Allocution du Président de la République lors de la remise de la médaille de la famille française.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, lors de la remise de la médaille de la famille française.

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Palais de l'Élysée, le jeudi 4 juin 1998

Monsieur le Président,

Permettez-moi de vous dire, une fois de plus, toute l'estime que j'ai pour l'institution familiale, pour votre union et pour votre action personnelle à sa tête. Estime que j'adresse également, bien entendu, à vous mêmes, Mesdames et Messieurs, qui êtes aujourd'hui les récipiendaires et parmi lesquels je me réjouis de la présence de certaines de nos compatriotes d'outre-mer.

Vous le savez, Monsieur le Président, c'est chaque année avec beaucoup de plaisir que je rends honneur à la famille, au cours d'une cérémonie qui est en vérité simple et chaleureuse, même sous les ors de l'Élysée et à l'occasion de laquelle la République distingue celles et ceux qui après avoir tant donné d'eux-mêmes à leurs enfants, et souvent à leurs petits enfants, comme vous le rappeliez tout à l'heure, en des termes que j'approuve tout à fait, peuvent regarder avec fierté l'oeuvre de leur vie. La plus forte empreinte personnelle que nous laisserons, ce sont évidemment nos enfants à qui nous donnons la vie, que nous faisons grandir, à qui nous léguons les valeurs auxquelles nous croyons, et que nous continuons bien souvent à accompagner longtemps après qu'ils aient atteint l'âge adulte.

Ce n'est pas diminuer le mérite des familles qui sont représentées aujourd'hui que de dire qu'elles sont, au sens premier du terme, exemplaires.

Les vertus qui vous distinguent peuvent en effet être imitées par des millions de parents, mais elles ne peuvent jamais être exactement reproduites, tant il est vrai que la richesse de la famille, c'est d'abord sa diversité.

Et puis, il faut du temps, du travail, de la fidélité, beaucoup de joies, mais hélas aussi des épreuves et parfois des conflits, pour façonner, fortifier et faire grandir, par la force de l'amour, au prix parfois de lourds sacrifices, les liens puissants et indestructibles qui marquent l'engagement de toute la personne aux côtés des autres membres de la famille.

Aucune autre cellule de la société ne bénéficie d'un tel capital de confiance, aucune autre n'incarne mieux la solidarité humaine, une solidarité qui prend le visage et le nom d'êtres aimés, enfants, frères, soeurs, parents. C'est une solidarité indéfectible, incomparablement plus forte qu'aucune autre, et plus efficace sans doute que toutes les solidarités collectives, aussi indispensables soient-elles. Nous savons tous à quel point nous avons besoin aussi d'une protection sociale efficace contre les aléas de l'existence et vous avez eu raison de le souligner Monsieur le Président. Mais nous savons aussi que la famille - elle le prouve aujourd'hui peut-être plus que jamais - est un formidable rempart contre les difficultés sociales, même si elle peut elle-même être rongée par l'exclusion. C'est alors que les risques d'abandon, de solitude, de dérive sans retour vers les confins extrêmes de notre société sont les plus graves. Et c'est pourquoi l'efficacité de la lutte contre l'exclusion passe d'abord par le renforcement de la cellule familiale.

C'est parce que la République veut distinguer d'authentiques vertus familiales, trempées dans l'expérience de la vie, qu'elle choisit pour les récompenser des familles qui ont déjà fait une longue route. Mais la République est aussi présente au commencement du chemin, le Président le rappelait tout à l'heure, quand elle déclare les époux unis par les liens du mariage. Elle a le devoir non seulement de reconnaître et de défendre la fonction de la famille dans notre société, mais aussi de préserver de tout atteinte le droit qui la fonde, au coeur du code civil, je veux parler du droit du mariage. Il ne faut pas prendre le risque de dénaturer ce droit ni de le banaliser, en mettant sur le même plan d'autres réalités humaines de notre temps, qui conduisent bien loin des valeurs fondatrices de la famille.

Vous avez trouvé des mots justes, Monsieur le Président, pour rappeler la mission d'éducation à la vie, et à la vie en société, qui est celle de la famille. La famille, ce n'est pas le repli sur soi et sur ses proches ; c'est aussi une partie de ce tout qu'est une société.

Vous le savez mieux que personne, les parents ne peuvent pleinement remplir leurs obligations vis-à-vis de leurs enfants sans les initier aux règles de la vie en société, sans leur enseigner la civilité qui fait si souvent défaut aujourd'hui, les repères essentiels, bref et pour reprendre l'expression du Président Brin, leur dire ce qui est permis et ce qui ne l'est pas, et faire d'eux des citoyens à part entière. Ce faisant, les familles s'acquittent aussi d'un devoir vis-à-vis de la communauté nationale. Personne d'autre ne peut le faire à la place des parents, ni l'école, ni la famille, ni la commune, ni la police bien sûr, même si tout est mis en oeuvre pour redonner à l'instruction civique ses lettres de noblesse.

C'est pourquoi les défaillances des parents sont si graves face aux problèmes d'incivilité, de délinquance, de drogue et d'exclusion, qui est la loi de tant de villes et de banlieues aujourd'hui. Il faut inlassablement rappeler aux parents leurs responsabilités, en particulier celle des pères de famille, et créer les conditions nécessaires pour qu'ils puissent les exercer convenablement. Je sais toute l'importance du rôle joué dans ce domaine par les 8 500 associations familiales que compte notre pays et par leurs 150 000 bénévoles. Je veux les en remercier de tout coeur, et je les encourage à poursuivre et à intensifier leur action essentielle. Mais vous avez aussi eu raison, Monsieur le Président, de dire que ce n'est pas en menaçant d'aggraver les difficultés matérielles de parents déjà durement frappés par les accidents de la vie, parfois accablés par les problèmes du chômage, que la collectivité les amènera à prendre en charge leur mission éducative et à assumer leur indispensable fonction d'autorité auprès des jeunes. Le problème est plus profond, plus complexe ; le remède passe par la reconstruction de l'identité des parents. Cela suppose une politique de l'emploi plus attentive aux problèmes des parents chômeurs de longue durée, pour les ramener vers l'activité et leur faire retrouver l'estime de soi sans laquelle ils cessent d'être le modèle qu'ils doivent rester pour leurs propres enfants.

L'UNAF le répète inlassablement, la politique familiale est une politique globale. Je connais vos attentes à l'approche de la conférence annuelle de la famille, que nous avons voulu instituer par la loi. J'espère qu'elles seront entendues. Il y a les prestations, bien sûr, et je partage votre détermination à faire respecter le principe de l'universalité des prestations familiales.

Mais il y a aussi la politique fiscale, l'éducation, le logement, l'accès à la culture qui pose le problème des rythmes scolaires, l'accès aux loisirs.

Et il y a surtout la place des femmes dans le monde du travail, une place qui n'est pas bien reconnue dans notre société, alors que 80 % d'entre elles sont engagées dans un métier, et l'indispensable conciliation entre vie familiale et vie professionnelle. Elle suppose un meilleur accès aux modes de garde d'enfants, à domicile ou en établissement, l'aménagement du congé parental et plus de facilités dans l'organisation du temps de travail.




Cette médaille de la famille française que je vais maintenant vous remettre, Mesdames et Messieurs, vous l'avez, sans aucun doute, bien méritée. Elle témoigne d'un engagement auquel toute votre vie se rapporte. Vous avez bien le droit d'y penser avec fierté et avec émotion ! Et il n'est pas anormal que vous ayez aussi une pensée pour ceux auxquels a manqué d'avoir une famille, et qui en auraient tant eu besoin.

Certains d'entre vous viennent de loin, je salue, et je le répète encore, à nouveau, celles et ceux qui viennent d'outre-mer, et je voudrais les saluer particulièrement, ils apportent à la famille française une fécondité qui pourrait inspirer beaucoup d'autres régions de notre pays ! Voilà encore un bel exemple à méditer !

Alors, au nom de la France, au nom de la République, et avant de vous remettre ces médailles, je vous remercie.





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