la grande tradition libanaise. Je voudrais aussi leur dire que ce qui se passe ici, la paix, la réconciliation des Libanais, leur ardeur à rebâtir Beyrouth et tout le Liban, à ne penser qu’à l’avenir, tout cela nous remplit d’une joie immense, d’une grande émotion et d’une grande confiance.

Enfin, je vous redis à toutes et à tous combien je suis heureux de vous revoir. Combien je tiens à ce rendez-vous de notre assemblée générale, qui me permet de retrouver mes vieux amis, mais aussi, et j’en suis heureux, de trouver de nouveaux amis chaque année. A tous, merci de votre amitié et de votre fidélité.





.
dépêches AFPD3 rss bottomD4 | Dernière version de cette page : 2004-07-27 | Ecrire au webmestre | Informations légales et éditoriales | Accessibilité