Allocution du Président de la République à l'occasion du dîner d'État offert par le Président de Namibie.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion du dîner d'État offert par M. Sam NUJOMA, Président de la République de Namibie.

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Windhoek, Namibie, le jeudi 25 juin 1998

Monsieur le Président,

Notre rendez-vous ce soir, nous l’avions fixé de longue date. Il est des attentions que l’on n’oublie pas. Et je n’oublie pas, Monsieur le Président, que vous avez été le premier chef d’Etat à m’inviter officiellement au lendemain de mon élection à la Présidence de la République. Je n’oublie pas non plus ce que tous les combattants de la liberté vous doivent. Je n'oublie pas enfin ce que les Namibiens doivent aujourd'hui à votre sagesse.

Voilà pourquoi ce moment est l’un de ceux qui comptent. C’est un moment de plaisir et d’amitié, puisque vous et moi nous nous retrouvons dans ce climat de confiance qui préside à chacune de nos rencontres.

C’est un moment d’émotion puisque je reviens en Afrique. Dans cette Afrique que j’aime et que j’ai toujours tant de plaisir à revoir. Et, pour la première fois, en Afrique australe, demeurée de longues années le théâtre de drames nationaux et humains : les luttes pour l’indépendance, les guerres fratricides et le dur combat pour la dignité des hommes.

Récemment, l’Afrique australe a fait la paix avec elle-même. Signe des temps, elle se rassemble : c’est la SADC, née ici même, par la volonté notamment des Namibiens. Voilà pourquoi, Monsieur le Président, je commence chez vous mon voyage en Afrique australe qui est d’abord l’hommage de la France. L’Afrique australe où l’on connaît encore si mal mon pays et les Français. Mes compatriotes souhaitent travailler plus étroitement avec les vôtres, dans tous les domaines. Voilà pourquoi ma visite doit aussi marquer un moment fondateur pour les relations entre nos deux pays.


C’est le sens de l’Histoire. Dans le long et difficile combat de la Namibie pour sa souveraineté, dans le chemin que vous empruntez aujourd’hui, celui d’une nation réconciliée, en paix avec elle-même, la France s’est tenue et se tient, Monsieur le Président, à vos côtés. Ce qui se passe ici, cette vision de l’homme que vous mettez en oeuvre, cette nation que vous bâtissez, tout cela suscite notre admiration et notre confiance.

Les valeurs mêmes que vous faites vivre et grandir chez vous sont aussi les nôtres.

C’est bien sûr la liberté qui est ici le maître-mot. Cette liberté qui est une respiration naturelle de votre vie nationale et qui l’inspire dans tous ses actes, dans toutes ses composantes.

Liberté de la Namibie, si chèrement acquise, au terme de soixante-dix années de revendications et de luttes. Votre hymne national le dit si bien : " Freedom fight we have won ". Ce combat, cette victoire, je suis venu les saluer au nom de la France.

Liberté des Namibiens. Cette année, nous allons célébrer le 50e anniversaire de l’adoption, à Paris, de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme. Ici, les idées et les hommes circulent dans un grand mouvement fait de tolérance et de respect de l’autre. Ici, la liberté n’est pas seulement un mot. C’est une conquête. Solennellement proclamée par votre Constitution, elle est sans cesse mise en pratique partout, dans tous les domaines : liberté d’opinion et d’expression, liberté d’association, liberté de réunion, liberté de la presse. Et, ce qui est essentiel, liberté pour les Namibiens de choisir eux-mêmes leur destin : liberté des élections, pluralité de la représentation politique, acceptation du verdict des urnes. Monsieur le Président, la Namibie n’est encore qu’une toute jeune nation et une toute jeune démocratie, mais une démocratie mûre, fière, exemplaire.

Vous et nous partageons le même souci de l’égalité. Égalité entre tous les hommes sans distinction d’origine, de couleur ou de race. Égalité de tous face au progrès. Égalité en accordant à tous les mêmes chances dans la vie.

Ici, combattre pour l’égalité, c’est faire reculer la pauvreté, c’est rendre la vie plus juste et plus belle, c’est bâtir la solidarité. Ici, les Droits de l’Homme s’appellent aussi droit à la santé, droit à l’éducation, droit à la protection sociale, droit à l’eau et à la nourriture.

La solidarité est au coeur de votre projet. Cette solidarité dont la France est le militant inlassable. Cette solidarité qu’elle met en oeuvre chez elle et qu’elle défend dans le monde. Là encore, Namibiens et Français se rejoignent. Là encore, j’ai tenu, Monsieur le Président, à vous témoigner l’admiration et le soutien de la France.

L’égalité, la justice, c’est aussi le souci du bien commun, c’est le dévouement à la chose publique, c’est la recherche du mieux-être de nos compatriotes, c’est la rigueur et c’est la transparence dans la gestion de nos affaires. Bref, c’est la bonne gouvernance. Vous avez placé l’État au service et à l’écoute de tous. Vous avez enraciné la confiance. Vous avez cimenté la cohésion nationale et posé des fondations solides. Désormais, les Namibiens peuvent aborder l’avenir avec assurance.

Enfin, c’est la fraternité que vous mettez en oeuvre en allant résolument de l’avant, en surmontant les blessures du passé, en bâtissant une seule et même nation, réconciliée avec elle-même. Par clairvoyance, par sagesse, mais aussi par amour de la paix, les rancoeurs se sont tues. Désormais rassemblés, les Namibiens construisent main dans la main un pays moderne.

Liberté, égalité, fraternité, vous le voyez, Monsieur le Président, tout nous rapproche : nos valeurs, notre idéal humaniste. Oui, la Namibie et la France, qui partagent l’essentiel, doivent maintenant partager l’avenir.


Bâtissons une nouvelle relation mais d’abord bâtissons la confiance, apprenons à nous connaître. Nouons un dialogue politique à la mesure de nos ambitions.

Parlons ensemble de la question cruciale de la paix et de la sécurité en Afrique. L’opinion mondiale a été ébranlée par la tragédie qui s’est jouée dans la région des Grands Lacs. L’horreur qui s’y est déchaînée, le massacre des innocents et, en face, les silences de la communauté internationale malgré les appels pressants, notamment de la France, tout cela a profondément heurté les consciences. Aujourd’hui les Africains veulent prendre en mains la sécurité de leur continent. Comment ne pas les comprendre ? La question a beaucoup progressé au cours des derniers mois, chacun apportant sa pierre : pays africains d’abord, avec le soutien de l’Organisation des Nations Unies et de l’Organisation de l’Unité Africaine ; partenaires traditionnels de l’Afrique ensuite, parmi lesquels la France.

La Namibie, si profondément attachée à la paix, s’est engagée dans ce projet qui sera, en novembre prochain, au coeur des discussions, à Paris, du Xxe Sommet Afrique-France. Je me réjouis de vous y accueillir, Monsieur le Président, sachant combien votre pays peut faire progresser le débat.

Parlons ensemble de la question du développement. Je sais combien elle vous touche. Nous sommes d’accord pour penser que, si le commerce et l’investissement privé sont nécessaires, les efforts des populations doivent être aussi soutenus par la communauté des nations grâce à une aide publique maintenue à un niveau suffisant. C’est à ce prix que les plus faibles surmonteront leur handicap. C’est à ce prix que tous les peuples pourront intégrer le commerce mondial et bénéficier alors de la croissance. C’est l’intérêt, bien sûr, des pays où des rattrapages sociaux sont nécessaires, mais c’est aussi le devoir moral des pays les plus riches. C’est le sens du combat inlassable que mène la France sur la scène internationale, du Fonds monétaire international à la Banque mondiale, de l’Union européenne au G8.

Parlons ensemble de la question de l’intégration régionale et de la construction d’un monde multipolaire équilibré, harmonieux et en paix. Vous et nous sommes engagés dans ce mouvement. La France est l’un des grands artisans de l’Europe et la Namibie l’un des grands artisans de la SADC dont j’ai plaisir à saluer ce soir le Secrétaire Général, le Docteur MBUENDE. C’est ici à Windhoek que fut lancée, en août 1990, cette belle aventure, cette grande réussite collective. Monsieur le Président, rapprocher l’Afrique australe et l’Europe, et, au coeur de ces deux ensembles, la Namibie et la France, resserrer nos liens institutionnels, élargir notre partenariat : ce doit être l’une de nos priorités.

Aujourd’hui, c’est aussi par la relation économique que les hommes se découvrent et scellent leur solidarité. J’ai rencontré ce matin les hommes d’affaires de nos deux pays. J’ai la conviction que Namibiens et Français peuvent s’apporter beaucoup dans le domaine économique, les investissements, le commerce, l’équipement et les infrastructures. Je leur ai demandé d’être ambitieux, de donner un élan puissant à notre rapprochement et à notre coopération.

Oui, Namibiens et Français font le même rêve. Un rêve de paix, de justice, de bonheur pour nos peuples et pour tous les hommes. Ce rêve, nous le réalisons chaque jour. Chaque jour, nous devons mener le combat. Nous le mènerons avec plus de force si nous savons nous unir. C’est le sens de ma visite chez vous. C’est pour donner toute sa réalité à notre rêve que je suis venu, Monsieur le Président, vous inviter à explorer ensemble l’avenir.

C’est fort de cet espoir, de cette volonté, de cette confiance, que je vais maintenant lever mon verre. Je le lève en l’honneur du Président de la République de Namibie, mon ami, Son Excellence Samuel NUJOMA et en l’honneur des hautes personnalités namibiennes et françaises qui nous font l’amitié de nous entourer ce soir. Je lève mon verre à la prospérité et au bonheur de la Namibie et de son peuple. A la paix qui progresse chaque jour ici. Je bois enfin à notre amitié.

Vive la Namibie !

Vive la France !

Et vive l’amitié entre nos deux pays !





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